Objectifs, utopies et autres déceptions

Feat Mercedes L. Blanchett

C'était une soirée relativement calme.
Pas de gars à moitié soûls qui vomissaient un peu partout, criaient ou même tentaient de battre le nombre du records de verres vidés avant le coma éthylique ; aujourd'hui apparemment, Clive n'aurait pas à supporter des clients insupportables et capricieux. Il devait être environ neuf heures du soir, si sa montre était bien à l'heure, et tout indiquait que rien ne viendrait troubler sa soirée paisible. Même si la journée qu'il venait de passer n'avait pas été particulièrement épuisante (enfin, sauf si vous comptez 'jouer à la console en attendant les ordres' comme épuisant), il était bien content de ne pas avoir à se fatiguer davantage, d'autant plus que ces quelques derniers jours avaient été très fatigants. L'entraînement qu'il devait donner à Ezekiel en préparation pour ce qui arriverait bientôt était tel qu'il fallait grignoter sur ses heures de sommeil, bien qu'il n'était pas assez stupide pour faire des nuits de moins de sept heures.
En plus de ça, il avait pu jouer tranquillement il y a une dizaine de minutes ; cela lui faisait un bien fou et divertissait les clients, alors pourquoi se priver ? Aujourd'hui, il avait favorisé le piano ; à journée calme, morceau calme. Il pouvait même servir ceux qui désiraient prendre leur repas seul. D'habitude, il aurait dû demander l'aide d'Eliott, mais ce n'était nullement le cas aujourd'hui. Oui, peut-être qu'il savourait un peu trop le fait qu'il n'y ait pas trop de monde, mais pour une fois, il allait pouvoir se reposer un peu et sincèrement, ne pas avoir à supporter des clients insupportables, c'était un vrai plaisir.

C'était lui qui s'occupait du bar, et ce depuis qu'il avait eu l'âge de le faire ; bien qu'il aurait préféré aller en fac d'histoire, il appréciait tout de même la concoction de boissons (alcoolisées ou non) et le simple fait de gérer. Ezekiel était toujours à ses côtés, veillant d'un œil vif et prêt à réagir au moindre problème, bien que vu l'entraînement de son maître en matière de combat au corps à corps, c'était rarement nécessaire.
Il s'amusait (le terme étant ici employé de façon très étendue) à essayer de concocter un 'zombie', c'est-à-dire un cocktail à base de rhum ambré et de rhum blanc ainsi que des fruits. Il hésitait toujours sur la quantité de jus de citron verts, et considérait son bec doseur avec précaution. Puis, après quelques secondes, il soupira et reposa les ingrédients, décidant qu'il essayerait de nouveau plus tard ; il n'avait pas envie de se prendre la tête maintenant.
Il vit Ezekiel relever les yeux, suivant du regard quelque chose qu'il n'avait pas remarqué et il réalisa soudainement que accroupi à fouiller dans le placard réservé à certains ingrédients, il allait avoir du mal à servir les personnes qui viendraient. Il se releva et posa son regard sur la cliente.

« Ah, excusez-moi. Je peux vous aider ? » demanda-t-il calmement.

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Feat Mercedes L. Blanchett

La cliente était une jeune femme aux cheveux roses qu'il n'avait jamais rencontré auparavant (vu sa sociabilité légendaire, ce n'était pas surprenant) et qui paraissait se remettre d'un moment d'émotion quelconque auquel il n'accorda pas énormément d'importance ; s'il devait s’intéresser aux problèmes de tout le monde, alors vu son job, il en aurait pour sept ou huit siècles.
Donc elle voulait qu'il la tutoie. Uh. Ça, c'était un peu dérangeant pour lui qui avait été élevé dans un principe assez strict sur les bases du respect. Sérieusement, allez regarder juste une fois combien d'honorifiques existent en japonais en vous disant que Kagami Donovan était une femme très à cheval sur la politesse et vous aurez une idée du résultat. En gros, il ferait une exception vu qu'elle l'avait demandé, bien que cela le mettait tout de même un peu mal à l'aise.
Donc elle désirait un truc fort, un shooter d'ailleurs (ce qui allait quasiment de même pour la grande majorité des recettes qui existaient) et un Sex on the beach. Facile à préparer, donc tant mieux ; il n'était pas d'humeur à concocter des trucs ayant autant d'ingrédients qu'Azazel avait de problèmes mentaux.

Et ça aurait pu être tout. Simple, efficace, rapide ; tout ce que Clive aimait dans ce job. Sauf que voilà, le commentaire qui arriva à la suite eut l'effet d'un piment fort croqué cru ; les joues du hérisson à poils noirs prirent une quasi-impressionnante teinte rouge. Il manqua de faire tomber son crayon et son calepin, car oui il portait ça depuis le début (vive la magie du RP j'vous dis), mais se rattrapa rapidement en tentant de chasser le rose qui lui montait aux joues. Pour l'amour d'Arceus, il avait vécu pire comme situation embarrassante ! Sauf que voilà, Clive ayant des capacités sociales relativement discutables, il ne savait pas comment gérer les compliments du tout. Ou même toutes les situations gênantes ; il n'arrivait pas encore à se débarrasser du souvenir de la fois où, il y a bientôt six ans, Isaac l'avait traîné dans un stripclub 'parce qu'il avait un bâton coincé dans la zone inférieure' pour reprendre ses termes poliment.

