Le jeu du miroir

Feat Samaël Enodril & Clive G. Donovan

Depuis le début, Faust sait que la confrontation qu’il allait avoir avec son jumeau ne serait en aucun cas réjouissante. Il le sait depuis le moment même où leurs yeux se sont rencontrés le jour du premier janvier, mais il n’aurait jamais osé penser que les évènements auraient pu prendre une tournure pareille. En fait, il est plus probable qu’il ait choisi de ne pas y penser. Il est même quasiment sûr et certain que sa capacité à faire l’autruche ait grandement influencé sa capacité à ne pas réfléchir et à agir sans la moindre logique quant à ce qui devait forcément un jour arriver. C’était l’évidence même, mais il ne fallait pas trop en demander venant de quelqu’un qui n’avait pas jugé utile de prévenir un de ses proches qu’il avait un frère jumeau avec quelques problèmes mentaux et peu de remords quant à ses actions, même les plus affreuses. Alors oui, Faust est un peu perdu, un peu fatigué, très las surtout. Las de toujours commettre des erreurs stupides, de ne pas prendre conscience des dégâts que ses actions ont sur les autres, las de toujours être par sa capacité à ignorer ses soucis, la source de bien trop de problèmes.
Entendre Sam insister sur le mot « frère » le fait baisser les yeux de honte et il accuse difficilement le coup. Même s’il sait qu’il mériterait plus qu’un simple rappel, c’est tout de même un coup qu’il supporte tant bien que mal. Pourtant, les mots du cadet le rassurent ; alors comme ça, Clive ne lui avait rien fait. Bien. C’était déjà ça.
Lorsque Sam s’excuse et pleure, Faust grimace. Non, il ne doit pas pleurer. L’être pathétique et misérable qui mériterait des coups et des reproches, c’est le conseiller ; l’adolescent n’est que la victime de son imbécilité et de son incapacité à gérer son jumeau. Parce que c’est ce qu’il a toujours fait, et Faust commence lentement à comprendre qu’en son absence, il est probable que l’influence du Régime ait été trop importante. Néanmoins, il n’est pas naïf au point de croire qu’il s’agit uniquement de ça. Il les connait, les défauts de Clive. Faust n’est pas suffisamment stupide pour croire que son jumeau a un jour été blanc comme neige ; plus d’une fois il a témoigné du contraire.
Une grimace étira ses traits. Non, celui qui était à blâmer, l’imbécile qui aurait pu empêcher ça, c’était lui. Si seulement il avait mis sa fierté de côté pour parler à Sam de Clive, alors… Mais avec des ‘si’, on mettrait Enola en bouteille.

« Je… Ne dis pas ça, s’il te plait. J’aurais dû t’en parler depuis longtemps. » Dit-il, sa voix bourrée de regrets de honte difficilement dissimulée

Il vit Clive lever les yeux au ciel, s’attirant alors son regard le plus noir. À l’instant, Faust ne désirait qu’une chose ; que son jumeau se taise. Qu’il le haïsse, soit. Qu’il lui fasse du mal, ce n’était qu'habituel dans leur relation chaotique et pourtant étrangement complémentaire. Qu’il mêle Sam à tout ça, néanmoins… C’était une ligne blanche à ne jamais franchir, mais Clive s’est toujours bien fichu des limites que le monde lui imposait. Le châtain grommela une injure en direction de son jumeau qui l’accueillit par un sourire purement provocateur.

« Watashi w-
- Oh non, Faust. Hors de question que tu passes en japonais pour ne pas qu’il ne nous comprenne pas. Tu préfères que je lui fasse la traduction moi-même ? » L’arrêta Clive, son rictus se faisant moqueur et sa voix teintée d’une acidité non négligeable.

Le spécialiste  des ténèbres fronça les sourcils et pesta. Il détourna le regard, incapable de répondre qu’il aurait bien préféré ne jamais, oh grand jamais, avoir à supporter cette conversation devant Sam.  C’était une véritable torture, et Clive devait en avoir en conscience, bien que Faust savait qu’il n’en tirait aucun plaisir. Son jumeau avait peut-être quelques problèmes, mais les remords, ça, il savait les ressentir. Il les réprimait certes, mais Faust espérait secrètement qu’il pourrait user de ce savoir lorsqu’en viendrait le temps. C’était bien l’un des seuls espoirs qu’il avait pour que la situation se retourne à son avantage.
Clive haussa les sourcils, un air décidément intrigué sur son visage. Bordel, que c’était dérangeant de le voir sans ses lentilles et sa teinture. C’était sa véritable apparence, en plus, celle qu’il dissimulait comme un démon cachait son plus grand point faible, et Faust avait bien l’intention de s’en servir.
Non, il ne pourrait pas laisser passer ça. Clive était allé trop loin aujourd’hui, et il se foutait complètement du fait qu’il avait peut-être fait bien pire dans le Régime. A ses yeux, son jumeau avait toujours été différent parce qu’il était tout simplement incapable de torture, mais ça… Ça, c’était trop. Beaucoup trop.

« Dis-moi, par curiosité ; tu ne lui as pas parlé du reste, je suppose ? demanda-t-il en toute simplicité.
- …
- Oh, c’est juste magnifique.  Tu es désespérant ; la raison pour laquelle ton p’tit protégé est ici aujourd’hui et potentiellement traumatisé, c’est parce que tu ne lui as rien dit. Maintenant, essaye d’imaginer ce que pourrait faire quelqu’un de moins gentil que moi avec les mêmes connaissances. s’agaça Clive.
- Ce qu’il s’est passé entre nous ne concerne en rien les autres. Répliqua fermement Faust sans même baisser les yeux.
- Je m’en contrefous. Je suis là pour te sortir le nez de ta merde, pas pour faire dans la gentillesse, mais ça je crois que tu l’as compris. répondit son jumeau d’un ton déjà plus acide.
- J’accepte que tu sois en colère contre moi, mais je ne…
- Quand papa est mort, tu t’es enfui comme le sale imbécile lâche que tu es. J’ai toutes les raisons du monde de te haïr, mais ce n’est pas ce qui m’intéresse aujourd’hui. Ce n'est plus une question de ce que tu acceptes ou pas, mon frère. » le rabroua-t-il, soudainement plus agressif.

