« Les griffes de la nuit »

Je n'ai jamais été ce que l'on appelle prudente. Il est dans mes habitudes de me faufiler la nuit pour aller marcher un peu, de piquer des gâteaux à Nobu, de parler trop haut et trop fort quand il ne faut pas, de courir des risques inutiles. C'est ce qui me donne envie de vivre, c'est ce qui me fait croire que la vie vaut la peine d'être vécue. Ca, et mes pokémons. Mais, parfois, j'étais obligée d'obéir aux ordres, de faire la fille sage ...

« Nobu, tu es méchant ! Tu pues ! Tu n'as pas le droit ! Lâche-moiiiii ! »

Le jeune homme me tenait l'épaule, et je me tortillais comme une anguille en espérant pouvoir échapper à sa poigne. Peine perdue, il me redressa avec brutalité, en me faisant mal, et il me traîna jusqu'à ma chambre. J'avais été punie, quelques semaines plus tôt, quand j'étais sortie la nuit et avais capturé Poussifeu. Ce dernier était d'ailleurs endormi sur mon coussin. Ce qui n'émut en aucun cas Nobu, qui me lâcha dans ma pièce et sortit, non sans fermer à clé derrière. Il avait prit aussi la peine de condamner la fenêtre de dehors - je ne pouvais donc plus sortir ...

« Sale petit fils de ... »

Mieux vaut ne pas entendre la suite. En tout cas, mes cris et mes injures réveillèrent Chevalerie qui vint s'installer sur mes genoux, alors que j'étais adossé à un mur, les larmes aux yeux. Sa présence rassurante me calme un peu, et je caressais sa tête duveteuse. Chevalerie était un pokémon gentil et affectueux, auquel il valait mieux ne pas casser les pieds. Je ne regrettais pas d'avoir fait le mur pour aller le capturer.

« J'ai eu de la chance de tomber sur toi, tu sais ? Je suis contente que tu m'aies rejointe. Que tu fasses ... Haaa ... Partie de la famille ... »

Je fermais les yeux un instant, tête posée contre le mur, entre deux bâillements. Je finis par m'endormir, mais la suite ne fut pas une partie de plaisir. Dans mon rêve, je courrais à en perdre haleine, car quelque chose me poursuivait. Il faisait sombre, et je ne pouvais pas voir ce qui me suivait - je ne le pouvais pas, je n'arrivais pas à me retourner. Je ne pouvais que courir, encore et encore, malgré l'impression que mon coeur allait exploser. J'étais en nage de sueur, mon souffle court, et je ressentais une impression de malaise constant, un mal-être qui me donnait envie de me rouler en boule dans un coin et de pleurer.

« Laissez-moi ! Que vous ai-je fait ? Laissez-moi ! » fis-je d'une voix basse en retenant mes pleurs.

Je ne pleurais pas. Jamais. Qu'est-ce qui m'arrivait ? J'étais mal. Je sentis quelque chose se glisser jusqu'à moi, et de derrière mes paupières, une lumière vive me réveilla. Je sursautai et bondis sur mes pieds. J'étais réellement trempée de sueur, et mon coeur tambourinait comme un fou dans ma maigre poitrine. Je vis alors Chevalerie, campé sur ses deux petites pattes, face à une gigantesque ombre. Je retins un cri, et regardais avec effarement les ombres se dissiper pour laisser apparaître un fantominus à la bouche rieuse.

« C'est toi ! Tu m'as fait faire des cauchemars ! Tu as volé mon énergie ! Chevalerie, c'est toi qui m'a réveillé ... Attention ! »

Le fantominus s'était jeté sur le pokémon poussin, qui dut rouler sur le côté pour esquiver les fumées spectrales. Je serrais les poings : c'était le combat de Chevalerie, pas le mien. D'un air décidé, le poussifeu se redressa et ... S'illumina. Sa forme disparut un instant, et moi comme le fantominus observèrent avec surprise l'évolution du pokémon. Et quand le Galifeu sortit de cette espèce de couverture lumineuse, la flammèche qu'il lança sur le fantominus était si bien effectuée que le fantôme grimaça avant de disparaître, semblant s'étioler dans la pièce. Je bondis pour rallumer les lumières et inspirais pour retrouver mon calme.

« Chevalerie, tu ... Regardes-toi ! Tu es magnifique ! Tu es un galifeu à présent ! »

Son regard dur s'adoucit et il sautilla vers moi pour me prendre dans ses bras. Il avait grandit, oui, et son allure était plus élégante, moins enfantine. Je lui rendis son étreinte. Cette nuit je n'allais pas dormir. Mais je savais que si je tombais de sommeil, Chevalerie veillerait sur moi.