« Ah, euhm, merci... Je m'en occupe tout de suite. » balbutia-t-il en détournant le regard.

Il retourna rapidement au comptoir, déjà bien gêné. Il s'enfuyait ? Ouais, totalement. Quand je vous dis que les hérissons sont insupportables. Solution favorite des Donovans devant un danger : s'il n'est pas gérable, courrez et priez pour que la ressemblance avec Sonic ne se limite pas à la chevelure. Enfin bref. Il avait un shooter à préparer.
B-52 ? Trop classique et qui contrasterait peut-être un peu trop avec ce qu'elle avait commandé pour la suite. Alien brain hemorrhage (on vous laissera faire la traduction) ? Un peu risqué vu que l'apparence de la boisson (je vous laisse imaginer ou faire des recherches sur google) ne plaisait pas à tout le monde, voir avait tendance à dégoûter les plus sensibles. Une 'bombe de bastille' ? … Ouais, non, vu le contexte actuel, cela aurait probablement été une très mauvaise idée et il n'avait pas envie de provoquer un accident, aussi minime soit-il. Si cela avait un cocktail normal, il aurait probablement concocté sa version de la Tequila Sunrise, mais il avait une recette de shooter en tête, alors autant la faire. Azazel, son cobaye favori en matière d'alcool (pour le soûler, il ne fallait pas y aller avec le dos de la cuillère, ce qui faisait de lui un très bon sujet d'expérience puisqu'il ne s'écroulait pas avant le troisième shoot), lui avait même assuré que le résultat était sympathique bien qu'un peu fort côté alcool. D'un côté, venant d'un type qui était capable de vider une bouteille de scotch des highlands en une demie-heure avant de dire que c'était « léger », l'argument était massif.

Après une bonne minute passée à réfléchir, il supposa qu'il pouvait bien concocter un mad dog, vu que la cliente avait demandé quelque chose de fort ; ce truc était tellement puissant qu'il était préférable de ne pas mettre qu'une goutte de tabasco en général. En gros, c'était le truc dont il ne fallait pas abuser et qu'il ne donnait pas plus de deux fois en une soirée ; ramasser des clients par terre, ce n'était vraiment pas son truc et il y avait eu sa dose de ramassage de vomi en élevant Felix et Eliott durant son adolescence, merci bien.
Il lui fallut à peu près six minutes pour préparer les deux boissons (le Sex on the beach étant un classique et l'autre étant composé de trois ingrédients, ce fut rapide). Ezekiel continuait de le suivre du regard, pas inquiet mais néanmoins toujours sur ses gardes. Lorsqu'elles furent prêtes, il alla porter les deux verres à destination.
Sa gêne de tout à l'heure avait disparue, bien qu'il était toutefois encore un peu mal à l'aise ; au moins, ses joues n'avaient plus la couleur de la partie supérieure d'un Voltorbe.

« Voilà ; un mad dog et le Sex on the beach. Pour le premier, c'est un mix de vodka, de sirop de framboise avec un peu de tabasco, donc un truc assez fort. »

Il lui offrit son habituel sourire de serveur sympathique ; pas lumineux ni puant l'hypocrisie, mais celui qu'il devait donner à tous ses clients sous peine de se faire tirer les oreilles. Nous ne ferons pas l'offense de préciser le nom de la patronne qui lui aurait tiré les oreilles sachant que cela aurait probablement été très humiliant pour Clive, et qu'il va déjà être suffisamment gêné dans tout ce topic.

« Il vous, enfin te, faudra quelque chose d'autre ? »

Le tutoiement, ça promettait d'être compliqué, mais il allait essayer.

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Feat Mercedes L. Blanchett

Un clin d’œil suivi d'un petit commentaire jovial sur le fait qu'il avait apparemment bien choisi vu que la framboise était un fruit qu'elle appréciait. Uh. Clive ne savait pas si c'était juste une remarque faite pour continuer la conversation ou une simple observation amusée ; en tous cas, il n'allait pas chercher trop longtemps, sachant que cela aurait été inutile. Il se contenta d'esquisser un sourire minimaliste, qui était juste là pour montrer qu'il l'avait bien entendu.
Elle vida son verre d'un coup et vu la tête qu'elle fit, Clive en conclut que oui, elle avait dû remarquer le shooter était assez fort, voir même carrément brûlant pour tout le monde. Ou en tous cas ceux qu'il avait vu ; il existait bien des gens qui pouvaient manger des piments crus, alors il n'allait pas faire de suppositions quant aux capacités de la majeure partie de la population comme ça. Devant le rire et l'exclamation de la cliente (quoique un peu atypique certes), un sourire amusé naquit sur ses lèvres, discret mais pas pour autant moins présent ; un peu de bonne humeur ne faisait décidément pas de mal, surtout sur cette île où la consommation de prozac devait être en pleine explosion. Enfin bref. Il hocha de la tête devant sa question, se demandant comment un Kadabra allait bien boire un verre de lait, tiens ; il avait vu une Absol manger des pastèques alors bon, un peu d'ouverture d'esprit ne lui ferait pas de mal.

