Prière de ne pas y perdre des plumes

Feat Cassey G. Banks

Clive poussa un soupir frustré en relisant une nouvelle fois les rapports que venaient de lui emmener ses subordonnés. Lorsqu'il avait donné aux deux soldats qu'il trouvait les plus prometteurs et doués dans son groupe d'assassins une mission importante, il n'avait eu quasiment aucun doute sur leurs chances de réussite. Certes, cette mission n'était pas rien, et la cible était un procureur qui fouinait un peu trop dans les affaires du régime, au point où il avait été jugé comme dangereux et qu'il était nécessaire de mettre un terme à ses actions, que ce soit en l'enlevant ou, dans le cas où ce serait impossible, le descendre et faire disparaître le corps rapidement. Mais Clive était persuadé qu'ils s'en sortiraient bien, ayant pris ces deux-là sous son aile depuis février 2014 et les ayant vu progresser à un point où ils étaient devenus les combattants les plus redoutables de son unité. Pour l'officier, il n'y avait donc pas moyen qu'ils échouent.
Sauf que ce ne fut pas le cas. Ils avaient été repérés par leur cible qui s'était donc enfuie, et les soldats l'avaient abattu dans une impasse. Par conséquent il y avait eu de nombreux témoins. Inutile de dire que l'affaire allait causer de nombreux problèmes à sa section, et le sermon auquel Clive avait eu le droit de la part de ses supérieurs avaient suffi à le mettre de mauvaise humeur. Oh, le hérisson n'avait pas été intimidé, mais disons que se faire engueuler pour des erreurs qui n'étaient en réalité même pas les siennes lui avait déplu, même si il l'avait supporté en silence. Il ne pouvait toutefois pas faire grand chose hormis participer activement à la réparation de la faute de ses subordonnés.

Mais même si il avait été un peu colère contre eux et n'avait pas hésité à leur donner des punitions adaptées à la gravité de la faute, il désirait tout de même leur épargner d'être traités injustement. Nero n'était pas une nounou ou une sorte de maman poule, mais disons qu'il se prenait un peu d'affection pour toutes ces personnes qui lui confiaient leur vie sans la moindre hésitation et crainte : tant de confiance ne pouvait pas ne pas le toucher, et ce malgré sa froideur et la distance qu'il mettait entre lui et les autres. Toutefois, régler cette affaire prenait du temps, et clairement, il n'allait pas en voir la fin avant plusieurs semaines, alors qu'il avait déjà une quantité impressionnante de travail sur son bureau et qu'il n'en voyait des fois plus la fin. Même si il travaillait et avait besoin d'être productif pour se sentir bien, il devait avouer que là, il avait besoin de se défouler et de faire autre chose que de remplir des formulaires et former des dossiers.
Mais sa souffrance arriverait pour au moins quelques jours à sa fin : il n'avait plus qu'à remettre ce dossier aux relations humaines pour qu'ils se chargent de manipuler un peu les médias et faire oublier ce déplorable accident, et il aurait au moins un peu de temps pour respirer un coup. Il se dirigea donc vers un bureau qu'il connaissait bien pour y être passé quelques fois auparavant. Il tapa deux fois à la porte avant d'entrer.

« Gwen... ? C'est au sujet de ce dont je t'ai parlé par email. J'ai préféré passer te ramener le dossier en main propre, au cas où il y aurait des soucis. »

Son ton est calme, un peu comme si il n'y accordait aucune importance. Il déposa les papiers sur le bureau de la jeune femme avant de soupirer lourdement et de passer une main dans ses cheveux, fatigué.

« Normalement, tout est dedans. Tout devrait bien se passer, si la situation ne s'envenime pas, et je l'espère sincèrement : si ce n'est pas le cas, je vais finir par devenir fou et aller éventrer des sacs de frappe. »

Agacé, lui ? Non, à peine. Et en plus de ça, il devait garder constamment sur lui, dans un sac, un œuf de Furaiglon car cet idiot d'Esper n'avait pu s'empêcher de faire une petite folie quand il avait été laissé dans une pension. Disons que c'était un peu un amoncellement de choses ennuyeuses qui l’exaspéraient de plus en plus.

