« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 
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 You can do it just like me

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MessageSujet: You can do it just like me   You can do it just like me EmptyVen 14 Fév 2014 - 1:52


DO IT JUST LIKE ME


FEAT. WALTER
On cogne à sa porte. Un coup. Deux coups. Une voix féminine se fait entendre de l’autre côté. Un appel, une supplique. Il doit ouvrir la porte, dit-elle. Elle répète, encore et encore. Les minutes passent, sans qu’elle ne se lasse. Il entend des jurons, des coups précipités, la voix monter à nouveau, plus intense, menaçante cette fois. Mais personne pour lui répondre. Il n’y a personne dans cet appartement. Le téléphone sonne à son tour et la voix lui dit de prendre l’appel. Le carillon résonne dans le salon, encore et encore, jusqu’à s’éteindre, tombant directement sur la boîte vocale où une voix masculine cette fois s’élève. Un bon ami à lui, qui prend de ses nouvelles. Ils savent, tous les deux. Peut-être sont-ils de mèche. Il n’en a rien à faire. Il n’entend même pas les mots prononcés. Il n’entend pas non plus la jeune femme lui faire la morale au-travers de la porte dans une tentative vaine de le faire réagir. Ne le cherchez pas, mesdames et messieurs. C’est pleine perdue. Vous perdez votre temps. Il n’y a personne. Pas âme qui vive dans cet appartement, du moins… Pas réellement. Il y a bien une présence, plus ou moins connectée à cette vie, il y a bien quelque chose qui s’est tapi dans la pénombre, le regard terne gonflé, le torse nu, les bras zébrés de marques d’ongles sanguinolentes. Recroquevillé en position fœtale, cette ombre a jeté une couverture sur son corps tremblant de tout son être.

Logan n’a ni mangé ni bu depuis vingt-quatre heures. Il n’a pas bougé un muscle. Il ose à peine respirer. Une douleur morale et physique l’a envahi, le clouant sur place. Il a tant pleuré qu’il ne lui reste plus rien, plus rien que ses doigts qui parcourent nerveusement ses bras à la recherche d’un morceau de peau qu’il aurait épargné. Ses ongles s’enfoncent dans sa chair, soulageant un moment sa peine immense, sa peine qui menace de le submerger encore une fois quand la douleur passe à son enveloppe dont il n’a que faire pour le moment. Demain, il se relèvera et mangera et boira et se lavera et continuera à vivre. Mais aujourd’hui il n’y arrive pas. Il pense qu’il va mourir de chagrin, ainsi affalé sur son plancher en gémissant une énième fois. L’appartement se fait silencieux telle une tombe et il se sent seul. Il aurait du répondre à la femme, une de ses amies. Il aurait du décrocher pour entendre la voix du jeune homme, un bon pote. Il n’en a pas la force. Le monde entier pèse sur lui et il prononce son nom dans le noir dans l’espoir de la voir reparaître et la prendre dans ses bras pour le bercer doucement comme le faisait avant.

«Maman.»

Il en a toujours eu besoin. Toujours. Il lui est attachée comme à aucune autre personne sur cette terre, mais elle est partie. On la lui a arraché. Brutalement, violemment, sous ses yeux. Il l’a vu de ses propres yeux. Sa jugulaire voler en éclat, son sang sur les pavés, le fusil dans la main du Résistant, avec sa perruque de travers et ses lunettes fumées. Il l’a vu, il a tout vu et encore, ces images le hantent. Mais plus encore, son absence lui pèse et l’injustice entourant son décès le fait bouillir de rage et de douleur. Logan, ainsi étendu sur le sol, décide qu’il ne se lèvera pas demain non plus. Probablement pas l’autre d’après. Il se retirera de sa cachette quand ses besoins primaires reprendront le dessus. Il ne s’est levé que deux fois depuis hier soir, pour vider sa vessie. La faim le tenaille, mais elle lui fait du bien, car elle aussi le distrait de cette réalité pourtant. Aujourd’hui, 17 janvier est le troisième anniversaire de la mort de sa mère.

Mais Logan, dans sa douleur solitaire, n’est pas parfaitement seul. Un être veille sur lui. Il ne peut pas le voir, car son aquarium se trouve dans le salon et qui lui est sur le plancher de sa chambre. Par contre, il l’entend. Il n’en peut plus. Walter le Magicarpe en a trop vu. Il est inquiet. Trop inquiet. Il ne peut plus le laisser s’enfoncer dans sa misère en refusant toute aide. Sautant du bassin d’eau, il ondule sur le sol en direction de la chambre, se cognant un peu partout au passage. Heureusement, seulement quelques pas le séparent de la pièce où son dresseur se laisse souffrir. Il pénètre dans la pièce en sautillant sur lui-même, alertant Logan qui redresse lentement la tête. Le regardant comme s’il voyait au-travers. Le cœur du poisson se serre et il se dirige de nouveau vers lui, il jetant un coup de queue dans le visage au passage. Lève-toi. Bats-toi. Oublie le passé et concentre-toi sur l’avenir. Rien ne fonctionne. Le jeune homme a abandonné. Son regard a perdu toute vie, tout éclat.

Aux grands maux les grands moyens. Avec un soupir mécontent, la carpe saute sur le lit de Logan, propulsé d’un coup de queue. Un fois sur le matelas, un son étrange s’échappe de sa bouche et un éclair blanc traverse la pièce. Une nouvelle présence envahit la pièce, de toute sa longueur et un grondement sourd fait trembler les meubles. Fait trembler le pauvre humain en loques sur le plancher. Qui redresse enfin le regard vers le haut, vers cette tête immense qui est maintenant penchée sur lui avec un air sévère. Sa gueule s’entrouvre et un rugissement intense lui fait plaquer ses mains contre ses oreilles. À la place où le Magicarpe se tenait un instant plus tout se trouve maintenant un immense Léviator qui tient à peine dans la petite chambre. Logan se redresse sur un coude, pour mieux l’admirer. Malgré la pénombre, il distingue chaque écaille scintillante, chaque état bleuté. Sa main se tend pour caresser l’énorme bête qui se laisse faire, attentif et curieux, le cœur gonflé d’espoir. La main atteint son cou, s’y agrippe, s’y attache. Walter n’a qu’à le pousser de son museau pour le relever. Il se tient là, à présent, les jambes flageolantes, mais debout. Debout.

«Merci Walter.»

Sur son visage, les larmes abondent de nouveau. Non pas de douleur. Non pas de rêves brisés. Non pas du manque. Il pleure d’émotion. De l’espoir que vient de faire naître son ami en son cœur. Que lui aussi peur évoluer, devenir plus fort. L’entourant de ses puissants bras, il enfouit son visage derrière une nageoire en fermant les yeux. Soupirant doucement, Walter  le pousse contre lui en pleurant sûrement un peu aussi. Soulagement.

(c)Golden
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