Toutefois, lorsque Clive vit que le regard paniqué de Faust s’était posé sur Sam pendant un instant après cette petite révélation, son rictus se fit plus moqueur. Le conseiller se gifla de ce réflexe ; il avait instinctivement voulu voir la réaction de l’autre, mais il avait en réalité surtout donné du fuel à Clive pour continuer. Son jumeau se retourna un peu vers l’adolescent, un grand sourire aux lèvres.

« Oui, encore un truc qu’il avait oublié de te dire. Surprise ! Prends en l’habitude, c’est son truc ‘d’oublier’. » s’exclama l’officier d’un ton puant l’ironie.

Faust serra les dents. Il était bien impuissant et incapable d’agir devant le contrôle total de la situation dont Clive disposait. Il ne pouvait rien faire pendant que son jumeau exposait toutes ses fautes, et tout ça, cela le mettait dans une colère folle.Il aurait pu saisir son arme et tirer, me direz-vous. Oui, il aurait pu le faire.
Mais, soyons honnêtes, il n’en aurait jamais eu la force.

« Ne le mêle pas à ça, Clive. Tu as ce que tu veux, non ? L’interpella l’aîné des deux.
- Mais voyons, tu sais bien que je ne suis pas du genre à laisser beaucoup de mystère, et il m’a l’air de vouloir savoir, alors autant satisfaire sa curiosité ! répondit l’officier avec un dramatisme volontairement ridicule.
- Clive… » Prévint Faust de la voix la plus menaçante qu’il pouvait conjurer.

Clive soupiré avant de froncer les sourcils, agacé par l’incapacité de son frère à comprendre qu’il avait la main et pleinement l’intention de l’utiliser. Il n’allait pas reculer maintenant après tout, pas après tous les efforts qu’il avait fait pour en arriver ici.

« Maintenant sois gentil et écoute bien sagement. Tu sais que tu es désavantagé, et de toute façon il faut que nous passions par là. Je suis désolé de t’infliger ça, mais c’est pour ton bien.
- Jolie, l’excuse. T’en as d’autres comme ça ? ‘La fin justifie les moyens’ et tout le bordel, qu’on fasse le tour de toutes les répliques d’antagonistes classiques ? répondit Faust d’une voix dégoulinante de sarcasme et de colère.
- J’aurais bien casé un ‘l’un ne peut pas vivre tant que l’autre survit’ mais je ne pense pas que tu aurais trouvé ça drôle. » se moqua son jumeau.

Faust pesta. Même s’il voulait le nier, il était complètement incapable de l’arrêter pour l’instant, surtout vu la position de la Migalos. L’araignée se tenait sur le plafond, mais vu sa position, il aurait suffit de quelques secondes pour qu’elle empoisonne l’adolescent et bien que Faust avait de gros doutes quant à la capacité de son frère à le faire, il ne pouvait pas se permette de prendre un tel risque.

« Alors, je commence ? Je suppose que tu n’as pas envie de le faire, donc je me porte volontaire. »

Le conseiller détourna le regard et serra les poings rageusement en voyant Clive porter son attention sur le cadet. Dalhia continuait de grogner, mais par logique, ne sauta pas sur Ezekiel pour lui arracher la trachée ; tant que Faust ne lui donnerait pas l’ordre de bouger, elle ne le ferait pas.

« Dis-moi, Samaël, cet idiot ne t’a jamais parlé de sa famille, je me trompe ? S’il l’avait fait, tu ne serais probablement même pas ici, mais je ne m’étendrai pas plus longtemps sur le sujet étant donné qu’il va passer un certain temps à regretter de son côté. Essaye de lui mettre du plomb dans le crâne à ce moment-là, enfin, pas littéralement où je viendrais personnellement m’occuper de ton cas.
Dans le petit conte que j’ai commencé à te raconter tout à l’heure, il y a quelques détails que j’ai oublié de te donner.  Il n’y a pas que moi et Faust ; il y a deux cadets, en fait. Deux cadets que nous avons quasiment élevé tous les deux et que nous avons vu grandir.
En somme, nous n’avons jamais eu trop de problèmes, sauf que, après la mort de notre père, Monsieur s’est raté magistralement dans ses études et est parti prendre part à la compétition.  
Une réaction tout à fait mature, n’est-ce pas ? Et maintenant, voilà la meilleure partie dans tout ça ; il n’y a rien de plus. Faust, tu voudrais rajouter quelque chose ?
- Je… »

C’était un coup bas. Un horrible, horrible coup bas et des accusations contre lesquelles il ne pouvait pas se défendre étant donné qu’il se serait volontiers mis du côté de l’accusation. Il savait qu’il avait merdé. Il se le disait plus d’une fois par jour, merci bien, mais entendre Clive le dévoiler ainsi, sans aucune pudeur ni crainte, c’est un coup qui le sonne quelque peu.
Finalement, après une demie minute d’hésitation, sa voix s’éleva une nouvelle fois dans la pièce, plus tempétueuse que jamais.

« … T’es content, hein. Ça t’amuse ?
- Un peu, oui. Considère ça comme un service rendu et une petite part de revanche de ma part. Dis-moi, tu arrives encore à le regarder dans les yeux ou tu commences enfin à ressentir un peu de honte ? » demanda Clive, curieux.

