Le Prince & la Sirène

Aloïs François Legrand

La nuit. Moment de la journée qu'Aloïs adorait et détestait à la fois. C'est la nuit que les souvenirs reviennent à la surface. Ils profitent des rêves du Coordinateur pour envahir son esprit et le remplir de cauchemars douloureux. Il n'était pas rare qu'il se réveille en sursaut. Heureusement, Ange était à ses côtés pour le calmer et le faire rendormir. Mais ce soir-là, étrangement, il n'y arrivait pas. Et la présence de la Nymphali n'y changeait rien. Sous les conseils de sa secrétaire, il s'était engagé auprès d'elle pour aller se coucher bien plus tôt que prévu. Malheureusement, même en gardant ses yeux fermés, il n'arriva pas à se replonger dans le sommeil. Et quand il n'y arrivait pas...
Le jeune homme blond s'habilla et sortit de sa chambre, suivi de près par son amie rose à rubans qui ne le quittait pas d'une semelle, même au beau milieu de la nuit. Car de toute façon, il avait besoin d'elle pour ouvrir ces portes. Ce n'était pas n'importe quelles portes. A côté de la chambre d'Aloïs se trouvait une pièce assez particulière. La tombe de Judith. Entourée de fleurs et autres végétations, la stèle se trouvait au centre de toute cette flore, surplombée par une statue de pierre représentant Judith jouant avec Aurore, sa Feunard, qui était devenu celle de son frère suite au décès de la petite fille. Mais pour accéder à ce sanctuaire, il fallait d'abord passer les portes. Et ces portes n'étaient pas tout à fait ordinaires. Gigantesques, un peu lourdes, vertes et décorées de jolies parures dorées en forme de lierres, elles ne pouvaient s'ouvrir que d'une seule façon bien précise : il fallait d'abord lever la protection invisible qu'avait crée Ange grâce à ses pouvoirs féeriques, mais aussi déverrouiller la serrure complexe grâce à une clé que seul Aloïs possédait.
Quelques fois, lorqu'Aloïs n'arrivait pas à se recoucher, soit il allait faire une balade nocturne, soit il allait se recueillir auprès de la tombe de sa sœur. Ce soir-là, il avait opté pour la seconde option. Arrivé devant l'entrée du "Jardin d'Eden", comme il l'avait baptisé, Aloïs fit un signe à son Pokémon et elle leva sa protection magique. Puis, il enleva de son cou la chaîne qui retenait la fameuse clé et l'enfonça dans la serrure. Les portes émirent un petit "clic" et le Champion se saisit de la poignée pour pénétrer enfin dans la pièce sacrée. Il n'avait même pas prit la peine d'allumer les lumières de chez lui; il préféra le silence et la pénombre du soir.
Le jeune blond s'approcha alors de la fameuse tombe et y posa délicatement sa main. Ange resta tout près de son dresseur, à l’affût du moindre geste qui pourrait trahir son état de peine considérable. A la moindre larme, au moindre gémissement de douleur, à la moindre plainte, le Pokémon Fée serait là pour soutenir celui qui l'avait sauvé il y a de cela une quinzaine d'années.
Aloïs resta muet un moment. Mais ce n'est qu'après qu'il remarqua la présence d'Aurore. La Feunarde couleur argent déposait discrètement des pétales de rose sur la tombe et balaya d'un mouvement de queues la moindre parcelle de poussière. Mais la stèle était toujours impeccable de toute façon, alors à quoi bon ? Aurore avait été elle aussi très attristée depuis la mort de sa dresseuse et amie. Depuis ce jour, elle s'était endurci. Si quelqu'un osait approcher la pierre de Judith, autre qu'Aloïs lui-même ou un de ses Pokémons, elle allait faire entendre parler d'elle. Si la Feunarde se trouvait ici malgré au moins la double protection, c'était qu'elle devait s'être réfugié ici depuis hier et qu'elle n'avait pas bougé de là.
La renarde de type Feu vint chercher un peu de réconfort chez le Coordinateur et il lui commença à lui caresser le sommet de la tête en lui souriant. Si d'habitude, le Champion se mettait à parler à sa sœur défunte ou à ses Pokémons, il préféra rester muet. Sereine, Aurore avait une totale confiance en lui. Au début, ils ne se connaissaient pas très bien. Il avait aidé Judith à la dresser mais jamais il n'avait pris le temps ou même la peine de tisser des liens avec elle. Mais la mort de la fillette les avait énormément rapproché et ils partageaient une confiance aveugle mutuelle.
Tout à coup, cet instant, qu'Aloïs considérait comme intime, fut troublé par à un étrange bruit. Tout bon séducteur qu'il était, le jeune homme reconnut les pas d'une femme, même si ceux-ci étaient étrangement discrets.

