« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

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 Oathkeeper I [OS]

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Faust M. Donovan
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Faust M. Donovan
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Métier / Études : Bac ES, (mauvais) romancier de temps à autre.
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MessageSujet: Oathkeeper I [OS]   Oathkeeper I  [OS] EmptyMar 10 Mai 2016 - 2:08



Oathkeeper

Éclosion de Genkishi

« Tu peux marcher ?
- T'as d'autres questions à la c-aïe ! »


Faust remercia ses réflexes qui lui permirent de rattraper son jumeau in extremis. Celui-ci ne tenait plus debout, et tous ses membres flagellaient, si bien que Faust ne lui fit rien remarquer lorsqu'il le sentit s'accrocher désespérément à lui. Il avait l'air bien plus léger que la dernière fois qu'il l'a soutenu, et le hérisson est sûr et certain qu'il n'était plus qu'un amas de tremblements. Il lui faut d'ailleurs user de toute sa force pour le soutenir afin qu'il ne chute pas une nouvelle fois. C'est plus difficile que prévu, mais le conseiller finit par arriver jusqu'à sa chambre, où il dépose l'autre sur le matelas pour qu'il puisse enfin se reposer. Clive ne proteste pas et ne bouge plus.

« T-tu veux quelque chose ? De l'eau, à manger, n'importe quoi ?
- Dormir. »


Les cernes sous les yeux de l'ancien officier le disaient rien que par leur existence. Faust grimaça en constatant que son jumeau était à deux doigts de mener à bien ce projet, vu la vitesse à laquelle ses paupières se fermaient. Pourtant, aussi cruel que ce soit, il ne pouvait pas le lui autoriser, et il haussa le ton, passablement inquiet à l'idée de le laisser s'endormir maintenant.

« Pas tout de suite. Dé-Déjà on va te soigner, ensuite tu pourras te reposer. Ouvre les yeux, Clive. »

Il secoua de la manière la plus délicate possible l'épaule du blessé qui poussa un sifflement de douleur, ce qui l'arrêta immédiatement. Incertain quant à ce qu'il pouvait faire, le résistant se sentit déchiré.

« Reste éveillé. Je reviens tout de suite. »

Quelque chose saisit néanmoins son poignet, et l'arrêta net dans sa lancée. Surpris, Faust constata que la main de Clive l'avait attrapé pour le retenir et il cligna des yeux. Le regard de l'ancien captif paraissait pourtant fixé tout autre part, comme si il était inconscient de tout ce qui se passait autour de lui. Faust mit quelques secondes à comprendre ce qui se passait exactement, mais ce ne fut que lorsqu'il l'entendit parler qu'il saisit enfin ce qui se passait.

« Désolé, je.. C'est ma faute, j'aurais dû... »

L'aîné se détendit et poussa un profond soupir. Il s'assit sur le matelas et laissa le cadet s'endormir sans le réveiller, contrairement à ce qu'il avait dit vouloir faire quelques instants avant. En remarquant que l'autre était déjà en train de s'agiter, l'air effrayé par des démons internes, Faust remonta la couverture sur lui, un sourire peiné sur le visage, les dents serrées, se retenant comme il le pouvait de laisser le nœud dans sa gorge éclater.

« J'suis là, Clive. »


« Tu tiens le coup ? »

Faust prit une grande gorgée de sa boisson avant de répondre, l'air fatigué, le visage marqué par une légère teinte de rose sur ses joues. La tête affalée dans ses bras, sur le bar du salon, il grommela. Encore debout alors qu'il était deux heures du matin, il ne semblait néanmoins pas dans son idée d'aller se coucher. Considérant son verre vide d'un œil torve et las, il poussa un grand soupir.

« Faut bien.
- Rassure-moi et dis-moi que c'est ton premier verre de la soirée.
- Deuxième, 'saac, me prends pas pour un taré non plus. »


Un haussement de sourcils vaguement blasé lui répondit, et le conseiller gloussa d'un air un peu morose. Ricanant jaune, il plaça son verre sur le comptoir sans vraiment y porter attention. Il passa quelques secondes à contempler ce qu'il pouvait faire, et finit par pousser un soupir exaspéré, à mi-chemin entre la lassitude et l'amusement amer.