Faust baissa le regard, mort de honte, donnant ainsi sa réponse à son jumeau qui se contenta de sourire. L’officier se retourna une nouvelle fois l’adolescent, portant toujours ce rictus moqueur qui faisait la renommée des Donovan.

« Et toi, Sam ? Question haine et rancœur, tu gères ? » demanda-t-il avec une fausse innocence tout à fait remarquable.

Connard.

Réalisé par BlueBerry pour Orange

Le jeu du miroir

Feat Samaël Enodril & Clive G. Donovan

Pour comprendre la relation qui unit les jumeaux, il faut savoir qu'il existe des règles. Dès règles qu'ils n'ont jamais prononcé mais dont ils connaissent intérieurement et instinctivement l'existence. L'une dit que l'un est le seul juge de l'autre, une autre précise que n'importe quelle tentative de suicide de l'un sera récompensée par le nombre de coups nécessaires à une prise de conscience rapide. L'une de ces règles les plus importantes, celle qu'ils avaient toujours respecté, c'était de ne jamais, ô grand jamais, mêler les autres à leurs sales histoires ; vu leur nature qui les poussait à s'opposer et à s'affronter assez brutalement régulièrement,  il y avait sans dire que cette petite règle avait son importance. Pour l'exemple, bien que Isaac avait toujours joué le médiateur (ce qui avait probablement joué un rôle dans le développement de ses capacités à supporter les patients butes et obstinés) entre les deux, Faust et Clive n'avaient jamais tenté d'influencer leur ami quant à son amitié par rapport à eux. Lorsqu'ils se disputaient, ils veillaient toujours à ce que leurs frères cadet soient de préférence à une certaine distance, bien que c'était toujours un peu compliqué (le nombre de fois où Felix était venu les arrêter en grommelant qu'il n'arrivait pas à dormir avec leurs engueulades était d'ailleurs probablement dans les centaines). En gros ? Cette règle avait toujours été respectée, et les rares fois où cela n'avait pas été le cas, eh bien... Disons que cela s'était terminé par un os cassé.
Et en parlant d'os cassé, il faut comprendre qu'en arrivant ici, qu'en posant les pieds dans ce foutu appart', Faust était décidé à en briser un ou deux à son jumeau. Il ne pouvait pas le tuer, mais il pouvait moins le 'calmer' et l'indisposer quant à son travail dans le Régime, quel qu'il soit, bien qu'il avait une théorie qu'il ne préférait pas voir vérifiée. C'était peut-être horrible de sa part, mais c'était le seul consensus qu'il avait trouvé durant son voyage d'Anula à Vanawi ; il n'aimait vraiment pas avoir à le faire, mais Clive était allé trop loin. Il y a avait des limites à sa patience, et il faisait déjà des efforts incalculables. Si la personne retenant Sam avait été quelqu'un d'autre, il était probable qu'il y aurait déjà des  morceaux de cervelle éparpillés sur le sol, sans vouloir rentrer dans les détails. Il s'était déjà montré incroyablement magnanime avec Clive, et là... Là il n'attendait plus qu'une chose ; qu'il se taise pour pouvoir enfin réagir. Il savait pertinemment que Dalhia parviendrait sans peine à maîtriser les pokémon de son frère pour la bonne et simple raison que ceux de Clive étaient monstrueusement sous-entraînés. Seul Castiel aurait pu faire quelques dégâts, mais un coup de Lance-Flammes et cela aurait été réglé. Même si Clive avait l'avantage, il aurait suffit d'un seul et unique claquement de doigts de la part de Faust pour que Dalhia attaque et qu'il en finisse. Il n'avait nullement peur de l'arme que tenait Clive : Faust savait bien que l'autre aurait été incapable de tirer, que ce soit sur lui, sur Sam ou même sur Dalhia. Encore moins sur Sam : il le kidnappait et le traumatisait certes, mais il n'avait aucune rancune envers lui autre qu'une... Oui, autre que la jalousie que Faust pouvait voir se dégager de lui comme une odeur pestilentielle. Il n'y avait pas d'autre mot pour ça.

Depuis le début, il se laisse faire. Il ne répond pas, le laisse partir dans ses délires et ses tirades, parce qu'il sait qu'il y a de la vieille rancune qui doit sortir aujourd'hui, mais cela ne veut pas dire qu'il abandonne. Il a mal, certes. Il a honte aussi, parce qu'entendre toutes ses fautes être dites comme ça, ce n'est pas la plus sympathique des expériences, loin de là.
Toutefois, lorsque la voix de Sam s'élève et qu'il s'adresse à Clive avec ce ton qui lui retourne le cœur, Faust perd toute la volonté qu'il avait accumulé depuis tout à l'heure.
Parce que oui, perdu dans la toile que son jumeau tissait autour de lui depuis tout à l'heure avec ses reproches, il commençait progressivement à oublier que les dires de Clive affectaient tout autant Sam que lui-même, même si son cerveau embrumé comprenait difficilement pourquoi. Sa gorge se serre pendant que ce qui lui reste d'intelligence s'occuper d'analyser le ton de l'adolescent pour en déceler chaque sentiment. C'est là que Faust comprend qu'il ne pourra pas blesser Clive comme il aurait souhaité le faire ; aurait-il eu le courage de briser lentement un os à son jumeau devant l'adolescent ? De lui montrer ce côté monstrueux de sa personnalité ? En un sens, il était déjà persuadé que Sam devait le haïr ; seule cette possibilité existait dans son esprit confus et en proie au chaos total. La simple idée que le cadet témoigne de ça lui donnait la nausée, et il s'en voulait d'y avoir pensé pendant un moment.
Toutefois, comprenez bien une chose ; dans son état actuel, l'idée le démangeait toujours. Il la réprimait durement, mais elle était tout de même présente.