- Tiens, tiens... on a de la visite...

Karin ? Non. Vue le grognement qu'émettait Aurore, cela ne pouvait être qu'une inconnue. Cela devenait pour Alo de plus en plus intéressant. Les pas se rapprochaient de plus en plus. Le Champion Coordinateur fit signe aux deux Pokémons de rester silencieux et de le suivre. Ils se cachèrent derrière l'une de des deux portes. Celle-ci s'ouvrit alors brusquement et laissa découvrir une petite lumière jaune électrique. Aloïs se rapprocha un peu pour voir s'il arrivait à distinguer la personne mystère mais celle-ci referma bien vite la porte en question. Il n'eut pas le temps de bien voir mais il était maintenant sûr que c'était une jeune femme.
Lorsque la porte fut refermée, Aurore recommença à grogner. Le blondin lui fit signe de faire moins de bruit. Il attendit quelques secondes pour voir si quelque chose se passait. Mais qui était donc cette fille ? Une voleuse ? Possible... En même temps, ce n'est pas comme si le Champion Coordinateur était pauvre. Il aurait pu créer des piscines de billets tellement il était riche. Mais les voleurs se faisaient rare, en général. Premièrement parce qu'il y avait un système d'alarme assez performant, et deuxièmement parce qu'Aurore avait une ouïe fine, et que même endormie, elle montait sauvagement la garde. Mais apparemment, cette petite fouineuse était plus intelligente que les autres.
Ou peut-être pas... Alo entend une voix assez grave suivie d'une bruit sourd, comme si quelque chose était tombé. Toujours accompagné d'Aurore et d'Ange, Alo se précipita vers l'origine du bruit. Habitué au noir, il distingua une silhouette féminine qui se tourna vivement dans sa direction. Rapide comme l'éclair, il se faufila derrière elle et lui agrippa ses deux bras en les mettant dans son dos, de sorte à ce qu'elle ne puisse plus s'en servir.

- Alors comme ça, on joue les voleuses ?... Vous croyez que je suis assez stupide pour laisser quelqu'un pénétrer chez moi sans l'y avoir inviter ?...

Il posa une de ses mains sur le cou de la jeune fille. Elle semblait plutôt jeune, mais elle était seulement à peine plus petite que lui. Aloïs plongea son visage dans la chevelure rouge de la nouvelle venue et respira son parfum délicat. Quelle odeur envoûtante...
Aurore tourna autour de l'inconnue, folle de rage. Elle détestait plus que tout les voleurs, et ceux qui osaient entrer dans la Jardin. Aloïs avait oublié de fermer la porte, cette fois-ci, croyant que cela n'était pas nécessaire, mais elle en voulait à cette femme de s'être permise d'y pénétrer.

- Une fille aussi jolie ne devrait pas s'aventurer en territoire inconnue...

Il retira par la même occasion la boîte vocale qui lui permettait de changer de voix. Il avait compris qu'un corps comme le sien ne pouvait dissimuler une voix aussi grave. Cette voleuse l'enivrait. Le démon tapis au fond de son âme semblait vouloir dévorer cette chair tendre et fraîche. Mais il contint en lui cette irrésistible envie de blesser cette voleuse qui avait osé s'introduire chez lui.
Il rapprocha alors ses lèvres de l'oreille de la jeune rouquine.

- Cela pourrait être... dangereux..., lui murmura-t-il de sa voix suave et sensuelle.

