« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 
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 JUMP |OS|

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Cassey G. Banks
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Cassey G. Banks
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MessageSujet: JUMP |OS|   JUMP |OS| EmptySam 5 Sep 2015 - 21:42



JUMP
feat. Hayim

J’émerge de la douche dans un nuage de vapeur. Corps rutilant, annexe en cours de révision, poids lourd devenu inutile, devenu prison. Je me fixe, dans la baignoire fumante, la peau vive, rosie par une chaleur probablement trop intense que mes sens engourdis n’ont pas su saisir à temps. La gueule ouverte, les joues flasques et craquelées d’avoir tant pleuré, tant pleuré. Elles n’existent plus, elles se sont taries avec elles la petite lueur qui brûlait encore moi hier. Aujourd’hui nouveau jour, le carillon a sonné avec une ère de changement. Une gouttelette téméraire roule contre mes lèvres, une sensation qui me tire un frisson. Je me laisse envahir, je n’ai plus rien pour réagir, plus une once de combattivité, plus de feu ardent, plus de cris, plus de bataille en moi. Plus rien. Plus rien qu’un vide, un vide atroce, qui me brise dans une douleur insurmontable. Une douleur qui a fini par se taire pourtant en ne laissant plus rien derrière elle, plus qu’une enveloppe qui me pèse, qui m’empêche, mes barreaux de chair dont je serai bientôt libérée. Je relève le regard vers la glace, n’y distinguant qu’un royaume de brume. Le miroir n’y trouverait rien à rendre, rien à réfléchir, qu’une ombre, qu’un spectre éteint et prêt, si prêt à ce qui se prépare. D’elles-mêmes, mes jambes s’écartent pour passer par-dessus la baignoire, je m’aventure dans la salle de bain baignée de vapeur qui m’asphyxie, la chaleur ambiante me drape dans ses bras humides. Pourtant je tremble. Je n’ai jamais eu si froid. Le doigt de la mort a déjà répandu son venin dans ma poitrine. Je n’ai plus qu’à achever son œuvre, dans un dernier ballet dansant, je n’ai plus qu’à embrasser cette destinée qui me guette, qui me guette, qui me guette.

Paradoxal que de se laver à quelques minutes, une heure tout au plus, du dernier saut. Une hérésie même, à moins qu’il ne s’agisse d’une dernière volonté pour changer d’idée, pour renverser ce parcours dans lequel je me suis engagée? Non. Mais le temps file, s’étire dans une éternité insaisissable et le froid insiste, encore et encore, ingérable. Chaque chose en son temps. Si l’attente se fait de plus en plus difficile, j’ai foi en ma démarche, en ce plan que nous avons dessiné à deux, ce plan infaillible. J’en ai déjà oublié les détails, je me rends à l’évidence : sans elle je n’y parviendrais pas. Je me laisserais échouer jusqu’à en crever. Mais elle m’a tendu la main, elle m’a rassurée, elle m’a guidée, encore et toujours. Elle le sait, elle m’attend. J’aurai besoin d’elle jusqu’à la toute fin. Je sens qu’elle se trouve dans la pièce, probablement assise contre la baignoire, à scruter mon corps nu alors qu’il se départit de son couvert aquatique, de toute cette eau qui vient couvrir les dalles de céramique. Je m’avance vers le lavabo, étire une fenêtre dans la buée qui s’est formée contre le miroir du revers de la main, consulte mon reflet brumeux. Je n’y reconnais plus rien. Je ne me souviens plus de mon propre nom, de ce qui m’a un jour motivé. De ce qui m’a fait sourire, de ce qui m’a fait gueuler. Rien. Plus rien. Cette personne n’est plus qu’une inconnue, une inconnue qui me retient encore, qui me sépare de l’annihilation de toute ma souffrance.

«Bientôt.»