« Qu'est-ce que tu veux que je fasse de toute façon ? C'est pas comme si j'avais pu faire quoi que ce soit, hein, de toute manière. Comme toutes les putains de fois.
- Te torturer ne va rien changer.
- Hé bien peut-être que si je le faisais un peu plus, j'aurais des résultats ! »


Le hérisson a levé le ton durant juste quelques secondes sur la fin de sa phrase, mais c'est assez pour indiquer à son ami ce qu'il en est. Il sait bien que sa frustration n'est pas dirigée contre lui, il en a pleinement conscience, mais cela le désole de devoir constater qu'il la refoule à ce point, complètement dirigé par les afflux de sentiments qui le malmènent. Son visage a quelque chose d'assombri, un rien qui le fait passer pour bien plus vieux qu'il ne l'est vraiment. Parfois, Isaac aperçoit ce côté-là de son meilleur ami, quand il se permet de laisser tomber le masque de gaieté et d’imbécillité immature avec lequel il joue en permanence. Il le cache bien évidemment, ne souhaitant absolument pas que l'on s'inquiète pour sa personne. Mais avec tout l'enchaînement d'événements de ces derniers temps, il n'arrivait plus à le soutenir. Compréhensible.
Isaac alla s'asseoir à côté de lui. Il se servit également un verre et en but une petite gorgée. Faust l'observait d'un seul œil, attendant ce qu'il allait dire d'une seconde à l'autre.

« Si ça aide, dis-toi qu'il est en vie.
- Ça n'aide pas. »
répliqua l'autre sèchement.

Le regard plus sévère, comme pour lui reprocher d'avoir cru le contraire, il claqua de la langue et reconcentra son attention sur ce qui était devant lui. Plusieurs secondes passèrent, lourdes de sens, durant lesquelles le psychologue attendit patiemment que le conseiller reprenne le parole, comme il savait qu'il allait le faire.

« Je n'ai rien fait, 'saac. Rien du tout.
- Tu as fait tout ce que tu as pu.
- Mais ça ne suffit pas ! »


Il avait crié cette fois, se tournant brusquement vers son ami qui ne s'était pas ému de son geste, ni du bruit du verre qui s'était éclaté au sol. Le châtain baissa les yeux et serra les dents, frustré, avant de reposer sa tête là où elle se trouvait. Le suédois finit par soupirer, les épaules lourdes, et passa une main sur son visage.

« Sers-moi un verre, tu veux ? »

Faust hocha de la tête. La gorge nouée, le plus âgé lui arracha presque son verre des mains et en but un bon quart. Un rictus jaune se dessina sur le visage du métis.

« Ça part pas, hein ? »

Il n'obtint pas de réponse, mais c'en était déjà une.


« Donc si tu as besoin de quoi que ce soit...
- Faust.
- Je veux dire, je peux te ramener ce que tu veux quand tu veux, tu m'envoies juste un message et je...
- Faust...
- Pas besoin de t'inquiéter pour moi, je pourrai très bien prendre du temps sur-
- FAUST. »


Clive n'avait pas beaucoup haussé le ton, mais la note d'agacement claire dans sa voix était suffisante pour faire passer son message. Surpris, le plus âgé de quelques minutes sourit bancalement, conscient qu'il en faisait trop. Dans son fauteuil roulant, son jumeau le regardait d'un air ennuyé et blasé.  

« Je suis plâtré, pas en état végétatif. Et j'ai mes pokémon avec moi en cas d'urgence, cesse de t'inquiéter, t'es ridicule. »

Faust grimaça, gêné, et détourna le regard. Il se massa la nuque, pas franchement à l'aise alors que l'ancien soldat paraissait ne pas vraiment apprécier sa crise de protectivité hautement puérile. Clive soupira d'un air profondément exaspéré.

« Arrête de me regarder comme ça et pousse moi voir jusqu'à l'extérieur, tu veux ? »

Le résistant hocha vivement de la tête et s'exécuta sans poser aucune question. Comme une ombre, Ezekiel les suivait, ne quittant pas durant même une seule seconde son dresseur des yeux. Depuis qu'il était revenu, le Démolosse ne l'avait plus lâché. Même les nuits, il gardait un œil ouvert alors qu'il se collait à son dos, prêt à sauter sur le premier danger qui se ferait connaître. Clive caressa distraitement ses cornes alors qu'ils avançaient, jetant de temps à autre un coup d’œil au désordre ambiant.