Alors qu'il était parti chercher la bouteille de lait (celle en verre qu'il utilisait pour différentes sortes de cafés et pour ceux qui aimaient un peu de lait dans leur thé), un homme qu'il identifia comme un peu plus âgé que lui, bien qu'il aurait été capable de supposer un âge exact, avait abordé la cliente. Il paraissait vouloir payer pour elle, mais Clive fronça les sourcils, se demandant si cela serait accepté par la jeune femme aux cheveux roses ; et apparemment, vu ce qui suivit, il avait eu raison de se méfier. Il soupira discrètement ; bordel, et lui qui pensait que ça allait être une soirée tranquille ! Il les connaissait, les lourds de service qui arrivaient pour draguer sans aucune compréhension du simple mot qu'était « non ».  
Insistant en plus, le type. Et pas franchement malin vu qu'il venait de parler du premier janvier ; sérieusement, cette date, c'était un peu le gros tabou du moment, et même s'il n'avait absolument aucun tact, il savait qu'il y avait des sujets à éviter. Plus précieusement, à éviter comme on éviterait un champ de mines si cela pouvait vous servir d'exemple correct.

Maintenant, voilà qu'il proposait un combat avec des conditions. Clive fronça les sourcils, sentant l'agacement naître chez lui entendant ça ; est-ce que cet idiot était si désespéré et stupide qu'il revenait à vouloir se battre pour avoir une chance, quand d'ailleurs la jeune femme avait déjà clairement refusé ? Son regard toutefois toujours neutre, il observa la scène sans bouger, supposant qu'il finirait bien par arrêter et de toute façon, il interviendrait si néces-...
Bon, eh bien apparemment c'était nécessaire.
N'allez pas vous trompez, ce n'était pas par affection pour la cliente qu'il faisait cela, mais surtout parce que déranger les autres clients, c'était un gros non dans l'établissement.

« Il me semble que mademoiselle vous a dit non, si mes oreilles ne me font pas défaut. » dit-il d'un ton qui se faisait de plus en plus acide au fur à mesure de ses mots.

Ce n'était pas qu'il était un peu sur les nerfs ces temps-ci, mais si. Le stress l'influençait de plus en plus alors que la date fatidique approchait. Il posa ses yeux sur l'homme, n'hésitant pas à lui offrir son regard le plus noir et le plus menaçant possible. Il faisait certes un mètre soixante-sept et un peu moins de soixante kilos, mais il avait déjà mis des hommes aussi grands et musclés que ça à terre, vivants ou non. De plus, Ezekiel, réveillé par le bruit et interpellé par le ton qu'avait employé son maître, commençait à grogner en direction du client perturbateur. Toutefois, le chien des enfers n'attaquerait pas sans ordre direct, et se tairait à la seconde même où Clive lui demanderait de le faire.

« Maintenant, il est préférable que vous abandonniez, ou je serais chagriné de devoir vous raccompagner à la porte. 'Non' veut dire 'non' aux dernières nouvelles. » conclut-il, sa voix se faisant maintenant ferme et tranchante.

Même si son ton était posé et non explosif, toute sa posture et sa gestuelle montrait une confiance totale en lui-même qui prouvait qu'il n'hésiterait pas à mettre sa menace à exécution. Il finit par faire glisser le Sex on the beach devant la cliente, comme s'il n'avait rien dit. Ses yeux retombèrent ensuite sur l'homme, attendant patiemment une réaction, alerte et prêt à réagir. Ezekiel lui-même ne paraissait attendre qu'un mot pour faire comprendre le sens de l'expression « se faire mordre le cul » à cet impoli.

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Feat Mercedes L. Blanchett

Bon, apparemment, c'était foutu pour que le conflit se calme et basta, vu que la cliente accepta le défi de l'homme à condition qu'il lâche l'affaire en cas de défaite. Clive soupira ; bordel de merde, et lui qui aurait espéré un peu de calme... Sans un mot, il les suivit, faisant par ailleurs signe à sa mère qu'il contrôlait la situation lorsqu'il la vit jeter un coup d’œil inquiet aux deux adversaires (pour l'explication, il y avait une petite porte au fond du bar qui menait à la cuisine où elle était en train de travailler). Heureusement qu'il y avait ce terrain à l'arrière pour les combats, tiens ; c'était celui qui avait été mis en place par ses parents lorsque ceux-ci comprirent que leurs fils aînés ne cesseraient pas de sitôt de se combattre dès qu'ils en auraient l'occasion. Ezekiel le suivait en silence, ayant cessé de grogner, ce qui était quelque peu étrange, mais il supposa que le fait de pouvoir témoigner d'un combat l’intéressait suffisamment pour qu'il cesse de faire un tel tapage.
Visiblement, les deux étaient bien entraînés ; Méganium, Tauros, Luxray et Steelix n'étaient pas des pokémon que l'on voyait tous les jours, bien qu'il n'était pas si impressionné que ça. Il s'appuya sur un pan de mur au loin pour observer, et en grande partie parce qu'il devait s'assurer que rien ne tourne au vinaigre. Certes, vous me direz qu'il n'aurait rien pu faire seul, mais il aurait suffi d'un seul signe pour faire débarquer sa mère et par conséquent, son équipe. Sincèrement, même si Kagami Donovan était une femme douce et aimante, Clive plaignait quiconque s'attirait sa rage ; il en avait suffisamment témoigné pour savoir que la seule échappatoire dans ce cas était une fuite rapide et immédiate. Elle s'occuperait du bar en son absence.

