« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 
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Clive G. Donovan
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MessageSujet: Vivre sans toi [OS]   Vivre sans toi [OS] EmptyMer 29 Oct 2014 - 19:58



Vivre sans toi

Évolution d'Ephraim

D'aussi loin qu'il s'en rappelle, Ephraim n'a jamais vu Clive triste ou morose. Ce point est très sûrement dû au fait qu'il était assez nouveau dans l'équipe, et qu'il n'avait par conséquent assisté qu'à très peu, ce qui ne lui permettait pas de juger aisément de son dresseur, tout comme Joshua avant lui. Il l'appréciait beaucoup et aimait rester à ses côtés, mais le décrypter était encore compliqué, d'autant plus que le hérisson avait tendance à se montrer hermétique au reste du monde, et Ephraim était bien conscient que les membres de l'équipe étaient assez privilégiés d'avoir la possibilité de le voir dans son état normal, et non l'apparence froide et la politesse brute qu'il montrait devant les autres êtres humains.  
Ces derniers jours néanmoins, tout le monde avait pu voir que quelque chose clochait ; Clive était plus lent, plus irritable et distant que d'ordinaire, ce qui ne signifiait pas grand chose de bon, d'autant plus que cela semblait être lié à Joshua et son évolution d'une manière ou d'une autre. Ephraim n'était pas le plus malin de l'équipe, mais il était assez observateur pour remarquer que depuis que le Némélios avait évolué, quelque chose ne tournait pas rond chez son dresseur ; il aurait fallu être sot pour ne pas le remarquer.
Les efforts combinés de nombreux pokémon du groupe n'avaient pas réussi à arranger la situation. Même Seraphim, Abaddon et Nathaniel, qui avaient d'ordinaire le pouvoir de redonner immédiatement le sourire au hérisson (ou du moins l'équivalent en expression Clivienne, soit une légère rotation de l'angle des lèvres qui dure deux secondes tout au plus), n'avaient rien pu faire, ce qui au final commençait à inquiéter tout le monde, hormis Ezekiel et Castiel qui se gardaient bien de dire quoi que ce soit alors qu'ils avaient l'air de connaître la raison de la mauvaise humeur de l'officier, et qu'ils paraissaient convaincus que rien ne parviendrait à le tirer de sa morosité hormis lui-même.

Bien évidemment, cette vision des choses n'avait pas plu à grand monde, et encore moins au Ponyta qui voyait cela comme un abandon lâche assez indigne du Gardevoir et du Démolosse qu'il portait pourtant haut dans son estime. Mais toutefois, persuadé qu'il devait bien y avoir une raison à ce comportement des deux vétérans du groupe, il était déterminé à trouver ce qui clochait et à aider au moins un peu Clive, d'une quelconque manière que ce soit, même si il n'avait aucune idée du 'comment'.
Il était d'ailleurs le plus insistant, ce que l'officier avait remarqué. Alors un jour, il avait ordonné au Ponyta de le suivre, ce qu'il avait fait sans protester. Ephraim, malgré sa timidité, n'en restait pas moins dénué d'hésitation lorsqu'il fallait suivre les consignes de Clive en qui il avait toute confiance malgré l'opacité de la raison de ses requêtes parfois.
Il avait commencé à comprendre en voyant qu'il l'accompagnait dans un cimetière. Et très sincèrement, il n'était plus très sûr que découvrir la raison de la peine de Clive ces derniers jours serait très plaisant ; il aurait dû s'en douter, quelque part, mais avoir la confirmation que son dresseur n'était pas remué par une simple mauvaise passe mais bien par une souffrance plus profonde et vivace était quelque peu désagréable. Il se fustigea de cet égoïsme et entreprit alors de le suivre sans poser de questions.

Ils s'arrêtèrent, et Clive, à son grand étonnement, se mit assis en tailleur, juste devant une tombe. Le Ponyta, un peu attristé d'avoir sûrement compris, grimaça. L'expression du hérisson s'était faite étrangement contemplative.

« Salut, papa. »

Ephraim resta silencieux, le regard rivé sur l'officier qui passait un léger coup de main sur la tombe afin de l'en débarrasser de la poussière qui l'avait un peu recouverte. Le mutisme dans lequel ils sont plongés est lourd et pesant, de sorte que le Ponyta n'ose même pas faire un bruit.