« Tu devais pas nettoyer ?
- Tout à l'heure. »


Évidemment, « tout à l'heure » se traduisait à chaque fois par « jamais », mais il n'allait pas lui faire de reproches. Déjà parce qu'ils étaient chez lui, et ensuite parce que cela le faisait glousser. Au moins une chose qui n'avait pas changé et qui lui faisait se dire que tout n'était pas si différent, maintenant. Un rien était rassurant quand on était bloqué dans un fauteuil roulant en permanence, à considérer toute sa vie et tout ce qui avait amené à de pareilles catastrophes.  
Dès qu'ils eurent mis un pied dehors, le soleil agressa les pupilles du plus affaibli qui grimaça. Immédiatement, Faust écarquilla les yeux.

« Merde, les lunettes ! Je vais les chercher, atte-
- Nan ! Je veux dire... C'est bon. Ça va. »


Clive avait saisi son poignet avant qu'il ne puisse bouger, et le serrait maintenant avec toute la force qu'il avait encore dans son corps affaibli. Méfiant, Faust fronça les sourcils. Le soleil brillait beaucoup aujourd'hui, tellement qu'il l'avait même senti taper sur ses épaules à l'instant même où il avait fait un pas dehors. Si il y avait une chose qu'il avait appris depuis que l'ancien officier était sorti de prison, c'était qu'il avait besoin de se réadapter à tout. Que ce soit aux plats trop riches qu'il fallait à tout prix éviter, au sommeil qu'il fallait qu'il réapprenne à prendre normalement ou même, dans ce cas, supporter les rayons du soleil avec ses yeux qui avaient été dans la pénombre pendant un long mois. Tout nécessitait précaution, tant de petites choses avec quoi il ne dérangeait pas Faust de faire avec. Néanmoins, il ne s'opposa pas à la volonté de Clive ; il était assez intelligent pour savoir ce qui passait ou ne passait pas.

« Okay. J'te fais confiance. »

La prise sur son poignet se raffermit un peu à l'écoute de ces mots, puis se détendit peu à peu alors que l'aîné poussait son fauteuil. Il frissonna un peu en sentant le vent caresser sa peau, encore peu habitué au sentiment, et ouvrit de grands yeux sur tout ce qui les entourait. Il ne pensait pas trouver de jardin ici, vu à quel point Faust avait déjà du mal à garder un cactus en vie, mais même si il n'était pas un grand amoureux de la nature (il était bien plus charmé par l'odeur des livres), il devait avouer que le paysage devant ses yeux avaient quelque chose d'idyllique. Et peut-être que c'était la partie littéraire de lui-même qui appréciait l'harmonie des couleurs, mêlée à l'odeur légèrement salée de l'air de Nuva Eja. Bordel, voilà qu'il se la jouait niais, maintenant.

« Ça fait du bien ?
- Hm-hm.
- Tant mieux. »


Il ne saurait pas dire à quel point il appréciait le fait d'être à l'air libre maintenant qu'il  l'était lui aussi. Il avait passé toute son adolescence et une bonne partie de sa vie enfermé, mais il n'arrivait plus à l'envisager maintenant. Tout cela lui paraissait juste fou et inconsidéré. Pourquoi s'était-il privé de cela volontairement... ?

« Dis, Faust ?
- Oui ?
- Maman a dit quelque chose ? »


La gorge du plus vieux s'assécha sur le moment, et il détourna les yeux. Mal à l'aise, il déglutit et inspira fébrilement, loin d'être dans son élément, mais fit tout de même l'effort de répondre.

« Les trucs habituels, qu'elle nous aime et qu'elle veut que tu te reposes. Felix veut te voir, lui. 
- Ah. »


Cette fois, ce fut au tour de Clive de baisser les yeux. Il avait vite compris, vu le ton moins assuré de son jumeau sur sa deuxième phrase, le souci qui se posait. Inutile de dire que ce serait probablement une discussion très compliquée qu'il n'avait pas du tout hâte de vivre. Il s'était après tout sacrifié pour qu'il puisse survivre, et il se doutait que le blond n'avait pas du tout dû apprécier, mais peu importe. Même si il s'énervait, il recommencerait si le choix lui était donné de remonter le temps. Mais il ne pouvait pas non plus s'en réjouir, et Faust était au courant de tout ça. Pour cette raison, il ne jugea pas utile d'expliciter ses pensées.

