L'effet miroir II

Évolution de Shoichi, partie 2

- ...
- Nan mais j'veux dire, une fois c'était déjà pas mal, mais alors deux... ? T'as bu quelque chose, avant d'aller te coucher ? Enfin non, ma première cuite je l'ai pas prise aussi tôt, même si c'était un accident le jour-là, mais euh... Tout va bien ? T'es tout blanc, je suppose que t'es malade ?
- ...
- ... Mini ? Tu veux de l'ai-AÏEUH ! NAN MAIS CA VA PAS ?!
- TU SAVAIS !
- NAN MAIS JE... Grr !
- LÂCHE-MOI QUE JE T'EN COLLE UNE AUTRE !
- Mais t'as fini de gigoter, oui ?! Je te lâche dès que tu seras calmé, alors tu arrêtes ton cinéma !
- Tu me fais mal aux poignets, bordel !
- NATSUME SHIMOMURA, TU TE CALMES !
- ...
- Bon dieu pour une fois je suis content de voir l'effet magique que ça a, ça. C'est bon, on peut discuter comme des personnes raisonnables ou tu as encore le besoin de me sauter dessus pour m'éclater les tympans ?
- ...
- Hé, minus, je te cause. Tu veux pas arrêter de contempler le sens de ta vie deux secondes et l'ouvrir ?
- Je sais pas, je trouve que tu parles déjà bien assez pour deux, t'as pas besoin de mon aide.
- Ha-ha. Tu l'aimes toujours autant, ton sarcasme de défense ? C'est assez drôle de voir que c'est ta seule arme quand tu te retrouves dans une situation dont tu n'as pas le contrôle, tiens.
- Je t'emmerde.
- Et les insultes, aussi. Ta répartie laisse franchement à désirer.
- J'ai pas à gaspiller mon temps et ma salive pour ta tronche, le sac poubelle.
- Ce que tu veux ou pas, j'men fous. C'est toi qui fait des rêves pareils, alors arrête de râler dans ta barbe inexistante et explique-moi pourquoi t'es en colère.
- ...
- Ne me force pas à en arriver aux grands moy-
- Tu savais.
- Que quoi ? Et tu te répètes, faudrait penser à consulter.
- Tu savais que ÇA, ça allait arriver !
- Ça quoi ? Bordel mais c'est pas un Cluedo !
- TU SAIS DE QUOI JE PARLE !
- ... Attends. T'es dans quel mois ?
- Octobre.
- Oh, alors... Attends, tu parlais de ça ?
- Bah oui, tête de con ! De quoi tu croyais que je voulais parler ?!
- Rien, rien... Bref. Donc ouaip, je savais. Et donc ?
- Bah pourquoi tu m'as rien dit ?!
-...Pwahahaha !
- Mais arrête de rire et explique-toi !
- T'es un spécialiste du déni, de la mauvaise foi et surtout, de l'entêtement stupide. Si je te l'avais dit, tu aurais nié durant des mois et des mois et puis... Euh, je te rappelle que je suis une invention de ton cerveau, mon gars. Si tu savais pas, je pouvais pas savoir. Et puis me dis pas que tu vas te plaindre, ce serait un gros mensonge et nous le savons tous les deux. Et puis je t'avais dit que tu ne ferais bientôt plus de cauchemars ; considère ça comme un indice.
- Grmbl...
- Mais en fait, t'as les nerfs contre moi parce que ça te frustre de pas avoir compris plus rapidement et de lui avoir fait de la peine parce que t'étais con. Du coup, tu te défoules sur moi. J'me trompe ?
- ...
- Bon, au moins t'as compris que t'avais aucune chance en répartie. C'est déjà ça. Bref. J'vais te lâcher, j'ai conscience que tu n'es probablement pas très friand d'être retenu comme ça.
- Si je pouvais bouger ma jambe, tu seras déjà un castrat à l'heure actuelle.
- ... Certes. Bref, voilà, tu peux te relever maintenant.
- N'empêche...
- Hn … ? AH ! AOUCH !
- Niehehehehehe.
- RETIRE TON PIED DE MA CAPE !
- Tu t'es ramassé tout seul-euuuuuh !
- On reparle de ta chute dans les escaliers, ce soir-là... ?
- Hein ?
- Tu sais, quand Faust et Isaac étaient partis et que vous vous êtes occupés d'Alice ? Ta teinte rouge pivoine, on en parle ?
- VA TE FAIRE METTRE !
- Ton vocabulaire, vraiment... Pense à l'élargir un peu, au bout d'un moment !
- Grrr...
- Je sais que dans ta tête tu te prends pour un dragon quand t'es en colère, mais tu sais qu'en vrai... Tu ressembles plus à un petit animal qui montre les crocs pour se défendre qu'à autre chose.
- Pis pourquoi t'es là, déjà ?
- C'est le bordel, dans ta tête. Pense un peu à moi comme une conscience, à défaut de toi. Enfin, je sais pas si je suis clair, au fond j'men fous... Mais bref. T'as un problème, ces temps-ci ?
- Bah, euh... Non ?