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De tous les pokémon de son équipe, Esper faisait partie de ces créatures que l'officier n'aurait jamais cru voir avoir un enfant avant de très nombreuses années : il était tout simplement trop jeune et immature, à ses yeux, pour faire un père correct et ne parlons même pas du fait qu'imaginer que ce tout petit Furaiglon un peu craintif qui avait multiplié les gaffes malgré le tutorat de Zachiariah était dorénavant un Guériaigle qui avait une progéniture. L'idée ne s'imprimait tout simplement pas dans son cerveau, même si il se le répétait plusieurs fois et que les faits s'imposaient à lui à chaque fois que son regard se posait sur l’œuf gris dont il prenait soin depuis plusieurs jours. Alors entre ça, l'affaire de ces derniers jours, son travail quotidien et l'aide qu'il apportait à l'auberge familiale, Clive était arrivé à un niveau où il avait surtout besoin de respirer avant tout. Autant dire qu'il était pressé de quitter ce bureau pour terminer ce qu'il avait à faire ou bien même laisser son esprit vaquer à d'autres préoccupations pendant au moins quelques dizaines de minutes.
Il cligna des yeux, confus, devant l'attitude de l'assistante de Gwen, ne comprenant pas trop ce qui lui prenait d'être si statique, comme si elle était gênée ou mal à l'aise : sûrement était-elle timide ou facilement intimidable, voilà tout. Et oui sa joueuse le regarde avec un air vaguement blasé. Il n'accorda pas plus d'importance à ce détail et se concentra sur la jeune femme aux cheveux rouges qui lâcha par ailleurs une question qui le prit un peu de court, premièrement. Puis, réalisant ce qu'elle voulait dire, il gloussa discrètement et très brièvement, et alors qu'il s'apprêtait à répondre, une Tylton à l'air un peu snob mais dénuée de toute agressivité se posa sur son épaule droite, doucement et sans grande pression.
Il fut au départ surpris, mais il ne put s'empêcher de retirer un de ses gants pour caresser doucement, presque négligemment, la tête de la femelle d'un doigt, pour finalement lui faire de petits chatouillis avec un léger sourire sur son visage en la voyant se pencher un peu contre sa main, comme si elle réclamait davantage d'affection sans trop s'en rendre compte, plus subconsciemment qu'autre chose. Remarquant ensuite le regard foudroyant de la jeune femme vers la Tylton, il ne put s'empêcher de rire rapidement, légèrement mais tout de même.

« De ce que je vois, tes subordonnés ne sont pas les seuls à t'amener des prises de tête, n'est-ce pas ? »

Il se moque un peu, et son ton a quelque chose de taquin, mais c'est très rapide, disparaissant tout aussi vite que c'était apparu, comme d'ordinaire de toute façon avec Nero, puisqu'il n'était pas du genre à faire dans les démonstrations massives d'émotions ou d'affection, hormis peut-être à quelques occasions envers ses pokémon.

« Tu as du mal avec ta Tylton, donc ? »

La question était innocente, sans provocation, née d'une vraie curiosité et non pas d'une envie de mettre du sel sur une plaie quelconque.

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Clive constate qu'il n'est aujourd'hui pas le seul à avoir quelques soucis à gérer son stress et son agacement ; l'air excédé la jeune femme aux cheveux rouges devant ses propos en disait long sur ses pensées, et tout son être transpirait la frustration que, si elle avait été odorante, aurait pu être sentie d'ici par l'assassin qui haussa légèrement les sourcils devant tant de mauvaise humeur. Il savait que certains de ses collègues étaient sous pression ces temps-ci, notamment à cause de l'affaire de Vanawi qu'il n'avait que très vaguement suivi, aucun membre de son groupe n'étant lié à ces événements et n'accordant plus, à la force, un regard à ces affaires pour préserver ce qu'il lui restait de santé et de stabilité mentale. Par logique, il aurait dû en déduire que Gwen était elle aussi dans cet état de pression, mais, trop préoccupé par ses propres nerfs fragiles, il n'y avait pas même pas pensé. Enfin, tout cela n'était que supposition, mais étant donné la position de son interlocutrice dans la régime, il y avait des chances que sa fatigue soit liée à ça, car on ne ferait pas croire à Clive qu'elle s'agaçait autant pour une simple Tylton, aussi agaçante, chiante et désobéissante soit-elle.  
Entendre cela lui parut d'ailleurs étrange, puisque la femelle qui se tenait maintenant contre son épaule et qui de temps à autres se frottait un peu contre lui, comme pour se nicher contre son cou, avait l'air parfaitement innocente, douce et inoffensive aux yeux de l'officier. Là encore, sûrement avait-il tort et sa perception était peut-être seulement dû au fait qu'il ne l'avait jamais vu interagir avec quelqu'un d'autre. Peut-être faisait-elle partie de ces pokémon qui étaient adorables devant certains, détestables devant d'autres : Clive en connaissait, des comme ça, puisqu'il lui suffisait de regarder Ezekiel et Alastair pour en avoir les exemples parfaits. Les propos de la jeune femme semblaient converger en ce sens, et il cligna des yeux, un peu surpris, tandis que la Tylton continuait de lui quémander des caresses que le hérisson lui donnait sans rechigner.

