Les couleurs du chasseur

Althéa Panabaker

Course effrénée. Voilà ce qui résonne dans tout l'amphithéâtre. Les portes sont grandes ouvertes, et Althéa ne sait comment ils sont rentrés. Cachée derrière un pilier, elle les entend. Sa respiration est hachurée, mais elle n'a pas peur. Son excitation, au contraire, est à son comble. Elle est dans ses droits ; elle saisit une lance de bois qu'elle utilise parfois dans ses concours et s'avance vers la scène de l'amphithéâtre.

Il fait sombre, mais sur sa droite, un jet de flamme est lancé. Des cris, des grognements, des sièges renversés. Elle se dresse, puis s'écrie, impérieuse, hautaine et surtout très en colère :

▬ Lumière !

Et c'est comme si la divinité de ce lieu avait fait son oeuvre. Reconnaissant la voix, les néons intelligents s'allument, et révèlent deux hommes armés de fusils et d'un filet. Face à eux, une arcanin au pelage sale, aux babines engluées de boue et de saletés ; la créature est aux abois, enfoncée dans un coin. Ses yeux fous parcourent autour d'elle les issues, et Althéa soupire en claquant des doigts. Les deux hommes n'osent pas bouger, mais ils se hérissent en sentant la présence soudaine et menaçante. Nala la draco est tout comme sa maîtresse : très agacée de voir qu'on a piétiné son territoire.

▬ Que faites-vous chez moi ? tonne la rousse, sans bouger.

Nala semble émaner une poison, une aura de menace, de colère aussi froide que son corps écailleux. Elle ondule doucement dans les airs, semblable à une ombre de dragon. Les hommes ne savent pas que ce petit manège est en réalité exercé par Mérida, qui orchestre tout du haut des balcons. Althéa tend le bras et frappe le sol du bas de la lance, qui résonne dans toute la pièce. Elle exige une réponse. Les deux hommes ne peuvent que lui en fournir une :

▬ M'zelle Althéa, cette bête a décimé nos troupeaux ! Nos wattouat ont tous été attaqués par un gigantesque pokémon canin, et c'ti là on l'a trouvé dans les bois. R'ga'dez le, sale et fou.
▬ C'est une femelle.

La créature a le ventre gonflé, et les mamelles distendues. La rousse comprend doucement ce qui s'est passé: soit cette créature était là au mauvais moment, soit elle a effectivement tué mais uniquement pour sauver ses petits de la faim. C'est une mère, et non une simple créature qu'elle a devant les yeux. La bête tourne la tête en tout sens, puis se met à hurler à la mort, des flammèches sombres léchant ses babines. C'est le cri de celle qui a perdu ses petits.

▬ Je vous interdis de la toucher. Elle n'y est pour rien.
▬ Mais ... nos troupe-
▬ Demandez au maire de ma part de vous rembourser. Je m'occupe d'elle. SORTEZ !

Elle est agacé par leur présence masculine. Ils sont dix fois plus souillés à ses yeux que la pauvre créature ramassée sur elle. Ils ne se le font pas dire deux fois et courent jusqu'aux portes, escortés par la présence dangereuse de la dragonne bleue. Nala finit par se poser au sol, et Mérida vient les rejoindre. Althéa s'est approché du coin où l'Arcanin s'est réfugié. Elle lance des flammes tout autour d'elle, ruinant le papier peint couteux, enflammant un siège que Mérida étouffe avec douceur.

▬ Ils t'ont blessé. Ta patte saigne. Nala, va me chercher la trousse de soin. N'aie pas peur, tu n'as plus rien à craindre. Les hommes sont partis.

Est-ce la douceur infinie de sa voix face à une mère perdue et blessée, ou le fait qu'elle soit une femme, qui pousse la chienne à s'approcher en boîtant ? En tout cas, elle finit par s'étaler sur les genoux d'Althéa, agenouillée. Elle caresse sa fourrure douce et soyeuse, en enlève brindille et boue séchée.

▬ Je te promets qu'ils paieront ... Faire du mal à une si somptueuse créature ... Je ne peux pas ramener tes petits, mais jamais plus tu n'auras à craindre les hommes.

Dans les yeux de la femelle brillent une lueur d'intelligence et de reconnaissance. Sa longue queue aux poils rouges frétille un instant, alors que Nala apporte la trousse. Althéa sourit doucement ; cette arcanin se battra pour elle, à présent. Et elle ne peut s'empêcher de penser que l'aracnin a dû perdre tout ce qu'elle avait pour la trouver. Le destin est parfois bien cruel ...

▬ Tu seras la chasseuse, à présent. Redresses-toi, et montre-moi ce que tu sais faire. Jamais plus tu ne seras pourchassée, car c'est toi qui chasse. De rouge et de noir, de beige et d'orange, de crocs et de griffes ; les couleurs du chasseur. Ou de la chasseuse, plutôt ...