Evolving |OS|

Sujet: Evolving |OS| Lun 29 Sep 2014 - 1:07

EVOLVINGis what you're trying to teach me

Le jour où j'ai reconnu les syllabes formant mon nom dans ta bouche, je ne les ai pas reconnues. Prononcées avec émotion et solennité, presque telle une prière. Une annonce trop importante, portant contre ma vie une tempête de changement qui me bousculent encore à ce jour. Mais tant que tu étais présent, j'ai toujours respecté ta décision, même si je ne m'en sentais pas tout à fait prête, pas tout à fait apte. Lorsque Sky Vassily, toi, m'as désignée comme sa remplaçante, j'ai pleuré et hurlé et supplié pour qu'il ne s'agisse que d'un cauchemar, que d'une mauvaise passe. Ton argument alors pour me soulager du poids qui pesait alors sur mes épaule? Ta présence. Tu m'as assuré que tu serais toujours là pour moi, pour me guider et m'aider. Foutaises. Mensonges. Paroles envolées et rapidement englouties. Sincèrement, comment ai-je pu être sotte au point de te croire? J'aurais du percer le mystère de ce départ précipité, de cette décision égoïste basée sur quelconque désir de sauver l'île. Et moi? Moi! Moi j'ai besoin d'être sauvée aussi, Sky. Moi qui n'ai eu personne comme modèle, qui ne connaît rien de moi, de qui je suis. J'avais besoin de toi, tellement plus que tu ne pouvais te l'imaginer. Tu étais un grand frère, un père presque, un pilier. Un ami. Un maître. Mais maintenant tu n'es plus rien. Plus rien au monde qu'une promesse brisée et un goût amer, un grand vide laissé derrière toi. Parce que tu es parti.

Je me suis réfugiée dans la salle d'entraînement. J'ai d'abord débuté par vingt minutes intensives de vélo. Lorsque je n'ai plus senti mes jambes, je me suis arrêtée. J'ai empoigné mes gants de boxe et j'ai frappé, frappé, frappé contre le sac suspendu au plafond, quelque chose que tu avais toi-même fait installer. Les larmes m'aveuglent mais je continue à me défouler, en gémissant tout bas, à m'écorcher la gorge. Toujours cette question sourde et dénuée de sens, de réponse. Pourquoi? Pourquoi Sky es-tu parti alors que tu as promis? Comment me relever à présent? Comment te pardonner alors que tout en moi te déteste et t'en veux de m'abandonner? Comment porter attention aux paroles que tu m'as adressées, à ton rassurant qui a voulu me convaincre de ma capacité à gérer cet endroit seule.? Je ne peux pas. Je n'en ai jamais été capable, tu le sais bien. L'attention me tue à petit feu, et j'ai le sentiment constant de ne pas être à la hauteur de ta prestance, Sky. J'ai encore tant à apprendre. Je suis ne suis qu'une gamine, une gamine effrayée. Une enfant. Tu as brisé le coeur d'une enfant. Comment peux-tu vivre avec toi-même à présent? Tu me diras que je suis une adulte maintenant, que je dois cesser de douter. Mais tu as tort.

J'entends des pas derrière moi. Je les reconnais. La démarche de mes compagnons, je peux l'identifier et les différencier sans aucun problème. Celle-ci appartient à un quadrupède, Apollon. Un des nombreux qui ont assisté à notre échange Sky. Tu te souviendras n'est-ce pas? De la rancoeur que je t'ai réservé. De l'incompréhension et la colère à laquelle tu t'es butté. De la façon dont je t'ai regardé, furieuse, le visage ruisselant de larmes. Je m'arrêtes, quelques seconds, de frapper. Revivant cet instant avec douleur. J'ai retrouvé en toi ce que j'ai partagé, il y a longtemps, avec mes parents. Des partenaires d'entraînement, des enseignants du dressage mais aussi des fondements de la vie. À tes côtés je me suis toujours sentie bien, utile. Plus réfléchie. Mais comme eux, tu m'as laissé à cette vie où je suis étrangère, sans repères, sans sens. Vers où me diriger à présent? Reprendre le rêve que tu avais construit pour toi? Vivre dans ton appartement comme s'il s'agissait du mien? Mes genoux se plient, lentement, tremblants, alors que je m'accroupis contre le sol. Non loin de lui, le Nidorino, qui me regarde d'un air calme. Serein. Bienveillant. J'aimerais tellement qu'il s'en aille, qu'il me laisse tranquille.

Le pire dans cette histoire est de te perdre Sky. Tu faisais partie de ma vie. Tu l'illuminais de tes savoirs. Je vivais difficilement de ne plus te voir aussi souvent. Et à présent je dois continuer sans l'espoir de te revoir un jour. Tu es un peu mort à mes yeux, et je vis mon deuil dans le déni de ce jour, dans la colère et le désespoir. Apollon me regarde toujours, je sens ses pas se rapprocher. De tous ceux qui auraient pu venir me réconforter aujourd'hui, je ne comprends pas pourquoi ce doit être lui. Je l'adore, mais il n'est pas celui dont je suis le plus proche. Akemi, ou même Ned. Où sont-ils? Où es-tu Sky, où vas-tu? Où vais-je? Tu m'aidais à porter le poids de mes responsabilités, mais présent je suis ensevelie sous mes angoisses. La peur sordide de me retrouver seule à nouveau. Seule contre un monde froid et cruel. Les larmes se mettent enfin à couler. Profondes. Silencieuses. Je lève le regard vers lui, que je considère dans l'aura brumeux des larmes. Il tient quelque chose dans sa gueule, l'écrin délicat qui renferme un trésor inespéré que j'ai déniché il y a quelque temps. Une Pierre de Lune, achetée à un minier de Zazambes, spécifiquement pour le Nidorino. Il s'approche de moi, ses pas assurés. Pose sa tête contre mes genoux où il y pose la petite boîte.

Je n'oses plus parler. Plus respirer. J'aimerais tellement qu'il puisse répondre à toutes mes questions. Mais qu'en sait-il? Je suis heureuse que Cesar ne soit pas présent ce matin. Je n'aurais jamais pu répondre aux siennes. Mais Apollon, il est là lui. Et je me demande pourquoi. À me tendre cette boîte avec un regard entendu. Je l'ouvre, en reniflant bruyamment. La pierre à l'intérieur brille de façon subtile et élégante. Son pouvoir est palpable, si bien que je n'ose pas la toucher. Le Nidorino se penche vers l'avant et vient effleurer la pierre du museau. Aussitôt s'opère en lui le changement. Son corps s'étire, jusqu'à se percher au-dessus de moi, masse impressionnante surmontée d'une corne bien aiguisée. Un grondement s'échappe de sa gorge alors que la lueur se dissipe, révélant à mes yeux un guerrier féroce au regard doux.

«Nidooo...»

Ses bras s'ouvrent pour me cueillir. Je me glisse contre lui, trouvant refuge contre son large abdomen musculeux. Déversant des larmes, et des larmes et des larmes. Un jour, je comprendrai ce qu'il aura voulu dire. Un jour je saurai. Pour le moment, je vis dans l'incompréhension et l'angoisse. Dans l'insécurité totale. Dans toutes mes peurs et angoisses. Mais au moins je sais que je ne suis pas seule.

(c)Golden