Tout en disant ses mots, il caressa du bout de ses doigts les hanches de la jeune fille en souriant, tel un démon nocturne. Savait-elle au moins dans quoi elle s'était embarqué en osant voler Aloïs ?

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Aloïs François Legrand

Dire à présent que la pièce était plongé dans l'obscurité serait faux. La brèche par laquelle la jeune fille s'était faufilé laissé à présent entrevoir la lumière de la lune qui descendait sur eux. Toujours sur sa prise, le Champion continua l’ascension de sa main, plus légère cette fois-ci. Mais la rouquine n'avait décidément pas apprécié ce geste. Sans crier gare, elle projeta sa tête en arrière et toucha le menton du Coordinateur qui la relâcha enfin, un peu surpris par ce choc soudain. Très vite, la mystérieuse inconnue bondit pour échapper à Aloïs. Ce dernier l'entendit répliquer avec une nouvelle voix grave, moins crédible que la précédente, et fut ébloui par une lumière sortie de nulle part. Aveuglé, le blond ne distinguait plus les mouvements de l'intruse. Mais lorsque le flash se dissipa, elle était toujours là. La voleuse ne s'était pas enfui ? Aloïs crut qu'elle essayerait de fuir après qu'il lui ait fait perdre la vue quelques secondes.
Il se rapprocha curieusement de l'étrangère. Il voulut de nouveau lui saisir le poignet mais il la traversa, comme si elle était faite d'air. Il prit un peu peur. Était-ce donc un fantôme venu pour le hanter ? L'esprit d'une défunte qui venait le punir pour une de ses fautes ? Il avait déjà entendu parler d'âmes errantes lors d'un de ses voyages au Japon, mais il ne savait pas s'il fallait vraiment y croire. Il avait un doute sur ses propres croyances, d'ailleurs...
Il comprit que quelque chose n'allait pas lorsqu'il entendit un bruit assourdissant venant d'en bas. Puis, la rouquine disparut. Les yeux ronds, Aloïis regarda l'illusion se dissiper petit à petit. Il ne tarda pas à descendre ensuite les escaliers menant au rez-de-chaussé, et décida finalement d'allumer son briquet pour avoir un minimum de lumière au milieu de la pénombre. Le Champion Coordinateur mit plusieurs minutes à retrouver la rouquine mais il finit par se poster face à elle, cette dernière tâtonnant le mur à la recherche d'un quelconque obstacle qui pourrait lui barrer de nouveau la route. Alors tout à l'heure c'était... une illusion ? La vue du Mentali aurait dû lui mettre la puce à l'oreille mais il n'avait pas tellement tenu compte des Pokémons de la nouvelle arrivante jusqu'à maintenant.
Aloïs se retint de rire lorsque cette dernière déclara qu'elle ne le volait pas.

- Oh... tu vas me dire que c'est Arceus qui t'a envoyé pour faire un trou dans mon plafond et fouiller mon appart' ?..

Il n'y croyait pas tellement. Sinon, elle ne se serait pas défendu; c'était une question de logique. Lui expliquer calmement la venue de sa raison ici aurait été suffisant pour le jeune homme.
Celui-ci soupira. Qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir faire d'elle... La laisser partir ? Pour qu'elle revienne ensuite avec un meilleur plan ? Hors de question. Il remarqua ensuite qu'elle n'avait pas vraiment voler quelque chose pour l'instant. La seule chose dont il pouvait l'accuser, c'était d'avoir défoncer son toit... et de lui avoir donner un coup sur le menton, mais au fond, peut-être qu'il l'avait mérité...

- Tsss... Que vais-je bien pouvoir faire de toi...

