« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 
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 Hope is all yours |OS|

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Adélia G. Turnac
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Adélia G. Turnac
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Métier / Études : Médecine, en stage dans une clinique privée
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MessageSujet: Hope is all yours |OS|   Hope is all yours |OS| EmptyMer 27 Aoû 2014 - 2:07


Hope is all yours

Mercy & Adélia
L'attendre m'est un supplice. Toutes ces questions qui s'imbriquent sous mon esprit, ne formant que chaos et confusion. Sur papier, cette réalité qui est mienne est bien mignonne, mais dans les faits, suis-je vraiment apte à assumer cette part de moi? Celle de mes origines, de mes véritables origines. Celles qui me décrivent en tant qu'Enolianne, et même une Turnac, une part vivante de l'histoire de ce pays. Cette confusion qui m'habite s'anime d'autant plus alors que je pense à elle. Cette cousine. Cousine. Ce nom continue à se résorber dans mon esprit cacophonique. Un véritable lien de sang, une famille, peut-être celle que j'ai toujours souhaitée, et la possibilité de repartir sur de nouvelles bases. Et de répondre à toutes ces interrogations douloureuses qui continuent de me hanter depuis ma plus tendre enfance, tous ces «pourquoi» non résolus auxquels je ne peux me permettre de porter mon attention, sauf quand il me devient absolument impossible de l'ignorer. Comme à présent, alors que je me tiens devant sa porte, fébrile, revivant ce moment, où, dans les loges de Solène, j'ai appris cette révélation. Une enfant Turnac a survécu, il s'agit d'elle, de cette cousine que j'attends, fanée dans ses escaliers, à scruter son retour. J'ai passé près d'une semaine à suivre son horaire, à guetter ses moindres mouvements, à me déguiser et à la suivre partout où elle va, jusqu'à ce moment fatidique où je me suis résolue à lui avouer qui je suis, à sortir de l'ombre et oser.

Oser. Oser pour moi, mais surtout pour elle. Son parcours de vie, je le connais par coeur, hormis les six dernières années où elle s'est évaporée dans le néant pour survivre, survivre à ce terrible Régime. Quelles horreurs a-t-elle vécues afin de s'en sortir? Elle a évoqué un retour sur l'île lors de sa rencontre avec Soledad, ce qui signifie qu'elle s'est enfuie, pour mieux revenir. Elle doit se sentir tellement seule. Et perdue. Sur cette île où elle est née et qui s'est retournée contre elle. Je ressens beaucoup de sympathie fasse à cette inconnue, alors qu'elle m'effraie au-delà des mots. Qu'est-ce qui m'effraie autant? Je ne saurais le dire. Je me souviens encore du meurtre de sa mère... de ma... de ma tante. J'étais présente à Amanil, ce fameux jour, et encore l'inspiration qu'a tenté d'insuffler Eliza Turnac à sa population tant aimée m'accompagne. Elle, elle a du la voir mourir de la façon la plus brutale qui soit. Je me mets à trembler. Mon courage s'effrite de minute en minute. Qu'aurai-je à lui dire, au final? Suis-je à la hauteur de cette personne qui pourrait changer le cours de ma vie? J'entends des pas, la porte s'ouvrir, tout en bas de l'escalier. Aussitôt, je me redresse, le coeur battant à la chamade. À présent je ne peux plus revenir en arrière.


Une autre journée particulièrement satisfaisante au travail. Épuisée comme un chaton ayant fait joujou toute la journée, je prévois déjà la suite de la soirée. Un bon bain chaud aux chandelles avec un peu de musique, un souper tout simple formé des restes de la veille, puis un petit moment film en compagnie de mes alliés. Une comédie romantique peut-être? Oh et puis pourquoi pas. Après avoir réalisé un marathon intense de films de science-fiction de Star Trek à Back to the Future, je peux me permettre un excès de sucre mal réalisé avec des acteurs pourris. Quelques mots à ce sujet à ma Fantominus qu'elle sautille déjà sur place, faisant de ma chevelure un véritable foutoir qui me tire des rires où pointe une petite part de reproche. J'ouvre la porte de l'immeuble et récupère en vitesse mon courrier avant de montrer quatre à quatre les marches de mon escalier.

«La dernière arrivée tout en haut est une vieille patate pilée moisie!»

Je m'arrête rapidement en constatant qu'une jeune femme se tient devant ma porte d'entrée. Son visage est crispé, sa longue chevelure rose en bataille, et son regard rivé vers moi avec une intensité presque sauvage. Je déglutis. Ses prunelles d'un bleu-vert intense me scrutent, dans une tentative de me percer à jour. Mise à nu devant elle, je recule d'un pas tandis que Majesta, dans sa grande naïveté, s'approche afin de l'observer plus en détails, visiblement attirée par sa beauté. Car elle est belle, très belle même. Jeune aussi, mais blême.