« Ça fait longtemps, que je ne suis pas venu te voir. Quatre ans, il me semble. Il s'en ait passé des choses, entre temps. Tu ne serais pas très fier de moi, je crois, si tu étais encore là. »

Clive expira profondément, avant d'inspirer une nouvelle fois et de se remettre à parler.

« Il y a quelques jours, j'ai... Enfin, disons que j'avais capturé un Hélionceau, et qu'il a évolué. Quand je le vois lui, je vois Klaus et... Et je te vois toi, tu sais. Je sais que ne te ressemblerai jamais et que je suis sûrement devenu tout ce que tu aurais détesté si tu avais vécu plus longtemps, mais... Je sais pas. »

Et c'est vrai. Cela fait longtemps qu'il ne sait plus trop vers où il avance, ou même si il recule. Depuis le début de l'année plus particulièrement et cette promotion qui l'avait amené au post d'officier, il commence lentement à remettre en question tout ce en quoi il croit et les réponses qu'il trouve l'effraie tout autant qu'elles le rendent confus. Il est loin, le jeune adulte qui croyait bec comme fer en ses convictions et qui refusait de les remettre en question, en partie à cause de sa fierté et d'une certaine forme de prétention. La réalité des choses ne lui paraît que plus frappante depuis le début d'année, et il sait que cette sensation de nausée dans sa poitrine n'est pas prête de disparaître comme ça. Il aimerait bien ; ça rendrait sa vie plus facile, mais c'était comme si toute une partie de lui-même se rebellait contre cette anesthésie qu'il avait infligé à sa conscience lors de son entrée au Régime.
Le réveil se fait lentement, et il n'aime pas énormément ce qu'il voit, que ce soit dehors ou dans le miroir.

« Tu sais, je t'en ai voulu, quand tu es mort. C'est égoïste de ma part, mais... Après que tu sois parti, tout est devenu bien plus dur. Maman et Faust se sont refermés sur eux-mêmes, Faust est parti et j'ai arrêté mes études pour aider maman à nourrir Felix et Elliot. Ils vont bien, d'ailleurs, ou du moins on fait en sorte qu'ils aient un toit sous lequel dormir et quelque chose dans leurs assiettes tous les jours. »

Un gloussement vaguement agacé lui échappe, mais il s'agit plus d'une moquerie envers lui-même qu'autre chose. Il faut dire qu'en réalité, il est bien le plus pathétique des cinq, et cette constatation l'amuse amèrement. Il soupira ensuite, souhaitant se débarrasser des souvenirs peu agréables que la simple évocation du passé suffisait à ranimer, et en sentant leur constriction douloureuse sur son cœur, un sourire triste étira ses lèvres.

« Tu n'aurais sûrement pas aimé que j’arrête les études. C'est toi qui m'a toujours dit que tu étais persuadé que je deviendrais professeur dans une université, ou quelque chose du genre, après tout. Mais peut-être que tu avais placé un peu trop d'espoir en moi, hein... Je crois que si la musique ne faisait pas partie de mon job, j'aurais arrêté aussi. Mais là, tu m'aurais très certainement déshérité ! »

Le rictus moqueur sur ses lèvres disparaît bien vite, et il a vite fait de trouver inutile et stupide cette pointe d'humour qu'il s'est permis de caser. Il soupira et se massa la nuque, tout en pestant intérieurement contre Faust à cause du fait que ce tic de l'aîné des hérissons était décidément contagieux.

« Enfin, pardon, je fais de l'humour alors que je ne suis vraiment pas doué pour ça... C'est juste que... Depuis que tu n'es plus là, il y a un trou, tu sais. Un manque, tous les jours, et je ne sais pas si j'arriverais, non, si nous arriverons à vivre pleinement avec un jour ; je suppose que non, mais qu'est-ce que j'en sais, du haut de mes vingt-quatre ans ? Je n'ai rien vu encore, mais j'ai l'impression que ça fera toujours aussi mal de voir cette tombe et de dire que tu es mort. C'est jeune, pour partir sous terre, quarante-deux ans... Je dis ça, mais j'sais même pas si j'arriverais à un nombre pareil ; ça se trouve, demain j'peux me prendre une balle et bam, plus rien. »

Cette constatation n'est même pas amère ; il le dit d'un ton si décontracté qu'on pourrait croire qu'il parle d'une partie de monopoly, et n'a même pas l'air chamboulé par cette possibilité qu'il évoque avec une facilité déconcertante.