En effet, la question venait à se poser. Car si Aloïs avait eu un peu de mal à s'en rappeler, de vagues souvenirs lui revenaient petit à petit. Une chevelure flamboyante comme la sienne, y'en avait pas partout. Elle avait un visage d'ange, mais derrière ce joli minois se cachait peut-être une diablesse.
Aurore et Ange rejoignirent les deux humains et la Feunarde shiny recommença à grogner, montrant cette fois-ci ses dents acérés qui ne demandaient qu'à mordre. Aloïs réussit néanmoins à la calmer en lui interdisant formellement de blesser la voleuse.
Le jeune homme blond aux yeux bleus finit par s'asseoir dans un fauteuil et joua avec le feu que produisait son briquet. Il aurait pu éclairer la pièce par les lumières du chandelier en cristal mais il préférait rester dans le noir.
Enfin, Alo ferma les yeux et reprit la parole.

- Je savais bien que ton parfum ne m'était pas inconnu. On se connaît, pas vrai ?..

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Aloïs François Legrand

Peu importe les questions que lui posait Aloïs. La rouquine décidait de lui répondre à chaque fois d'une voix de plus en plus forte. Elle criait presque, comme si le jeune homme l'insultait lorsqu'il lui parlait. Mais non, le but du Coordinateur n'était pas de l'effrayer ou de la blesser; simplement de comprendre. Des filles qui tombent du ciel, cela ne lui arrivait pas tous les soirs... Alors imaginez-vous à sa place quelques instants. Une personne normalement constituée aurait appelé la police sans plus tarder, ou au pire, prit une arme contre elle; la mettre hors d'état de nuire. Mais c'était un bel oiseau qu'il avait trouvé là; et pas question de le mettre en cage. Il avait la force de l'enfermer dans une cellule moisie à cause de ce qu'elle avait fait. Mais, bien que ce soit une voleuse, la liberté lui correspondait toujours mieux.
Plongé dans ses pensées, le Champion laissait son regard vaguer devant la flamme du briquet doré. Il ne daigna regarder de nouveau l'intruse que lorsqu'elle prononça le mot "Prince" sur un ton méprisant. Et c'est reparti... Qu'est-ce qu'elles avaient toutes avec mon surnom ? Elle avait l'air de bien mieux connaître Aloïs qu'elle ne pouvait laisser paraître. Mais savait-elle au moins sa véritable identité ? Ou ne lui était-il connu que comme étant "Le Prince" ?
Mais elle avait raison sur un point : il ne la connaissait pas. Il ne savait rien d'elle, mise à part sa couleur de cheveux, son timbre et ses Pokémons.

- En général, les voleurs évitent de se faire connaître..., répliqua-t-il sur un ton sarcastique.

Ces drôles d'échanges entre eux commençaient à l'amuser. Mais jusqu'alors, elle s'était surtout montré énervé. Arriverait-il à la percer à jour ? Il aimerait tellement... Elle le connaissait, mais lui ne la connaissait pas. Et ce n'était pas tant un handicap. Enfin, il ne voyait pas les choses sous cet angle, pour sa part.
Ange réapparut derrière le fauteuil où son dresseur était assis et se coucha sur ses jambes. Lui donnant les caresses qu'elle réclamait, Aloïs se tourna vers le grognement de sa Feunarde cendrée.

- En attendant, c'est toi qui risque bien de cuire, ma jolie...

Accompagnant ses propos, Aurore laissait échapper des petites flammèches de sa gueule. Derrière ses crocs d'une extrême blancheur, on pouvait distinguer des lueurs rouges brûlantes qui exprimaient bien l'envie qu'elle dégageait. Un claquement de doigts de la part du blondin suffit à la femelle shiny pour se calmer. Elle cessa aussitôt de montrer ses crocs mais continuait néanmoins de grogner après la chapardeuse.
Son dresseur recommença à parler, d'un ton sérieux et froid cette fois-ci.

- Tout à l'heure, tu as ouvert une porte, avant de la refermer aussitôt. La pièce où tu as faillis pénétrer est sacré. Aucun humain n'est autorisé à y entrer sans mon consentement. La Feunarde qui se trouve derrière toi s'appelle Aurore; et elle m'obéit au doigt et à l'œil. Mais si je ne la retenais pas, elle t'aurait déjà arraché un membre ou deux...