«Hum... bonsoir. Je peux vous aider?»

Le silence. Pesant. La jeune femme relève les yeux vers moi, les siens s'embuant doucement. Elle lève une main tremblante vers Majesta.

«Tu lui ressembles.... tellement...»

Son visage, ses traits. Je ne suis nullement surprise qu'elle l'aille reconnu. Nous avons à peu près les mêmes talents à ce sujet, bien qu'elle soit encore plus précise que moi dans ses découvertes. À mes yeux, il ne fait aucun doute, malgré les quelques traces de maquillage qui la vieillissent, et ses cheveux contenus dans une longue natte, ou finalement les lentilles qui couvrent le brun chaleureux de ses prunelles. Elle est jolie, si frêle, fragile. Et pourtant je sais, je sais qu'elle est forte. Et cette idée me tire un sourire, car c'est vrai, je l'aime déjà. Elle est mon sang après tout. Même si elle l'ignore encore. Son visage se plisse d'inquiétude, une inquiétude qui contamine même la petite Fantominus familière. Toutes deux se reculent, m'observent avec indécision. Car elle sait bien à qui je fais mention, n'est-ce pas? À sa mère, bien sûr. Le fait seul que je puisse nommer leur ressemblance la met en grand danger. Or, elle n'a rien à craindre de moi. La jeune femme consulte ses poches, appuyant sa main contre son portable au-travers son jean. Je secoue la tête et soupire, levant deux mains au-dessus de ma tête.

«Je t'en prie, je ne te veux pas de mal. Au contraire. Adélia, je...»

Les mots restent pris dans ma gorge. Je lève les yeux de nouveau vers elle, toujours plus confuse. Maintenant qu'elle se trouve devant moi, je ne supporterai pas un seul instant d'en être séparée. Cette façon qu'elle a de me regarder, tel un animal blessé, plongée dans l'angoisse et dans l'incompréhension... J'ai presque envie de la prendre sous mon aile et de la protéger. N'est-elle pas ma jeune cousine après tout? Je le fais pour mon frère, il en sera de même pour elle. Si elle peut m'accepter.

«Je suis ta cousine.»

Mon monde s'écroule. Combien de fois ai-je espéré la retrouver? Est-ce même possible? Je me sens tituber, tomber vers l'arrière. Puis être soutenue, par ses bras à elle, elle qui m'observe à présent avec angoisse et peine. Je me relève, tremblant de toutes parts, franchis ces quelques marches qui me séparent du palier. Déverrouillant la porte, j'entre à l'intérieur en l'y invitant, et referme aussitôt derrière elle, barrant par précaution. Puis je me dirige vers toutes les fenêtres, que je couvre de rideaux. Elle s'avance au milieu du salon, incertaine, jetant un regard timide à mon décor. Je vais vers elle, poussant contre ses épaules pour l'asseoir sur mon fauteuil. Je l'observe. Elle est le portrait craché de mon oncle. Malgré le bleu de ses prunelles, elle a définitivement ses airs, son aspect farouche, la façon volontaire qu'elle a de m'observer, ses lèvres fines et roses. Je n'ose plus la toucher, me contentant de la regarder.

«Explique.»

Normal. Je lui dois bien des explications. Soupirant, je tire de mon sac le dossier d'adoption qui contient mes informations ainsi que celles de mon frère. Adélia l'ouvre, le consulte. Blêmissant soudainement lorsqu'elle tombe sur la page qui parle de John.

«Il y en a un autre? Il ne m'a jamais dit qu'il avait eu un autre enfant... Je ne comprends pas...»

«Tu savais donc, pour moi.»

«Oui. Je lui en ai toujours voulu. Pour ça. Et pour tant de choses.»


Je baisse les yeux. Tant de questions sans réponses. Tant de «pourquoi». Mais maintenant n'est pas le moment. Ce moment est le sien, cette longue assimilation qui m'a pris des mois. Heureusement, je ne me suis pas trompée. Adélia est bien ma cousine, et semble même avoir reconnu de son oncle en moi. Sur son visage, une tristesse infinie, et une lassitude fatiguée. Mais son regard n'est que colère.

«J'ai effectivement un frère, ou demi-frère plutôt. Tous deux les enfants de Carter.»

Elle se pince la lèvre, murmure le nom de John. Je me demande pourquoi elle en a tant voulu à son oncle. De m'avoir abandonné? Cela ne la concerne en rien après tout. La pensée que le geste de Carter puisse l'avoir torturé me peine.

