« Ghost Busters ! »

Amanil possédait des bindonvilles : des quartiers où la pauvreté régnait en maîtresse cruelle et avide et où les jeunes n'allaient pas à l'école. J'étais amie avec certains d'entre eux, un groupe d'enfants semblable digne de Peter Pan. Des garçons, pour la plupart, qui roulaient des mécaniques, et dont l'âge ne dépassait pas dix huit ans. Aujourd'hui, ils avaient régné en ville quelques heures, pour attirer autant d'autres jeunes qu'eux, et pour lancer un défi : qui oserait aller dans la vieille maison hantée aux abords des quartiers pauvres ? Ancien manoir, il s'agissait d'une ruine qu'on disait hantée par les fantômes de tous ceux qui avaient osés y pénétrer. La maison avait une âme, selon les rumeurs, et elle dévorait ceux qui entraient sans montrer le respect due à une maison.

« Tu dis n'importe quoi, Manfred ! Comment une maison peut-elle avoir une âme ? » fis-je dans un rugissement, alors que je parlais au chef de la bande.

Il y avait une petite douzaine de jeunes autour de nous ; filles et garçons étaient là car la rumeur s'était propagée que les plus courageux pourraient faire leurs preuves là-bas. Il aurait été indigne de ma part de leur fausser compagnie ; j'étais l'une des plus courageuse du lot ! Royal sur mon épaule, habillée comme une garçonne, je ressemblais à une petite souris maigrichonne, mais face à Manfred, qui faisait deux têtes de plus que moi, je ne me soumettais aucunement. Je le pointais du doigt, insolemment.

« Royal et moi, on va y aller, et on va vous rapporter un objet de cette maison pour vous le prouver ! Qui est avec moi ? » demandais-je en me tournant vers le groupe.

Nous étions en fin d'après-midi, comme toute épreuve de courage le demande. Royal piailla vers les garçons qui reculaient, faussement courageux alors qu'ils tremblaient de trouille. Deux trois filles crièrent quand je les regardais, comme si mon simple regard les effrayait. Je soupirais ; étais-je la seule à avoir des balls dans ce groupe ? Allons !

Cette maison était peut-être hanté, mais j'avais une petite idée du pourquoi et du comment. Et de plus, l'architecture et l'espace de cette maison aurait pu parfaitement abriter des gens. Pourquoi ne venaient-ils pas tous habiter ici, ou certains des pauvres ? Cette histoire était absurde et j'étais bien décidée à lever le voile sur ce mystère. Chevalière, et détective maintenant ? J'eus un gloussement, en attendant que quelqu'un se décide pour me suivre. Derrière nous, les grilles cassées offraient un chemin pavé, couverts de feuilles mortes et de ronces. Le parc du chateau ressemblait plus à un cimetière, et la bâtisse au loin formait une silhouette sombre dans le crépuscule. J'eus un délicieux frisson ; en tout cas, moi, j'allais me jeter en pleine aventure !

« Ghost Busters ! »

Je ne m'attendais pas du tout à ce qui suivit : une jeune fille, extérieure au groupe, se dirigea vers moi et se porta volontaire. A la voir, on aurait dit une poupée, surtout accompagnée d'une skitty à l'air adorable - ça faisait tellement plus girly que moi, chose sans formes aux allures de garçon avec son mini-aigle - mais à ses paroles et devant le comportement du skitty, j'éclatais d'un rire jovial.

« Haha, en voilà une qui n'a pas peur aux yeux» fis-je d'une voix forte, et je me tournais vers elle pour l'admirer.

Je l'avais mal jugée ; de toute évidence, nos caractères étaient semblables. Et en plus, elle était carrément jolie ! Sous ses airs de poupées, il y avait quelque chose d'énergique chez elle. Je fis un grand sourire un peu charmeur, et hochais la tête. Royal s'envola, et je pénétrais en première le jardin. Des arbres sans feuilles nous entouraient ; le vent formait des bruits incroyablement malsain, et faisait bruire les chaînes de la porte. On nous souhaita bon courage pour la suite, et je maudis ces trouillards qui resteraient bien sagement à nous attendre.

« Quelle bande de lèches-culs ... Au fait, bravo pour ton courage ! Rien que pour ça, je t'admire ! Je m'appelle Mae, et toi ?»

Je ne lui tendis pas la main, les ayant enfoncé dans les poches de mon pantalon dans une attitude masculine, mais je lui offris un sourire chaleureux. Quoi de mieux que de paraître courageuse, et en plus devant une jolie fille ? Si y'avait moyen qu'elle tombe sous mon charme ... Certes, je resterais fidèle à ma chère Solène, mais qu'y avait-il de mal à courtiser une aussi jolie demoiselle au tempérament de feu ?