Aucun humain ne pouvait entrer à l'intérieur du Jardin d'Eden, mais les Pokémons, s'ils arrivaient à passer, avaient le droit d'y accéder. Judith avait une grande considération pour tous les Pokémons, quels qu'ils soient; car elle disait toujours que, contrairement aux humains, les Pokémons étaient naturellement bons.
Aurore était sans doute la plus indomptable dans son équipe de Champion. Même si elle et Aloïs s'étaient créés un lien fort de profond respect mutuel, la perte de Judith l'avait très affecté et elle se montrait très prudente et farouche depuis, même si elle était en vérité assez douce et câline. Mais quiconque osait violer la tombe de celle qui fut autrefois sa meilleure amie tâtait de ses crocs et seule l'intervention du Coordinateur faisait que les assaillants avaient la vie sauve.
Mais il fallait à présent faire un choix. Que faire de la rouquine ? La laisser partir ? Ce serait un peu trop facile à son goût... Il s'ennuierait bien vite, sans elle... Il voulait intérieurement qu'elle reste encore un peu, qu'elle ne s'en aille pas tout de suite. Il y avait un je-ne-sais-quoi qui retenait l'attention du Prince sur la voleuse.
Aloïs se leva en enfin de son siège, ramenant Ange sur son épaule, et s'avança vers la jeune fille. Il remarqua alors un vase qui traînait à ses pieds. Il reconnut sans peine l'objet. C'était un vase d'assez grande valeur que sa secrétaire lui avait forcé à acheter lors d'une vente aux enchères car elle trouvait que sa maison était trop "vide". Mais le pot en lui-même était tellement affreux qu'Aloïs avait longtemps réfléchi à comment il pourrait sans débarrasser sans que Karin le soupçonne.
Lançant de nouveau ses yeux océans vers son opposante, son ton se fit un peu plus sec.

- Qu'es-tu exactement venu faire chez moi ?..

C'était tout ce qu'il voulait savoir dans l'instant présent. Il se doutait bien que la jeune femme avait voulu le voler, mais il voulait l'entendre de sa propre bouche. Et si elle essayait de lui mentir ? Le blond le saurait bien vite, et ses Pokémons aussi. En attendant, elle n'avait aucun moyen de s'enfuir. Et le Champion ne voulait en aucun cas qu'elle parte maintenant.

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Aloïs François Legrand

La jeune femme lui tira la langue et rejeta sa natte, telle une gamine boudeuse, ce qui amusa le Champion Coordinateur. Décidément, cette jeune fille était un véritable phénomène. Avait-il déjà vu adolescente rebelle avec pareil caractère ? Il ne s'en souvenait pas en tout cas, même pendant ses Concours. Mais il savait que la violence ne servirait à rien avec elle. Enfin, pas qu'il était du genre violent, mais on ne savait jamais. Quoiqu'en fait, il se demandait s'il était véritablement capable d'utiliser la force contre une femme. Même si elle le mordait jusqu'au sang, il serait incapable de la blesser. Il la laisserait faire en essayant toujours de la calmer. Il préféra donc opter pour une attitude calme et sereine. Un sang-froid olympien qu'il savait garder en toute circonstance. Ou presque...

Un sourire s'étira sur son visage lorsqu'elle répondit enfin clairement à sa question. Un truc moche; donc le vase. Pour le revendre à mes fans; donc les filles -et les garçons- surexcités qui criaient mon nom chaque fois qu'il entrait en scène. Mais avait-il raison ? Est-ce qu'il ne s'en serait pas rendu compte ? Un truc moche parmi des trucs beaux, c'était quand même facilement repérable, nan ? Ou alors avait-il bien plus de trucs moches qu'il n'y paraissait ? Ou est-ce que son désintérêt pour les objets moches, ou futiles, était-il si grand qu'il aurait fini par hausser les épaules et continuer son chemin comme si de rien n'était ?
Son ton était sec et cassant, pire qu'une langue de Arbok. Malgré tout, le blondinet restait impassible, ou se contentait de sourire tendrement devant autant de vivacité et de cran. Il se demandait si elle était vraiment comme ça en réalité ou si quelqu'un d'autre se cachait derrière cette carapace ? Cette rouquine était-elle en train de jouer avec lui ? Alors dans ce cas, ils allaient jouer. Mais Aloïs n'avait pas l'intention de perdre. Il voulait qu'elle lui révèle sa véritable personnalité.

