« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

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 Les promesses n'engagent que ceux qui y croient [OS]

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Winter L. Kenway
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Winter L. Kenway
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MessageSujet: Les promesses n'engagent que ceux qui y croient [OS]   Les promesses n'engagent que ceux qui y croient [OS] EmptyMar 25 Aoû 2015 - 16:29



Les promesses n'engagent que ceux qui y croient

Éclosion de Callisto

Dans la catégorie 'lendemain étrange', cette matinée devait avoir la palme. Même cinq ans après, elle le pensait toujours.
Si les fois où elle se réveillait dans son lit en compagnie de quelqu'un étaient rares mais pas non plus exceptionnelles, il y avait toutefois généralement assez de maturité chez les deux parties impliquées pour qu'ils n'en fassent pas tout un foin : un café, un peu de discussion pour la forme, et au revoir, bonne continuation. Winnie ne s'en était jamais trop formalisée, généralement plus agacée par ces formalités sociales qui lui paraissaient hautement inutiles. Ainsi, en se réveillant ce jour-là, l'esprit encore un peu embrumé, elle avait baillé sans retenue avant de constater qu’étonnement, même si le côté droit de son lit était encore chaud et que l'oreiller montrait qu'une tête avait été posée dessus il y a peu, elle était pourtant seule. Nue comme un ver, mais ça c'était normal étant donné les conditions de son sommeil hier soir, elle jeta un coup d’œil circulaire dans la pièce et constata avec surprise que, en plus de ses vêtements, se trouvaient dans la pièce ceux de quelqu'un qui n'était visiblement pas du sexe féminin, et de ce qu'elle en voyait, c'était bien ceux qu'elle avait retiré à son compagnon de hier soir. Elle haussa les sourcils, surprise, se demandant alors pourquoi elle était seule si il s'était réveillé auparavant. Pas qu'elle était du genre à aimer les câlins au lit le matin, hein, elle n'était pas du genre à apprécier ces niaiseries, mais la curiosité lui faisait tout de même se demander ce qui pouvait bien se passer.

Paresseusement, elle s'étira et se leva à contrecœur. Aujourd'hui, elle aurait préféré rester au lit pour dormir, mais il aurait été impoli de sa part de le faire et même si cela l'embêtait, elle allait faire des efforts. Elle ouvrit son armoire et sortit de là des sous-vêtements et un t-shirt suffisamment grand pour qu'elle puise se balader tranquillement. Toutefois, alors qu'elle commençait à considérer l'idée d'aller prendre une douche, elle entendit alors le bruit sourd et brutal d'une explosion qui la fit sursauter et elle se dirigea en toute hâte vers la source dudit bruit. En grognant contre le fait que ses pieds touchaient le carrelage froid, elle arriva devant un spectacle qui valait tout l'or du monde : celui de Faust Donovan qui, aussi nu qu'au jour de sa naissance, tentait d'éteindre un feu en provenance du micro-ondes à l'air de casseroles pleines d'eau. A côté de ça, une grande et large flaque de café recouvrait le sol, et Winnie pouvait voir des vêtements soigneusement pliés sur la table. Confuse, la jeune femme aux cheveux bleus resta immobile, ébahie et rendue muette par ce spectacle qui valait tout l'or du monde.
Devant l'air perdu de Winter, Faust sourit stupidement avant d'enfin se mettre à parler et d'éclairer un peu la situation.

« Je savais pas si tu préférais les croissants ou les chaussons, alors j'ai pris des twixs ! »

Et il les tendait, ces foutus bâtons chocolatés au caramel, l'air très fier de lui. L'aînée continuait de le regarder en se demandant si elle n'hallucinait pas toute cette situation, ce qui aurait été possible si elle était encore en train de dormir et faisait un rêve tout particulièrement bizarre. Une fois que le feu fut éteint, le hérisson poussa un soupir de soulagement. Winter, après une inspection rapide de la cuisine, trouva enfin sa première phrase de la journée.

« … Tu me le repayeras, ça.
- Je suppose que je peux pas retirer le prix des twix de la facture ?
- Pas vraiment, non. Un micro-ondes explosé ne se rembourse pas comme ça. Et pourquoi est-ce qu'il y a des vêtements juste là... ?
- Ah, ça ? Pardon, mais quand je me suis réveillé, je suis sorti pour aller aux toilettes et... Je me suis dit que t'aurais p'têtre envie d'un truc pour le petit-déjeuner, donc il fallait que j'aille à la boulangerie. Mais je ne voulais pas te réveiller en revenant chercher mes vêtements, du coup... J'ai vu qu'il y en avait des propres et je les ai emprunté avant de partir. Mais là-bas, quand il fallu choisir, euh... J'ai pas su quoi prendre pendant vingt minutes, et la caissière s'impatientait alors... Ben j'ai pris la première chose que j'ai trouvé ; des twixs, et pis c'est bon les twixs.
- ...
- Bah quoi ?
- Rien rien, je m'interroge sur mes choix de vie et ma santé mentale... Enfin bon, peu importe. Va t'habiller, avant que tu... Ne détruises tout mon appartement. »