« Je vois. »

Dans un soupir fatigué, Clive se permit de délaisser le sujet pour porter son regard sur les alentours. Il plissa les yeux en remarquant, plus loin, une Bouldeneu accompagnée de son dresseur qui, les mains dans la terre, s'occupait d'un parterre d'orchidée, d'hibiscus et de pivoines soigneusement arrangé.

« Dis-moi, c'est vrai qu'il est... ?
- Ouais. Plus aucun souvenir, quelques uns sont revenus, mais... »


Faust grimaça, le visage soudainement plus sombre.

« Il se souvient même plus de sa propre sœur.
- Effectivement...»


Clive ne posa pas de questions sur les circonstances ou quoi que ce soit, peu friand du fait de s'intéresser de trop près aux petits problèmes des autres et bien trop conscient qu'il y avait des choses qu'il ne valait mieux pas savoir, sur cette île. Mais néanmoins, un point résonnait chez lui, un détail lui sautait au visage maintenant qu'il remarquait que le tout juste adulte semblait concentré sur ses travaux de jardinage, comme si rien ne s'était passé.

« Donc il doit tout reconstruire par lui-même ?
- Plus ou moins, ouais. »


Faust grimaça et serra un peu les mains, évitant le regard de Clive pour ne pas montrer qu'il comprenait très bien ce que son jumeau insinuait. Celui-ci, pensif, fixait dorénavant ses propres mains, encore bien marquées mais moins tremblantes qu'il y a quinze jours.

« Tu crois qu'il peut ? Demanda-t-il d'une voix confuse.
- N'importe qui peut, si il le veut. » répliqua Faust, plus assuré qu'il ne l'aurait cru.

L'ancien soldat se permit un rictus désabusé en entendant cela, mais ne protesta pas, incapable de dire si il avait envie d'en rire ou d'en pleurer. Le conseiller lui, fut assez rapide quant au désir de changer de sujet. Il afficha un sourire

« Tu veux t'avancer un peu au soleil ? J'peux aller t'installer un parasol si tu veux, de toute façon j'ai des papiers à faire, alors autant qu'on reste dehors.
- Ça serait sympa, oui. »



« ET C'EST LA PREMIÈRE PLACE, BANDE DE SACS À MORVE ! »

Isaac leva les yeux au ciel en voyant son meilleur ami bondir du canapé et s'agiter après leur avoir percé les tympans avec son cri. Clive n'amorça même pas un geste ou une expression méprisante, hormis un air profondément jmenfoutiste et déconnecté de ce qui se passait. Il ne fit même pas de commentaire sur le dodinement grotesque du popotin associé à toute une série de mimiques verbales proprement ridicules.

« T'es ridicule
- J'suis p'têtre ridicule mais toi t'as perdu !
- Mon temps oui, j'ai perdu mon temps.
- On peut continuer à jouer ou est-ce qu'on va devoir passer commande pour une demi-douzaine de boules quiès ? »


La voix monocorde et assez désabusée de Clive fit cesser la dispute qui n'avait même pas commencé et Faust gonfla puérilement les joues, excédé.

« Rabat-joie !
- Si tu mettais autant d'énergie dans ton jeu que dans ton overdramatisme, tu gagnerais plus souvent et on aurait pas à t'entendre.
- Popopoooooo !
- Oh toi ta gueule !
- Langage, Faust.
- Gnagnagna... »


Le conseiller leva les yeux au ciel, boudeur. Clive et Isaac esquissèrent un rictus mesquin relativement semblable.

« Pourquoi est-ce que vous vous mettez toujours à deux contre moi ?!
- Parce qu'il faut être deux pour supporter ta connerie, frangin.
- ... Tu sais que je t'adore toi, sérieux ?
- Ouais bah ralentis la lèche, Peterson, t'es dernier je te rappelle !
- Sachant que tu n'as pas arrêté de me pousser, ça compte pas trop.
- Sois pas jaloux, j'suis sûr que le père noël t'aime lui, au moins. »


Fulminante, la victime de service pesta et grommela des injures incompréhensibles.

« J'vous déteste.
- On sait, on sait. »


Phrases étrangement ironiques en raison des sourires amusés et presque affectueux sur les visages des trois individus, qui faisaient référence à tant de choses sans jamais le dire. Faust se permit même un gloussement.