Un rappel, une invitation. Ma guide ne m’a jamais abandonné. Nous avions un pacte, elle, moi. À la vie, à la mort. Deux amies, des âmes sœurs, le genre de rencontre qui ne se produit qu’une fois dans une existence, qui détermine toute le reste d’une vie. Aimee. Elle, toujours elle. À son départ, plus rien. Plus rien qu’une âme en perdition, qu’une série de rêves et de promesses brisées. Tout ceci se termine, enfin. Je n’ai plus même souvenir de ce qui m’a retenu parmi eux, les sans-visages, les autres. Ni ce qui me décide à présent, ce qui cause tout ce mal dans ma poitrine. Les raisons ont trouvé leur chemin, ont consolidé leur emprise, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien à réfléchir que leur conséquence et non la cause. Je titube, dans une confusion palpable. J’attrape une serviette qu’on me tend, remercie à voix basse la responsable qui a finalement pris forme à quelques pas de moi dans la salle de bain encore embrumée. Ses prunelles, sombres abysses aux accents rougeoyants, m’appellent à eux. Je l’entends me susurrer ses encouragements séduisants, qui d’eux-mêmes m’activent à m’habiller. Je sursaute au frottement contre mes jambes. Soubresaut contre mes sourcils amorphes. Sia prend place contre moi, à l’endroit même où se tenait Aimee un instant plus tôt, probablement retraitée dans une autre pièce à m’attendre. D’elle-même ma main se tend vers la Némélios, mes doigts s’éclairent de la chaleur émanant de sa fière crinière enflammée. De la chaleur.

Je referme la main avant qu’elle n’effleure sa présence. Il est trop tard. Le froid l’a emporté. Sans plus un regard vers la lionne qui, pourtant, réclame mon attention, je termine ma besogne, enfilant des vêtements qu’on m’aura choisi probablement car je n’ai aucun souvenir même de les avoir retiré de mes tiroirs. Drôle d’enfiler une aussi jolie tenue, de se laver avant ce qui se prépare. Car lorsqu’on me retrouvera, il sera impossible de déterminer la crasse de ma peau, mes os et ma chair broyés. On ne parviendra même plus à reconnaître ce visage stoïque, ces yeux crevés qui un jour durent briller avant de ternir à jamais. Quelle importance. J’aurai enfin brisé ma prison charnelle et laissé mon âme s’élever en paix, vers un paradis que j’ai dû choisir plutôt que me laisser dans l’ignorance qui accompagne nécessairement l’existence humaine. Aujourd’hui, aujourd’hui me condamner pour ne plus jamais connaître un autre demain, pour freiner une fois pour toutes la progression d’une humeur qui s’installe, qui me tue quand même bien malgré moi. Sincèrement, voici tout ce qui me reste dans l’engourdissement total, l’aboutissement de trop longues soirées dans le deuil d’une amie, dans le deuil de moi-même. Un choix. Un choix aujourd’hui de ne plus souffrir, de refuser ce phénomène qui m’emporte, un pan de chair à la fois. Je suis malade, atteinte d’un mal incurable, la démence comme une poignée de braises, me dévore un peu plus à chaque jour, à chaque heure qui passe. Plus rien, il ne reste plus rien que mon devoir envers moi-même, celui de m’épargner. Nous y sommes presque.

Aimee m’attend à la sortie de la salle de bain. Son regard braqué contre le mien, ses prunelles sensibles au gouffre perpétuel qui m’habite et qui menace de me perdre. Trop tard. Dans les siennes, la colère, l’impatience aussi, et une certaine sensibilité, une peine qu’elle tente de me dissimuler, comme s’il subsistait encore quelque secret entre nous deux. Elle m’a compris, elle a su ce qu’il me fallait. La seule qui y arrive encore, qui connaît les tréfonds subtils de mon âme en peine, qui a mis des années à la décortiquer et à l’embrasser dans son ensemble. Moi de même, j’ai su dans notre passé commun, m’approprier la moindre de ses expressions, de ses pensées, de ses envies, de ses dégoûts, de son amour comme de sa haine. Notre séparation n’aurait jamais dû avoir lieu. Jamais. Nous allons réparer cette erreur fondamentale, cet écart dans le parcours de notre destinée. Son visage translucide ne me renvoie aucune sympathie, aucune chaleur, probablement le miroir même de mes propres traits, dénués de la moindre expression. Mais ses yeux parlent d’eux-mêmes. De toute évidence, cet instant, elle s’en impatiente tout autant de moi

«Étape numéro un.
Choisir la journée parfaite. Attends que tous tes proches soient trop occupés à leurs propres existences. Personne ne se soucie de toi comme j’ai pu le faire de toute façon.»