La réponse de Sam paraît faire mouche auprès de Clive ; celui se tait et le fixe, contemplatif, comme s'il venait de découvrir quelque chose qui le rassurait ou lui plaisait. Car oui, c'est le cas, et Faust aurait tant désiré prévenir qu'en faisant ça, il ne faisait que conforter Clive dans ses choix. Parce que si Sam était resté sans réagir, ou s'il avait confirmé le détester... Là, la réaction aurait été autre. Mais c'est ce qui fait que Faust décide qu'il n'a que trop attendu, parce que mot empoisonné qui sort de la bouche de Clive est tout aussi douloureux pour lui que pour Sam.

« Tu as oublié quelque chose dans ton histoire, Clive. »

Son jumeau se retourna vers lui, alerté par ce changement brutal de ton et ce regain d'assurance de la part de Faust. Il reconnaissait cet air neutre et aussi vide d'émotions qu'un mur de béton ; il n'avait que rarement eu l'occasion de le voir, mais dans ces cas-là...
Le claquement de doigts qui résonna dans la pièce alerta alors tous les sens de l'officier qui recula brutalement, mais n'eut en aucun cas le temps de se préparer. Pas comme s'il cherchait à se défendre, aussi. Il y avait une raison pour laquelle il avait interdit à Castiel d'intervenir après tout : le seul capable de causer des dommages (certes légers) à Dalhia devait rester en dehors de ça. Lilith ne serait pas assez suicidaire pour attaquer, et ainsi, seul Ezekiel devrait combattre. Clive n'aurait pas pu avouer à son plus vieil ami qu'il n'avait jamais eu la moindre chance et que la seule raison pour laquelle il le laissait combattre, c'était pour qu'il ne se doute pas de ce qu'il avait l'intention de provoquer.
En moins d'une minute, Dalhia maintenait Ezekiel au sol en le mordant solidement sur les épaules, le faisant japper de douleur, petit bruit qui arracha le cœur de Clive mais qu'il savait être le seul résultat de la rage protectrice de la Démolosse.
Il ne se débattit même pas lorsque la main de son jumeau se referma sur son col et, armé d'une force nouvelle, l'aîné des deux lui fit rencontrer le mur par le dos assez brutalement. Clive grommela et pesta une injure, parce que Arceus, c'était très loin d'être agréable. Faust ne s'en formalisa pas et planta ses yeux dans ceux de son jumeau, lui crachant toute sa colère et sa haine par un simple regard.

« La première chose, c'est que je ne suis pas parti sans avoir au préalable l'autorisation de maman pour être sûr que mon absence ne causerait pas un manque de revenus. Elle m'a laissé partir, je te le rappelle. J'avais même ses encouragements.
- Tu aurais pu...
- Ferme-là. T'as déjà dit assez de conneries pour toute une année, alors ne me pousse pas à te déloger les poumons de la cage thoracique, ça me briserait le cœur. Le coupa-t-il d'une voix acide et vide de toute compassion.
- Pour ça, faudrait que t'en aies un. Répliqua Clive, ses yeux pleins de reproches non formulés.
- J'ai besoin de continuer ? Quant à Felix, tu sais très bien que notre désaccord vient aussi du fait qu'il a besoin d'un coupable à blâmer et que je préfère qu'il me haïsse plutôt qu'il aille dire bonjour à la grande maison avec une ceinture de C4 à la taille.
- Il... balbutia l'autre, perdu.
- Sois un peu honnête avec toi-même : s'il avait la moindre idée de ton petit side-job, ça ferait un petit bout de temps que tu boufferais les asticots par la racine, alors ne viens en aucun cas me faire de leçon.  
- Je...
- Et pour Eliott... Tu sais très bien que l'on a gardé contact. C'est juste qu'il préfère éviter que tu le vois et il a peur de ta réaction. Regarde la vérité en face, Clive. Même lui ne te fait plus confiance. Qu'est-ce que tu crois qu'il dirait s'il te voyait faire ça ? Dans cet état, à dégobiller des anneries et à réveiller des vieilles rancunes pour satisfaire le quelconque besoin incompréhensible qui t'as poussé à faire un truc pareil ? »

Le conseiller s'arrêta un instant afin de contempler l'expression de son jumeau qui, dans un autre contexte, lui aurait arraché le cœur. Oh bien sûr, il n'appréciait pas le fait de le voir ainsi, presque tremblant et les yeux un peu humides, mais il avait passé une ligne qui faisait qu'il n'était plus apitoyé par la tristesse qu'amenait sa rage envers Clive. Mais il ne s'arrêterait pas maintenant. Pas tant qu'il n'aurait pas réussi à le sortir de son putain de délire, ou au moins apercevoir une étincelle de culpabilité dans ses yeux, et tant pis s'il devait lui faire mal, parce qu'il ne peut pas accepter ce qu'il avait fait à Sam. Il ne pourrait jamais l'accepter.

« Mais non, tu n'y as jamais pensé, parce que tu es tellement persuadé de bien faire, tu crois tellement avoir raison au fond et choisir le meilleur chemin possible que tu t'enfonces dans ta merde, même au détriment des intérêts de ceux que tu veux aider.
- Tu traînes trop auprès d'Isaac.
- Je ne te ferai pas de remarque quant à tes fréquentations, mais je crois que tu vois ce que je veux dire. »

La prise de Faust se raffermit un peu plus, de sorte que Clive était complètement incapable de se dégager même s'il avait tenté de le faire. De toute façon, l'autre ne présentait pas la moindre envie de se débattre ou même de fuir, comme s'il acceptait son sort. Comme s'il désirait que cela arrive.
Comme si tout se passait comme il le souhaitait.