« Bon, tu relances ou tu comptes les bonbecs là, Clive ?
- Minute, bipbip. »


Sans qu'il ne s'en soit rendu compte et qu'il n'ait pu le retenir, un sourire tranquille et gai s'était dessiné sur son visage, bien plus enjoué qu'il n'y a quelques semaines. Alors que la partie recommençait et que l'attention de ses deux partenaires de jeu s'était de nouveau fixée sur le poste de télévision, le regard de Faust passa sur eux. Tout cela, au final, ne lui faisait penser qu'une seule chose, peut-être l'une des pensées les plus rassurantes depuis longtemps.
Tout n'a pas complètement changé, hein... ?


« Asseyez-vous, monsieur Donovan. »

Devant le sourire tranquille de la femme aux yeux verts, Faust ne protesta pas et obtempéra. Les cabinets médicaux ne l'avaient jamais mis à l'aise, mais celui de sa généraliste était différent. Il faut dire qu'il la connaissait bien et qu'il avait une confiance absolue en elle.

« Auguste va bien ?
- Très bien, oui. J'ai du mal à lui faire faire attention à son cholestérol mais vous savez comment il est ; incorrigible dès qu'il s'agit de sucreries.
- En effet. »

Le gloussement tranquille de Faust aurait même réussi à lui faire croire que la situation n'était pas si dramatique que ça. C'était surtout que depuis qu'il avait sauvé son mari lors d'un conflit entre régime et résistants dans une banlieue, la vieille femme était devenue une amie et un lien très solide. Pour cette raison, il n'avait pas hésité à la contacter pour ses deux soucis actuels.

« Alors, pour les cas de votre frère et de Natsume... »

Il se tendit immédiatement, bien qu'il savait déjà pourquoi il était là. Mais rien que l'entendre suscitait cette réaction, tellement il avait peur que la situation ne s'aggrave. Il n'avait vraiment, vraiment rien envie d'entendre de négatif, mais il était obligé de considérer cette possibilité, rien que parce qu'il savait que faire le sourd et l'aveugle en refusant d'aller voir un médecin était une immaturité qu'il ne pouvait pas se permettre. Après tout, il était la personne la plus proche de Clive et, jusqu'il y a peu, le responsable légal de Natsume. C'était à lui qu'incombait la tâche de s'occuper de ça, ou du moins le pensait-il fermement.

« Globalement, les analyses de sang sont déjà bien meilleures qu'au début. Je vais leur prescrire des compléments en vitamines à cause des carences, particulièrement en vitamines. Il va vraiment falloir leur préparer un régime spécifique et concentré en produits frais, petit à petit. Leurs estomacs sont encore fragiles, le mieux est d'y aller progressivement, en évitant les produits trop riches, mais il faut absolument qu'ils reprennent du poids et des forces, la chute a été bien trop brusque. Si ils n'arrivent pas à digérer normalement, faites leur prendre plusieurs repas. »

Faust hocha de la tête assez simplement. Mathilde grimaça un peu lorsqu'elle passa en revue le dossier où figurait le nom de Clive, et le conseiller sentit une boule se former dans sa gorge dans l'attente de ses paroles.

« Pour Clive, le mieux est de faire comme mes collègues vous l'ont dit et d'attendre que tous ses os se réparent. Mais surtout, il faut y aller doucement. Pour le sommeil, on va éviter les somnifères jusqu'à ce qu'il soit remis, et les relaxants aussi. Continuez avec l'hypnose pour le sommeil, c'est bien meilleur. On ne sait pas vraiment ce qui lui a été mis dans les veines en prison, alors il vaut mieux ne pas risquer que des produits ne causent des réactions si il y a encore des restes.
- Et pour le reste... ? »

Elle soupira et referma le dossier de l'officier sans se presser, avant de s'éloigner un peu de son bureau pour saisir un petit carnet duquel elle sortit une carte de visite qu'elle tendit à Faust. Le conseiller haussa les sourcils, surpris du nom qu'il venait de lire.

« C'est un psychologue ?
- Même si il n'est pas très responsable lui-même, mon idiot de mari est spécialisé dans les traumatismes de guerre. Je pense que cela vous sera utile.
- Si il veut bien parler...
- Je pense que vous le sous-estimez, Faust. »

Le châtain cligna des yeux, surpris par le ton plus doux et le sourire paisible dont il témoignait. Mathilde était une force douce, une de ces personnes qui arrivait par leur simple charisme et leur gentillesse débordante à se faire écouter, à faire passer leurs idées et à les rendre acceptables. Souvent, il avait pensé qu'elle aurait été redoutable si jamais elle l'avait voulu.