Très sincèrement, le combat fut ridiculement rapide, tellement que Clive ne pu s'empêcher de glousser, un petit sourire amusé sur ses lèvres ; c'était peut-être l'équivalent du qui-a-la-plus-grosse sauf que c'était avec des pokémon, mais en tous cas, c'était efficace. Le vaincu quitta les lieux rapido presto, ce qui arrangeait considérablement le hérisson à poils noirs ; un problème à enlever sur sa liste.
Il s'apprêtait à repartir car tout de même, il était supposé bosser, mais la jeune femme aux cheveux roses l'arrêta pour lui demander s'il désirait lui aussi la combattre. Ses joues rougirent pendant un dixième de seconde en entendant le petit surnom qu'elle lui avait donné, mais son expression devint vite désabusée. Il se retourna, haussant les sourcils, son visage expriment clairement qu'il était quelque peu blasé par le ridicule de la situation.
En même temps, cette proposition l'avait un peu offusqué ; le mettait-elle vraiment dans le même panier que le type qui venait de se faire humilier ? Sérieusement, il savait qu'il n'était pas le meilleur exemple du monde (et ça c'était un putain d'euphémisme), mais ça, c'était une atteinte à sa fierté. N'allez pas comprendre qu'il avait peur de perdre, loin de là ; il avait depuis longtemps dépassé l'âge où il s’intéressait un peu trop au concept de victoire et de défaite.

« Non merci. Le combat, ce n'est pas mon truc et j'ai... »

Il s'arrêta lorsqu'il sentit une légère pression au niveau de ses jambes. En baissant la tête, il constata que son Démolosse le regardait avec insistance, ses yeux brûlant d'une flamme de détermination que Clive ne connaissait que trop bien. Le brun soupira, portant une main dans ses cheveux ébouriffés pour se décharger de l'agacement que la requête prononcée de son pokémon provoquait chez lui. De un, il n'avait pas envie de se battre, tout simplement. De deux... Zeke surestimait considérablement sa propre force ; même s'il avait évolué il y a peu, il avait encore d'énormes problèmes de contrôle, de mouvement et par dessus tout, de réflexion. Il était bien trop impulsif. Ce n'était pas pour rien que Dalhia lui collait une raclée à chaque fois qu'ils s'opposaient, bien que la dernière fois que cela était arrivé, Ezekiel n'était qu'un petit Malosse.
Il fut tenté de répondre non et de le ramener dans sa pokéball pour mettre fin à cette histoire. Néanmoins, une idée germa dans sa tête et sa moue se fit moqueuse envers le chien des enfers.

« Si tu veux essayer, fais-toi plaisir, Zeke. Néanmoins, tu comprendras que je ne t'accompagnerai pas, vu que tu es le seul à vouloir te battre, hn ? »

Sa voix n'était pas vide d'amusement. Son rictus ne fit que s'élargir lorsqu'il constata que sa provocation avait bien fonctionné ; le Démolosse, en entendant ces paroles qui frôlaient presque avec de la condescendance, ne désirait maintenant plus que combattre. Il n'était pas cruel, comprenez-bien, et ne trouvait pas d'amusement à envoyer son pokémon se faire humilier, mais c'était une très bonne façon de lui donner une leçon qu'il n'oublierait pas de si tôt. L'impulsivité et l’ego trop facilement touché du Démolosse devenait un problème ; une petite leçon d'humilité ne lui ferait vraiment aucun mal.
Clive hocha la tête, signe qu'il acceptait. Ezekiel se gonfla d'orgueil et fit naître quelques petites flammes de son museau (rien de bien impressionnant vu qu'il n'avait toujours pas appris Lance-Flamme, ce qui rendait ça encore plus amusant) pour signifier son impatience. Le brun leva les yeux au ciel et soupira.

« Si tu veux t'amuser, je te laisse mon Démolosse, il n'attend que ça apparemment. Néanmoins, pas de deal de mon côté, je ne suis pas assez immonde pour ça.  »

Il s'étira finalement avant de bâiller un peu. Ouais, il était beaucoup moins gêné que tout à l'heure d'un coup, probablement parce que l'idée de calmer un peu l'ego démesuré d'Ezekiel était quelque chose qu'il voulait voir arriver depuis longtemps.