« Et laisse-moi maintenant en arriver au dernier point. » grommela-t-il.

Clive l'observait en silence, bien que sa gorge était devenue sèche soudainement. Voir toute cette rage, tout cette colère, cela lui faisait penser à ce qu'il avait vu dans ses yeux le jour de la mort de leur père.

« Si tu t'approches ne serait-ce encore qu'une seule fois de lui avec une intention autre que celle de t'excuser à genoux pour ce que tu as fait, je ne serais pas aussi patient qu'aujourd'hui. Je ne veux pas te tuer, mais ça ne veut pas dire que je n'ai pas d'autres moyens de te punir, mon frère. »

Sur ces mots, il donna un violent coup de poing à l'officier dans son estomac. Puis un deuxième, puis un troisième, puis un quatrième. Jusqu'à ce qu'il tombe au sol. Comme Faust l'avait prévu, il ne s'était pas défendu. Rien d'étonnant à ça. Son but était avant tout de lui laisser un petit message, et aussi de lui marquer l'esprit ; son jumeau était actuellement étendu au sol en respirant presque difficilement et en se tenant le ventre, alors le spécialiste de l'ombre jugeait qu'il en avait fait suffisamment. Comme d'habitude, il ne gémissait pas de douleur et ne poussait pas de plaintes ; ce n'était pas le genre de Clive, il était tout simplement trop fier pour se laisser aller comme ça. Faust le jaugeait froidement et sans la moindre trace de remord quant à ses actions.  
Le conseiller posa son pied au dessus de la cage thoracique de son jumeau, une menace claire et plus qu'évidente. Une autre manière de signifier à Clive qu'il avait repris le contrôle, aussi.

« Maintenant, libère-le. Dépêche-toi. Ordonna-t-il dès qu'il vit que Clive reprenait lentement le contrôle de son corps.
- Sinon quoi ? Tu me tireras dessus et boum, plus rien ? Répliqua l'autre, clairement acide et plein de rancœur quant à ce qui venait de lui être fait.
- Non. Je briserais chacun de tes os s'il le faut, jusqu'à ce que tu craques et que tu me supplies d'arrêter. Le menaça-t-il d'un ton qui ne laissait place à aucun compromis, d'une froideur telle que Clive en fut désarçonné.
- Tu n'en aurais pas le coura... » commença son jumeau avant de s'arrêter lorsque son regard rencontra le sien.

Parce que si Clive avait changé, alors lui aussi. Il n'y avait aucun doute quant au fait que Faust irait jusqu'au bout de sa promesse. L'officier déglutit. Il hésita un instant, mais l'implacable volonté qui brûlait dans les yeux de son frère, mélangée à sa colère, à son impatience et à la cruauté latente qui résidait en son âme le convainquirent qu'il avait perdu. Échec et mat, encore une fois.
Comme il le désirait.
Il suffit d'un regard à Lilith pour que la Migalos comprenne son travail et à, contrecœur, aille dénouer les liens qui retenaient l'adolescent, surveillé très étroitement par Faust et Dalhia qui maintenait un Ezekiel vaincu et épuisé au sol.
Dès que Sam fut relâché, Faust retira son pied et alla se rapprocher de l'Enodril. Il lui tendit la main pour l'aider à se relever, veillant à garder son masque en place. Il jetait toujours des coups d’œil rapides et méfiants à son jumeau, qui tenait difficilement debout. Il parlerait après avec Sam ; pour l'instant, ils devaient juste partir.

« Tu peux marcher ? » demanda-t-il à l'adolescent, son inquiétude transparaissant dans sa voix.

Toutefois, ses yeux continuaient de fusiller Clive, s'assurant ainsi qu'il resterait bien sagement de son côté pour les laisser partir.

Réalisé par BlueBerry pour Orange

Le jeu du miroir

Feat Samaël Enodril & Clive G. Donovan

À l’entente de la remarque de Sam, Faust voit Clive esquisser un rictus amusé et un peu las, mais il n’y fait pas attention. Non, il accuse un peu le coup et bien que la neutralité de sa voix le perturbe, il ne laisse rien afficher sur son visage. Pour tout dire, il croit que Sam le hait, alors cette phrase n’a aucun autre effet sur lui que de le faire grimacer un peu. Après tout, il mériterait bien plus d’un coup pour ne rien lui avoir dit, ce qui aurait permis d’éviter un évènement pareil, mais il faut comprendre que jamais Faust n’aurait pu croire son jumeau capable d’un acte pareil. C’était un gros ‘non’ dans sa tête, une impossibilité presque mathématique qui ne pouvait pas se dessiner dans son esprit, mais il lui paraissait que le seul véritable Clive, celui qu’il connaissait et avec qui il avait grandi, n’apparaissait que maintenant. Cet homme amer qui les observait en silence, sans la moindre moquerie ou la moindre méchanceté dans son regard, un calme olympien qui avait toujours suscité l’admiration de Faust, était le Clive avec qui il avait grandi. Il a l’impression de le redécouvrir aujourd’hui, mais pourtant c’est comme si rien n’avait changé. Comme si tout cela n’était qu’une autre de leurs disputes. Et pourtant c’est loin, très loin d’être ça. C’est bien plus complexe.

« On en parlera plus tard. Il faut déjà que l’on sorte. À ce moment-là, je te donnerai tout le loisir de me hurler dessus ou même de me frapper s’il le faut. » Répondit-il au cadet, sa voix calme et posée, dépourvue de toute autre émotion que la méfiance qu’il exprimait envers son jumeau.

