Le Roi et la Promesse |OS|

Le Roi et la Promesse

Kristoff & Neptune

Ses pas se firent précipités alors qu'il quittait prestement l'hôpital. La scène s'avérait plutôt cocasse vu de la forme peu élégante de la créature dont l'habitude le portait d'avantage vers la tranquillité et la lenteur. Or, cette fois, son coeur le menait très loin de cette pièce aux quatre murs immaculés, loin de cette silhouette pâle tentaculaire dont les extrémités la rattachaient à d'étranges machines qu'il ne parvenait pas à comprendre. Neptune aurait bien voulu courir, si ses pattes le lui avaient permis. Il devait se contenter de cette démarche lourde et pressée, attirant le regard des quelques personnes s'avançant en direction de l'immeuble. Ces humains. Il n'avait pas l'habitude de les dédaigner, bien au contraire. Sa nature douce, pacifiste, passive, le poussait vers l'indulgence. Le Ramoloss ne parvenait plus à pardonner la violence humaine, celle qui clouait maintenant sa dresseuse au lit, qui avait bien l'arracher à lui. Sa queue battait de l'air avec férocité si bien que personne n'osait s'approcher. Il errait maintenant, sans but véritable, dans les rues d'Anula, à la recherche d'une réponse à toute la rage et l'incompréhension, l'impuissance aussi qu'il ressentait. Les dalles grises parfaitement alignées des rues pavées ne lui offrirent en rien le réconfort souhaité. Son regard peint des flemmes de sa confusion oscillait tout autour de lui avec mépris. Lequel de ces passant avaient tenté d'assassiner sa maîtresse, la petite fille de son enfance qu'il avait fini par retrouver?

Au-dessus de sa tête le grondement sourd lui annonça qu'un orage se préparait. Il ne craignait pas la tempête; une bien plus grande encore l'habitait après tout. Il s'arrêta tout de même alors que les rues se vidaient peu à peu. Les humains craintifs rejoignaient leurs terriers de béton, le laissant seul sur son trottoir à remuer sa peine. Le Pokémon se coucha de tout son long contre l'asphalte, victime de la pluie qui se mit à exercer son pouvoir contre la lande. Neptune ne réagissait plus, simplement amorphe à tâcher de combattre la colère qui lui piquait les yeux. Dans la tempête, on ne le vit pas pleurer, ou du moins lui semblait-il. Une silhouette se détachait dans la pluie battante, tremblante, toute aussi émue et confuse que ce pauvre Ramoloss. La rage, la douleur de son compagnon reposant contre le trottoir, n'avait d'égale à la sienne, qu'il contenait malgré tout. Le Pokémon aquatique ne le vit pas tout de suite, mais le son de ses pas, cette démarche agile qu'il connaissait par coeur, lui fit relever la tête. Il gronda, cherchant à rejeter l'autre, lui signifier qu'il voulait être seul. Le cadet des deux ne se laissa pas démonter. Il continua à s'approcher, jusqu'à se trouver juste à ses côtés. Neptune considéra le visage de celui qu'il considérait pourtant comme un frère avec une animosité frémissante, convaincu que ce dernier ne parvenait pas à comprendre cette façon qu'il avait de se sentir à un tel moment.

Mais Neptune se trompait. Kristoff qui l'avait rejoint ne pouvait que ressentir en écho la force de son désespoir. Adélia, cette tendre humaine qui l'avait élevé depuis sa naissance, avait bien failli mourir. Comment survivre à cette idée? Le Coatox ne s'était pas trouvé à ses côtés. Il l'aurait du. Il s'était promis de la défendre contre tout être tentant de l'approcher, surtout du sexe masculin. Et voilà que l'un de ces sales hommes pointait une arme vers elle. Le Pokémon de type combat et poison ne pouvait décrire sa haine, la puissance de sa furie. Or, tout comme Neptune, il ne pouvait rien faire d'autre que d'accepter ce qui s'était passé et se promettre de toujours faire mieux pour elle. Kristoff sentait qu'il avait échoué. Cette pensée le rendait particulièrement amer, au point où il aurait pu en devenir fou. Pourtant il tenait bon, passant ses longs bras autour de son ami en le tirant contre sa poitrine en croassant avec douceur, autant pour rassurer son frère d'armes que sa propre âme en peine. Le Ramoloss se détendit finalement, abandonna toute forme de résistance pour simplement pleurer dans les bras de son cadet qui caressait son dos avec fermeté.

Les minutes s'écoulèrent dans un silence brisé seulement par le croissement régulier du crapaud et du clapotement intense de la pluie. Bientôt, les sanglots de Neptune s'apaisèrent. Il se releva, se détacha de l'étreinte de son ami pour se planter devant lui, las et fatigué. Il ne se sentait plus la force de continuer à présent. Pourtant, il le devrait. Adélia s'en sortirait, elle serait libérée de l'hôpital un jour, bien sûr. Le Ramoloss s'étouffait avec le poids de ses remords, qui lui restait pris dans la gorge. Le Coatox posa une main contre son épaule, en tentant de le rassurer. Il avait prévu que le Pokémon aquatique se laisserait démonter. Il avait prévu le coup, allant au devant de l'opinion de leur dresseuse. Kristoff ne craignait pas sa réaction. Il savait bien qu'elle comprendrait. D'un sac qu'il avait subtilisé à la jeune femme et qu'il portait en bandoulière, il tira un objet doré très brillant qui attira aussitôt le regard de son ami. Neptune ne comprit pas, tout d'abord, jusqu'à ce que le Coatox lui présente avec un léger sourire. Dans les yeux du crapaud luisait une étincelle déterminée, farouche.

S'ils n'avaient pas pu aider leur maîtresse il y a deux jours, au moins ils auraient l'occasion de se rattraper. Jamais plus ils ne laisseraient un malfrat s'enfuir avec une part de vie de leur bien-aimée dresseuse. Jamais plus de mal ne lui serait fait. Ensemble, Neptune et Kristoff pourraient se juger de toujours s'épauler, de former une équipe solide contre le mal qu'on tentait de lui faire. Le Ramoloss comprit les mots silencieux de son frère. Ses prunelles sombres se mirent à luire du même éclat alors qu'il s'emparait de la pierre en forme de couronne pour la poser contre sa tête. Alors la transformation s'opéra. Ramoloss laissa place à un Roigada imposant, qui dépassa rapidement son ami en taille. Lorsque la lumière se dissipa, il souriait, les yeux remplis de larmes chaudes et émues. Il rêvait de ce moment depuis plusieurs années. Il ne soupçonnait pas un instant que sa dresseuse et son meilleur ami l'avaient compris. Apaisé, l'aîné du duo se tourna vers l'hôpital. Il leur fallait rentrer à présent et attendre le réveil d'Adélia. Les deux amis s'y dirigèrent donc, tout aussi agités, confus et enragés, mais forts d'une promesse qui les accompagnerait toujours. Unis, forts.

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