Elle répète les étapes définies et précises, toujours dans les mêmes mots imprimés sous mon crâne dans une expression indélébile. Une première étape réalisée, fignolée à la perfection. Je n’attends pas Marie-Florianne avant demain. Pour ce qui est des autres, prisonniers de leurs existences robotiques, n’ont que faire de mon dernier envol, n’ont aucun moyen de l’empêcher. Je suis libre, libre ou presque.

«Étape numéro deux.
Éteins ton ordinateur et ton portable. Assure-toi que personne ne nous interrompe. Ils ne comprendraient pas, tu le sais bien.»


Bien sûr que j’en suis consciente. Je n’ai plus envie d’entendre un discours moraliste au sujet des actions entreprises aujourd’hui. Je n’ai plus envie qu’on me tente dans un combat déjà perdu d’avance. Plus envie qu’on me lance dans un débat inutile. Car la décision est prise, prise pour mener à une réussite. J’attrape mon portable contre le buffet de la cuisine, presse le bouton jusqu’à ce que l’appareil s’éteigne, une nouvelle porte que je ferme. Une à une, elles disparaissent, cessent de me retenir ou de m’inviter. Le chemin se dresse devant moi avec une netteté surnaturelle. Plus rien ne m’arrêtera à présent.

«Étape numéro trois.
Rappelle tes Pokémon à leur balle. Ils tenteraient de t’en empêcher, ils te condamneraient à vivre. Prends tous les moyens nécessaires pour faire en sorte qu’ils soient hors d’état de nuire.»


Un appel retentit de ma gorge, envahit l’appartement de façon si sonore que j’en sursaute. Jaillissant de ma propre bouche, ce cri résonne dans les coins reculés de cet espace qui fut le mien, qui n’appartient plus qu’à une ombre. Une voix inconnue, la mienne, qui dans une fausseté illusoire, vient tromper des alliés bien trop naïfs pour réaliser. Je souris, comme une poupée plastique, versant dans les gamelles une nourriture aux fumets irrésistibles, alléchants pour eux que j’ai dû laisser affamés de par tout le temps que j’ai mis au sortir du lit, de mon séjour sous la douche s’étant éternisé, encore et encore. Je souris, aux trois alliés toujours présents en ma compagnie, ceux ayant refusé de me quitter. Le trio original bien sûr, qui d’autre qu’eux? Sia la Némélios se disputant la place avec Ren le Mentali, toujours en train de se chamailler dans une attitude candide, puis bien sûr Hayim la Galegon qui, sans toucher à sa nourriture, me regarde avec une intensité intacte. Malgré mes silences, malgré toutes ces portes que je lui ai fermées au nez, elle continue d’insister. Pendant un instant, nous nous affrontons, come au premier jour, alors qu’elle tente une fois de plus de me prendre ce qui m’appartient. Ma vie, je lui ai dédié jadis, l’heure a sonné de la reprendre. Je les observe dans un silence brutal, le regard rivé contre leurs gueules avides s’enfouissant sans retenue vers mon propre salut.

Trop tard. Leurs membres déjà s’engourdissent d’un sommeil qui les guette. J’ai parfaitement dosé, maintenant que le plat se vide, il ne reste plus aucun espoir pour eux. Ren, plus menu, s’écrase lourdement contre le plancher, terrassé par les somnifères sitôt son plat terminé, alertant Sia qui se met à gronder en reconnaissant chez elle les mêmes symptômes. Ses pupilles se dilatent, sa respiration s’accélère dans une panique qui fait luire ses prunelles, rivées contre moi. Elle a compris, maintenant, elle a compris. Et elle me regarde en miaulant, incapable de rugir, de me sauter à la gorge, de me plaquer contre le plancher jusqu’à ce que je change d’idée. Ses pattes cèdent sous son poids alourdi par la médication avalée à son insu, la lionne s’échoue contre les dalles cirées en respirant difficilement. Un gémissement s’échappe de ma gorge, m’atteint de plein fouet, ébranle les convictions si profondément ancrées en moi. Elle combat, elle s’acharne, sans abandonner, repoussant les effets de la drogue de toutes ses maigres forces. Et ses yeux, ses yeux me parlent. Ils hurlent. Ils disent «pourquoi?». Encore et encore. Pourquoi m’abandonnes-tu, Cassey? Pourquoi me laisses-tu ici? Tu n’as pas le droit, Cassey, j’ai encore besoin de toi. Elle me dit que je suis comme sa maman, qu’elle m’a toujours aimé, qu’elle fera mieux, beaucoup mieux, qu’elle changera s’il le faut. Sia. Mes doigts effleurent sa truffe dans un dernier sursaut de doute. Le sommeil la gagne, ses paupières se referment. Adieu, ma belle. Je ne cesserai jamais de t’aimer.