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Feat Mercedes L. Blanchett

Il faut dire que Clive a grandi entouré par deux personnes qui n'ont jamais été et qui ne sont toujours pas des modèles de bonne conduite. Dire que Faust et Isaac étaient tout aussi coincés que lui, c'était mentir tellement fortement que même en ne s'appelant pas Pinocchio, le risque d'avoir une soudaine poussée de nez était élevé. En fait, on pourrait carrément dire qu'il avait été le Hermione Granger du trio, ou en tous cas l'équivalent masculin. Alors question coinçage en fait, il avait appris à supporter les comportements trop extravagant  des autres sans pour autant avoir à changer ; apprendre à supporter les conneries des adolescents que furent Isaac et Faust, ce fut une expérience tout à fait particulière. Ainsi, même si entendre les gens s'adresser à lui en l'aguichant le gênait énormément, il mettait sa gêne de côté et supportait les autres détails embarrassants comme la nudité (plus ou moins subite), les termes crus et les descriptions de scènes pour le moins originales de Faust lorsqu'il était complètement bourré. Alors oui, il était peut-être un peu coincé, mais il avait quand même un sens de l'humour, bien qu'il lui était difficile de le ramener à la surface quand il était mortifié.
Il offrit un sourire gêné à la jeune femme lorsque celle-ci lui en réclama un. Oui, peut-être que sa tête pouvait faire croire que le problème venait d'elle, alors qu'en fait il venait majoritairement de son agacement face à la puérilité du comportement dont il venait de témoigner. C'était son naturel de ne pas savoir comment se comporter en situation de sociabilité, ou simplement de remarquer quand sa froideur pouvait agacer, vexer voir même blesser. Faust lui avait de nombreuses fois la morale sur le fait qu'il devait faire des efforts lorsque quelqu'un essayait de discuter avec lui, alors il allait le faire. Après tout, ce n'était pas comme s'il avait quelque chose à craindre ; la jeune femme n'avait pas l'air si insistante !

Et voilà qu'elle dansait avec son Steelix. L'expression de Clive montrait une certaine... Confusion, pour tout dire quant au comportement de la jeune femme et de son pokémon, bien que cette bonne humeur ambiante fit naître un sourire sur ses lèvres. Sourire qui disparut aussitôt lorsqu'une culotte rentra dans son son champ de vision. Ses joues rosirent un peu, et il détourna les yeux, trouvant soudainement les environs très intéressants. Ezekiel observait en silence, attendant toujours le combat avec impatience. Toutefois, Clive doutait vraiment de la réussite du Démolosse ; Ezekiel était bien trop inexpérimenté pour avoir la moindre chance.
Se joindre à eux ? L'idée pouvait avoir ses avantages, mais le hérisson aurait préféré retourner au boulot plutôt que glander, et surtout parce que satisfaire Ezekiel en acceptant cette crise d'ego ne le tentait pas énormément.

« C'est gentil de votre... De ta part, mais disons que je préfère observer, ce sera utile pour l'entraînement. »

Le Démolosse lui répondit par un regard mi-agacé, mi-amusé. Oui, parce qu'il avait bien remarqué la petite taquinerie posée ici à son encontre ; Ezekiel était naïf mais pas stupide, et se rendait bien compte que son maître doutait fortement de sa victoire.

« … Et de toute façon, il est probable que Zeke soit trop têtu pour m'écouter. »

Ça oui, il l'était. Clive lui jeta un coup d’œil rapide. Un léger filet de gaz violet s'échappait de la gueule du Démolosse, rien de bien massif pour l'instant, mais cela prouvait bien qu'il préparait une attaque Puredpois, ce qui était logique vu que le chien des enfers ne maîtrisait que quelques attaques. Les grognements rauques et puissants d'Ezekiel ne cessaient de monter en intensité, et le hérisson à poils noirs haussa les sourcils, une moue amusée sur son visage ; Grondement, vraiment ? C'était un choix discutable si l'on considérait que l'autre pouvait très bien utiliser une attaque à distance, d'autant plus que les Luxrays étaient des pokémon avec une force brute considérable. Clive soupira ; vraiment, il se demandait si le Démolosse tiendrait même une demie-minute.
… Bah, peut-être que ce combat pourrait le divertir, après tout ?

Objectifs, utopies et autres déceptions

Feat Mercedes L. Blanchett

La liste des choses qui mettent Clive dans une colère noire est très réduite ; il faut savoir qu’avec le temps et surtout sa patience plus que grande envers les conneries de ses connaissances, il a appris à maîtriser tout l’agacement que peuvent provoquer les autres chez lui. Ainsi, même s’il a parfois envie d’apprendre la politesse à Azazel avec quelques coups et une bonne dizaine d’heures à nettoyer les chiottes de l’infirmerie, il arrive encore à se contrôler, bien que l’envie se faisait pressante ces temps-ci.
L’une des choses qui rentre dans la catégorie des petits trucs qui peuvent l’énerver en moins de temps qu’il en faut pour dire ‘oups’, c’est de le juger. Il avait tune haine inépuisable pour les personnes qui lui faisaient la morale en gros, et ce depuis un bon bout de temps. Clive est un peu comme un élément chimique qui n’explose que lorsqu’il n’est mis en contact avec certains autres éléments particuliers et suffisamment bien dissimulés pour que personne ne les trouve et que la réaction n'arrive jamais. C’est pour ça qu’il ne le mentionne jamais, et pour cela que ses petits frères ont la présence d’esprit de ne pas le mentionner en sa présence sous peine de voir leur aîné être d’une humeur massacrante pour le reste de la journée.