Parce que oui, il était prêt à entendre tous les reproches que Sam pouvait bien lui faire, mais hors de question que cela se fasse avant qu’ils, non, qu’il ne soit en sécurité. Faust se foutait magistralement de sa sécurité personnelle en fait à cet instant. Ses yeux n’arrivent plus à quitter ceux de son jumeau, parce qu’il essaye de comprendre, de voir, de dire et de ne pas abandonner tout espoir quant à une possible rédemption qui n’arrivera probablement jamais pour son frère. La chose qui se tient à quelques mètres d’eux les observe sans un mot, immobile et silencieuse, et Faust n’aime pas ce qu’il lit dans ce comportement. Parce qu’il les connait, ces yeux vides et cette expression-là, il les a déjà vu plus d’une fois, et cela ne s’était jamais bien terminé. S’il n’était pas si en colère, il se serait probablement jeté sur lui pour le réveiller et le sortir de sa transe, mais il ne peut pas. Il ne peut parce que tout ça, c’est bien plus compliqué que leur simple relation bordélique.

« Qu’est-il arrivé au gamin qui aurait été incapable de faire du mal à quelqu’un ? » demanda Faust, sans vraiment attendre de réponse.

Il y eut un court silence où le conseiller pu voir son jumeau contempler ce qu’il entendait et réfléchir, avant qu’il ne réponde d’une voix mélancolique et presque étrangement douce.

« Il a grandi, je crois. Comme toi. »

Et il y a quelque chose dans sa voix, quelque chose de vide qui lui serre le cœur parce que oh Arceus, il n’avait jamais voulu que tout ça en arrive à ce point. Ils avaient certes des différents, mais cela ne voulait pas dire que Faust voulait son malheur, bien que ce que son jumeau avait fait subir à Sam fût tout bonnement abject. Le conseiller n’avait jamais vraiment compris. Il n’avait jamais cherché à comprendre comment il pouvait autant le haïr que l’aimer, mais il fallait croire qu’il faudrait un jour qu’il fasse un choix. Un choix entre le monde et Clive.
Aussi ridicule que cela semble, la réponse n’était pas aussi simple que ce que sa morale aurait voulu lui faire croire.

« Clive, tu es mon frère et je t’aime. Mais tu es un putain d’enfoiré de merde et tu mérites tous les reproches du monde pour ce que tu fais.
- Je suppose. » Répondit l’autre en haussant l’épaule.

Il s’était rapproché d’Ezekiel et s’occupait maintenant de découvrir chacune de ses blessures, grimaçant parfois, soupirant de soulagement à d’autres moments. Faust n’arrivait pas à détourner les yeux de ce spectacle morbide, et lorsque son frère termina son inspection, il planta à nouveau son regard dans le sien, curieux.

« Dis-moi, est-ce que ça t’a soulagé ? » demanda-t-il d’un ton tout à fait neutre.

Faust fronça les sourcils. Que voulait-il donc dire par ça ? Bien sûr, il avait ressenti comme une satisfaction après l’avoir frappé, parce qu’il avait laissé aller toute la colère qui s’était accumulée depuis le premier janvier, mais pourquoi est-ce que Clive s’y intéressait, vu que… Oh. OH. OH.
Il espérait secrètement que sa théorie soit mauvaise. Il l’espérait vraiment. Dans le cas contraire… Dans le cas contraire, la sensation de malaise dans son corps n’allait pas partir. Parce que s’il avait fait deviné l’objectif principal de Clive, alors il avait joué son jeu durant tout le déroulement de son plan. Parce que si c’était ce qu’il pensait, alors il allait peut-être devoir reconsidérer ce qu’il allait faire après.

« Qu’est-ce que tu veux di-
- De me frapper. Est-ce que ça t’a fait du bien, de me détester ? Tu te sens mieux ? » L’arrêta Clive, le regard soudainement sérieux.

Et bordel, il avait deviné juste. Cette espèce de petit con n’avait cherché que ça durant toute leur altercation. L’énerver, le mettre dans une colère noire pour qu’il laisse sortir toute la rage qu’il avait accumulé contre lui, pour qu’il réplique enfin à tous ses reproches et mette fin à sa propre culpabilité concernant ce qu’il s’était passé suite à son départ de la maison. Cet abruti avait trouvé quelque chose qui pourrait faire exploser les barrières qu’il mettait entre lui et sa rage, et il avait sciemment mélangé les ingrédients nécessaires jusqu’à explosion. Faust se sentit alors perdu, vexé, en colère, et en même temps, un peu rassuré. Mais pas tant que ça ; sa motivation pouvait bien être quelconque, mais ce qu’il avait fait à Sam était ignoble.
Devant le silence du conseiller, Clive lui sourit. Un maigre sourire satisfait, un poil tendre sur les côtés, et bordel, Faust aurait bien aimé le gifler encore une ou deux fois pour lui remettre les idées en place, pour revoir son rictus moqueur, parce que le rictus était bien plus facile à supporter que ce sourire honnête. Parce que le Clive du Régime était plus facile à haïr que son jumeau.

« Tant mieux, alors. Prends soin de toi, Faust. »

Il déglutit et serra les poings. Après lui avoir jeté un dernier regard, il se retourna et offrit à Sam de faire la même chose. Ils allaient sortir, et trouver un coin où reposer leurs esprits quelque peu chamboulés par les derniers évènements.

« … Viens, Sam. On y va. Je crois qu’on a autre chose à faire, et je n’ai pas envie de perdre mon temps avec lui. »

Et alors qu’il s’apprêtait à sortir, il ne pu s’empêcher de prononcer quelques derniers mots à l’égard de son jumeau.

« Clive ?
- Hn ?
- Malgré tout, ma promesse tient. Tes intentions ne vont pas me rendre plus magnanime.
- Je sais. Et c’est pour ça que tu es le meilleur de nous deux, nii-san. »

Et bordel, qu’il aurait aimé ne pas être aussi touché par ses mots.

