Bonne humeur était de mise, ce jour-là. Sur les Terres Fertiles de l'Est, ces plaines que j'avais toujours tant aimées, brillait un éclatant soleil, annonciateur du retour proche du printemps. Bientôt, la chaleur tropicale serait de retour, effaçant la douceur de l'hiver. Nous étions début mars. Début du quatrième mois, en somme ; ce qui signifie date de la seconde échographie de contrôle. Théoriquement du moins, en pratique, nous avions loupé la première. Donc.. Nous allions découvrir le bébé pour la première fois ce jour-là, finalement. Je sentais déjà venir le coup de gueule de Camélia, la sage-femme qui allait suivre cette grossesse comme elle avait suivi celle de Crystal ; mais pas un instant cela n'effrita ma bonne humeur. Cette fois, le père de mon bébé serait là pour vivre ces instants avec moi, pour partager ma nervosité aussi, probablement. Très probablement même! Cette fois, nous allions être deux. Cette fois, l'avenir n'était pas entièrement sombre, au contraire ; la lumière se faisait à l'horizon. Espoir & joie. Rien ne pouvait m'ôter mon sourire, rien, pas même ces inquiétudes latentes qui ne me quittaient jamais.

Ayant donné repos à Zuko, puisque dans les plaines désertes d'autres humains, cacher mon ventre était inutile, je ne me trouvais entourée que de Louna & Cathy, marchant à mes côtés vers le point de rendez-vous fixé avec Damien. Ryan lui, se trouvait dans la Jungle d'Anula, veillant sur Crystal avec Judith, puisque la fillette passait la journée avec la plus jeune de ses tantes. Oh, étrange de choisir ce lieu pour rejoindre mon fiancé avant d'aller à l'échographie? Tout dépend du point de vue.. Les Terres Fertiles avaient toujours été mon sanctuaire, en un sens, & je savais que Dam appréciait lui aussi énormément cet endroit. Alors oui, cela pouvait sembler étrange pour bien des gens, mais pas pour nous. De plus c'était aussi l'occasion de passer un peu de temps tous les deux avant l'heure du rendez-vous médical, alors bon. On ne va pas faire de chichis, sincèrement. Plongée dans mes pensées, je marchais depuis plusieurs minutes en fixant le sol. Si bien que je sentis plus que je ne vis Damien quand nous arrivâmes au point convenu ; car aussitôt, il vint me prendre dans ses bras. & je ris légèrement, immédiatement détendu, en lui rendant son étreinte alors qu'il me volait un baiser.

- Tu me manquais aussi.

Je ne pus qu'être attendrie, alors qu'un instant après, il était penché sur mon ventre déjà légèrement arrondi, l'effleurant du bout des doigts avant de parler au bébé. Notre bébé, notre deuxième enfant qui grandissait en moi, & qu'il aurait cette fois le droit de voir grandir, lui aussi.. Rah, foutues hormones, voilà que des larmes perlaient au coin de mes yeux à ce trop plein d'émotion & de bonheur. D'un revers de manche, je les essuyais, avant de prendre le bras que me tendit mon amoureux aussitôt redressé. Je ne prêtais guère attention à l'amusement mi moqueur mi attendri de nos quatre pokémons réunies, sachant bien que ce n'était pas méchant. Marchant au côté de Damien en direction de Vanawi, toute proche, je commençais enfin à penser ces questions & inquiétudes qui me hantaient depuis quelques temps. J'avais peur de ce que nous allions voir à l'écho, en réalité. Peur d'avoir trop pris de risques.. Aha, je sentais venir le savon bien amer de Camy. Un rire bref, léger, m'échappa sans que je n'ai pu le contenir ; & je le justifiais simplement, somme toute très sincèrement.

- Bon sang, j'suis nerveuse..

Autant être honnête, après tout. Parait-il que dans ce cas plus on l'est, plus on s'en parle, mieux ce sera. Je ne vois pas pourquoi ce serait plus vrai concernant la grossesse qu'habituellement, m'enfin. L'important reste de pouvoir se parler, après tout. Partager.. Quelle que soit la guerre autour, nous restons des futurs parents comme les autres, & cela implique les inquiétudes.. Pour un premier comme pour un quinzième bébé.