Le petit détail intéressant dans tout ça, et qui relie tout ce qui a été dit précédemment, c’est que le lien qui unit Clive et Ezekiel est un de ces fameux points qu’il ne faut pas juger sous peine d’appuyer assez fortement sur ses nerfs. Ainsi, lorsque la jeune femme se permit cette remarque, on pouvait presque entendre la porte qui, dans l’esprit de Clive, avait commencé à s’ouvrir parce qu’il levait doucement et progressivement ses barrières se refermer violemment. Son expression se vida de toute trace d’amusement, redevenant aussi glaciale et neutre que s’il parlait à quelqu’un qu’il ne connaissait ni de Mew ni d’Arceus. Pendant un instant, il avait espéré croire que sociabiliser un peu aurait pu avoir des conséquences positives pour une fois, qu’il n’aurait pas, comme à chaque fois, été déçu, mais il fallait croire qu’il avait eu tort. Encore une raison supplémentaire pour le persuader de ne jamais faire confiance aux autres, ou même de se laisser les apprécier.
Certes, Ezekiel et lui n’avaient pas une relation que l’on jugerait habituelle vu la nature de leur lien ; ils en avaient tout les deux conscience, soyez rassurés. En fait, la confiance que l’un accordait à l’autre venait tout simplement du temps, des expériences et de beaucoup de disputes avant qu’Ezekiel ne lui ait donné sa confiance et son obéissance complète. Alors bien sûr, la façon dont Clive le traitait pouvait paraître rude, et c’était parce qu’elle l'était ; le Démolosse n’aurait jamais supporté de devoir écouter un dresseur incapable de la moindre autorité. Il n’y avait aucune méchanceté entre les deux, bien au contraire. Et il fallait savoir une chose : Clive désirait vraiment que Zeke arrive à se battre seul, sans son aide.
Pour quelle raison, me demanderez-vous ? Pour le simple fait qu’un jour, il ne serait plus là. Parce qu’un jour, il ne rentrera pas, que ce soit parce qu’il aura pris un coup fatal et décisif, ou tout simplement parce qu’il n’en aura plus l’occasion. Il avait besoin de quelqu’un pour protéger sa famille le jour où il ne serait plus là, alors Zeke devait apprendre à pouvoir se battre sans lui.
Il fronça les sourcils et siffla presque sa réponse avec acidité.

« Et bien sûr, c’est en nous ayant vu pendant moins d’une heure que vous pouvez vous permettre de juger le lien que j’ai avec lui. Ravi de voir que la simple présence d’esprit de ne pas vomir des jugements faits à l’arrache n’existe pas chez tout le monde. »

Le vouvoiement était revenu ; pas besoin de vous faire un dessin quant à la raison.
Oui, il était vexé. Vexé et un peu blessé aussi, et heureusement qu’Ezekiel ne leur payait pas attention ou alors il aurait probablement été également de très mauvaise humeur. Déjà que Clive était sur les nerfs ces temps-ci avec ce qui se présageait et la (petite) possibilité de mourir très bientôt, alors là, c’était le pompom. Si elle n’avait pas mentionné Faust, peut-être qu’il aurait sûrement oublié cette remarque et l’aurait laissé passer en se disant qu’il ne s’agissait que de paroles en l’air.

« Le seul qui puisse se permettre de faire des reproches quant à mon comportement envers Démolosse est le Démolosse en question, et il ne se gêne pas de le faire. Ce n’est pas que je ne veux pas me battre avec lui, c’est surtout qu’il en a besoin. »

Parce que oui, même s’il se contient, l’entendre prononcer le nom de son jumeau est un coup assez violent. Aussi violent que ceux qu’il allait probablement subir dans peu de temps de la part du jumeau en question si tout se déroulait comme il l’avait prévu.  Clive grinça des dents, tentant de retenir le flot d’émotions houleuses, contradictoires et pour la plupart douloureuses qui voulait s’élever contre lui pour le faire tomber à terre. Bordel de merde, et lui qui croyait que cette soirée serait supportable… Il fallait croire que ce n’était pas possible, et qu’il était condamné à ce qu’on le mette de mauvaise humeur. Et encore une raison de plus pour rester renfermé et ne pas donner leur chance aux gens.

« Il l’oublie lui-même de temps en temps, et je préférerais aussi que ce soit le cas de mon côté. » répondit-il, piqué au vif et tentant de dissimuler la douleur sourde qui comprimait sa poitrine.