- C'était une question rhétorique, je te le dis. Je serais pas là si c'était pas le bordel dans ta tête. Alors tu accouches, et presto.
- ... Euuuh, j'ai pas d'utérus, tu le sais, et en plus de ça-
- Bordel de merde, j'avais oublié à quel point tu pigeais que dalle aux expressions... Ce que je veux dire, c'est qu'il faudrait que tu parles au lieu de te fermer comme une huître.
- Pas envie.
- On tourne en rond, c'est pas possible...
- ... Mais de quoi tu parles ? On est debout, là, on ne tourne pas !
- On va dans le mur, en fait.
- Mais t'as bu quelque chose ? D'où tu vois un mur ?
- Oh bon sang je suis trop vieux pour ces conneries...
- Hé, si t'es moi, t'as le même âge que moi, débile !
- Débile toi-même, ducon.
- Je comprends pas comment quiconque pourrait te supporter.
- Je sais pas, comment ils font les gens, avec toi … ?
- ...
- ... Ooooh, mais j'ai touché un point sensible où je rêve... ?
- ...
- Je comprends mieux, d'un coup. Dis-moi, la première évolution de Reiko, c'était il y a peu, je me trompe ?
- ...
- T'es déjà plus sympa, quand tu te tais. Et plus honnête, aussi. Tu devrais faire ça plus souvent.
- ...
- Enfin bref... Laisse-moi deviner, maintenant que tu as vu comment Reiko réagissait devant ses mauvais souvenirs et ses soucis, tu as comparé avec ta propre situation... Et tu te rends lentement compte d'à quel point tu es idiot.
- ...
- Quand t'as vu Reiko, en fait... Tu t'es vu. Et tu as vu à quel point ton comportement était ridicule, à quel point tu blessais les autres avec tes conneries. Quand tu lui disais de te faire confiance, tu entendais ce qu'on t'a répété et dit des dizaines de fois, mais que tu as toujours ignoré par ce que tu avais peur.
- ...
- Au fond, ça te terrifie, de faire confiance aux autres. De confier ce que tu penses. Parce que t'as peur de t'attacher, d'y croire, et qu'au final, on te laisse encore tomber. Mais au fond, est-ce que tu n'as pas aussi peur d'avoir à faire des efforts pour te sortir de ta misère ? C'est plus facile, de passer son temps à broyer du noir. Ça évite le boulot nécessaire pour s'en sortir. Alors tu rejettes l'aide qu'on te propose, tu te butes et tu t'énerves quand on refuse de supporter ces conneries qui sont les tiennes parce que tu as peur.
- ... Et alors ?
- Et alors quoi … ?
- Chacun ses conneries. Ça te sert à quoi, de dire tout ça ?
- Je me répète, je SUIS toi. Si je te le dis, c'est que tu le sais et que tu avais besoin de l'entendre pour te l'avouer. Pour que tu continues et que tu ne penses pas à baisser les bras.
- ... Hein ? Pourquoi est-ce que tu me parles de bras... ?
- ... Bordel de merde, que tu es con...
- JE SUIS PAS CON !
- Non, tu es un crétin naïf qui ne sait pas encore se défendre par lui-même et qui a un ego tellement disproportionné et une fierté si mal placée qu'il est affreusement facile de le manipuler et de lui faire faire tout ce qu'on veut quand on sait s'y prendre.
- ...
- Ouaaaaaah, il est beau le 'touché' en lettres rouges dans le ciel ! C'est ton inconscient qui parle pour toi ?
- Va te faire mettre par un cactus avant d'aller te faire dépecer par un Brutapode, espèce de sac à merde.
- Pas envie. Et sérieusement, lave-toi la bouche avec du savon, c'est pas cool la vulgarité.
- Va bouffer un oursin, aussi.
- Je te remercie de ton inquiétude pour mes habitudes alimentaires, mais les fruits de mer n'ont jamais été mon truc.
- Tu es insupportable.
- Vrai. Et tu es un lapin stupide.
- ... J'suis même plus énervé, en fait. Je suppose que t'as pas l'intention de virer ces oreilles de ma tête ?
- Absolument pas, mais en mettre des multicolores sur la mienne n'est pas plus mature, minus.
- La maturité, je l'emmerde.
- La maturité t'emmerde, surtout.
- Pas plus que toi, en tous cas.
- Ooooooh, un compliment ! Il va pleuvoir !
- Je sais pas, est-ce que te vomir dessus compte comme de la pluie ?
- ... C'était dégueulasse.
- Je sais,  j'men suis rendu compte en le disant. Maintenant que t'as fait ton discours, si c'était tout ce que tu avais à faire, qu'est-ce que tu fous encore là ?
- Bah j'en sais rien, c'est ton cerveau, hein... Enfin c'est le mien aussi, mais j'en sais strictement rien.
- Hé, sinon... Pourquoi c'est une plaine, si c'est ma tête ?
- Bah, tu aimes bien la nature, non … ?
- ... Tu poses la question comme si j'étais supposé répondre.
- Bah voilà. Tu connais déjà la réponse.
- Je capte toujours pas pourquoi je ne me réveille pas.
- Parce que si tu te réveilles maintenant ce serait probablement trop tôt ?