Son bras m'entoura, aussitôt que cet aveu de nervosité m'eut échappé. Rassurant & réconfortant ; pourtant je le savais au moins aussi inquiet que moi. Il m'attira à lui, déposant un baiser tendre sur mon front & prononçant quelques paroles apaisantes en tentant l'humour, malgré la tension de son ton. Je ris doucement, ainsi calée contre lui. Culpabilisant un peu désormais, de ne l'avoir rassuré en premier. La peur restait identique, même si ce n'était pour moi pas la première fois, mais ça il ne pouvait pas le savoir. Pouvoir se parler était essentiel, mais.. Je n'sais pas. Peut-être aurais-je dû commencer par l'aider à se détendre lui. Au moins, son ton m'avouait à quel point il était bel & bien tout aussi nerveux que moi. & si ses pokémons eurent des regards soucieux en l'entendant plaisanter sur les aléas du fait de s'occuper d'un bébé, je me contentais d'un sourire léger, devinant très bien le sous-entendu ; notre enfant, serait un enfant comme les autres au final. Fruit de notre amour, il serait un petit bébé à chérir, notre petit bébé, & tant pis pour le reste. Qu'importait la guerre autour, qu'importaient les dangers, si nous continuions de vivre. Certes les conditions nous concernant étaient plus stressantes que pour bien d'autres couples.. Mais au fond, nous restions des parents comme les autres. Angoissés pour leur enfant, surtout dans notre cas s'apparentant à une grossesse à risques, & un peu nerveux de le découvrir pour la première fois. Oui, rien d'anormal au fond.

- Mais oui.. & c'est aussi normal de s'inquiéter, tous les parents sont nerveux à ce stade. Au premier enfant, comme au quinzième ; c'est juste naturel.

Je lui souris de nouveau, tendrement. La tension avait disparu de ma voix alors que je justifiais le plus sincèrement du monde ma nervosité, en espérant que cela l'apaiserait aussi. Un bref coup d'œil devant nous m'apprit qu'au loin, déjà Vanawi était en vue ; & avec elle, approchaient les réponses à beaucoup de questions & d'inquiétudes communes. Étrange mélange de crainte & de hâte qui m'envahissait, & dont je repoussais aussitôt la première partie pour l'empêcher de reprendre trop d'ampleur. Prenant doucement la main de mon compagnon, je mêlais mes doigts aux siens, apparemment détendue désormais. Passant de craintive à réconfortante en si peu de temps qu'il n'aurait pas été farfelu d'accuser les hormones de ma précédente saute d'humeur ; j'devrais y être habituée, remarque.

- Tu es un papa en or Dam, tu le sais? Tu l'es pour Crystal, & tu le seras aussi pour le bébé.

& chaque fois que tu en auras besoin, ou que tu le voudras, je serai là. Ce n'est pas prononcé oralement, mais cette promesse est si claire dans mon regard levé vers lui, que hurler ces quelques mots aurait probablement eu beaucoup moins d'impact. Je savais bien, même sans qu'il ne m'en ait dit grand chose, que sa petite enfance n'avait pas été facile, au contraire, que ses parents étaient loin d'avoir été exemplaires. Je me doutais que pour lui plus que pour bien d'autres pères, il n'y avait pas que la nervosité de découvrir la frimousse de bébé ou de vivre la grossesse, mais aussi celle de ne pas être à la hauteur pour gérer un si petit être une fois celui-ci né. Par mes derniers mots, & les promesses dans mon regard, je voulais qu'il sache à la fois ma confiance totale en lui, & ma présence pour le guider à chaque instant. S'occuper d'un enfant de cinq ans ou d'un nouveau-né étaient certes deux choses différentes, mais la base restait identique : l'amour dont on l'entourait. Le reste, ce n'était pas grand chose, futilités, des gestes vite appris & venant souvent assez naturellement. Alors oui, peut-être Damien doutait-il d'être à la hauteur pour gérer un tout-petit, comme j'avais pu douter pour Crystal ; mais je savais moi, qu'il serait parfait. Oui, malgré son passé difficile, malgré la guerre autour & nos modes de vie à 100 à l'heure.. Il était un papa en or, & le demeurerait.