Visiblement, Ezekiel était tout près de la défaite ; l’attaque Cage-Éclair l’avait bien immobilisé, et comme seule réponse, il ne pu que laisser échapper de sa gueule un gaz opaque, violet, un peu poisseux et à l’odeur tout à fait nauséabonde. Puredpois. Rien de bien agressif, mais le Démolosse paraissait vouloir tenter d’empoisonner son adversaire. Clive respectait la lueur de courage et de détermination qui brillait dans les yeux de son ami, mais il savait pertinemment que sa défaite arriverait bientôt. Ce n’était qu’une question de temps encore une fois, et même si Ezekiel se démenait à tenter de bouger ses muscles pour ne pas être battu immédiatement.
En attendant, Clive ne pouvait qu’afficher un visage neutre, une barrière de plus qu’il érigeait entre lui et ce monde qui paraissait décidé à lui pourrir l’existence.
Alors oui, le titre s'appliquait ; il était déçu, un peu amer, et surtout, il avait l'estomac retourné et la tête en vrac. Ce qui n'était pas un bon mélange, vous m'en conviendrez.

Objectifs, utopies et autres déceptions

Feat Mercedes L. Blanchett

Oui, on disait souvent à Clive qu'il avait un bâton (un dolmen d'après Mikael, mais venant d'un désinhibé complet, c'était discutable) coincé dans l'arrière-train, et en général, le commentaire lui passait au dessus de la tête. Vu la quantité de cheveux, j'espère que vous vous rendez compte que c'est tout à fait considérable, et de toute façon, le fait que Faust lui ait souvent reproché de ne pas se défouler assez souvent l'avait complètement immunisé face à ce reproche. Il avait toujours été heureux à vivre sa vie comme il le souhaitait, sans porter attention à ce que les autres pouvaient dire. D'ordinaire, la réplique de la jeune femme ne l'aurait même pas fait tiquer, ou peut-être qu'il aurait eu une moue condescendante tant entendre ça devenait répétitif à ses yeux. Il faut comprendre que Clive est un peu inepte socialement, et qu'une dispute est pour lui un peu comme une partie d'échecs ; l'exemple premier serait les nombreuses disputes qu'il a eu avec Faust, où les deux oubliaient bien vite ce qu'ils avaient dit et fait durant celles-ci.
Ainsi, même si les paroles de la jeune femme aux cheveux roses l'exaspère un peu parce qu'il est sur les nerfs et piqué à vif, il a vite fait de comprendre vu son expression qu'il a peut-être été un peu fort. Clive n'a pas l'habitude de réfléchir à ce qu'il dit, en fait : il n'a absolument aucun tact. Il ne sait pas comment s'exprimer, alors il laisse sortir tout ce qu'il pense avec une honnêteté brute, rarement agréable pour la personne en face et très souvent, lorsque son cerveau se met à reconnecter les points, il se rend alors compte de sa connerie. Les rouages dans sa tête parurent se remettre à fonctionner, lentement mais sûrement.

Il contempla la suite du match, grimaçant un peu devant l'état dans lequel Ezekiel avait été mis. Le Démolosse était au sol, vaincu, dans un état quelque peu déplorable. Bon, d'un côté, il s'y attendait, mais cela ne voulait pas dire que le résultat ne lui faisait pas grincer des dents : voir son vieil ami être ainsi vaincu et humilié n'était pas agréable, bien que cela assurait à Clive que le Démolosse serait bien plus prompt à l'écouter durant les entraînements suivants.
Clive l'observa sans un mot, un peu déconcerté et curieux. Oh. Oui, il avait peut-être sacrément merdé tiens, vu la tête que faisait la jeune femme. Ses excuses le déboussolèrent et le fit cligner un peu des yeux, plongé dans une incompréhension totale. Ou du moins, pour être plus exacte, je devrais dire qu'il commençait lentement à assimiler l’information. Information qui n'était pas très plaisante à comprendre.
Il la vit commencer à partir, et pesta. Une petite partie de lui lui disait de bouger ses fesses et d'aller s'excuser, une autre partie lui disait qu'il n'avait pas à le faire, mais Clive la gifla et envoya la seconde partie se noyer sous l'océan avec un bloc de ciment aux pieds (ceci est une image métaphorique mal foutue, merci de ne pas tenter de la décortiquer sous peine de faire pleurnicher la narratrice qui n'en mène plus trop large non plus avec ses foutues parenthèses trop longues qui prennent trop de place dans ses posts, ça en devient ridicule d'ailleurs et oui il serait peut-être temps que ça s'arrête).

Mais il y a un petit quelque chose qui le turlupine. Un petit quelque chose qui l'intriguait depuis le début et une question qui lui brûlait les lèvres. Question dont la réponse qu'il imaginait lui nouait la gorge et lui comprimait la poitrine douloureusement.

« Cass ? »

Le Tarsal qui se cachait non loin de là se téléporta aux côtés du Démolosse.

« Emmène Zeke voir Karin. Reste un peu avec lui, son ego a pris un coup. »

Castiel hocha de la tête et disparut immédiatement. Clive n'avait aucun doute quant au fait que la Leuphorie de sa mère prendrait grand soin d'Ezekiel.
Dès que les deux eurent disparu, Clive sprinta pour rattraper la jeune femme, remerciant mentalement tout son entraînement d'assassin pour lui avoir permis d'acquérir une telle vitesse et, lorsqu'il arriva à quelques pas, parla en tentant de reprendre une respiration normale.