Puis, réalisant qu'elle lâchait son stress et sa frustration sur lui, sa collègue s'excusa, confirmant en outre l'impression de Clive qu'elle était également sous pression à cause du travail. Il lui fit un signe de la main qui voulait clairement dire qu'il s'en fichait et n'avait pas été offensé ou quoi que ce soit du genre alors qu'il l'écoutait, se rendant peu à peu compte que ne pas réussir à s'entendre avec la Tylton devait ramener des insécurités à la surface pour la jeune femme, ou du moins d'après ce qu'il en voyait ; il n'était pas fin psychologue, mais il savait tout de même faire des déductions simples à partir d'observations qui l'étaient tout autant. Les mots de Gwen sonnèrent comme une plainte un peu désespérée à ses oreilles, mais Clive se garderait bien de le faire remarquer, sachant à quel point ce serait une mauvaise idée vu le caractère de l'autre. La jalousie se sent, aussi, mais elle est plus que compréhensible. Remarquant que même l'Evoli de la jeune femme avait vu que la dresseuse était troublé, il décida qu'il serait peut-être bon de se part de faire au moins quelque chose pour l'aider, et pour être honnête, Clive avait une idée ; avec ça, il pourrait faire d'une pierre deux coups.

« Écoute, je ne sais pas ce que je fais ou ce que tu as fait qui puisse autant affecter le comportement de ta Tylton. Mais visiblement, t'es sur les nerfs et tu as besoin de te défouler, comme moi. »

Il fit une légère pause en grattouillant l'arrière de la tête de la Tylton, mais ça ne dura pas plus d'une seconde, car il se remit à parler aussitôt.

« Tu ne penses pas qu'une séance d'entraînement physique ne serait pas une si mauvaise idée que ça ? Tu ne retrouveras pas une forme militaire après juste ça, évidemment, mais au moins, ça pourrait calmer tes nerfs. Quand on est épuisé physiquement, on ne pense plus trop au reste. »

Ironique de sa part de dire cela, puisque c'était un peu une des raisons principales qui faisait qu'il était encore vivant et se tenait toujours devant elle. Mais c'était un tout autre sujet qu'il serait inutile de couvrir ici et maintenant.

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Clive ne se renseigne pas beaucoup sur ce qui arrive dans les rangs du régime, c'est vrai. Il n'y accorde, en toute honnêteté, qu'une attention quasi inexistante, jugeant qu'il n'était pas de son rôle de regarder ce que faisait les autres ou encore de surveiller. Il ne pouvait toutefois jamais arrêter les ragots et autres rumeurs d'arriver à ses oreilles, surtout quand Mikael ou même certains des soldats sous ses ordres ne pouvaient pas tenir leurs langues. Alors même si il entendait deux ou trois choses parce que les mots étaient prononcés près de lui, cela ne voulait pas dire qu'il s'en souvenait forcément quelques minutes à peine plus tard. Mais cela lui donnait néanmoins quelques connaissances sur certains de ses collègues, ce qui pouvait s'avérer pratique ou alors complètement inutile, mais jamais les deux à la fois. Quand il avait ouï de ce qui était arrivé à Gwen, toutefois, il avait demandé quelques détails au soldat qui l'avait mentionné, remerciant d'ailleurs le fait que celui-ci ne paraissait pas capable de se retenir de tendre les oreilles à chaque fois qu'il entendait quelque chose qu'il ne savait pas déjà. Il avait haussé les sourcils, surpris, et se serait presque demandé si il n'y aurait pas fallu un renforcement de la sécurité et si cet événement ne soulevait pas un problème de sécurité à résoudre, mais il se rappela alors que ce n'était pas son problème et qu'il n'avait pas à s'en mêler ; et puis après tout, elle était vivante et intacte, alors inutile de se tracasser davantage. Toutefois, il mentirait si il disait que cette proposition n'était pas un peu motivée par cette envie de savoir si oui ou non Gwen avait des lacunes béantes en combat et ainsi l'aider à les combler si elles existaient bel et bien. Mais ni vu ni connu : sa réputation aurait pris un sérieux coup si on avait appris les raisons de son geste.