Je savais, oui. Je savais bien que cela restait parfois difficile pour lui, que son enfance & ses parents continuaient de le hanter, même s'il ne m'en disait rien, même s'il tentait de me le cacher ; comme à cet instant, où il fuyait mon regard comme de crainte que je ne m'en aperçoive. Oh, mais cela faisait pourtant bien longtemps que j'avais compris combien cette plaie restait à vif malgré tout.. & puis cela n'était-il pas naturel, après tout, d'espérer un signe de ceux qui lui avaient donné la vie même s'ils ne s'étaient jamais montrés à la hauteur, d'espérer qu'ils aient pu changer depuis ces longues, très longues années où il n'avait plus eu de nouvelles? Je ne pouvais affirmer savoir réellement ce qu'il pouvait ressentir, ayant eut des parents aimants & présents, des parents exemplaires à mes yeux, mais prétendre à comprendre.. Ça oui, je le pouvais. Je comprenais parfaitement que cela puisse être difficile, qu'il puisse malgré tout continuer à espérer, & également qu'il puisse d'autant plus douter de lui.
Ainsi, je n'insistais pas sur ce sujet. Ne fis pas de remarques non plus, me contentant de serrer un peu plus fort sa main, dans un geste de compréhension & de soutien à la fois, respectueuse de son silence. Présente quoi qu'il advienne oui, même sans mot dire, même quand lui-même n'était sûr de rien. Car quoi qu'il puisse arriver, jamais je ne pourrai le laisser tomber, lui qui était toute ma vie, mon seul amour. & s'il doutait de lui, c'était à moi d'avoir confiance pour lui, de lui redonner confiance aussi.

Quelques minutes passent dans ce silence, quelques minutes nous menant au pied de la bâtisse où nous nous rendions justement. Un sourire un peu amusé m'échappe devant le ton enjoué de mon fiancé annonçant que nous sommes arrivés à destination. Oui aucun doute, les plaques dorées près de la porte, annonçant les noms & professions des cinq travailleurs médicaux ayant leur cabinet dans ce bâtiment, toutes sages-femmes, me confirme que nous sommes au bon endroit ; la première, celle de la propriétaire du lieu, annonce le nom de Camélia Hopkins. Hochant simplement la tête pour approuver l'affirmation de mon amoureux, j'entre avec lui dans la bâtisse, me dirigeant tout droit vers l'accueil après avoir vérifié l'heure ; nous sommes parfaitement ponctuels, ma foi. M'approchant du comptoir avec mon compagnon, c'est d'un murmure assuré que je m'adresse à la jeune blonde derrière l'ordinateur.

- Nous venons voir Camélia.
- Vous avez rendez-vous?
- Celui de 15 heures.
- .. Oh. Euh.. Venez, elle vous attend.

Hésitation palpable, mais au moins elle ne contesta pas ; se contentant de repérer d'un coup d'œil Louna derrière moi, la belle Lockpin servant à ce que j'avais compris de "point de reconnaissance". Camy avait dû, pour le reste, prévenir la secrétaire médicale de ne pas poser de questions.. Ce qui n'était pas plus mal, en soi. Prenant la main de mon fiancé, je l'entraînais à la suite de la jeune femme dans les couloirs, vers ce qui devait être le bureau & cabinet de mon amie ; qui nous ouvrit aussitôt que son employée eut annoncé notre arrivée. Elle nous fit entrer, donna congé à l'autre femme & referma la porte derrière, avant de se tourner vers nous. Fronçant les sourcils à la vue de mon petit ventre trop apparent pour la première visite obligatoire, puis souriant en découvrant Damien. Elle savait bien combien j'avais souffert son absence, devait bien se douter qu'aucun ne pourrait prendre sa place ; mais de le voir confirma probablement toute les théories. Même sans avoir jamais entendu son nom, elle sut immédiatement qui il était, & l'affirma aussitôt.

- En effet. La petite Crystal a les yeux de son père, c'est indéniable.

Souriant sur ces mots, la jeune brune nous indiqua la porte de la salle attenante à son bureau ; là où se trouvait tout le matériel à échographie.

- Cruels.

