Le début d'une nouvelle vie ?

Feat Daniel B. Evans

Elle se demande toujours à quel moment est-ce qu'elle avait fini par 'trop' se mêler de cette histoire. Vrai qu'après tout, elle s’enorgueillit de ne jamais trop se mêler des affaires des autres, elle vit sa vie dans son petit monde, éloignée des dérangements souvent occasionnés par le fait d'aller sympathiser avec tous ceux que l'on peut croiser, et elle préférait son petit univers au commun des mortels. Que ce soit une forme de protection ou d'égoïsme, peu importe, mais restait que même si Winter avait ses moments de gentillesse, qu'elle faisait preuve de générosité quand personne n'était là pour la voir (comprenez qu'elle préférait faire des dons anonymes que de se parader dans les médias avec comme seul objectif de flatter son ego), il était inhabituel pour elle de tant se mêler de ce genre de cas. Peut-être se sentait-elle un peu responsable, oui. Peut-être qu'avoir été celle qui avait porté ce gamin jusqu'à l'hôpital, qu'avoir prié intérieurement pendant de longues minutes qu'il ne mourrait pas dans ses bras, qu'avoir senti son sang couvrir ses mains et être resté pendant des heures à l'hôpital jusqu'à ce qu'on lui dise que le gamin était tiré d'affaire. C'était sûrement aussi pour ça qu'elle avait laissé son numéro de portable personnel en précisant qu'il faudrait l'appeler pour lui donner des nouvelles. Elle ne pouvait maintenant que soupirer en constatant qu'elle avait laissé cette partie plus protectrice et maternelle d'elle-même diriger son comportement à cause de la panique et de la peur qu'elle avait brièvement ressenti en voyant ce gosse qu'elle ne connaissait pourtant ni d'Ève ni d'Adam se faire renverser par une voiture.

Pourquoi donc avoir accepté le rendez-vous donné par le médecin ? Elle n'était pas la responsable légale du gamin, et surtout avait déjà témoigné plusieurs fois devant les autorités en expliquant clairement ce qu'elle avait vu. Elle dirait donc avec honnêteté au médecin qu'elle était heureuse de savoir qu'il avait survécu, mais qu'elle n'était et ne serait jamais responsable de ce gosse.
On lui expliqua brièvement qu'il était apparemment toujours inconscient, mais que son état s'était stabilisé et qu'il n'était pas en danger de mort : lorsqu'on lui proposa d'aller le voir, elle hésita et voulut tout d'abord refuser, mais les regards des infirmières et ceux du médecin la convainquirent d'y aller, rien que parce qu'elle ne voulait pas passer pour un monstre sans-cœur, ce qu'elle pouvait être des fois à ses propres yeux. En soupirant, elle se rendit vers la chambre qu'on lui avait indiqué, en se demandant à moitié ce qu'elle foutait ici et ce qu'elle espérait faire croire en venant ici avec l'intention de prouver qu'elle n'était pas du genre à s'attacher à tous les gosses malheureux du monde.

Elle ouvrit presque timidement la porte et jeta un coup d'oeil vers la pièce pour vérifier qu'elle ne s'était pas trompée, mais la touffe de cheveux aussi rouges que la partie supérieur des balls à sa ceinture prouvait qu'elle était au bon endroit. Elle laissa la porte ouverte derrière elle et hésita, l'air soudainement plus sérieuse et perdue en même temps, avant de s'approcher doucement, sans savoir ce qu'elle était supposée faire. Devait-elle repartir maintenant ? Rester quelques instants avant de dire qu'elle était satisfaite de le voir entre de bonnes mains et disparaître à tout jamais de l'existence de ce gosse malchanceux? Elle aurait peut-être dû, ou du moins c'est ce qu'elle aurait supposé comme étant la marche à suivre. Sans qu'elle ne s'en rende compte, elle était arrivée près du lit et observait en silence le visage du gosse, grimaçant sans qu'elle ne le remarque elle-même à chaque fois qu'elle remarquait une trace de blessure.
Puis, des pleurs. Elle releva le regard et constata que le jeune garçon pleurait et geignait, visiblement encore perdu dans ce que Winter supposait être des cauchemars. Et là, toutes ses  convictions partirent en fumée : tout le petit speech interne qu'elle s'était fait comme quoi elle n'était pas du genre à s'attacher, qu'elle avait simplement juste fait preuve de civisme et que c'était tout, point à la ligne. Toutes ces belles paroles dont elle essayait de se convaincre venaient juste de se faire la malle.
Instinctivement, sa main vint se poser sur le visage du jeune garçon en une caresse douce qu'elle n'avait pas pu retenir.

« C'est fini, maintenant, promis. Calme-toi. »

Sa voix était calme, chaleureuse, prévenante et rassurante avant tout, et il brillait dans son regard bleu une petite lueur d'affection mélangé à un désir de protection venu d'elle ne savait où.

« Tu es en sécurité. Respire. »

Bravo pour les convictions, Kenway. Dans cinq minutes tu vas lui coudre un bonnet. Question implication, tu viens d'atteindre un nouveau niveau...
Parce que maintenant, même elle ne pouvait nier être juste un peu trop impliquée pour quelqu'un qui prétendait 'juste' avoir aidé et rien de plus, sans s'être attachée en plus de ça.