Je me retourne. Hayim. Elle gronde, elle s’anime, ses pattes dessinant l’orage contre le carrelage de la cuisine. Une tempête qui se prépare, une éventualité à laquelle j’avais prévu une solution. La négociation. Car avant que les somnifères n’affectent son long corps de pierre et de fer, il faudra un instant, un instant bien suffisant pour elle de changer le cours de mon histoire. Là où Sia me transmettait ses mots, son cœur, ses peurs et ses peines, la Galegon me réserve d’abruptes actions. Bien capable de me briser les jambes pour m’empêcher de me sauter, je dois m’en méfier là où je lui ai toujours fait confiance. Confiance qu’elle me sauvera toujours, qu’elle m’empêchera de me briser lorsqu’il ne me reste plus qu’à m’enfoncer. Ainsi est Hayim, un soutien, le dernier auquel je serai confrontée, la dernière porte à refermer avant d’entreprendre le voyage ultime. J’ai besoin de temps, car seul celui-ci me permettra d’éviter l’affrontement.

«Je n’avais pas le choix, Hayim. J’ai besoin de… J’en ai besoin. Et eux, ils auront besoin de toi après aujourd’hui, ma belle, promets-moi que tu prendras soin d’eux tous.»

Je sens mon expression immobile se fissurer, trembler, ma voix craqueler sous l’effort soutenu. Hayim expire des naseaux, prête à charger, prête à me détruire pour mieux me reconstruire. Je suis fatiguée, je suis tellement fatiguée. Je n’ai plus la force de composer avec elle.

«Tu auras beau tempêter, Hayim. Mais je le ferai. Dis-leur que je les aime. Qu’ici où là-bas, ce sentiment ne changera jamais. Et protège… protège Marie-Florianne aussi. Elle ne comprendra pas, toi non plus. Mais toi tu savais, tu sais bien que ce n’était qu’une question de temps. Tu ne peux pas arrêter le cours de mon histoire, Hayim.»

Elle bondit. Son crâne me défonce le ventre, je m’écroule à mon tour, à quelques pas de Ren, le souffle déchiré. Elle a chargé, elle se tient maintenant à quelques centimètres de mon visage, son souffle menaçant. Ses prunelles luisent de violence, d’une violence sans la moindre entrave. Ses pattes, elles, tremblent.

«A…arrête… C’est terminé Hayim. Je t’aime mais j’en peux plus, j’en peux plus, j’en peux plus…»

Elle hurle, si bien que je m’en couvre les tympans. Elle pose une patte contre mon épaule pour me secouer, encore et encore, ses prunelles telles deux éclairs qui me transpercent de part en part. Mon nom, mon nom de sa bouche, dans son langage certes, un langage qui ne m’a jamais échappé. Sa forme s’étire, change, mais jamais elle ne me quitte du regard. Elle me surplombe une fois l’évolution terminée, une montagne de roc, de métal et de désarroi. Hayim a cessé de crier, il ne lui reste plus rien qu’un au revoir qu’elle se refuse de prononcer au creux des prunelles. Je viens entourer son large cou, me presser contre sa peau métallique. Je sens son cœur battre contre ma joue, son cœur lourd, lourd, lourd. Je ne suis pas prête, pas prête à lui dire adieu. Mais là où je vais, elle ne peut pas me suivre.

«Tu vas me manquer Hayim. Je suis désolée.»