Réalisé par BlueBerry pour Orange

Le jeu du miroir

Feat Samaël Enodril & Faust M. Donovan

Il ne sait plus.
Il était persuadé de savoir qu'il avait raison, qu'il devait agir, que son idée finirait par lui apporter ce qu'il cherchait, mais au final, il ne sait plus vraiment où il en est. Il est complètement paumé, un peu hagard et confus alors qu'Ezekiel continue de lui lécher la joue en couinant dans l'espoir de le sortir de sa transe. Son vieil ami est bien amoché. Dalhia ne l'a pas épargné, même s'il remercie silencieusement la Démolosse d'avoir rapidement usé de Crocs Éclairs pour paralyser Ezekiel et ainsi stopper le combat avant qu'il ne subisse trop de dégâts. La différence de niveau avait été écrasante, mais au moins, seul l'ego de son vieux compagnon serait blessé. Même s'il faudrait qu'il passe voir Mikael de toute façon pour qu'il s'occupe de ça, il n'arrivait pas à se donner le courage se se relever. Ses jambes étaient comme immobiles, et même si la partie raisonnée de son cerveau continuait de lui crier qu'il fallait qu'il bouge, qu'il parte et s'en aille, il ne l'écoutait pas. C'était cette même partie raisonnée qui lui avait susurré tout ce plan tordu et stupide, alors il était hors de question qu'il lui fasse confiance. Il ne sait plus rien du tout et bordel, qu'il détestait cette sensation. Il la haïssait. Clive s'était toujours rassuré en se rassasiant de connaissances, s'était toujours persuadé qu'il avait raison en se servant d'exemples théoriques qu'il n'avait pourtant jamais vu appliqué, mais auxquels il croyait dur comme fer.
Ce n'est pas qu'il a perdu, ou en tous cas pas dans son sens. Dans le sien, même s'il est assis en tailleur, presque affalé sur le sol et que toute la zone en dessous de son thorax lui fait un mal de chien à chaque fois qu'il inspire, il n'est pas le perdant. Il n'est pas le perdant car il a joué, et même si son roi a été pris, il a permis à son adversaire de gagner et c'était ça, le but de toute cette manœuvre. Parce que dans tout ça, il avait réussi à faire cracher à Faust tout ce qu'il n'avait jamais réussi à répliquer aux reproches de Felix et à ceux que Clive sait qu'il se fait, non, faisait maintenant, chaque jour. Parce que même s'il a mal, c'est bien la première fois qu'il a entendu son jumeau réussir à répondre. Toute cette colère et toutes ces paroles, Clive sait qu'il les a emmagasiné depuis le premier janvier, et il s'était posé en sac de frappe volontaire ; Faust ne pouvait pas vivre ainsi, avec tant de regrets, si bien qu'il fallait qu'il trouve un moyen de lui faire évacuer tout ça.

Néanmoins, maintenant que tout est fini et qu'il les observe partir en silence, qu'il prend le temps de réfléchir et de revoir chacune de ses paroles ou de ses actions, il se demande ce qui l'a poussé à faire tout ça. Est-ce sa simple volonté ? Est-ce la jalousie de voir que son jumeau ne vit pas dans une prison comme Clive le fait ? Est-ce la colère de le voir répéter les mêmes erreurs encore et encore ? Est-ce la colère qu'il ressent en voyant son véritable reflet, et pas celui faussé par sa teinture et ses lentilles ? Ce qu'il sait être 'juste' et ce qu'il sait être 'mal' ne cessent de changer de définition.


Il savait que voir Faust le haïr allait le blesser. Terriblement même ; sa poitrine ne cesse de le serrer et il a l'impression que sa respiration s'est accélérée. Il tente de calmer sa respiration, cette crise de panique qui le prend, ces tremblements qui agitent chacun de ses muscles alors que les couinements d'Ezekiel se font plus insistants encore. Lilith, qui est pourtant la plus silencieuse et qui ne bouge jamais sans un ordre par sa nature docile, se rapproche doucement et pousse des petits bruits inquiets. Clive ne réagit même pas quand le Démolosse pousse un peu sa tête sous son cou. C'est comme s'il avait perdu tout contact avec l'extérieur, comme s'il s'était renfermé dans son esprit, dans ce petit monde où il est loin des dangers de ses propres démons, et Ezekiel est terrifié. Il est terrifié parce qu'il l'a déjà vu ainsi, quand Faust était parti, et le résultat n'avait pas été très beau à voir.
Mais bon sang, que peut-il bien penser maintenant ? Tout ce qu'il croyait sensé est parti voler par la fenêtre, toutes ses certitudes ne sont plus que des morceaux brisés qu'il n'a jamais appris à ramasser sans se couper, et il aurait bien été incapable de dire qu'il avait la moindre idée de ce qu'il allait faire maintenant. Une petite part de lui veut rester ici, ne plus se relever et partir dans un long sommeil sans songe, mais une autre veut se relever et se battre. Il y en a une autre qui veut s'allonger comme une merde et pleurer, une autre qui veut aller faire une connerie pour se changer les idées.
Il n'est pas habitué à se retrouver dans un état pareil, surtout qu'il a toujours tout fait pour garder ses pensées dans un état correct, pour ne jamais douter de sa réflexion, mais maintenant, il ne sait plus vraiment où il en est avec toutes ces conneries. Il n'aurait pas supposé que les mots de Faust auraient pu avoir un tel impact sur lui, mais pourtant c'est bel et bien le cas. Il aurait dû le savoir d'un côté, que son frère jumeau ne le laisserait pas de marbre avec ses mots, mais c'est comme s'il avait tellement désiré le voir et l'entendre d'une certaine façon, qu'il aurait été prêt à accepter toute sa haine et toute sa colère rien que pour le voir.