- 'Probablement' ?
- Hé, que je sache mes cheveux ne font pas office de cadran solaire ; j'en sais rien, de l'heure qu'il est en vrai ! Tiens-toi à carreau et tais-toi à la limite, ça finira bien par se terminer.
- ... Me tenir à quoi ?
- ...
- ... Quoi encore ?
- Rien. Laisse tomber. Ce que je veux dire, c'est qu'en glandant, ça irait sûrement tout aussi vite.
- M'ennuie.
- M'en fous.
- T'as pas un truc à dire, comme ça, pour le fun ?
- Hmmmm... Carbone, oxygène, azote.
- Qu'est-ce que tu... Ah ! 'Bruti !
- Tu rigoles à moitié, ait l'air crédible au moins !
- ... C'est pas que je trouve qu'on se fait chier sévèrement, mais...
- Ouais, vrai.
- ... Hé ?
- Hn ?
- Je peux te demander un truc ?
- Tu viens de le f-
- Cette vanne a été faite par tout le monde, elle est chiante et on y s'attend, alors est-ce que je peux ou non ?
- Oui, tu peux. Rabat-joie.
- La cape... Je peux ?
- ... Tu sais que tu peux aussi t'en créer une sur mesure, vu qu'on est dans ta tête ?
- Ah oui.
- Je sais que fuck la logique, mais quand même...
- Pardon de ne pas avoir une connaissance parfaite des règles oniriques, hein...
- T'excuses pas, si tu le faisais à chaque fois que tu ne savais pas un truc, on ne serait pas sortis de l'auberge.
- Quelle auberge ?
- BORDEL DE-... Inspire, expire...
- Tu te parles à toi-même, maintenant ?
- ... Le fait que tu ne saisisses même pas l'ironie de tes propos serait presque respectable. Nan, ça se respecte d'être aussi con que ça.
- Si je suis con, alors tu-
- Je SAIS, merci bien. D'autres évidences à citer ? La terre est ronde, l'eau c'est mouillé et le feu ça brûle ?
- Le fait que je veux me réveiller maintenant, si.
- Si tu te réveilles trop tôt, tu risques de le réveiller lui.
- ...
- Ouep, alors tiens-toi tranquille et attends sagement. Crois-moi, j'aimerais bien être autre part aussi.
- J'en ai maaaaaaarre...
- Dis-moi un truc que je ne sais pas.
- ...
- Ah, euh, oui, pardon. Euhm... Cool, le tatouage !
- ... Tu sais que tu as le même et qu'au fond on s'en tape maintenant ?
- Ouais je sais, mais j'essaie d'instaurer la conversation pour passer le temps. Je vois pas trop ce qu'on pourrait faire d'autre.
- Compter les moutons ? Je sais pas trop, j'improvise.
- Hmmmm...
- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?
- Je me demandais juste si...
- Si quoi ?
- ... Ne hurle pas.
- ... Aaaaaaaattends une seconde là, quand les gens disent ça généralement ça sent pas b-MAIS PUTAIN DE MERDE LÂCHE-MOOOOI !
- Je t'avais dit de ne pas hurler !
- Bah arrête de me porter comme un sac à patates et je considérerais l'idée, tête de truite !
- Donc... Voilà, si je calcule bien...
- Mais tu vas t'expliquer, oui ?!
- Bon, ça devrait être parfait, là...
- A-attends une seconde, là ! Qu'est-ce qu'il fout là, ce ravin... ?! L-lâche-moi, c'est p-plus drôle là !
- Bon, alors bonne journée et tout ça, si ça marche ça devrait être sympa. Bref, bon vent !
- GYAAAAAAAAH !
- 'Bon vent', hehe. »

Dire que le réveil est brutal est un euphémisme. Sa tête percuta le sol et il poussa un juron sonore avant de masser la partie meurtrie. Puis, après s'être essuyé les yeux et avoir légèrement grommelé, il jeta un regard circulaire avant de constater, vu l'heure sur le réveil et le fait que le lit était vide, qu'il avait très fortement traîné. Erf. En grommelant, il se releva, posa une main sur la table de nuit pour se maintenir et ne pas tomber, avant de faire quelques pas vers la porte pour prendre le chemin de la cuisine et aller déjeuner. Toutefois, son regard fut attiré par une ball posée sur son bureau et une pierre plante juste à côté ; il se souvint alors qu'il avait oublié de s'occuper de ça hier soir, et s'approcha donc sans sourciller. Il fit sortir de sa ball le Boustiflor, lui présenta la pierre d'évolution sans un mot, portant toujours sur son visage cet air rabougri bien qu'il se força à sourire pour ne pas l'inquiéter. Shoichi, tout aussi réveillé que lui, toucha machinalement la pierre et évolua sans la moindre grandeur ou événement quelconque qui aurait pu marquer le coup. Ouep, un Boustiflor qui devient un Empiflor, ce n'est pas forcément un truc fantastique. Ici en tous cas, ça ne l'était pas.
Il y a des fois de toute façon pas grand chose à dire. Et là, la partie intéressante était plutôt complètement hors-sujet, mais peu importe.