Un grand rictus arrogant et joueur se dessina sur les lèvres de Faust à l'entente de cela, y voyant une perche bien trop tentante pour ne pas être saisie au vol. Il y a quatre ans, elle ignorait volontairement ses rougissements et ses airs d'adolescent amouraché, mais maintenant... Enfin, elle n'avait pas l'intention que cette histoire se développe, loin de là, c'était juste une brève petite folie sans importance, mais disons qu'elle ne pouvait pas s'empêcher de relever l'ironie des choses. Considérations stupides, en effet.

« Quoi, la vision te déplaît... ?
- ... Es-tu encore en train de flirter avec moi ?
- Depuis le lycée, oui. Mais merci de le remarquer maintenant. Si je te fais un thé, je serais au moins un peu pardonné... ?
- Ça dépend. Je vais prendre ma douche, en attendant.
- Est-ce que-
- Non, tu ne peux pas venir avec moi, sois un peu original au moins. »


En voyant sa tête de chien battu, Winnie devait avouer qu'elle avait ri moqueusement. La matinée, remplie de silences gênants et de vannes plus ou moins drôles en provenance de Faust, fut écourtée lorsque le châtain décida de partir, puisqu'ils avaient tous les deux la même vision des choses sur ce qui s'était passé. Elle ferma la porte derrière lui sans davantage d'arrières-pensées, se disant que même si elle avait perdu un micro-ondes, elle avait au moins passé une bonne soirée et ce type était correct, poli et gentil, même si le troisième point l'agaçait plus qu'autre chose ; son sourire d'idiot près à aider tout le monde la blasait un peu. Mais de toute façon, elle n'était pas la seule dans ce cas.
En y repensant, elle aurait dû arrêter à ce moment-là. Mais elle n'avait jamais été la maîtresse des bonnes décisions.

-

« OH MON DIEU LAISSE-MOI... PRWAWHAHAHA !
- Lucy, je t'en prie...
- Ah non mais laisse-moi répéter ça, sérieusement, c'est trop bon... Toi, MADAME Winter Leïla Kenway, avec Faust Donovan ? Le type qui te courrait après en première comme un chiot battu ?
- Oui, Lucy, maintenant si tu voulais bien baisser d'un ton avant de m'exploser le tympan droit... »


La brune continua de glousser avant de prendre une gorgée de son martini et de manquer de s'étouffer avec. Elle continuait de regarder son amie, plus qu'amusée par ce qu'elle entendait, tandis que celle-ci grommelait d'exaspération. Arceus, elle ne voulait pas qu'elle le devine, mais... Lucy était assez intelligente pour comprendre et le nier était inutile à ce stade.

« C'est juste... Oh bordel, c'est tellement beau. Nan parce que... Tu sais c'est quoi, la meilleure ?
- Quoi, tu as encore des trucs à me dire sur le fait que tu as acheté des caleçons rose barbie à Isaac ?
- Non non, mieux. Tourne voir ta tête vers l'arrière, deux seconde.
- Qu'est-ce que tu... Oh bordel j'y crois pas. »


Winnie grogna intérieurement. De tous les jours, il fallait que ce soit celui où elle venait passer un peu de temps avec sa meilleure amie, soit un week-end sur quatre à cause de ses études qui lui prenaient tout son temps, que le hérisson choisissait pour venir. Lucy souriait, mais la jeune femme aux cheveux bleus la connaissait assez pour savoir que sourire était avant tout sadique.

« Écoute, tu peux sourire autant que tu veux, mais ne va pas te faire d'idée : c'était une fois, basta.
- Si tu le dis, Wiwi, si tu le dis... »


Deux semaines plus tard, lorsqu'elle fut forcée de lui avouer qu'elle n'était pas venue à l'anniversaire d'un ami commun, elle ne pu que grogner intérieurement en l'entendant rire : bien sûr que cette chieuse aurait compris qu'elle n'était pas seule ce week-end, et que surtout, son 'je te l'avais diiiit' la suivrait longtemps.