Son aveu était une bonne chose : si il y avait quelque chose que Clive détestait tout particulièrement en combat, il s'agissait des combattants qui refusaient d'admettre leurs faiblesses ou leur manque de pratique, et il y a fort à parier qu'il n'y aurait pas été de main morte si la jeune femme l'avait nié. Mais elle gagnait des points dans son estime à l'admettre à haute voix.
Tandis que Gwen prévenait de son absence, Clive saisit la ball de Castiel accrochée à sa ceinture et en libéra le Gardevoir qui salua brièvement la rouge avant de saisir les mains de son dresseur et de la cadette, sachant déjà ce qu'il devait faire de par le lien qui l'unissait à l'assassin. Quelques instants plus tard et ils se retrouvaient dans la salle d'entraînement de la base militaire de Vanawi, ou du moins dans celle réservée aux membres du groupe de Clive. Il fut surpris de voir que personne n'était là, mais vu l'accident d'il y a peu et le fait qu'aujourd'hui était une des rares journées où il ne prévoyait aucun entraînement, il y avait fort à parier qu'ils en aient profité pour se reposer. Choix judicieux. Tant mieux, en un sens, cela lui éviterait d'avoir à vider la pièce. Il rappela le Gardevoir immédiatement après l'avoir remercié de son service.

« On va commencer par des bases, ce sera pour le mieux. »

Il alla chercher des coussins de frappe et les attacha à ses mains sans trop faire attention au reste, plus concentré sur le fait de serrer correctement le tout. En faisant cela, il ne remarqua pas l'oiseau qui, en passant par la fenêtre, s'était peu à peu reproché de l'officier. Une bestiole de cette taille aurait dû attirer son attention me dira-t-on, mais la stupidité étant le fort de Clive à certaines occasions, il ne la remarqua que lorsqu'il fut trop tard, c'est à dire alors qu'il était en train de poser son sac à dos plus loin, pas méfiant pour un sou.
Du coup, le Guériaigle qui, en voulant lui jouer un tour en le surprenant par un toucher rapide de son épaule, fit sursauter brusquement l'assassin qui donna sans le faire exprès un coup de tête à l'aigle. Sheba, encore sur son épaule, parut tout aussi étonnée et poussa un cri de surprise, un peu apeurée.

« Bordel de... ! ESPER, GROS ABRUTI DE PIAF ! »

Et voilà que l’œuf était tombé du sac et roulait maintenant sur le sol. Génial. Clive grimaça et grommela une injure dans sa barbe inexistante en remarquant que, vu que ses mains étaient bloquées, il n'arriverait pas à aller attraper l’œuf correctement. Il ne pouvait plus que se tourner vers Gwen en espérant qu'elle comprenne sa demande muette. Et le père de l’œuf en question qui geignait encore à cause du coup de tête qu'il venait de prendre... Vraiment, c'était ridicule.

