Catherine n’avait décidément pas de chance. C’était bien la troisième fois qu’elle revenait sur les plages d’Enola, en quête de la créature qui l’intéressait. Elle avait eu le temps de faire davantage de recherches à son sujet, afin d’augmenter ses chances de la trouver. Elle fut soulagée d’apprendre qu’effectivement, son objet de convoitise avait surtout une activité nocturne. Autrement, la capturer aurait été autrement plus ardu, puisqu’il lui aurait fallu se rendre en plein jour sur la plage. Autant dire que ni elle ni sa moitié spectrale n’auraient apprécié cette petite escapade.
La Championne Coordinatrice d’Anula atterrit une fois de plus sur le sable encore chaud, l’Ectoplasma repliant ses ailes morbides pour reformer son habit d’ombre. L’astre céleste embrasait une dernière fois l’horizon, mais il ne tarda pas à être englouti par les flots, au loin. Le moment idéal pour trouver son prochain sujet d’étude, d’après ce qu’elle avait découvert.
La femme squelettique entreprit sa promenade nocturne, alors que la Reine d’Argent prenait silencieusement le trône qui lui revenait, suivie des milliers de perles scintillantes qui la servaient. Mais les yeux sans fond de l’humaine étaient fixés sur l’océan, balayant l’étendue à la recherche du moindre éclat venant des profondeurs. Son châle vivant et son amie au regard multiple étaient eux aussi alloués à cette tâche. Dès que l’un d’eux signalerait la tâche de lumière, Mo Féin Eile serait envoyée pêcher la créature, avec la ferme intention de leur faire rejoindre leurs rangs.
Plusieurs minutes passèrent, qui s’étirèrent en heures, alors que la Lune poursuivait sa course. Catherine serra les dents. Elle commençait sérieusement à perdre patience… Elle ne demandait tout de même pas un Wailord blanc ! Celui qu’elle cherchait était réputé pour envahir les mers, encore plus qu’auparavant avec le réchauffement climatique et la pollution de l’eau ! C’était tout de même un comble que de ne pas pouvoir ne serait-ce en voir un !
Exaspérée, car c’était tout de même la troisième nuit qu’elle gâchait pour rien, A Mulher-Cobra s’apprêta à demander à sa moitié fantomatique de les ramener à Anula quand Tocsain releva la tête. Intriguée, elle interrompit sa demande silencieuse, pour se focaliser sur son châle vivant.
« Tocsain ? What’s up, darling ? You’ve heard something ? »
La moufette poussa un petit grognement en guise de réponse, avant de quitter les épaules de sa dresseuse d’un bond. Il atterrit dans le sable, puis fila jusqu’à des rochers, à quelques mètres. Il grimpa sur l’un d’eux, inspirant à fond l’air marin, ses prunelles fixant ce qui se trouvait de l’autre côté. Enfin, il tourna la tête vers Catherine, l’appelant d’un grondement plus sonore.
Perplexe, la femme au teint livide s’avança, les sourcils froncés. Elle se doutait que la Moufouette n’avait pas fait cela en vain, mais elle se demandait tout de même ce qui l’avait ainsi alerté.
Lorsqu’elle parvint à sa hauteur, Tocsain bondit dans le trou d’eau formé par les minéraux. Ce n’était pas très profond mais le mammifère était obligé de nager, du fait de sa courte taille. Il progressa jusqu’à ce qui ressemblait à un amas d’algues brunes, dans un coin de la prison de roche. Là, il adressa un nouveau grognement à l’Irlandaise, avant de pousser doucement la masse sombre du museau.
Catherine était de plus en plus intriguée par le comportement de son pokémon.
« Come on, Tocs’. It’s just a bunch of rotten algas, nothing useful. Come, we have to go back to home. »
Mais il ne bougea pas, se contentant de croiser son regard dans le sien en réitérant son appel. Catherine soupira d’exaspération. Elle détestait qu’on lui tienne tête de la sorte. Avec précaution, elle enjamba les rochers, s’avança jusqu’à la moufette. Cette dernière grimpa sur une roche proche et s’ébroua pour se débarrasser au maximum de l’eau qui l’alourdissait, alors que la Championne Coordinatrice se baissait pour examiner les algues.
« See ? There’s nothi… Oh ! »
L’Irlandaise comprit alors où son Pokémon voulait en venir au moment où elle toucha les herbes marines de sa main gantée de noir. Ce n’était pas des algues, comme ce qu’elle avait d’abord pensé. Mais un gros hippocampe dont les nageoires, l’apparence étaient faites pour que l’on ait cette impression.
A Mulher-Cobra se représenta plus ou moins ce qui avait dû se passer : la créature marine avait été amenée là par la marée, mais lorsque l’eau s’était retirée elle s’était retrouvée piégée. Le trou d’eau n’avait pas été assez profond pour lui permettre de survivre, les rayons du soleil s’étaient chargés du reste.
Oui, c’était bien dommage, mais c’était ainsi. On ne pouvait changer l’inévitable.
Catherine s’apprêtait à se relever lorsque les nuages qui voilaient la lune jusqu’à présent s’écartèrent, dispensant une douce lumière argentée sur le monde. Elle remarqua alors du mouvement dans le ventre anormalement gonflé de l’hippocampe trépassé. Sans qu’elle ait à prononcer le moindre mot, une main griffue sortit de sa robe occulte, pour entamer les écailles, découpant avec précision la chair du mort.
Lorsque la déchirure fut suffisamment large, une petite forme longiligne en tomba lourdement, pour finir dans l’eau. Elle flottait à la surface, apparemment sans vie… Mais ses petites nageoires se mirent à battre, de façon maladroite, certes, mais suffisamment pour montrer qu’elle était en pleine forme.
D’abord surprise, un sourire mauvais s’étira sur les lèvres maquillées d’A Mulher Cobra, tandis que Tocsain bondissait sur ses épaules, reprenant sa place habituelle. Elle le gratifia d’une petite caresse sur le crâne.
« Good job, dear. It wasn’t what I expected, but it’s still a good consolation. »
Pour toute réponse, le Moufouette soufflé bruyamment, signe qu’il appréciait le compliment.
Catherine mit alors ses mains en dessous du petit hippocampe qui nageait maladroitement, et le remonta jusqu’au niveau de son visage. C’était à peine s’il tenait dans le creux de ses mains.
« Hello sweetie. Looks like you’re alone, now. Poor little thing. Don’t worry, I’ll take good care of you. »
Le petit cheval marin ne répondit pas, se contentant de bouger la tête çà et là. Il semblait vraiment perdu, dans ce nouvel environnement qui s’offrait à lui.
Finalement, la femme au teint de mort sortit une sphère noire et délicatement décorée. Au contact de l’hippocampe, la sphère se scinda en deux, l’aspirant à l’intérieur dans une douce lumière nacrée. Ce fut à peine si le globe tressaillit. La Venalgue nouvellement née était désormais sienne.
Satisfaite de sa nouvelle acquisition, Catherine demanda enfin à l’Ectoplasma de déployer ses ailes mortelles. Et alors qu’elle filait dans la nuit, portée par sa moitié spectrale, elle se dit qu’en fin de compte, ce voyage n’avait pas été si infructueux que cela. Elle allait pouvoir façonner la créature à son souhait, pour la faire devenir une guerrière redoutable. Elle n’en doutait pas une seule seconde.