Ce n'était qu'un murmure, simple murmure prononcé par mon amie alors que Damien s'éloignait, rejoignant le premier la pièce indiquée. Elle l'avait dit pour elle-même, ainsi j'étais seule à l'avoir entendue, étant toujours à côté d'elle ; & je ne pus qu'hocher la tête, tristement. Oui, cruels étaient ces maudits Régimeux qui n'avaient jamais eu la moindre petite raison pour emmener Damien, & encore moins pour le garder si longtemps, à subir leurs supplices. Camélia savait déjà pourquoi il s'était trouvé "indisposé", la première fois, étant peut-être la seule hormis Maelys à qui j'ai pu en parler un peu. Il avait manqué tant de choses pendant ces cinq années volées, & le voir en souffrir me brisait le cœur, chaque fois un peu plus. Un profond soupir échappa à la jeune sage-femme, qui se dirigea non pas vers sa salle d'examen, mais vers une armoire dans le bureau qu'elle déverrouilla tranquillement, semblant chercher quelque chose de précis. Peut-être?.. Je n'osais l'espérer. Elle savait bien que je n'avais plus les clichés des écho de Crystal, ayant dû une fois abandonner mon sac pour sauver ma fille ; mais de là à ce qu'elle-même les ait gardés.. Non, j'affabulais largement, là. Levant les yeux au ciel, blasée de ma propre bêtise, je rejoignais Damien dans la pièce d'à côté, laissant Camy à des occupations & les pokémons dans son bureau. Sans un mot, je m'assis sur le fauteuil incliné, avant de prendre doucement la main de mon amoureux, levant vers lui un regard tendre.

La sage-femme ne tarda pas à nous rejoindre, s'installant à son tabouret silencieusement pour préparer ses machines, après avoir déposé un dossier bleu-marine près d'elle. Pendant ce temps, de ma main libre, je levais mon t-shirt pour lui laisser l'accès à mon ventre sur lequel elle étala la caractéristique gel translucide & glacé, dont le contact m'arracha une brève & discrète grimace qui la fit sourire. Quoi? Je n'avais jamais trop aimé avoir froid, après tout. Serrant doucement la main de Damien, je levais le regard vers l'écran, pour voir s'afficher l'image en noir & blanc du petit être que je portais.. La toute première image de notre bébé, ce petit bout de nous qui grandissait au chaud dans mon ventre. D'émotion, les larmes me montèrent aux yeux. C'était bien réel, bien plus réel encore que tous les symptômes qui avaient menés à deviner sa présence, aussi réel que lorsque nous commencerions prochainement à le sentir bouger. Son petit cœur battant à vive allure emplissait la pièce de ses battements, & lui, il bougeait, déjà tout agité ; pouvait-on faire plus vivant & apparemment en pleine santé? Il semblait se porter à merveille. À merveille.. Un sourire se dessina sur mon visage. Je n'avais pas encore vu Camélia froncer les sourcils ; je ne le réalisais qu'en l'entendant marmonner à voix basse, à mon intention, quelques reproches probablement un peu fondés. Aha.. Oui. Évidemment. Mais cela ne me fit perdre ni mon sourire, ni mes émotions.

- C'est bien c'que j'pensais.. Soso, t'es pas sérieuse, vous auriez dû venir y'a deux mois pour la première visite!
- Je te rappelle la situation y'a deux mois, ou tu t'en souviens seule?

Oui, je savais bien que la première visite obligatoire était dépassée, merci. Ce n'était pas pour rien que j'avais attendu la date de la seconde d'ailleurs, pour pouvoir prétendre avoir compris trop tard si on me posait la question.. Une chance que je n'avais pas encore eu le temps de déclarer la grossesse, hein. Faisant le calcul, la sage-femme écarquilla les yeux, sa bouche formant un petit "o" parfait. Hé oui, la première visite aurait dû tomber en plein pendant le chaos de début janvier, date à laquelle j'étais tout sauf disponible.. & elle le savait parfaitement, toute Souffle qu'elle était, connaissant bien mon identité secrète.

- C'est pas faux. En tout cas, ce petit bout a l'air en pleine santé.

Disait-elle finalement en reportant son regard sur l'écran, maniant ses machines pour effectuer divers calculs auxquels je ne comprenais rien, mais qui la faisaient sourire. Voilà qui était soulagement, après tant d'inquiétudes..