Mais la menace de l'inconnue surprit celui qu'on surnommait "le Prince". Elle comptait lui effacer la mémoire ? Mais c'est que cette voleuse avait tout préparé ! Alors c'est comme ça qu'elle pouvait duper les gens aussi facilement ? Intéressant... Aloïs réfléchit. Allait-il lui laisser lui faire perdre la mémoire ? Sûrement pas. Mais c'est vrai qu'il y a certaines parties de sa vie qu'il aimerait bien oublier...
Cependant, au grand étonnement des deux dresseurs, la Mentali secoua la tête et fit un semblant de ronronnement. Oh, alors elle ne voulait pas lui obéir ?...
Apparemment frustrée et déçue de l'attitude du Pokémon, la jeune fille déclara être "magnanime". Aloïs ne put s'empêcher de rire. Alors ? On aurait un problème, ma jolie ?...
Elle voulait partir. S'en aller sans doute loin de lui. Mais Aurore lui bloquait toujours le passage, voulant à tout prix en découdre avec celle qui avait osé violer leur intimité.
Ange, quant à elle, s'approcha un peu plus près de la Mentali. Curieuse de découvrir une nouvelle évolition, elle voulait juste se montrer amicale et faisait des petits cris joyeux dans sa direction.
Aloïs s'avança à son tour vers la mystérieuse rouquine. Il éteignit la flamme de son briquet mais appuya suffisamment fort sur l'objet pour produire du gaz dans sa main qu'il referma autour du trou, sans pour autant l'allumer. La paume ouverte de l'intérieur, sa main laissait entrer du gaz, sans qu'il ne s'échappe. Une fois assez proche de son opposante, il alluma enfin le briquet et ouvrit sa main en même temps pour laisser danser pendant quelques secondes une boule de feu dans sa paume. La lumière se dissipa bien vite et Aloïs tourna autour de la rouquine. De nouveau dans son dos, il fit glisser ses cheveux tressés entre ses ses doigts.

- Tu as toujours eu des cheveux magnifiques...

Puis, d'un geste vif, il s'empara du masque et le retira avant de s'éloigner. Il pouvait enfin voir pleinement les beaux yeux bleus de celle qui avait pénétré sa demeure. Ce visage, ses prunelles, cette chevelure... Il ne pouvait pas se tromper, à présent.

- ... Althéa.

Althéa Dorothy Panabaker, Championne Coordinatrice de Vanawi. Comment aurait-il pu l'oublier ? Elle était bien plus mignonne que Catherine, bien plus farouche que Tamara, et bien plus agile que lui.
Aloïs fit un signe bref à la renarde cendrée et cette dernière cessa de montrer les crocs. Mais elle était toujours posté derrière Althéa et refusait de la laisser s'échapper.
Le jeune homme blond jeta un coup d'œil au vase, puis sur la jolie rousse.

- Si c'est le vase que tu veux, alors prends-le. Mais ça serait dommage que tu repartes maintenant...

Il était hors de question pour lui de laisser partir Althéa, désormais. Il venait à peine de commencer à s'amuser.
Aloïs passa devant la Feunard shiny et lui caressa doucement la tête, nouvelle preuve de la confiance mutuelle que le dresseur et le Pokémon se portaient. Car Arceus seul savait qu'il était extrêmement difficile d'approcher la renarde quand elle était énervée, et encore plus de pouvoir la toucher.
Se dirigeant vers la cuisine qui se trouvait juste à côté, il alluma quelques lumières et ouvrit son réfrigérateur. Il prit une canette de soda et releva la tête vers Althéa :

- Un Coca ?...

Il ne savait pas s'il s'attendait à une réponse, mais il ne voulait pas qu'il la prenne pour quelqu'un qu'il n'était pas. Aloïs était en position de force sur son territoire, et elle aurait bien du mal à s'enfuir par elle-même. Qu'allait-il bien pouvoir faire d'elle, maintenant ?...