« Au final, ça ne me fait plus peur, de mourir. Ça me rend sûrement un peu fou, puisqu'on a besoin de la peur pour rester raisonnable, mais tant qu'ils sont en sécurité, ça me va. Et puis, même si Faust est parti, je sais que si il m'arrivait quelque chose, il s'occuperait d'eux. Mais ça, tu le sais ; il te ressemble beaucoup, maintenant. Je... Je sais qu'il a dû trouver quelque chose pour se relever. Il le fait toujours, d'ailleurs, et j'me demande pourquoi je n'y arrive pas, moi. Il dit que je suis le meilleur pour gérer mes émotions, mais c'est un beau ramassis de connerie. Je les ignore, c'est tout, et ça me pète à la gueule à chaque fois. »

Un léger rictus amer s'est formé sur son visage, et les souvenirs des événements d'avril lui reviennent en tête, avec eux la culpabilité et ce qu'elle avait occasionné. Par réflexe, une de ses mains passent sur son épaule marquée à vie, et en sentant la cicatrice à travers le tissu, il expira légèrement. Comme Mikael l'avait dit, cette trace-là ne partirait probablement jamais. Pas que Clive accordait une quelconque apparence à son physique, mais disons que la voir tous les jours était un rappel constant de ce qu'il avait fait, et une façon de s'interdire de refuser tout questionnement quant à ses actions. C'était presque devenu une loi, maintenant.

« Mais j'peux pas craquer, ou me laisser aller. Si je me perds, qui va s'occuper d'eux, hein … ? Entre les études de Felix, celles d'Elliot bientôt et l'auberge... J'peux pas tout laisser tomber comme ça, même si ça serait bien plus simple. J'en ai l'envie, parfois. Ce serait plus facile, mais je sais que c'est stupide. J'aimerais juste... »

Il se tait, sur le moment. Un étrange silence s'est emparé de lui et il cherche désespérément les mots qu'il aimerait laisser sortir, mais dont il a en quelque sorte honte. Il se mord les lèvres, hésitant sur la marche à suivre, mais après avoir rapproché ses genoux de son corps et prit quelques instants, il expire et parle.

« J'aimerais juste être comme toi, des fois, même si je sais que je suis devenu tout le contraire. »

Silence définitif. Il expira profondément et enterra sa tête dans ses propres bras, frustré contre lui-même et cette faiblesse qu'il hait plus que tout. Il n'aime pas être ainsi : c'est bien pour ça qu'il ne vient jamais dans ce cimetière, ni même dans un cimetière tout court. Après tout, les soldats régimeux prennent aussi des risques, et il doit avouer qu'apprendre la mort d'un de ses subordonnés lui remue toujours l'estomac dans le mauvais sens ; il ne va très certainement pas se torturer davantage l'esprit en allant voir les tombes, ce serait du masochisme pur et simple.
Ces pensées noires ne font que lui empoisonner l'esprit, et il le sait, mais il n'arrive pas à en défaire. Il peste et grommelle dans sa barbe inexistante devant ce sentiment désagréable qui ne part plus.

Pourtant, il sent alors le museau d'Ephraim le toucher un peu, et Clive relève la tête et les yeux en remarquant le Ponyta ont il avait oublié la présence, et ce malgré le fait qu'il l'avait laissé venir pour qu'il ne se pose pas davantage de questions sur la raison de sa morosité de ces derniers jours. Le poulain l'observe avec une douceur et une gentillesse infinies, telles que le hérisson ne peut qu'être touché et ému. Un sourire à l'arrière-goût de tristesse se dessine sur son visage pâle, et il passe alors une main sur la crinière du Ponyta, qui comme prévu ne le brûle pas ; elle lui fait juste l'effet d'une douce chaleur réconfortante.  
Il ne dit rien lorsqu'il le sent grandir et qu'il se met à évoluer, recouvert d'une lumière blanche éblouissante, et que le frêle petit Ponyta devient un majestueux et robuste Galopa. Il reste muet, mais se cale un peu plus contre Ephraim qui se couche et invite le hérisson à ses côtés. La chaleur du cheval le calme et l'apaise, et au final, il semble même qu'un léger sourire se soit installé sur le visage de Clive. Il n'a peut-être pas trouvé toutes les réponses qu'il cherchait ni quelque chose pour compléter ce vide dans sa poitrine, mais il avait très certainement trouvé de quoi l'apaiser.
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