Ému lui aussi, Damien avait lâché ma main pour aller vers l'écran, ce tout premier lien avec notre bébé. Un murmure lui échappa alors que Camélia se taisait ; & je ne pouvais qu'être d'accord avec ces mots que j'avais devinés. Beau.. Oui, notre enfant était beau, comme l'était sa sœur ; & comme elle, il sera le plus beau des bébés. Il l'était déjà d'ailleurs. La voix de mon fiancé s'était brisée de sanglots, qui ne firent qu'alimenter mes larmes silencieuses causées pour la même raison que les siennes. Sans émettre le moindre commentaire, je le regardais découvrir la première image de notre enfant, attendrie par sa réaction, mon cœur débordant d'affection & de bonheur. Fier qu'il était, ce n'était pas souvent que je le voyais pleurer ; & jamais je n'oserai faire la moindre remarque, même si j'aimerai qu'il comprenne que tout le monde a le droit de pleurer, qu'il n'a nulle image à entretenir.. Enfin, passons.
Il s'était éloigné dans un coin de la pièce avec un mouchoir, tentant tant bien que mal d'arrêter ses larmes, de reprendre le contrôle de ses émotions. & je souriais doucement, reportant mon regard sur l'écran en attendant qu'il revienne. Ce n'était qu'une première rencontre, grâce à des machines uniquement ; & pourtant dans mon cœur, c'était déjà tant. Comme j'avais hâte de le rencontrer réellement ce petit bout, que nous puissions le tenir dans nos bras, l'entourer de notre amour.. Faire sa connaissance. D'avance, à cette seule pensée, l'émotion me serrait le cœur. Mon sourire s'étira alors que mon compagnon reprenait la parole, son ton tremblant, s'adressant d'abord à la sage-femme pour plusieurs questions.. Puis à moi.

Si nous voulions.. Savoir? Je ne m'étais pas un seul instant posé la question. Enceinte de Crystal, je ne me l'étais pas posée non plus, remarque ; je n'avais su qu'à sa naissance. Fille ou garçon cela ne changeait rien pour moi, & le fait de le savoir à l'échographie ou le jour de sa venue au monde ne me dérangeait pas plus. Dans tous les cas, il restait notre petit bébé, le fruit de notre amour si longtemps refoulé, de la nuit de nos retrouvailles tant espérées.. Je me fichais de savoir maintenant ou plus tard, au fond. Camélia, concentrée sur ses derniers calculs, attendait ma réponse pour prendre la parole, respectueuse de ma réflexion comme elle l'avait été des larmes de mon fiancé. Lui voulait savoir, apparemment ; non pas que fille ou garçon changerait quelque chose pour lui aussi.. Enfin, j'me comprends. Un petit sourire en coin s'esquissait sur mon visage, & je hochai doucement la tête à l'instant où la sage-femme portait un regard dans ma direction. Un bref clin d'œil, & elle reporta son attention sur l'écran, jouant quelques instants avec l'échographie & l'ordinateur relié, avant de sourire à son tour. Visiblement, savoir était déjà possible..

- Elle se porte parfaitement bien, & déborde d'énergie visiblement.

Une fille.. Plus agitée que sa grande sœur au même âge, mais tout aussi belle, sans aucun doute. & voilà que de nouvelles larmes me montaient aux yeux ; quelle émotive je faisais en ce jour. Un petit rire tendre m'échappa, un peu niais sans doute. Peu m'importait, rien à foutre des apparences ; de toute manière, qui pourrait me juger? Il n'y avait personne ici, que mon futur mari & mon amie sage-femme. Le bébé était donc une deuxième petite fille, en pleine santé, sans séquelles du stress auquel les derniers mois l'avaient confrontée. Une petite puce que j'avais si hâte, si hâte de pouvoir tenir dans mes bras.

Qu'est-il de plus beau qu'une vie qui commence? Cette petite vie en moi, fruit d'un amour sincère, l'enfant conçu avec l'homme que j'aimais.. Il n'était rien de plus beau que de la voir pour la première fois sur cet écran, en rêvant au jour où nous l'accueillerions pour de bon, où nous pourrions la tenir dans nos bras.. Notre petite fille. Un sourire doux s'esquissa de nouveau sur mon visage alors que je rêvais au sien, tandis que Damien remerciait Camélia par quelques mots simples mais mille fois sincères. Elle dû répondre d'un sourire uniquement, car je ne l'entendis pas parler ; même lorsqu'elle me donna du papier pour essuyer le gel sur mon ventre avant d'aller ranger son matériel, elle le fit en silence, probablement désireuse de ne pas briser la magie de l'instant. Elle avait toujours été très respectueuse de ces moments-là d'ailleurs, préférant ne rien dire plutôt qu'être lourde ou gênante, qu'importent les parents auxquels elle avait à faire ; même face à une folle comme moi, ainsi qu'elle me qualifiait souvent avec une certaine ironie pour le moins affectueuse. Bien vite elle s'esquiva pour aller imprimer des clichés après avoir récupéré & jeté le papier qu'elle m'avait passé quelques instants plus tôt, non sans avoir emporté consciencieusement le dossier apporté tantôt.