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Aloïs François Legrand

Althéa était énervée. Cela se voyait assez, dans ses grands yeux d'où on pouvait deviner l'émotion. Il devait l'agacer, ou peut-être était-ce la désobéissance de sa propre partenaire qui la mettait dans un tel état ? Elle devait sûrement être assez frustré de ne pas pouvoir partir. Le blond n'allait pas la laisser filer tout de suite; il en était hors de question. Il voulait la garder encore un peu. Ce n'est pas tous les jours qu'il laisse la vie sauve à des voleurs. Mais une si charmante jeune fille, comment pouvait-il résister ? Incapable de faire le moindre mal à la gente féminine, le Champion Coordinateur avait pourtant bien du mal à faire tenir cette fouineuse en place. Seuls les grognements d'Aurore, l'oppression du Prince et la trahison de la Mentali la retenait prisonnière ici. Mais sinon, nul doute qu'elle se serait déjà échappé.

Et voilà maintenant que la rouquine regrettait déjà d'être venu... Que c'était fâcheux. Remarquez, cela devait être sacrement rageant de se faire prendre la main dans le sac sans pouvoir faire quoi que ce soit. Mais n'était-ce pas là une occasion en or de faire plus ample connaissance avec la jeune fille ? Entre Champions Coordinateurs, n'était-ce pas normal que de vouloir se connaître les uns les autres ? Bon, Catherine était l'exception qui confirmait la règle, évidemment. Il aurait sincèrement ne jamais voulu rencontrer cette démone et encore moins savoir qu'elle était une Championne Coordinatrice, elle aussi.
La Sirène s'empara de la canette que son compère lui tendait et alla s'installer dans un fauteuil comme si de rien n'était. Il ne put s'empêcher d'émettre un petit rire amusé lorsqu'elle tapa dans ses mains et lâcha ses mots de manière sarcastique.

- Hé, tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même ! Tu voles qui tu veux... mais pas moi.

Le Coordinateur referma son frigo et s'installa sur une chaise en la retournant, de sorte à croiser ses bras sur le dossier.
Aurore feula, toujours aussi exaspérée par l'attitude de la jolie rousse et la désinvolture de son dresseur face à cette dernière. Néanmoins, elle s'arrêta bien vite lorsqu'Aloïs la regarda et claqua des doigts. La Feunard stoppa ses grognements d'une traite et reprit une position calme et posée, obéissante au moindre mouvement du blondinet. Bien qu'elle ne semblait pas tellement apprécier l'intrusion de la voleuse, la femelle chromatique ne pouvait que suivre les ordres d'Aloïs et quitta donc sa place de garde auprès d'Althéa pour se rapprocher du jeune homme en quémandant une caresse qu'il ne put refuser. Ange, quant à elle, s'avança timidement vers Mérida. La Nymphali n'avait aucune raison d'en vouloir à l'autre évolition, mais elle voulait comprendre pourquoi cette dernière n'avait pas aidé sa dresseuse à s'échapper.

- Tu veux pas te calmer ? Je vais rien te faire; mais t'as l'air énervée. T'es 20% moins mignonne, quand t'es énervée.

Autant mettre les choses au clair tout de suite. Avec toute l'emprise qu'il avait sur elle, Aloïs avait l'avantage. Elle était sur son terrain, dans sa demeure, et devait à présent faire avec ses règles. Le cuistot n'a jamais abusé de qui que ce soit, ou essayé de soutirer des informations par des moyens quelconques. Il ne savait pas quoi faire avec elle, maintenant. La seule chose dont il était sûr, c'était qu'il voulait qu'elle reste. Encore un peu. La nuit, peut-être. Ou alors il la relâcherait dans l'obscurité totale du dehors...
A quoi avait-elle bien pensé, d'ailleurs ? Que lui aurait réellement apporter ce vase ? De l'argent, sans doute. Mais n'en avait-elle pas assez ? Les Champions gagnaient pas mal leur vie, fallait avouer. Le plaisir, peut-être ? Est-ce qu'elle prenait goût à voler de telle sorte les maisons fortunées comme la sienne ? Althéa avait le profil de la parfaite petite voleuse. Mais personne n'était parfait et il fallait croire qu'Aloïs était un privilégié. La retenir captive était déjà une chose extraordinaire, mais la démasquer l'était encore plus. Il avait eu la chance de la connaître au grand jour, de la connaître comme les médias. Mais c'était sous une autre apparence qu'elle s'était révélée cette nuit-là; et malgré tous ses efforts, elle n'avait pas réussi à garder secrète sa véritable identité.
Le Français la regardait maintenant de son air sérieux, et ne se demandait qu'une seule chose, à présent.

