Coquillage & crustacé

Althéa Panabaker

La plage, ses bancs de sable pâle et chaud sous les plantes de pied, ses fougères sèches et la mer saline, dont l'onde et les embruns venaient se porter sur les lèvres de la demoiselle assise dans les dunes. Les yeux fermés, rien ne bougeait autour d'elle. Le vent effleurait la surface de l'eau, et le soleil s'y reflétait en un miroitement scintillant et multicolore.

▬ Je n'ai aucune idée de ce que je peux faire. murmura t-elle, en se laissant tomber en arrière.

Son corps se lova dans le sable, et ses cheveux s'éparpillèrent autour de son joli visage baigné de lumière dorée. On aurait dit que tout la sublimait, que la nature était là pour ne la faire briller que plus fort. Et pourtant, une espèce de colère teintée d'amertume figeait ses traits en un masque crispé.

Une forme rose se releva, révélant une mentali dont la queue fendue ondoya. Son visage en amande se posa sur les cuisses de la demoiselle rousse, et elle émit un son cristallin semblable à un cloche. Althéa soupira et caressa la tête familière et rassurante.

▬ Samedi, ils seront tous là, et moi je ne pourrais ni boire d'alcool ni faire la fête comme je le désirais. Et puis, je devrais faire attention à ce que je dis, à ne pas faire d'allusions à ça. Mérida ... Qu'est-ce que je vais faire ? Je suis enceinte.

Elle avait fait un test, après le retard si étrange de ses règles. Et le bâtonnet était sans appel : de ses ébats avec Logan avait résulté autre chose qu'un plaisir éphémère. Dire le mot était comme une sentence, un mot grossier sur ses lèvres, un cheveu sur sa langue. Elle grimaça, et soupira de nouveau, les sourcils froncés.

L'odeur de la mer lui faisait du bien ; cela lui rappelait son père. Quand il revenait sur son bateau de ses voyages en mer, quand il lui passait la main dans les cheveux avec affection et que ses sourires illuminaient sa vie. Quand il lui ramenait de petits présents venus de contrées lointaines.

▬ Tu viens d'ailleurs, toi, Méri. Papa t'a ramenée de là-bas. Tu l'as suivi, puis il t'as confié à moi. Tu comprends, toi aussi, hein ? Combien il me manque ... Il saurait quoi me conseiller lui, pas comme maman. Si je lui dis quoi que ce soit, elle va en faire toute une histoire et ...

Et elle ne pouvait pas se permettre d'étaler tout cela avec sa mère. C'était son père, son préféré. Celui avec qui elle discutait des heures, qui savait la rassurer et la faire réfléchir. Le seul qui comptait, et le seul qui était parti, à jamais, pour toujours. Le seul qui lui manquerait au point que son coeur en était crevé chaque jour, et qu'elle se remplissait de colère pour ne pas se laisser abattre. Jamais elle ne pardonnerait à la résistance.

Mais à présent qu'elle était enceinte ...

▬ Ne me regarde pas comme ça, j'en parlerais à Logan samedi. Je verrais bien selon sa réaction. Mais ... Je suis trop jeune pour avoir un enfant ... Que dirons les autres, la presse, mes fans ?

Et puis, la douleur, les hémorroïdes, les vomissements, tout cela, elle n'en voulait pas. Rien en elle ne l'indiquait comme mère potentielle ; elle était jeune, faite pour la fête et l'irresponsabilité. Mais elle devait se prendre en main ; elle devait faire quelque chose. Althéa se leva, secoua sa chevelure ensablée, et se leva bientôt imitée par Mérida.

▬ Allez, partons.

L'air de la mer la rendait nostalgique, trop cruellement nostalgique. C'était comme si le sel se portait jusqu'aux bords du trou de son coeur, et qu'il ravivait la plaie béante qui y régnait. Elle se refusait à rester ainsi, à pleurer sur son sort. Serrant ses petits poings, la coordinatrice tourna le dos à la mer et à ses souvenirs, bien décidée à prendre une décision.