« Vous pouvez me frapper ou me détester si ça compense ou que vous le voulez, mais s'il vous plaît... »

Il fit une pause d'une seconde, baissant le regard et hésitant soudainement sur ses mots.

« Est-ce qu'il va bien ? Est-ce qu'il est heureux, au moins ? » demanda-t-il, tentant de dissimuler l'inquiétude dans sa voix pour que la supplique implicite ne soit pas si évidente.

Parce que oui, s'il y avait bien quelqu'un qui pouvait le forcer à abandonner tout son ego et toute son arrogance, si il y avait bien quelqu'un dont le sort l’intéressait plus que son propre bonheur, c'était bien son jumeau.
La jeune femme en face de lui le connaissait, et avait sûrement plus de détails que lui. Peut-être refuserait-elle, probablement même selon son avis, mais il aurait été prêt à se mettre à genoux pour ne savoir ne serait-ce qu'un fragment de la vérité.

Objectifs, utopies et autres déceptions

Feat Mercedes L. Blanchett

'Trop concerné et inquiet pour tout le monde', c'était la meilleure définition qu'il avait pu obtenir de son jumeau depuis bien des années. Arceus, combien de fois avait-il tenté de l'arrêter dans ses inquiétudes tant stupides que futiles, parfois même trop poussées sur des sujets qui ne le méritaient pourtant pas ? Mais Faust était comme ça, à vouloir voir tous ceux qui étaient autour de lui être heureux, et nous savons tous à quel point ceci est impossible, encore plus que d'habitude depuis l'arrivée du Régime sur Enola. Clive n'avait jamais vraiment cherché à comprendre ce qui pouvait bien pousser son frère à s'inquiéter autant pour n'importe qui, alors que, de son côté, il avait un certain manque d'empathie. En fait, il s'agissait plutôt du fait que, travaillant pour le Régime en tant qu'assassin, il ne pouvait pas se permettre de commencer à ressentir trop de pitié pour ses victimes, ou alors son travail en aurait été considérablement affecté, et pas dans le bon sens du terme.
Alors oui, entendre ça le déstabilise un peu, mais c'est plus le fait de recevoir des nouvelles de Faust qui le chamboule plutôt que les nouvelles en elles-mêmes. C'est un peu tordu, oui, mais c'est surtout très compliqué. Tout ce qu'il désire, c'est que sa famille puisse vivre heureuse, et de préférence sans lui ; il se savait une mauvaise influence, une mauvaise herbe qu'il faudrait arracher dès que le temps de le faire viendrait. Il est heureux autant qu'il est triste. La jeune femme, en confirmant que son jumeau ne peut pas être heureux naturellement comme il le pense, ne fait qu'enfoncer un couteau dans la plaie, avec du sel. Parce qu'il est bien incapable d'amener autre chose à son frère que du malheur, de l'angoisse et de la colère : ce sont les seuls sentiments qui dominent entre eux maintenant, bien qu'il sait qu'il subsiste encore assez d'affection pour qu'ils ne s'entre tuent pas encore.

Il aimerait tellement l'aider, ne serait-ce qu'un peu. Pouvoir être là, même s'il ne sert que de sac de frappe. Une pensée lui passe alors par l'esprit alors que la jeune femme se téléporte. Oui, il ne va pas tarder à le revoir de toute façon. Il va même avoir la preuve que son frère est incapable d'être heureux lorsque les autres ne le sont pas, et il le payera sûrement très cher. Mais en un sens, s'il peut lui retirer un soucis de plus de la longue liste dont il dispose, alors il le fera sans regarder derrière lui, ou même consulter sa conscience. Il a tendance à ne plus l'écouter depuis quelques années.
Sans un mot, il rentra dans l'auberge, s'approcha du bureau de sa mère et toqua un peu sur la porte entrouverte pour attirer son attention. Kagami releva les yeux de la pile de documents qu'elle traitait et lui offrit son plus beau regard plein de questions.

« … Maman ? Je crois que je vais te laisser le bar, j'ai besoin de prendre l'air. Désolé de te demander ça. »

Elle sourit et hocha la tête, faisant soupirer Clive de soulagement. Il attrapa une veste qu'il avait posé sur un porte-manteau et sortit sans attendre plus longtemps.
Il avait juste envie de se changer les idées, et surtout de se sortir toutes ces émotions négatives et confuses de la tête. Il n'avait pas vocation à déprimer, mais là, c'était soit sortir et se vider l'esprit ou rester à l'intérieur et se défouler en testant plusieurs de ses cocktails sur lui-même. Autant vous dire que la conclusion de tout cela pour lui était qu'il valait mieux qu'il reste derrière son bar quand on lui proposait un match et basta ; une conclusion bien erronée me dirait vous, mais si nous commençons à énumérer toutes les erreurs de Clive, on y sera encore demain.
Il fit sortir son Farfaduvet de sa pokéball, et Sera fut son seul compagnon de marche pendant une ou deux heures, qu'il passa à réfléchir et à tenter de penser à autre chose qu'au fait qu'un truc au fond de lui-même lui disait qu'il allait faire une immense connerie.