-

Deux mois depuis le début. Ils n'en parlent pas. Il vient, elle l'appelle, parfois il reste une soirée ou deux, ils trouvent des excuses, que ce soit parce qu'il a envie de voir un épisode d'une série ou qu'elle a apparemment besoin d'un truc en urgence. Ils savent tous les deux que les prétextes qu'ils sortent sont pitoyables, mais ils ne sont plus à ça près, au final.
Winnie peut mentir à Lucy autant qu'elle le veut, sortir toutes les excuses qu'elle veut et nier jusqu'à sa mort, mais elle-même sait très bien que l'habitude a pris place, que c'est devenu bien trop fréquent pour qu'elle puisse vraiment croire que ce n'est pas en train de devenir quelque chose auquel elle s'attend, et même, comble de l'horreur pour elle, qu'elle anticipe avec impatience. La pilule est dure à avaler, et c'est bien pour ça qu'elle continuer de nier, en fait. Elle n'est pas la seule à faire, au moins, alors elle n'a pas à se sentir coupable. Ou du moins c'est qu'elle se répète encore et encore pour tuer le malaise qu'elle ressent à chaque fois qu'elle y pense. C'est plus simple.

-

Les mauvaises habitudes ne disparaissent jamais vraiment. Winter en conclut donc que Faust Donovan est une très, très mauvaise habitude. Mais lorsqu'il réapparaît devant sa porte ce jour-là, après deux semaines d'absence, livide, affaibli et couvert d'hématomes et de cicatrices, elle ne se sent pas la cruauté de le laisser à la porte et elle soupire, lasse et peut-être un peu peinée. Elle ne devrait pas ouvrir cette porte. Mais elle le fait, pourtant. Trop impliquée, encore. Elle le laisse se poser sur le canapé, se plonger dans un mutisme qu'elle ignore sans trop de difficulté. C'est quasi mécaniquement qu'elle se dirige vers la cuisine.

« Un sucre et demi, le café, c'est ça ?
- Ah, euh, oui. »


Il balbutie, hésite, le regard vague. Pas besoin d'être un génie pour voir que quelque chose ne va pas, mais il n'est pas dans la nature de Winter de presser les gens de questions. De toute façon, elle avait des raisons de penser qu'elle n'aurait même pas besoin de poser la moindre question, au final. Il ne serait pas venu, autrement. Parce que môssieur peut se débrouiller seul, et môssieur se débrouille d'ailleurs si bien en le faisant qu'il revient dans un état si pathétique qu'il aurait suffi qu'elle le pousse pour qu'il s'écroule au sol. Elle ne se rend même pas compte qu'elle serre si fortement sa tasse, et en pestant dans la cuisine, elle la laisse tomber et elle éclate au sol. En serrant les dents, Winter jure et grommelle de s'agacer autant pour quelque chose qui devrait pourtant la laisser indifférente, mais elle n'y peut rien, l'inquiétude est née et chez elle, elle se traduit par de la colère et de l'agacement. Car il était supposé être assez résistant et fort pour ne jamais avoir besoin d'elle.
Parce qu'elle sait qu'elle ne pourra jamais s'empêcher de l'aider.

Les traces de coups sont multiples. Tandis qu'elle passe les compresses sur les blessures qui parsèment son corps dans un silence lourd et pesant, il ne prononce pas un mot, et quelquefois, rien que pour lui faire payer l'inquiétude qu'il lui fait subir, elle met bien moins de douceur dans ses gestes, mais il grimace et se mord les lèvres pour ne pas geindre, comprenant plus que bien le message de la jeune femme.

« J'suis désolé. »

Elle l'ignore sans honte, l'air sévère, et serre plus fortement les bandages sur son bras. Et pourtant, alors qu'elle met toute sa force dans l'un de ses nœuds, espérant le faire autant souffrir qu'elle souffre à l'instant, elle se met à trembler.

« Imbécile. Crétin, crétin, crétin... »

Elle finit par se taire. Et il continue de la regarder avec cet air qu'elle déteste car elle ne peut alors  rien lui refuser. Il continue de transpirer la peine et le désir de ne pas la déranger, dans une sorte de mutisme d'enfant pris en train de faire une bêtise. Winter soupira.

« Viens. Tu vas dormir, déjà. On verra ensuite. »

Il hocha de la tête et la suivit en silence. En se maudissant pour sa faiblesse, la coordinatrice ne protesta pas quand elle le sentit se rapprocher et coller contre elle, mais ne put s'empêcher de se dire que Lucy avait raison : elle était foutue.