- Pourquoi est-ce que tu voles ?...

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Aloïs François Legrand

Le cuistot ne connaissait que trop bien le sentiment qui habitait la jeune fille.
Lorsqu'il la voyait dans les magazines ou la télévision, Aloïs savait très bien que la rouquine n'était pas ce qu'elle semblait être; comme la plupart des célébrités ici, d'ailleurs. Le blondinet cache sa peine, mais il n'a aucune raison de mentir aux médias. D'ailleurs, c'est en ayant parlé un peu trop qu'un débile quelconque a cru juger utile de le surnommer "Prince". "Prince"... Pourquoi, "Prince" ? Parmi tous les surnoms idiots, il a fallu qu'il ait celui-là. Oui, Aloïs détestait son surnom. Il trouvait que "Le Caméléon" aurait mieux sonné, mais non. On l'a surnommé "Le Prince" et tout ça à cause d'une stupide anecdote. Il lui avait suffit de dire une seule phrase, qui résonnait un peu comme une plaisanterie, pour qu'il ait gagné le droit de se faire appeler de la sorte. A vrai dire, si Judith était encore en vie, il se foutrait pas mal qu'on l'appelle ainsi. Mais chaque fois qu'on prononçait ce nom, une nouvelle épine se plantait dans son cœur, lui rappelant sans cesse qu'il n'avait pas pu sauver la seule personne qui comptait réellement pour lui, qui était aussi la dernière membre de sa famille.

- Je comprends ce que tu ressens...

Alors il affronta le regard de la Sirène. Mais ses yeux ne reflétaient maintenant qu'une sincère et profonde tristesse qui résultait de son côté nostalgique. Cela faisait bien longtemps qu'il ne s'était pas senti comme ça devant quelqu'un. Il se demandait ce qu'Althéa avait traversé exactement.
Perdre un proche, oui, c'était dur. Mais c'était une certaine ironie que Aloïs avouait qu'il ne serait pas devenu ainsi si sa petite sœur n'était pas décédée. La mort de Judith a été un bouleversement dans sa tête et dans son corps. Il était devenu plus fort, plus résistant. Pour surmonter la disparition de sa cadette, il avait accompli mille et une choses. Se changer les idées et ne pas penser à la solitude avait été sa seule préoccupation. Comment y était-il parvenu ? Il avait commencé par la musique et le sport. Il avait appris à jouer de nombreux instruments et s'était entraîné tous les jours dans des sports de combat, la natation et s'était même procuré des armes en cas de besoin. La couture avait été un de ses passe-temps également; ressortant sa machine à coudre et ses tissus qu'il avait rapporté de France. Mais Judith étant absente, il n'avait plus personne à qui confectionner des tenues. Il avait décidé à ce moment-là d'en fabriquer pour les Pokémons et cela avait plutôt bien marché.
Un creux restait cependant au fond de son cœur et rien au monde ne pourrait combler ce vide laissé par sa petite sœur et la maladie qui l'a emportée loin de lui. Maintenant qu'il y pensait, il se rappela qu'Althéa était allé voir sa tombe...

- Au fait, comment tu l'as trouvé ?... Le jardin, là-haut; il était beau ?...

Question très subtile et ô combien sans intérêt mais conserver un environnement d'une grande beauté pour sa défunte cadette était très important pour lui. Il aurait donc aimé savoir si, malgré l'ambiance glauque que la pierre tombale faisait régner dans la pièce, la rouquine avait trouvé cette dernière à son goût.