Un sourire doux s'esquissa sur mon visage, l'énième non moins sincère que tous les précédents, lorsque Damien déposa un baiser sur ma tempe en soufflant quelques mots que j'entendais souvent de sa part à mon intention, mais qui m'émouvaient toujours autant. Mots d'un amour si ancien, & pourtant toujours si jeune à la fois ; éternel. Une caresse tendre sur mon visage précéda l'aveu d'un bonheur mille fois partagé, & sans un mot je glissais ma main libre dans ses cheveux pour l'attirer vers moi, l'embrassant avec tout l'amour dont j'étais capable. Un baiser bref peut-être, mais d'une sincérité sans pareil. J'étais heureuse moi aussi, tellement, tellement ; tous nos soucis, nos problèmes & autres dangers dans le monde extérieur semblaient s'être évaporés. Il n'y avait que lui & moi, avec notre bébé que nous venions de voir pour la première fois, & la famille que nous étions en train de fonder à notre tour malgré nos âmes blessées, malgré les tourments du passé si douloureux. L'avenir restait sombre, mais comme j'avais envie de croire en ce rayon lumineux qui y paraissait & s'y renforçait depuis quatre mois, comme j'y croyais.. Un avenir pour nous, où nous pourrions être heureux, ensemble.

- Moi aussi Dam, tellement..

Tellement heureuse, ou je l'aimais tellement? Excellente question ; moi-même je n'aurais su le dire vraiment. Les deux tout à la fois sans doute. Un nouveau sourire tendre sur le visage, je le repoussais doucement le temps de me lever, sans lâcher sa main pour autant. C'est le moment que choisit Camélia pour revenir, avec.. Non plus un, mais deux dossiers à la main. Nécessaire de préciser que je buguais un instant en voyant cela? Une moue amusée se dessina sur le visage de la sage-femme, qui me tendit l'un des dossiers que j'identifiais aussitôt comme celui de ma grossesse actuelle, & l'autre, elle le confia à Damien. Sur la couverture bleu-marine se distinguait un mot, écrit en gros & en lettres capitales ; un mot que je connaissais parfaitement, & qui me laissa muette de stupéfaction. Crystal. Alors, elle avait réellement gardé ce dossier à proximité directe en apprenant que j'avais perdu le mien?..

- Je sais que cela ne rattrapera jamais ce que vous avez manqué, enfin.. C'est toujours ça, je suppose.

Sans nous laisser le temps de répondre, elle retourna dans son bureau s'installer à l'ordinateur, probablement pour remplir quelques formalités, nous laissant du temps, de l'intimité. Vraiment pas invasive, & une vraie amie aussi. J'en avais les larmes aux yeux, de nouveau, si émue. Sans Damien à mes côtés, je me serai probablement effondrée, vaincue par la force des émotions qui m'assaillaient. Jamais.. Si forte que soit notre amitié depuis tout ce temps, jamais je n'aurai osé espérer qu'elle ait gardé ce dossier complet à portée de main, pour laisser une chance au papa de rattraper un peu ces années perdues.