Quelques larmes m’échappent. Comme quoi il m’en restait quelques unes, comme quoi je les lui réservais, à elle. Lentement, elle s’accroupit contre le plancher, en me serrant fort contre elle, en m’emprisonnant de ses bras puissants. Je m’y laisse bercer, caressant son visage déformé par la peine, par l’impuissance que je lui ai imposé. Elle titube et s’écrase à son tour dans un grand fracas qui laissera assurément de profondes marques contre le plancher. Elle gémit et gronde, m’affrontant encore de ce qui lui reste de volonté mais bientôt sa tête dodeline contre la mienne, vient rejoindre à son tour le sol. Je me presse un peu plus contre la Galeking, attentive à sa respiration, l’écoutant vivre et dormir comme lors de notre toute première nuit toutes les deux alors que je n’avais pas fermé l’œil. Obnubilée par elle qui devrait être mon amie, mon alliée, ma protectrice. Jusqu’à la toute fin, n’est-ce pas Hayim? Je ferme les yeux dans son étreinte désespérée, empreinte d’une affection farouche. Elle s’est raccrochée à ce que nous sommes, même dans son sommeil le plus profond. J’ai du mal à m’extirper de ses bras, devenus lourds et d’autant plus puissants. Je n’aurai jamais l’occasion de la voir à l’action sous cette forme, mais je sais qu’elle sera la plus belle et la plus forte. Je me détache de sa carcasse échouée, des bribes de notre passé envahissant le flot absent de mes pensées. Mon enfance est terminée, elle devrait le savoir mieux que quiconque. Un à un, je rappelle mes alliés à leur balle, que je couvre ensuite d’un ruban adhésif de construction, assez solide pour réprimer quelconque tentative d’invasion ce soir.

«Étape numéro quatre.
Dirige-toi vers le balcon. Tu n’auras qu’à t’approcher du bord et passer de l’autre côté de la balustrade. Je t’y attendrai. Nous entreprendrons le voyage ensemble, tu verras, tu n’auras pas mal très longtemps.»


J’ai confiance en elle. Comment douter de celle qui ne nous a jamais menti? Je m’avance, abandonnant contre le plancher les balles des alliés, abandonnant derrière moi mes dernières larmes et remords. Le spectre d’Aimee danse sous mes yeux, le soleil se mourant à l’horizon éclaire la brume composant son enveloppe fantomatique. Je l’observe et lui souris. Je l’ai toujours suivie dans les plus grandes aventures, dans les épopées épiques qu’elle nous dessinait. Son esprit, créatif, tordu aussi, un peu cruel, l’esprit d’une conquérante, d’une leader, une âme sensible et agitée, tout comme la mienne. Je la scrute un instant du regard en me souvenant avec regret à quel point elle a pu me manquer. Plus jamais. Car je lui emboîtes le pas, calquant mon rythme au sien, m’avançant avec lenteur sur la terrasse qui offre une vue prenante sur Amanil en cette heure du jour où le soleil se meurt à la cime des gratte-ciels, à cette heure des klaxons retentissants, des pleurs d’enfants, des chiens qui jappent, des rires. Tout un monde qui ne m’appartient plus. J’avance d’un pas. Je laisse derrière moi une vie festive, une vie bruyante, odorante, une vie de joies et de peines, tout un univers de découvertes et de secrets. J’avance d’un pas. Je laisse derrière moi une multitude de visages désormais sans nom, humains, Pokémon, proches et connaissances, des gens que j’ai aimé ou détesté, des âmes qui ont su me toucher comme jamais auparavant, autant de pions sur l’échiquier de mon existence. Mais j’ai terminé de jouer. J’avance d’un pas. Je laisse derrière moi une personne, un corps, un souvenir, des rêves oubliés, un univers de possibilités jamais explorées, j’abandonne à la perdition un être qui aurait pu, dans un monde où les «si» existent toujours, vivre. J’avance d’un nouveau pas, mon cœur bat à la dérive mais je me sens sereine, égale, prise dans un enchantement qui engourdit tous mes sens.

Ma jambe escalade la balustrade de pierre. Je ne sens plus le contact rugueux de l’objet contre mes doigts. Un vent violent vient balayer mes cheveux, les emporte dans une danse furieuse alors que je me penche vers l’avant. Je ne sens plus la brise contre mon visage. À mes pieds, la ville s’étend dans un brouhaha sonore. Je ne l’entends plus vivre. Dans ma poitrine, mon cœur s’affole. Je ne saisis plus ses messages. Il n’existe plus qu’elle, qui se tient devant moi, flottant au-dessus du vide, un vide qui m’appelle. Je ne perçois plus que son sourire, plein d’espérance, ce sourire presque provocateur qu’elle me réserve lorsqu’une idée lui traverse l’esprit. Son bras s’étend, ses doigts me cherchent. Elle m’invite, me presse, m’attend. Il ne me reste plus qu’à…





Sauter.

(c)Golden
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