«Ce porc. Il a fait le coup deux fois. Je ne l'ai jamais su.»

Elle pleure à présent. Autant dire que mon coeur se déchire. J'ouvre la bouche, contaminée par sa colère et sa tristesse. Je lui en veux tellement d'avoir fait du mal à cette jeune femme si douce, si fragile.

«Ne pleures pas, je t'en prie... Je... Adélia... J'ai beaucoup de questions, mais si c'est trop douloureux, je préfère te laisser en paix.»

Je me relève, prête à partir. Mais son bras me retient, presque brutalement. Elle se relève d'un même mouvement. Son regard me transperce.

«Ne pars pas. Je t'en prie, ne pars pas.»

Elle ne peut pas s'en aller. Elle est ma cousine. Une part de moi, de ma famille. Cette jeune âme jetée dans le monde sans l'amour de son géniteur, ce géniteur trop lâche pour s'acquitter de sa tâche, deux fois plutôt qu'une. Cette idée me rend malade, malade, malade.

«Je répondrai à toutes tes questions. Mais s'il te plaît, ne pars pas. Je suis tellement seule, Mercedes. J'ai tellement espéré que tu ailles bien, malgré ce que mon oncle t'a fait... Je... Tu es ma famille... Je ne sais pas pourquoi tu es venue, peut-être veux-tu juste savoir puis t'en aller... Mais reste... Juste un peu...»

Je sens ses bras se refermer contre moi. Me serrer avec force. Avec affection. Avec courage. Son odeur emplit mes narines pour la première fois, et certainement pas la dernière. Et malgré ma timidité, malgré tout ce que je suis, et cette frayeur qui ne veut plus me quitter, et ma douleur, je lui rends son étreinte, craquant contre son épaule pour la première fois depuis mes retrouvailles avec Faust. Je la serre, fort, comme une vieille amie, comme un membre de ma famille, comme j'aurais tenu May si elle était présente.

«Je ne vais nulle part. Je suis venue pour toi.»

Sa voix est si douce. Si apaisante. Elle me tire contre le sofa, m'attire contre elle. Contre elle que je ne connais pas, contre elle qui pourtant veut tout dire à mes yeux à présent. Car elle est cette part de ma famille éclatée qui survit. Je n'ai pas besoin de lire ses papiers pour la croire. Je le sens au plus profond de moi, qu'elle est cette personne que j'ai cherché tout mon existence et qui se présente à ma porte au moment où j'en ai le plus besoin. Mon ange gardien, aux ailes grises, une personne fanée par la vie. Je le vois aux cicatrices qu'elle porte sur ses bras, bien que presque effacées par le temps. Qui lui a fait du mal? Où étais Carter pour la protéger? Où étais-je pour l'avoir laissé souffrir? Je peux sentir sa peine. Je la cause. Toutes ces larmes. Difficiles à avaler. Mais je ne peux plus m'arrêter. Car en moi est né l'espoir. Et tout juste derrière ces souffrances ravalées depuis trop longtemps.

«Je suis ta famille, Adélia, je ne vais nulle part. Tous les jours, je serai là pour toi, tu m'entends? Je vais t'aider.»

«Non. Moi je vais t'aider. Je le dois... Mercedes...»

«Appelle-moi Mercy, je t'en prie. Mais au-dehors de ces murs, je suis Victoria Hills.»


Tant d'années à rattraper. Le pourrons-nous en une nuit? En un jour, en une semaine? Je lui dirai tout, tout ce qu'elle a à savoir. Je la tiens contre moi, et cette position me paraît si naturelle. Même de l'aimer ne me cause aucune résistance. Je m'ouvre à elle, je la porte dans mon coeur, déjà. Je souris devant son insistance à m'aider. Je vais bien. Je vais mieux. Maintenant je veillerai sur elle. Et elle veillera sur moi. Je le sens au plus profond de moi. Toutes ces questions ne font plus aucun sens à mes yeux à présent. Plus tard, nous aurons l'occasion d'en discuter. Plus tard, nous connaîtrons tout l'une de l'autre. Mais pour le moment, je la tiens contre mon coeur, je caresse ses cheveux. Dans un autre monde, nous n'aurions jamais été séparées, dans un autre monde nous partageons nos après-midis dans des champs dorés de rires, étant gamines. Dans un autre monde. Or ce monde est celui d'Enola, et avec lui sa triste réalité. Une réalité qui nous a tout de même conduites l'une à l'autre, une réalité dans laquelle jamais je ne l'abandonnerai. J'en fais la promesse.

(c)Golden


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