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Déjà qu’il avait l’air un peu débile avec le matériel d’entraînement sur lui.... Et maintenant il n’arrivait même pas à retenir un œuf qui aurait dû, à la base, être géré par Esper mais ce foutu Guériaigle n’était pas fichu de le faire lui-même, l’air un peu perdu et ébahi. Clive pesta sous sa barbe inexistante, frustré alors qu’il devait jeter un regard quasi suppliant à la jeune femme, mais ce ne fut au final pas nécessaire, puisqu’elle le prit dans ses mains. Il cligna des yeux en voyant que celui-ci était par ailleurs en train d’éclore contre elle, et Esper fit une tête si surprise que si Clive l’avait remarqué, il aurait sûrement ri, mais son regard était fixé sur le jeune Furaiglon qui venait de naître. Il ne put s’empêcher d’être attendri par le spectacle auquel ils eurent le droit, laissant brièvement glisser son masque de Nero quand il entendit le petit oiseau roucouler et le vit câliner la rousse avec autant d’enthousiasme. Il gloussa légèrement, avant de finalement se retenir et de reprendre une apparence détachée, mais il fut tout de même amusé par l’air gêné de sa collègue. Il accepta ses excuses sans rien dire, et lorsque le Furaiglon se mit à pleurer une fois qu’il se retrouva dans ses bras, il sursauta un peu, surpris. D’ordinaire, les enfants et surtout les bébés, qu’ils soient humains ou pokémon, l’appréciaient et même si Clive n’avait jamais compris ce qui faisait qu’il avait cette facilité avec les petits, il s’y était en quelque sorte habitué. Ainsi, entendre ce Furaiglon pleurer à peine se retrouvait-il dans ses bras, c'était rare pour lui.
Il resta silencieux en voyant qu’un contact avec la jeune femme calmait ses pleurs, observant méticuleusement les deux sans rien faire remarquer bien que son cerveau marchait déjà cent à l’heure vers une idée qui se prenait de plus en plus forme dans sa tête. Mais pour l’instant, il ne dirait rien, jugeant que la priorité était déjà de faire ce pour quoi ils étaient venus ici à la base, et pas se perdre en divergences innombrables. Il déposa le Furaiglon auprès de son père qui le fixa d’un regard curieux avant de lui offrir quelques marques d’affection, et se dit qu’il fallait peut-être leur laisser un peu de temps, au moins. Il se tourna ensuite vers Cassey.

« On va commencer par de l’échauffement. Frappe, et ensuite on verra. »

Les entraînements, il en fait tant qu’il s’y est habitué. C’est devenu tout naturel pour lui, en fait. Si naturel qu’il ne s’était pas rendu compte que Sheba était encore sur son épaule, la Tylton n’ayant pas quitté l’officier depuis tout à l’heure, et montrant même un certain déplaisir à l’idée de partir et de quitter l’épaule du hérisson. Toutefois, après quelques instants et de légers gratouillis sous son cou, la femelle finit par céder et alla s’installer sur un des divers porte manteaux que l’on pouvait voir au fond de la salle d’entraînement, se posant en observatrice silencieuse.

« Le but est de voir si tu arrives à me prendre au dépourvu. Ça suffira à t’échauffer un peu, au moins. »

Et il attendit, décontracté, de se faire frapper. Et la narratrice sait à quel point cette phrase est bizarre, mais elle a vraiment la flemme de le formuler autrement.

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Beaucoup de personnes sont passées devant Clive pour s'entraîner : il en a oublié beaucoup, et peu lui sont restés à l'esprit. Les visages, ils ont été effacés par le temps. Mais les coups par contre, chaque moment où on l'avait étonné par de l'ingéniosité, ils n'ont pas disparu. Il a en quelque sorte appris, lorsqu'il étudiait les mouvements de ses élèves et de ses partenaires, à s'en rappeler pour mieux les utiliser à son avantage plus tard. Il s'est construit ainsi, par le mimétisme, enregistrant des informations par centaines, comme à chaque fois. Il ne réussit jamais du premier coup, c'est une habitude que même Faust ne parvenait pas vraiment à comprendre, mais c'était principalement parce que son jumeau mettait son intelligence sur un piédestal. C'est aussi pour ça que Clive a autant de mal à comprendre les autres et qu'il ne peut y parvenir qu'en les étudiant, en les regardant agir, sans rien dire, jusqu'à avoir compris leur fonctionnement. Pour cette raison, il est toujours très attentif durant les entraînements, et son regard faussement doré resta fixé sur la jeune femme alors qu'elle se défoulait actuellement sur les coussins.
Pas besoin d'être un fin psychologue pour comprendre qu'elle était actuellement plus en train de se défouler que de véritablement s'entraîner ; ses mouvements brusques et sans finesse auraient presque convaincu Clive de mettre tout de suite et maintenant fin à ce moment, sachant à quel point il était dangereux de combattre, même amicalement, avec quelqu'un qui ne contrôlait pas du tout ses émotions. C'était un de ses interdits, en fait. Une des règles primordiales qu'il se refusait à briser, ne serait-ce que pour éviter d’incommensurables ennuis. Mais il ne dit au final rien et attendit qu'elle eut terminé, le regard froid et inexpressif, sans jugement et sans pitié tout à la fois. Il pouvait en quelque sorte comprendre son besoin de s'énerver, et au fond sûrement que c'était une bonne chose qu'elle le fasse ici, mais il ne savait pas vraiment comment il était supposé réagir ou même ce qu'il était supposé dire. Qu'elle ne s'inquiète pas de ses questions : il n'en pose pas. Nero ne se compromet pas et ne se mêle pas de la vie des autres, même de ceux qu'il apprécie. Chacun sa place et chacun son jardin secret, voilà tout. Il attendait juste qu'elle ait terminé de faire le point avec elle-même pour qu'ils puissent continuer.

