You'll be all right, no one can hurt you now..
Come morning light, you and I'll be safe and sound.


Il était tellement beau, tellement beau, comme avant & même un peu plus peut-être malgré les cicatrices qu'il avait récoltées en cinq ans dans cette maudite prison. Cinq ans, cinq ans, je peinais encore à réaliser que tant de temps s'était écoulé sans lui alors que le seule endroit où j'étais bien, où je pouvais m'épanouir & être heureuse, était simplement auprès de lui. Cinq ans, les avais-je vraiment vécus ou seulement survécus, puisant quelques maigres forces dans le regard si semblable au sien de Crystal, dans le soutien immuable de mes pokémons & notamment de ceux devenus les trois leaders de l'équipe? Je ne savais guère, j'ignorais même entièrement la réponse à cette question. Cinq ans avant de retrouver ses bras, avant de pouvoir enfin tout lui dire de cet amour immense que je gardais en moi depuis si longtemps. Cinq ans. & il me semblait presque que près de lui, enfin près de lui après tout ce temps à l'attendre & à le chercher, je m'éveillais d'un long sommeil où pratiquement tout mon être s'était plongée. J'étais restée moi, je m'étais battue, j'avais atteint les sommets d'une carrière de dresseur là où tout le monde sur les routes m'avait dit que j'échouerai, j'avais réussi en étant enceinte puis avec mon enfant sur les bras, je n'avais jamais cessé de me battre ; mais au fond je n'avais pas été vraiment heureuse depuis cinq ans, malgré mon rêve atteint & mes batailles, je n'avais pas vraiment été vivante. J'étais moi sans l'être totalement, voilà. Il me manquait toute une moitié de mon cœur émietté, si ce n'était l'organe entier.

Mais maintenant il était là. Damien, Damien. Il était là, & peu à peu près de lui, les éclats de mon pauvre cœur blessé tant & tant de fois ces dernières années se reconstituaient. Il était le baume sur mes plaies, il était mon âme sœur & mes sourires, il était ma force & ma faiblesse à la fois, il était l'homme de ma vie. J'avais besoin de lui, tellement, tellement. De le savoir en sécurité, enfin libre comme il aurait toujours dû l'être. Il était là, & auprès de lui je réapprenais à être heureuse, je retrouvais le goût oublié du pur bonheur ne souffrant pas de l'ombre douloureuse de son absence. Voir son expression s'illuminer à mon demi-aveu me réchauffa un peu plus encore le cœur. Y avait-il pensé aussi? A passer notre vie ensemble, tous les deux jusqu'à la fin probablement au vu de ses paroles précédentes & de son expression actuelle ; mais l'idée d'un mariage qui parachèverait l'union de nos âmes & de nos cœurs de façon officielle & solennelle, cela lui avait-il aussi effleuré l'esprit? Rien qu'un instant, j'aurai aimé pouvoir lire ses pensées pour le savoir. Rien qu'un instant, je me sentais de nouveau comme la fillette gorgée d'espoir d'autrefois, l'enfant insouciante qui ignorait encore le sens du mot "guerre", & qui avait rêvé du beau mariage avec son futur amoureux. & je souriais de ce souvenir tendre, à la fois si lointain & tellement actuel, comme je souriais de l'air bienheureux de mon amant. Je l'aimais, comme je l'aimais ; je crois bien que jamais je ne le dirai assez, je ne connaissais même pas de mots assez forts pour dire à quel point il m'était indispensable, à quel point je ne voulais plus jamais le perdre.

Les seules paroles qui répondirent à l'aveu de mon rêve d'éternel furent quelques mots taquins, contrastes avec son air béat sous-entendant qu'il en rêvait peut-être autant que moi. Quelques mots constituant une pique plus affectueuse qu'autre chose probablement, & j'echappais un nouveau petit sourire, amusée, alors qu'il m'embrassait de nouveau. Oh mais Damien, tu ne m'as jamais été insupportable tu sais. Jamais vraiment. Même à notre rencontre quand tu agissais encore en petit monstre égaré, même à l'adolescence quand je souffrais de te voir avec d'autres, même il y a cinq ans lorsque nous nous engueulions si souvent. En vérité tout ce temps, même dans les pires moments, j'avais juste horriblement besoin de lui, de sa présence même si c'était dur, car au fond c'était lui le seul qui comptait, l'unique être en ce bas monde qui parvenait à me bousculer ou à m'obliger à garder la tête hors de l'eau lorsque je n'en trouvais plus la force. Il avait son caractère certes, comme j'avais le mien, & pour sûr que cela promettait des étincelles à l'avenir, mais nous serions plus forts que ça. J'en avais la conviction. Car vraiment, la seule chose qui m'était insupportable avec lui, c'était son absence, le vide laissé par la douleur d'un éloignement trop brutal comme celui de son emprisonnement toujours injustifié. Doucement je me blottis un peu plus contre lui, fermant les yeux pour mieux profiter de son contact rassurant.

- Je dois être un peu maso alors, sans doute. Mais je pense être capable de te supporter quand même. Quoiqu'il arrive, je te voudrais toujours, tu peux en être sûr..

Mon corps s'engourdissait de toute la fatigue accumulée les derniers jours, alors que peu à peu le sommeil prenait ses droits. Je n'en avais pas peur cette nuit, je me savais en paix & en sécurité dans ses bras, je le savais lui libre & à l'abri. Nous étions deux maintenant, & nous le serions toujours, car rien ne serait jamais plus assez fort pour nous séparer. Je ne craignais pas les cauchemars cette nuit-là non, je savais qu'ils me dédaigneraient. Trop euphorique encore de nos aveux enfin partagée, de la certitude que nous nous réveillerions le lendemain l'un contre l'autre, de nos ébats qui en disaient bien long sur leur véracité, pour que les mauvaises pensées du sommeil aient la moindre chance. Blottie dans ses bras contre son corps encore aussi brûlant que le mien de ce que nous venions de partager, ma tête reposant contre son torse à écouter son cœur au battement aussi réel qu'apaisant, je ne tardais pas à le rejoindre au pays de Morphée ; gardant un sourire heureux & un peu rêveur aux lèvres.