« Bien sûr, il m'a semblé perdu et assez introverti, mais je le trouve bien plus ouvert que toutes les personnes que j'ai vu défiler chez moi... Il lui faudra un peu de temps, et beaucoup de patience, mais je pense que son cas va s'arranger. Il faut juste éviter absolument toute rechute. En revanche, pour le cas de Natsume... »

La voix plus grave qu'il entendait ne lui disait rien qui vaille. Mal à l'aise, le métis serra un peu les poings après avoir jeté un coup d’œil aux deux autres hérissons qui attendaient dans la salle d'attente en bavardant tranquillement. Il expira lourdement.

« Je vais être honnête, les résultats tendent vers le négatif pour ses poumons. Ils ont visiblement été soumis à un stress important et à une fatigue colossale, couplés aux manques de nourriture et à l'absence totale de traitement... Il va falloir faire très attention et bien surveiller la prise des médicaments. Le but est d'éviter dans l'absolu une crise aiguë qui serait très dure à supporter dans l'état des choses. Pour le reste... »

Elle tourna une des pages de son dossier avec un calme olympien.

« J'ai pensé à la chirurgie cutanée, pour son dos, une fois qu'il aura récupéré et repris du poids. C'est bien sûr quelque chose qui devra attendre, mais il me semble qu'elle le dérange fortement, de ce que j'ai compris.
- C'est pas vraiment anormal, ça. »

La vieille dame ignora les paroles un peu plus acides que d'ordinaire de Faust pour continuer à lui confier ce qu'elle avait à dire.

« En un an, on arrivera sûrement à en effacer une bonne partie. Il en restera toujours une trace, mais la science fait des miracles, de nos jours. Au moins, les plaies cicatrisent convenablement. »

Néanmoins, malgré le sourire un peu plus gai de Mathilde, le conseiller n'était toujours pas rassuré, et un détail plus que les autres le préoccupait encore.

« Et pour... L'autre chose ? »

Il n'y pouvait rien, mais il avait encore du mal à prononcer le mot, trop dérangé par ce qu'il signifiait, comme si il refusait d'accepter la vérité. La femme aux yeux verts eut l'air plus sombre, mais il s'agissait là de l'interprétation que faisait le châtain, trop embourbé dans son pessimisme morose.

« C'est compliqué. Les recherches actuelles et les connaissances sur l'amnésie sont vagues, encore plus sur son traitement, néanmoins... »

Elle fit une petite pause mais sa voix ne témoignait d'aucune inquiétude, contrairement à ce qu'on aurait pu croire, ce qui ne manqua pas d'étonner son interlocuteur. Il ne savait pas si c'était supposé le rassurer ou non, et il déglutit en tentant de calmer son rythme cardiaque soudainement plus rapide.

« Dans le cas de votre cousin, il s'agit d'un cas d'amnésie rétrograde. Le type exact est difficile à préciser puisque nous ne connaissons pas la cause exacte, mais au vu des symptômes, c'est ce qui semble le plus logique est une amnésie neurologique transitoire liée à un traumatisme dans la région du cerveau.
- Une quoi ?
- Généralement, elles sont provoquées par le blocage d'une artère qui coupe temporairement l'alimentation en sang à des parties du cerveau. Pour les causes et dans ce cas-là plus particulièrement, on peut envisager un syndrome post-commotionnel ou même une drogue psychoactive. Le choc traumatique joue peut-être, quant à lui, sur le temps de récupération. Au vu des symptômes de désorientation, des problèmes de langage et de placement dans l'espace-temps, tout semble coller. 
- Je... Je vois.
- Ça sonne plus compliqué que ça ne l'est. »

Quelque chose dans son air calme et relativement tranquille perturbait le jeune homme qui n'arrivait pas à aligner une phrase, un peu perdu. Tout cela passait bien au dessus de sa tête, lui qui avait beaucoup de mal à comprendre tout ce qui concernait le blabla technique et spécifique.

