Respect et confiance

Évolution de Nathaniel

Il y a un temps pour tout, comme dirait l'autre. Et de la tolérance en quantité très limitée, ajouterait Clive non sans sarcasme et ironie froide. Il avouerait sans peine qu'il est lui-même du genre très protecteur, mais il y a une limite à ce qu'il juge acceptable et le comportement de Castiel depuis qu'il avait commencé la compétition était à la limite de l'insupportable, de sorte qu'une violente dispute avait eu lieu entre eux peu de temps avant son premier match contre la championne de Zazambes, car Clive refusait que Castiel participe à ce combat-là, et ce malgré ce que sa présence aurait pu apporter comme avantage. Le fait qu'il avait perdu ce match avait en effet blessé la fierté de l'officier, qui avait dû supporter les regards condescendants du Gardevoir lorsque celui-ci avait appris la nouvelle,mais Clive s'était vite repris et s'était occupé de l'entraînement plutôt que de porter attention aux regards venimeux de son pokémon. Lorsqu'il avait présenté le badge à Castiel d'ailleurs, il n'avait pas pu retenir le léger rictus qui avait étiré ses lèvres et avait, et il ne le nierait jamais, pris un malin plaisir à prouver au Gardevoir qu'il n'avait pas besoin d'être materné comme un enfant et qu'il était tout à fait capable de se débrouiller. Que l'équipe n'était pas uniquement composé de lui et de Zeke, comme ce fut longtemps le cas. Que même la plus adorable des boules de gentillesse pouvait se montrer comme un élément puissant et fier.

Que Castiel cherche trop à le protéger et se comportait de temps en temps avec lui comme une forme paternaliste déplaisante, c'était nouveau. Ou du moins, l'instinct protecteur du Gardevoir s'était considérablement agrandi depuis ses évolutions et le mois de juin, qui a laissé des traces indélébiles dans l'esprit de Castiel, et Clive le sait. Il sait que voir son dresseur au bord du gouffre, presque sur le point de se laisser être tué sans chercher à agir, comme une sorte de suicide indirect, l'avait profondément blessé. Il l'avait senti dès le jour d'après sa rencontre malencontreuse avec le Polagriffe ; le Gardevoir refusait alors catégoriquement de quitter ses côtés. Clive n'avait pas su quoi dire ou faire, alors il s'était contenté d'avaler ses médicaments et d’obéir aux ordres de Mikael par rapport à sa santé pour une fois, c'est-à-dire qu'il avait dormi. Il n'avait pas eu le courage de dire à Castiel de cesser de le surveiller pendant son sommeil, parce qu'il savait très bien que son ami avait dû en profiter pour explorer son esprit et en tirer tout ce qui aurait pu l'aider à comprendre comment la situation avait pu dégénérer aussi rapidement.
Et Clive l'a senti. Tous les jours. Lorsque le regard du Gardevoir se posait sur lui en une inspection minutieuse, il ne pouvait que soupirer, car il savait très bien qu'il devrait avoir une conversation avec lui un jour, et Arceus, il n'avait pas envie de l'avoir. Il avait fait comme si il ne savait pas que cette peur de Castiel de le voir se blesser devenait excessive, comme si cela ne risquait pas de poser problème pour la compétition.
Ainsi, lorsque le Gardevoir avait vivement protesté de ne pas combattre dans la première arène, Clive avait soupiré, conscient que la situation allait vivement dégénérer. Et ce fut le cas.

C'est avec une hésitation à la limite de la fatigue qu'il observe cette ball sous tous les angles, conscient qu'il est sur le point d'avoir une conversation qu'il n'appréciera sûrement pas. Mais tant pis. Alors il était venu dans un coin reculé des terres fertiles, cherchant la solitude.
Le regard rouge de Castiel rencontre le sien dès qu'il est libéré de sa ball, et Clive n'a pas besoin d'être doté de pouvoirs psychiques pour comprendre ce que veut dire cette animosité dans ces orbes écarlates qui le foudroient dorénavant avec une insistance presque respectable.

« Je veux que tu me fasses confiance. »

Sa voix est claire, calme et posée, mais pleine d'une certaine fermeté. Castiel continue de le fixer avec insistance, le poussant à continuer dans sa lancée et à déballer ses arguments.

« Je veux que tu admette que je peux m'en sortir. Que tu n'as pas à faire le travail de toute l'équipe parce que nous pouvons nous débrouiller. Je veux que tu cesses de me traiter comme un enfant. Je veux que tu apprennes à me faire confiance de nouveau, même si je t'ai trahi en juin. Je te demande du respect, en tant qu'ami. »

Sa demande est claire, mais pourtant, Clive a l'impression qu'il vient de courir un marathon. Que ce qu'il demande frôle l'insolence et est tout simplement impensable. Mais non, ce qu'il demande est pourtant la base d'une relation saine, et il n'a pas l'intention de lâcher l'affaire sur ça. Pour une fois, il ne sent pas l'intrusion de Castiel dans son esprit, ce qu'il considère comme un bon signe. Malgré le fait qu'il le fixe toujours d'un air impérieux, il ne dit rien.
Le Gardevoir se rapproche alors, et quiconque ne le connaissant pas pourrait penser qu'il a une intention belliqueuse, il tend sa main à l'officier. Celui-ci l'inspecte quelques instants, avant de reporter son regard faussement doré sur le visage de Castiel, cherchant une réponse. Il hésite quelques instants et reste silencieux, avant de prendre doucement la main que lui tend le pokémon psychique.

L'image que lui vient en tête le fait ouvertement grimacer. Ce qu'il voit, c'est lui-même le jour d'après la rencontre avec Polagriffe, couvert de bandages et couché au lit en train de ruminer la douleur qui lui lacérait le dos, les bas et les jambes. Les plaies qui lui ont été infligées, il en garde des cicatrices. Il en gardera à vie, probablement, comme lui avait dit Mikael au sujet de celle située sur le bas de son omoplate droite, qui s'étendait d'ailleurs jusqu'au au bas de son épaule. Clive se fiche de ces détails superficiels, même si il avouerait sans soucis qu'il s'amuse bien de la tête impressionnée que font les nouveaux soldats devant de pareils 'restes' de combat. Il se cache bien d'expliquer leur provenance, toutefois.
Et il comprend. C'est un reproche. Un aveu de la terreur de Castiel, et Clive reste muet. Il n'a aucune idée de quoi dire, alors il lui serre la main avec douceur.

« Je sais. Pardon. »

Puis, sans lâcher le Gardevoir, Clive lève sa main libre et effectue un petit signe. Rapidement, un Mélofée portant sur son visage un grand sourire s'approche. Castiel jette un regard interloqué à son dresseur, et celui-ci lui offre un sourire amusé avant de lui montrer une Pierre Lune se situant dans sa sacoche d'un coup d’œil. Castiel a vite fait de comprendre, n'ayant jamais été du genre lent à la détente, bien au contraire.
Alors Clive lâche sa main, fait un pas en arrière et observe. Avec douceur, le Gardevoir se met à la hauteur du Mélofée, et lui tend lentement la pierre d'évolution avec une solennité qui manquerait presque de surprendre le hérisson. Nathaniel, comme conscient de cela, refrène son surplus d'énergie et touche l'objet.
La lumière qui émane du Mélofée, douce et rassurante, prend forme pour laisser à la place à un Mélodelfe. Clive sourit légèrement en voyant Nathaniel enlacer Castiel, heureux de voir qu'il avait réussi à faire comprendre au Gardevoir leur volonté. L'esprit d'équipe avant tout, et surtout, le respect de la volonté des uns et des autres.