Songer.


Deux semaines déjà, deux semaines qu'elle avait quitté Baguin avec sa fille, ses pokémons & Mercedes.. Ou plutôt, Victoria. Deux semaines que Megan était née aussi, puisque ce départ & cette naissance avaient eu lieu le même jour. Le temps coulait bien vite. Il lui échappait, encore & encore. Ses alliés progressaient, sa fille grandissait, la quête de Victoria avançait. & elle, elle stagnait. Moralement, elle avait cessé d'évoluer, son deuil s'était figé à un point & refusait de passer à l'étape suivante. Elle refusait d'oublier, refusait de taire sa rancœur ou sa haine, elle criait encore & toujours vengeance. Elle aurait pu aisément trouver la paix, mais elle souhaitait encore & toujours se battre. Car même si elle stagnait, voir l'avancée de ceux qui lui sont chers, voir leurs regards & leurs sourires lui donnaient encore & encore l'envie de continuer là où abandonner aurait été tellement plus simple. Elle gardait un espoir, quelque part au fond. L'espoir que ce qu'elle avait perdu ne l'était pas vraiment ; & la vie qu'elle voyait en Crystal, en ses pokémons, en Mercedes, lui rappelait toujours cet espoir qu'elle ne devait jamais oublier. Au même titre que son dévastateur rêve de vengeance l'avait sauvée, à une époque.

Ce jour-là était un jour comme un autre. Le premier match d'arène de sa pupille approchait, & à force de la guider vers cette échéance, elle-même n'avait pas encore prévu le sien. Peu importait au fond, elle aurait toujours le temps. Vick' était prête, elle le savait même si la concernée en doutait. & au final, le fait d'avoir réussi à la mener vers ce qu'elle sentait être une première victoire la rendait si fière que repousser son propre premier match ne la perturbait plus. Elle avait hâte. Hâte de voir le visage de son élève s'illuminer, hâte de voir Crystal bondir de joie à ses côtés dans les gradins, hâte de fêter cette première réussite. Un sourire s'était dessiné sur son visage à cette seule pensée, chassant toutes les sombres réflexions qui avaient précédé. Lunatique Solène.

Près d'elle, assise sur la rambarde où elle était accoudée depuis un bon quart d'heure, sa petite Melo suivait, sous le regard attentif de Louna, chacun des changements d'expression de son visage ou de son regard brun avec curiosité. Des changements infimes, mais réels, & elle avait appris à les déchiffrer très tôt ; à son grand dam de constater quelle douleur semblait souvent habiter sa chère "maman". & alors que la petite pokémon reportait rêveusement ses yeux sur le même horizon rosé par le crépuscule que fixait sa dresseuse, la tête pleine d'indéchiffrables pensées, elle s'illumina subitement. D'une lueur qui attira les regards des quelques passants encore présents sur le port ; mais surtout celui de Solène. Muette de stupéfaction, elle observa Megan qui grandit d'un coup énormément. Évoluant déjà, si jeune, d'une évolution que parait-il seule une grande affection peut déclencher. Mais toutes les questions quittèrent vite son esprit, alors que d'un vif réflexe elle rattrapait la nouvelle Mélofée qui déséquilibrée par sa nouvelle taille, venait de manquer de chuter dans l'eau du port. Poursuivant naturellement son geste, elle la serra contre son cœur en tombant à genoux sur le sol rude, suivie par sa Lockpin qui se joignit à cette étreinte émue.

- Oh ma Megan, tu es magnifique..

Un simple murmure, à peine audible. Amplement suffisant pour tout dire, tout exprimer. Une immense fierté brillait dans ces yeux qu'elle venait de fermer, serrant la petite dernière de son équipe contre elle. Pourquoi cette soudaine évolution, pourquoi si tôt? Elle savait seulement que Megan rêvait depuis qu'elle savait ses futures formes de s'affirmer comme Mélodelfe. Elle savait seulement que Megan était très sensible à ses états d'âme qu'elle cachait pourtant très bien habituellement. La Melo venait de devenir Mélofée, sans apparente raison & sans qu'elle n'ait pu deviner sa pensée, ne l'ayant observée plus que ça juste avant. La petite quant à elle, souriait joyeusement contre l'épaule de la rouquine. Elle avait juste voulu réaliser un rêve & par la même éviter de voir le regard de sa dresseuse s'assombrir à nouveau ainsi qu'elle le sentait venir ; elle avait réussi sur toute la ligne.