« Vous savez, même si les cas d'amnésie totale comme celui de votre cousin sont exceptionnellement rares, la situation est bien moins grave qu'on ne pourrait le penser.
- ... Comment ça ?
- Le point à retenir dans 'amnésie neurologique transitoire liée à un traumatisme dans la région du cerveau', c'est 'transitoire', monsieur Donovan. La perte de la notion de soi est certes une conséquence d'une lésion grave, mais le diagnostic de récupération est extrêmement positif pour lui. Généralement, la guérison de ce type d'amnésie prend plusieurs mois... Seuls de très, très rares cas prennent des années à récupérer entièrement. Le fait qu'il ait déjà commencé à récupérer plusieurs souvenirs est très bon signe, d'autant plus qu'il a toujours la même vision de vous en général... Je ne m'inquiéterai pas autant que vous le faites, à votre place.
- Mais si jamais ça prenait des années ?
- Vous voulez vraiment croire en des pourcentages qui sont en delà de cinq... ? »

Sous le choc, Faust ne parvint pas à aligner une phrase sur le moment. Les yeux ronds, la bouche ouverte, il resta muet. Il balbutia quelques syllabes dénuées de sens, encore un peu bouleversé par ce qu'il venait d'entendre. Finalement, il passa ses mains dans ses cheveux, cherchant à retrouver un peu de calme alors même qu'un immense sentiment de soulagement le parcourait. Il retint comme il le put le nœud dans sa gorge qui menaçait de se transformer d'un instant à l'autre en sanglot. Mathilde lui laissa le temps de reprendre un peu d'air, et dès qu'il releva le regard, enchaîna sur la suite des informations. Elle avait cette fois un air plus sérieux et grave.

« Néanmoins... Il va falloir faire très, très attention. J'insiste sur ce point car ce qu'il faut absolument éviter, c'est une rechute. Son état mental est très instable, et si un stimulus quelconque se révèle être trop proche d'un souvenir traumatique, ce souvenir risque de se réveiller d'un seul coup et de causer un stress important. Vu l'état de sa santé, c'est donc quelque chose qui ne doit absolument pas arriver. S'énerver ou perdre patience sont des choses qu'il va falloir éviter à tout prix.
- L-logique. »

Même si il ne pouvait pas sortir une phrase cohérente de sa gorge qui semblait s'être tarie, il ne pouvait qu'être encore sonné par le sentiment rassurant qui le parcourait. Même si ses yeux s'étaient voilé d'un drap de peine, il paraissait déjà bien moins crispé que tout à l'heure. Mathilde, touchée, se permit un sourire léger.

« Vous êtes sûr que ce n'est pas vous qui avez besoin d'un peu d'aide, là ?
- Trois verres de vodka et ça ira mieux. »

La femme aux yeux verts gloussa, tandis qu'un rictus mi-amusé mi-fatigué étirait les lèvres du conseiller.
Je veux des vacances, putain.


« Ça fait combien de temps que tu surveilles cette chose ? Depuis le temps, il aurait dû éclore...
- J'ten pose des questions. »


Faust poussa un soupir blasé en plantant sa cuillère (arthour) dans son  pot de glace vanille-cookie. Depuis quelques jours, l'humeur de son jumeau n'était pas au beau fixe. Il n'avait rien dit au départ, conscient qu'il ne souhaitait peut-être pas en discuter et qu'il fallait parfois juste donner de l'espace à Clive pour que celui-ci s'aère l'esprit, mais la situation ne semblait pas s'arranger avec les jours qui passaient. Au contraire d'ailleurs. Alors même que la tête de Faust s'allégeait peu à peu au fur et à mesure que les bonnes nouvelles s'accumulaient, comme si un miracle avait frappé sa vie depuis peu, le visage de Clive se faisait de plus en plus sombre et pensif. Les premiers jours, il était encore trop assommé et sonné, incapable de vraiment réfléchir, mais maintenant que le temps avait passé, il avait récupéré la majorité de ses facultés.
En dehors du fait qu'il était toujours nécessaire de le pousser en fauteuil, que certains de ses os étaient toujours cassés ou fracturés et qu'il fallait que Faust lui consacre énormément de son temps, ce qui n'était pas un problème de toute façon, son cerveau était revenu à son état normal. Arceus, après son retour et encore plus une fois Natsume récupéré, il ne l'avait pas quitté un seul instant. Il n'avait pas occulté son cousin, loin de là, mais il avait un peu délégué la tâche à Samaël tant être présent pour son jumeau demandait du temps. Disons que lorsque l'un peut tout juste avancer mais pas se préparer à manger, se poser quelque part ou même attraper un objet et que l'autre reste maître de ses mouvements, il n'avait pas vraiment de choix.