Son interrogation sur la façon de le toucher lui fit hausser les sourcils et il s'apprêta à répondre qu'il faudrait bien qu'elle trouve un moyen, mais il n'eut pas le temps de le faire, puisqu'elle le surprit avec un croche-pied qui l'emmena vers le sol, mais ses réflexes furent tout aussi rapides. Une de ses mains libres saisit la jambe gauche de la jeune femme pour l'emmener avec lui dans sa chute, et se dépêcher de rouler sur le côté pour se relever par la suite. Simpliste, oui, mais pas moins appréciable : elle avait fait quelque chose qui l'avait vraiment surpris, et Clive aimait la difficulté et ce qu'il ne pouvait pas prévoir, autant que cela le frustrait. Il ne put contenir le rictus derrière son masque, bien qu'il se força à le faire disparaître rapidement.

« Joli. Tu te sens d'abandonner les coussins pour ça ? »

Il alla chercher deux bâtons de plastique, façonnés pour avoir la forme de dagues, et en tendit un à la jeune femme en face de lui. Un peu mesquin de sa part de lui proposer une activité où il était spécialiste, mais il était curieux de voir jusqu'à où son niveau pouvait monter, alors il s'était dit que ce ne serait pas une si mauvaise idée que ça.

« Après, je te propose une séance de tir. J'ai deux Beretta 92FS avec moi, et il y a une salle juste à côté. Enfin, si tu as envie. »

Il fit tournoyer la fausse dague dans ses mains, s'amusant à jouer avec presque négligemment et sans trop s'occuper du reste pendant qu'il le faisait.

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Un gloussement rapide et discret s'échappa de la gorge de Clive devant la comportement un poil puéril de la jeune femme, et il se retint de dire quoi que ce soit ou de se moquer gentiment d'elle, rien que parce que son esprit était déjà concentré  sur leur entraînement et que, sérieux comme il était, il n'avait pas envie de le retarder davantage. En parlant d'entraînement d'ailleurs, l'autre n'avait pas l'air extrêmement contente de commencer par un maniement d'armes, ce que Clive ne pouvait pas trop comprendre vu qu'il y avait pris goût, mine de rien, à ces séances. Les armes blanches étaient de toute façon ses favorites, et ce depuis qu'il avait commencé à s'en servir. Déjà en tant qu'assassin, il était évident qu'une arme qui pouvait servir à tuer (surtout) silencieusement et rapidement n'était pas peu appréciée de sa part, mais disons qu'en bonus, les entraînements à la dague avaient le petit truc d'être tout particulièrement épuisants, puisqu'ils demandaient à la fois concentration, énergie et réflexion, et Clive aimait une chose, dans ce métier : être fatigué. Une fois mis à bout de forces, il était plus facile d'oublier ce qu'il faisait, après tout. On faisait bien comme on pouvait, dans sa situation, pour s'empêcher de penser le plus longtemps possible. Et puis honnêtement, les armes à feu l'ennuyaient : au bout d'un moment, le principe était continuellement le même. Pas de changement. Mais les dagues, par contre... ? Devoir constamment gérer avec une personne pensante en face, c'était l'assurance d'un challenge, d'une autre conscience qui pouvait inventer mille et une stratégies de défense et d'offensive. Alors si il a à une époque prit plaisir durant les séances de tir, trouvant toujours plaisant de voir ses balles atteindre leurs cibles, il ne voit maintenant plus cela que comme une corvée dans laquelle il peut se défouler, à la limite. Peut-être qu'il essayait un peu de sympathiser, à sa façon, en l'invitant à participer à une de ses activités favorites. Qui sait, même sa joueuse ne le comprend pas tout le temps, ce petit con.