Un gloussement amer lui échappa. Bordel, quel épave pathétique il faisait, à se lamenter comme une sombre merde sur le sol. Il ne veut pas rentrer, surtout qu'il ne se sent pas capable de revenir à la maison et rencontrer le regard de sa mère sans sentir une honte immense, ni même être capable de regarder Eliott en face. Felix ? N'en parlons même pas, il se serait bien senti capable d'aller révéler son appartenance au Régime au blond pour voir si les dires de son jumeau se vérifiait et s'il lui tirerait une balle dans le crâne ou non. Bien sûr, il connaît déjà la réponse à cette question, mais imaginer la chose lui fait tant de mal qu'il préfère se dire qu'il ne s'agit que d'une simple hypothèse.
En même temps, sympa la famille ; les deux aînés s’entre tuent à moitié, le second est un extrémiste, le cadet est effrayé par le conflit entre ses frères, la mère dénonce des gens sans se poser de questions et pour couronner le tout, le père est mort en tant qu'ennemi du régime dont l'un des jumeaux et la mère font partie. Yaouh. Y aurait de quoi écrire un sacré bouquin pathétique et chiant à souhait avec tout ça.

Il ne veut plus jamais bouger, en fait. Il a peur parce que maintenant qu'il a délivré les émotions de Faust, maintenant qu'il s'est assuré de donner à son frère la détermination nécessaire pour s'opposer à lui, eh bien il est définitivement seul. Non, pas exactement, il n'est pas totalement seul et le fait qu'il n'y ait plus qu'une personne pour l'aider ne lui remonte pas le moral. Castiel tente de le faire bouger, mais Clive refuse de se relever. Le pokémon féérique se montre plus insistant, mais le hérisson le repousse violemment. Le Kirlia ne s'en formalise pas et le jauge de son regard lourd, si semblable à celui d'Isaac qu'il a du mal à ne pas se sentir mal à l'aise. Parce que oui, c'est une autre personne qui le haït. Quelqu'un qu'il a toujours vu comme un très bon ami, mais qu'il a laissé être torturé parce que, parce que...
Il empoigne ses cheveux par mèche et peste, jure, grogne, sanglote un peu même. Il est complètement paumé. Il a mal, aussi. Pour la première fois depuis longtemps, il laisse ses regrets l'envahir, tous ceux qu'il a toujours repoussé et enterré dans les abîmes de son esprit, ils ressortent en flots violents et destructeurs. Clive est doué pour gérer ses émotions, oui, mais c'est seulement parce qu'il les enferme et le petit problème, la toute petite chose qui fait qu'il est si facile pour lui de s'écrouler maintenant, c'est que Faust est le premier à le forcer à tout faire sortir. Si ce n'était pas ironique, tout ça.
Mais maintenant, il n'a plus son jumeau pour le cacher du monde et le laisser exploser à sa guise, il n'a plus que sa personne, sa connerie et sa misère. Quand ils étaient petits, Faust le laissait toujours venir se blottir contre lui et chantonnait des chansons (il avait toujours été le premier admirateur de la voix de son frère) pour couvrir le son de ses pleurs. Même en tant que jeunes adultes ou adolescents, c'était une tradition qui n'était jamais vraiment partie.
Dorénavant néanmoins, il n'y avait plus rien. Plus que des ruines et des restes, des mots et des émotions qui n'avaient plus de sens, des sons de cœurs cassés qui ressemblaient bien trop à des pleurs.

Malgré l'état pitoyable dans lequel il se trouve, Castiel continue d'insister jusqu'à ce que Clive daigne lever son regard vers lui. Il sait bien où veut en venir le pokémon psychique, mais son esprit s'oppose immédiatement à cette idée.

« J'veux pas y aller, Cass. »

Le Kirlia lui jeta un regard courroucé, fatigué par les excuses et la puérilité du comportement de son maître. L'officier fronça les sourcils.

« Fous-moi la paix, bordel de m- »

Il se tait lorsque soudainement, dans son esprit, l'image d'Ezekiel immobilisé par Dalhia et couinant de douleur lui revient. Il cligne des yeux, ébahi. C'est bien la première fois que Castiel fait cela, et c'est un coup bas. Coup bas au goût amer de logique et de raison. Mais la dernière chose qu'il veut entendre aujourd'hui, c'est la raison.
Pourtant, lorsqu'il ose passer encore une fois sur les blessures du Démolosse, il ne peut plus nier l'évidence : son vieil ami a besoin de soin, et Mikael est le seul qui a sa confiance totale quant à ça. De plus, l'autre homme l'attendait ; il était supposé venir le voir une fois que tout serait terminé, et même si Clive ne veut pas, il doit bien se rendre à l'évidence qu'il va falloir y aller.
Avec beaucoup, beaucoup de difficulté, il se relève et manque de tomber à la renverse lorsque ses hématomes à l'estomac viennent lui rappeler leur présence. Il siffle et se rattrape de justesse sur la table avant de prendre de grandes inspirations lentes et régulières. Ce n'est pas la première fois qu'il a mal comme ça, loin de là, et il a vu pire, mais disons qu'il n'a pas la tête à réfléchir à l'état de son corps. Il rappelle Lilith dans sa pokéball, non sans l'avoir remerciée d'un hochement de tête bref, et fait signe à Castiel qu'ils peuvent enfin partir.
Lorsqu'il voit enfin le centre pokémon d'Anula se dessiner autour de lui, une violente nausée le prend et il tangue. Sa vision se fait de plus en plus sombre et il a à peine le temps d'entendre la voix de Mikael avant de tomber.

« Clive ?! »

Il ne vit plus que du noir.
Joyeux anniversaire, Faust.