Mais même si il préférait comme si de rien n'était, il savait bien que l'intérêt que portait Clive à cet œuf n'était pas innocent. Et du coup, même si il le savait brûlant, il fallait mettre le pied dans le plat. Quitte à marcher sur des legos.

« Y'a un truc qui cloche ? »

Évidemment, Clive aurait pu choisir de mentir. Il l'aurait fait en une fraction de seconde, avec un talent que Faust n'avait jamais vu égalé que par le sien quand il le désirait (et oui il était vantard, il était au courant). Le conseiller aurait pu prétendre ne pas voir au travers de ses mots et ils seraient passés à autre chose, reléguant le sujet à une éventuelle prochaine fois comme il l'avait fait si souvent par le passé. Il fallait dire que c'était une méthode testée de nombreuses fois, mais qui avait montré ses limites quand Clive avait fini par pourrir au fond d'une cellule.

« C'est une amie qui me l'a donné.
- Ah, je v-
- Une amie du régime. »


Quasiment instantanément, Faust se contracta. Les poils sur ses bras se seraient presque dressés dès lors que l'autre eut prononcé ces mots, mais le cadet ne fit pas le choix de faire marche arrière. Il aurait pu pourtant, mais ils savaient tous les deux que le sujet reviendrait inévitablement sur la table.

« Heureux de le savoir.
- Ce qui s'est passé n'a rien changé à ma pensée initiale. Tu sais ce qui finiras par arriver, un jour.
- Clive...
- Ne me fais pas la leçon. Hors de question de fuir devant mes responsabilités, et tu le sais. Je ne suis exempté de suivre la loi. »


Si le conseiller voulait prendre la parole, il n'en eut toutefois pas l'occasion. Quelques petits sons de craquement vinrent briser sa concentration et il se rendit alors compte que l’œuf dans les bras de Clive s'était mis à remuer assez fréquemment. Même si l'expression de Faust restait renfrognée, il finit toutefois par porter son attention sur l'objet ovale. Clive, lui, paraissait surtout déconnecté de la situation, comme à chaque fois qu'il abordait un sujet complexe ; son visage finissait toujours par devenir illisible.
Il cligna des yeux et se détendit néanmoins quand il vit sortir de l’œuf une petite Ténéfix aux grands yeux brillants. La créature tourna la tête sur les côtés, cherchant à savoir pourquoi se tenaient devant elle deux silhouettes identiques, avant de pousser des petits cris de confusion et d'agiter ses bras. Puisque Clive n'amorçait pas un geste, Faust attrapa la chose pour la poser sur la table, mais la spectre s'était déjà accrochée. Elle refusait complètement de quitter sa position, et tenait fermement son bras, comme un koala à sa branche. Confus, Faust grimaça un peu.

« Okay, euh, c'est pas moi ton dresseur, p'tite...
- Garde-la. Elle te lâchera plus, et c'est mieux que j'évite de capturer plus de pokémon. »


Faust se tendit, même si la Ténéfix accrochée à lui en avait profité pour monter jusqu'à son crâne et ainsi s'y percher. Clive esquissa un sourire triste et un peu amer, laissant à son jumeau le temps de comprendre que ce qu'il allait entendre n'allait certainement pas lui plaire. Rien que le ton de sa voix, tranquille mais pas dépourvu d'une certaine peur, le prouvait.

« Un jour, quand tout ça sera fini, je passerai devant un vrai tribunal, Faust, et j'irai en prison. Parce que c'est ce qui est juste. Ce serait irresponsable de provoquer plus de peine. »

Il n'obtint aucune réponse. Dès lors qu'il eut fini sa phrase, la porte claqua et il était déjà dehors. Quelques minutes après, le vrombissement de la moto se fit entendre, et Clive soupira lourdement, un sourire un peu cassé. Faust, lui, ravala son envie de hurler en tentant de croire, pour une fois, qu'il n'était pas totalement impuissant face à tout ce qui arrivait. Il pouvait bien se permettre d'espérer, à force, non ?
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Oathkeeper I [OS]

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