Mon compagnon mit un peu plus de temps à comprendre ; mais ceci étant fait, lorsqu'il ouvrit le dossier, son émotion fut si palpable que je la ressentis comme si elle était mienne, coupant ma voix dans ma gorge au point que je ne pus qu'hocher la tête en redécouvrant ces images par-dessus son bras, lorsqu'il annonça que nos deux filles au même âge se ressemblaient. Que oui, que oui, tellement. Toutes les deux fruits de notre amour, de deux nuits où nos corps avaient parlé à notre place, lassés d'attendre que nos esprits se décident à avouer des sentiments pourtant clairs pour tout le monde depuis bien longtemps ; pour tout le monde, hormis nous. Je comprenais le sentiment d'injustice qu'il pouvait éprouver d'avoir manqué tout cela pour notre aînée, je le comprenais si bien que je me savais parfaitement incapable de l'imaginer réellement. Il n'avait droit qu'à des fragments, les récits de la famille, les miens, ou des papiers comme les journaux de la Compétition gardés par mon père, les photos faites par Maelys, & surtout ce dossier, qui était bien le plus parlant des fragments de ces instants perdus que nous puissions lui donner. Oh ça oui, Camélia avait assuré en le gardant, je ne pus qu'hocher doucement la tête à cette affirmation. Une fois encore, jamais je n'aurais seulement osé espérer qu'elle le conserve si longtemps, si à portée de main, après que j'ai été un jour forcée de l'abandonner avec mon sac. J'ignorais pourquoi elle ne me l'avait pas remis plus tôt, mais.. Oh, qu'importait après tout. L'essentiel était que Damien puisse finalement le découvrir à son tour, qu'il ait droit aux souvenirs de ce qu'il avait manqué.

- Je n'sais pas c'que j'aurai fait sans elle.

Affaire de passé comme de présent. Sans elle, sans son aide & son amitié, son grand professionnalisme & surtout ses excellentes qualités dans sa spécialité, je ne sais pas si ma première grossesse aurait pu si bien se passer, ni si j'aurai pu la mettre au monde sans danger.. J'ignore ce que j'aurai fait, sans elle & ses conseils, sans son soutien immuable. Aujourd'hui encore, j'ignore ce que je ferai si elle n'avait pas été de nouveau de la partie pour nous aider à veiller sur le bébé dans mon ventre & à garder le secret sur son existence ; je ne connaissais que trop bien le buzz que pourrait engendrer la grossesse du Maître de la Ligue, le danger que pourrait être l'association qu'on pourrait faire cette grossesse avec celle de Sunny. & sans même parler de danger, je tenais à notre vie privée, nous l'avions méritée, nous avions gagné le droit d'être heureux loin de ces maudits projecteurs répandant les moindres détails de nos existences. Elle était là pour moi depuis que je la connaissais, dans les instants les plus délicats ; comme je l'avais été pour elle dès le jour même de notre rencontre. Camélia était une véritable amie, & si sa franchise & ses sarcasmes la faisaient souvent critique à mon égard, cela ne changeait rien au fait que j'avais toute confiance en elle, & que nous pouvions compter l'une sur l'autre quoi qu'il advienne, même pour des faits censés rester secrets. Elle venait là de faire un superbe cadeau à mon fiancé ; mais à moi également, me permettant de le voir découvrir ces images, de les partager enfin avec lui de manière bien plus parlante que par des mots. Oh, j'étais si heureuse qu'il ait finalement eut de droit lui aussi ; voilà qui n'allégeait en rien l'ampleur de ma gratitude pour Camy.

Un petit sourire aux lèvres, je glissais ma main dans la sienne, quêtant son avis du regard avant de l'entraîner, dès qu'il y fut prêt, vers le bureau de mon amie qui nous avait véritablement laissé tout l'espace nécessaire à assimiler le cadeau qu'elle lui avait fait, à profiter de cet instant si particulier ; préparant les papiers sans venir nous déranger. Oh ça oui, elle était une véritable amie, nul doute. Elle ne fit aucun commentaire sur ce temps que nous avions pris, se contentant de nous sourire en nous voyant revenir & de nous inviter à prendre place face à son bureau, avant de nous expliquer rapidement la suite, selon les nouvelles normes -c'est fou comme ça peut changer en cinq ans seulement-. Les mesures à prendre pour garder cet événement pour nous & protéger l'enfant de nos activités dans la Résistance furent également soulevées, ainsi que la question de la maternité qui fut vite remise à plus tard. Au final comme toujours, Camélia sut trouver les mots justes, ceux pour rassurer là où on aurait pensé l'apaisement impossible, ceux qui minimisaient des inquiétudes si justifiées à quelques frêles obstacles aisés à traverser ; tout n'était que question d'organisation, & elle avait en cela réponse à tout. Elle assurait totalement, que oui. À cet instant comme à tous les précédents depuis le début de cette consultation, & même avant, je ne pouvais qu'approuver ces quelques mots prononcés un peu plus tôt par Damien.