Son surnom le prit un peu au dépourvu, et il haussa les sourcils, ne sachant pas quoi penser, un poil perturbé vu que le sens lui échappait au moins un minimum, mais il décida de ne pas y porter tant d’attention que cela et de se focaliser sur leur combat. Visiblement, sa collègue n'était pas aussi douée avec les armes qu'avec les armes à feu, mais chacun ses faiblesses, bien que Clive avait peut-être été un peu déçu, comme un enfant, en voyant qu'elle était loin de s'amuser autant que lui. Il se surprit à déverser un peu de sa frustration dans ses tirs et en conclut que quoiqu'il en disait, il était sûrement plus perturbé par cette affaire d’accident qu'il n'aurait aimé l'être.
Une fois terminé, il expira profondément et tordit légèrement les épaules pour faire craquer ses muscles, avant qu'une esquisse de sourire ne s'étire sur son visage encore dissimulé. Il eut la bêtise de baisser sa garde l'espace de quelques secondes et ce fut à ce moment que Gwen l'agressa en lui sautant dessus et en enroulant ses bras autour de son corps qui se rigidifia aussitôt, sentant cet enlacement comme une sorte d'attaque dont il devait se méfier. En plus de ça, l'odeur de transpiration lui pourfendit les narines et il grimaça, mal à l'aise et gêné au possible, se demandant intérieurement ce que les gens avaient à tout le temps vouloir coller leurs corps contre le sien. Il n'aurait pas de réponse à cette question, ça, par contre. Et la joueuse n'a pas pouffé en écrivant ça, à peine.

Une fois qu'elle fut éloignée et au moins un minimum loin de son espace personnel, il s'étonna de l'entendre le remercier, mais leva la main dans un signe qui voulait clairement dire « pas de quoi ». Bah oui, ça n'était pas si peu naturel non plus pour lui.
Visiblement, le Furaiglon avait eu le temps de rester un peu avec son père, bien qu'Esper paraissait réfléchir à quelque chose, ce qui était suffisamment rare pour que ça ait le mérite d'être au moins mentionné. La Tylton, quant à elle, était revenue sur ses épaules où elle semblait bien décidée à rester. Clive resta légèrement surpris et perturbé, ne comprenant pas ce qui intéressait tant la femelle chez lui, et aussi un peu comment le Furaiglon avait pu, aussi rapidement, s'attacher à la rousse dont les bras lui servaient déjà d'oreiller. Il laissa passer le commentaire sur son apparence et fit comme si il ne l'avait pas entendu, ce qui le sauvait d'une gêne mortelle, et observa les deux pokémon avec curiosité. Ce fut à ce moment que le Guériaigle choisit de s'approcher de son dresseur et de lui tirer légèrement un bras pour attirer son attention, et lui offrir un regard qui en disait long pour désigner son fils et la jeune femme. L'officier resta muet quelques secondes, surpris, avant de se mettre à parler d'une voix un minimum étonnée.

« Tu es sûr... ? »

Un hochement de la tête lui répondit. Il se tourna alors calmement vers l'autre.

« Dis-moi, est-ce que tu voudrais t'occuper du petit ? Esper n'a pas l'air dérangé par l'idée, et tu t'entends bien avec lui. Je me disais que donc... »

Il laissa sa phrase en suspens, jugeant qu'il en avait bien assez dit comme ça pour qu'elle comprenne : elle n'était pas stupide, après tout. Et lui non plus, vu qu'étant donné que les serres de la Tylton étaient à la fois assez enfoncées pour qu'elle reste accrochée et pas assez pour lui faire mal, il avait une petite idée de ses intentions...