« Et voici Royal, mon furaiglon» continuais-je en sentant Royal se poser sur ma tête et me picorer le crâne, me rappelant de le présenter. Comme si j'allais l'oublier ! Je le chassais d'un geste, agacée à l'idée d'avoir l'air ridicule devant la jeune beauté. « On peut dire que vous formez une sacré paire, toi et ta skitty ! »

Je coulais un regard vers la skitty. Alors que nous avancions sur le chemin qui menait à la bâtisse je détaillais du coin de l'oeil mes deux nouvelles amies. Oui, de toute évidence, j'avais affaire à de petites courageuses. Nous arrivâmes devant la porte, et je la poussais d'un coup d'épaule ; elle s'ouvrit en grinçant, et un nuage de poussière à l'odeur fétide nous parvint aux narines.

« Pouah, c'est hanté par l'esprit mort des produits hygiéniques ? » grinçais-je avant d'entrer en toussant, la main sur ma bouche.

Le hall était un enchevêtrement de poutres brisées et de poussière. Ici et là, des meubles rongés par le temps et les mites semblaient sur le point de tomber en morceaux. La pâle lueur venant du dehors où la nuit tombait se reflétait sur le parquet poussiéreux. J'émis un petit sifflement qui sembla résonner partout autour de nous.

« Y'aurait de quoi abriter cinq familles, ici, ils sont vraiment trop bêtes d'avoir peur de fantômes qui n'existent pas, hein ?» fis-je en me retournant vers la demoiselle.

Ce que nous ne savions pas, c'est que notre entrée bruyante et mon sifflement avaient réveillé des entités. Des entités qui se cachèrent dans le noir, nous épiant, invisibles, attendant le bon moment pour nous tomber dessus.

« Ghost Busters ! »

Je hochais la tête vers Lore et Kitty. Un joli prénom pour deux jolies jeunes filles. Même si la dresseuse était bien plus à mon goût. Je dois avouer que le mélange de beauté fulgurante et de courage ne me laissait pas indifférente, et je souriais un peu bêtement en l'observant. Mais mon attention fut portée ailleurs : elle avait raison. Pourquoi un tel lieu avait-il été abandonné ? Je fronçais les sourcils, m'approchant un peu de l'escalier en ruines. Sa proposition est acceptée, et après l'avoir laissé passer en première - non pas que je refusais de le faire moi-même, mais elle semblait partante pour - je la suivis avec attention et prudence. Les marches craquaient sous nos poids, mais aucune latte ne céda.

Alors qu'on était au milieu de l'escalier, Lore se fit projeter contre l'autre bout de l'escalier. Je bondis pour lui attraper la main en entendant l'escalier craquer sous le coup, et en l'aidant à se relever, un cri retentit, strident, qui fit se hérisser mes poils sur mes bras. Je m'immobilisais, et à la répartie de Lore, j'éclatais de rire. C'était nerveux, et cela me détendit un peu.

« Ouai. Je sais pas ce qu'il a essayé de chanter, mais c'était raté. Hé toi ! L'esprit des escaliers qui grincent ! On a pas peur ! Montre-toi !» criais-je en reprenant l'ascension des marches.

Le silence pesant et le noir total ne m'entravaient pas ; je pris une pokéball dans ma main et fis jaillir Chevalerie. Je lui ordonnais de nous servir de lampe, et il alluma une torche faite avec un morceau de rambarde. Au moins, nous n'étions plus dans le noir ... Nous accédâmes au premier palier : les mêmes meubles poussiéreux, les mêmes miroirs noirs de crasses, le même plancher qui grinçait ...

« Je m'attendais à mi-»

D'un coup, je me retrouvais soulevée en l'air. Je ne sentais nulle prise sur mon corps, mais ce fut plutôt de l'excitation que de la peur qui courut dans mes veines. Jusqu'à ce qu'à mon tour je ne sois lancée par une force invisible et heurte un mur. Je grognais sous la douleur et me redressais en massant mon épaule. Royal et Chevalerie près de moi, Lore à quelques mètres sur ma gauche, nous pûmes tous voire l'ombre se former et prendre une forme humanoïde aux yeux de braises.

« Sortez d'ici ! Pauvres humains ! Nos forces d'outre-tombe vous anéantiront si vous persistez à rester ! »

La voix était grave, basse, mais elle semblait lointaine. Je me tournais vers Lore, un sourire féroce au visage. J'avais envie de l'impressionner, cette jolie jeune fille, et je comptais bien y arriver.

« On a affaire à quoi ? Un ectoplasma peut-être ? Chevalerie ! »

Une flamme dissipa l'illusion et Royal sur mon épaule, je m'approchais de l'endroit où l'ombre avait disparue, dissipée par la lumière de l'attaque du poussifeu. Je souris, d'un air volontaire. Puis je me retournais vers Lore ; ses cheveux blonds brillaient comme de l'or dans la pénombre créée par ma torche.

« Avançons, je suis sûre que nous allons découvrir des pokémons spectre ! » fis-je d'un air enjoué.