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Honnêtement, Clive se sent un peu mal à l'aise de l'affection que lui offre la Tylton, ou du moins par rapport à sa dresseuse qui, selon ses dires, galérait comme pas possible ne serait-ce que pour avoir le dixième d'affection que Sheba lui avait offert en moins de deux heures. Il avait laissé sa phrase en suspens pour cette raison, n'osant pas vraiment prononcer ce qu'il avait pourtant compris et qui paraissait évident, à la fois parce qu'un minuscule doute subsistait encore dans son esprit et également parce que, pingouin comme il était, Clive n'avait aucune foutue idée si ce qu'il aurait pu dire et sous-entendre allait vexer la jeune femme, et il préférait éviter cette possibilité. N'allez pas croire qu'il devenait soudainement tout doux et gentil et adorable, hein, mais il s'agissait surtout de précaution. Il avait beau être stupide en matière de sociabilisation et autres choses qui lui paraissaient à la fois superflues, illogiques et incompréhensibles bien souvent, il savait néanmoins qu'il valait souvent mieux éviter certains sujets sous peine de conséquences assez difficiles à gérer, et il n'était pas d'humeur à gérer ce genre d'ennuis, aujourd'hui ou un autre jour, même.
La Tylton continuait de réclamer son attention avec une ferveur quasi renouvelée à chaque fois, et l'officier se contenta de quelques vagues caresses sur sa tête et sous son cou, ne voulant pas non plus la gâter sans retenue alors qu'elle rejoignait à peine leur groupe, et surtout que Cassey était encore là : remuer le couteau dans la plaie, très peu pour lui. Bah oui hein, parce qu'à ce stade, agiter une bannière avec inscrit 'ta Tylton m'aime plus qu'elle ne t'aime toi' aurait été la même chose, et Clive ne s'appelait pas non plus Môssieur connard. Non non, ça c'était Mikael. Lui, c'était petit con à poils noirs. Parce que apparemment, 'petit con' était déjà pris par une autre bestiole, allez savoir laquelle.

Il prit la ball sans rien dire, la remerciant d'un hochement de tête bref, ne souhaitant pas s'épancher en mélodrame et autres niaiseries alors que sa collègue avait déjà parfaitement bien résumé la situation. Esper prit le temps de dire au revoir à son fils, l'air un peu attristé tout de même mais pas pour autant moins conscient que c'était sûrement pour le mieux, et l'assassin n'allait pas le dire mais il pensait sincèrement que le Guériaigle n'aurait pas, au vu de sa maturité actuelle, pu s'occuper d'un enfant. Il avait suffit d'un passage à la pension pour qu'il se retrouve avec un gosse, après tout. Stupide piaf adolescent aux hormones trop agitées ; c'était sûrement ce que lui avait dit Zachariah lorsqu'il lui avait la morale, à son retour. Mais bref, il courre il courre le sujet, le p'tit sujet du pooost, et si ça continue on va l'oublieeeer.
Une Tylton dans son équipe, ce n'était pas vraiment prévu, en fait : en comptant l'Etouraptor et le Guériaigle, il aurait donc trois pokémon du type vol pour l'accompagner, ce qui n'était pas nécessairement une mauvaise chose vu les faiblesses de son équipe. De plus, les Altarias étaient des dragons, et même si Asmodée (oh Arceus, rien que de penser à elle lui donnait le mal de crâne) en était une, avoir une de ces créatures avec lui ne pouvait que fortifier son équipe de par cet ajout de type, bien que Clive était le premier à n'en avoir strictement rien à foutre, de la supposée puissance des pokémon. Il jugeait qu'ils étaient tous autant capables d'être extrêmement forts en combat tant qu'on faisait un tant soit peu l'effort de jauger de leurs forces et faiblesses pour trouver ce qui, chez eux, pouvaient offrir une chance de victoire. Et puis de toute façon, il ne capturait jamais pour ça. Mais peu importe : à ce niveau, ce n'était plus juste un hors de sujet, c'était une œuvre d'art en la matière, même.

Il hocha de la tête lorsqu'elle lui demanda de le ramener, et fit sortir une nouvelle fois Castiel de sa ball. Le Gardevoir s’exécuta sans attendre, et ils furent rapidement téléportés à Amanil. Une fois cela fait, il ne s'éternisa pas en parlotte inutile et salua une dernière fois Cassey, la remerciant d'une poignée de main rapide pour le moment de détente, et se dépêcha de filer quelques secondes à peine après, désirant à tout prix éviter un nouveau câlin surprise (il avait assez donné, hein, merci). Sheba, sur son épaule, attrapa une de ses mèches de cheveux dans son bec et la tira légèrement, avant de sourire d'un air amusé en voyant son nouveau dresseur la regarder d'un air un peu blasé. Visiblement, que ce soit pour le couvrir d'affection ou pour l'embêter, la Tylton avait pris goût à lui. Soit. Il avait toujours un problème à régler avec cette histoire de magistrat assassiné avec la délicatesse d'un marteau pilon, mais il pouvait faire confiance à Gwen pour gérer ça, et s'occuper de  son entraînement pour la prochaine arène allait sûrement l’angoisser suffisamment pour garder ces soucis-là loin de son esprit.