-

« TOUTE. LA. JOURNÉE.
- Comment est-ce que... ?
- Je l'ai vu fusiller du regard des oiseaux qui chantaient comme si ils avaient découpé des petits enfants pour en faire des raviolis. T'es sûr que la soirée d'aujourd'hui est vraiment une bonne idée ? Je dis pas hein, le coin est cool, honnêtement j'adore leurs martinis et le serveur est canon, mais si c'est pour qu'ils fassent la gueule toute la soirée en se regardant comme si ils hésitaient entre se sauter dessus ou s'égorger voir les deux en même temps... Eww, d'ailleurs. Pour les trois, hein.
- Respire, Lulu, aucune raison que ça se passe mal. Faust ne va surtout pas venir quand il est vexé, on ne risque rien.
- Remballe ce surnom débile, Peterson.
- Rabat-joie, l'est cool pourtant ce surnom !
- Je le déteste et tu le sais.
- Nan mais toi t'as pas d'originalité, pis m'appeler par mon nom de famille ça craint, dans quelques années tu l'auras aussi ! Tu vas quand même pas m'appeler Peterson-Woods à chaque fois, c'est chiant !
- Bou putain de hou. Sois gentil et aide-moi à empêcher une catastrophe. Ne me fais pas regretter d'avoir dit oui.
- T'aurais dû écouter ton horoscope, Lulu.
- Mon horoscope me disait que j'aurais de la charmante compagnie ce soir, visiblement je ne peux pas m'y fier.
- Aouch, Woods, aouch.
- Tu vois, quand tu veux !
- Remballe-moi ce grand rictus fier, il ne te va pas du tout.
- C'est pas ce que tu disais la dernière fo-Hé ! Mon mojito !
- Va t'en servir un autre, ça se trouve le serveur te fera une réduction pour ton joli sourire.
- ... Espèce de sale gosse.
- T'es fiancée au sale gosse, si t'avais oublié.
- Rappelle-moi pourquoi je t'ai dit oui, déjà ?
- Mon charme surhumain. Et mon regard diablement hypnotisant et séduisant.
- Voilà, ton sens de l'humour.
- ...
- On ne joue pas dans la cour des grands quand on ne sait pas assurer, Peterson-Woods.
- M'en fous, ton mojito avait très bon goût quand même. Et puis de toute façon-
- Isaac, pas que tu me soûles mais un peu, mais pour être plus sérieuse l'espace d'un instant... Combien de temps ça va durer, leur truc, selon toi ?
- ... Indéfiniment, ou pas longtemps. Soit ils passent leur temps à se disputer mais restent ensemble, soit quelque chose casse et ce sera fini. Les deux sont pareils, de toute façon. Deux fous furieux.
- Qu'est-ce que tu me baratines, là ?
- Je dis souvent que le monde est suicidaire. Tu peux le sauver, mais il va juste bouffer plus de médocs. Ben Faust, c'est pareil. Il s'auto-détruit constamment. S'accrocher à lui c'est comme marcher indéfiniment sur un pont qui va forcément s'écrouler. Winnie n'étant pas nécessairement celle qui va reconstruire des ponts. Ni quelqu'un qui a besoin de quelqu'un à qui s'accrocher.
- ... C'est un peu tordu et perché comme métaphore, tout de même.
- Le point est que... Soit ils s'aideront et apprendront à vivre en s'aidant mutuellement, soit ils se détruiront un peu plus. Et très sincèrement, je crois pas pouvoir deviner lequel ça sera.
- C'est déprimant.
- Légèrement. Mais quand on s'est connu, tu étais terrifiée par l'idée même qu'on partage un appart, alors tu vois... J'me dis que tout n'est pas impossible.
- J'étais pas terrifiée, juste... Juste pas...
- Pas rassurée et trois fois trop inquiète, je sais, je sais. Je te charie.
- Ravale tes blagues pour t-... Attends, c'est pas Faust, là-bas ?
- Et merde.
- On se tire vite fait ?
- Si ça peut m'éviter d'avoir à écouter leur dispute, ça m'arrange.
- Très bien. Tu payes, hein. Et tu iras dire à Julio de ma part que son sourire est magnifique, vu que tu as aussi pris la peine de boire à ma place.
- ... Parfois je me demande pourquoi je t'ai choisi toi.
- Oh ça c'est simple, tu es juste stupide. »


-

« Tu pouvais pas JUSTE me foutre la paix et rester dans ton coin, c'est ça ?
- Je dois avouer que le spectacle devait être vu pour être cru, ouais. »


De tout ce que Faust avait vu dans sa vie, la vision qu'il avait devant les yeux figurait au moins parmi les plus mémorables Ou du moins à ses yeux, et il faut prendre en compte que l'on parle ici d'une personne qui trouve à peu près tout divertissant. Winter emmitouflée dans une grosse couverture, un pyjama douteux, des cernes en dessous de ses yeux aussi rougis que son nez enrhumé, le regard plus meurtrier que jamais (mais que Faust, pour il ne savait quelle raison trouvait juste adorable et pas effrayant pour un sou) et la voix pâteuse était un spectacle qu'il aurait bien filmé tant il l'amusait. Tout à fait consciente de l'état assez ridicule où elle était, la jeune femme ne paraissait pas moins prête à arracher un par un les organes de son... De son ami, voilà, vive le déni alors qu'il devait bien passer la voir plus d'une fois par semaine, pour lui faire comprendre que la déranger dans cet état était loiiiin d'être une excellente idée.
Sans peur, le dresseur passa par la porte et eut même l'audace de la fermer derrière lui, un sourire théâtralement charmeur aux lèvres, ce qui lui valut juste un autre regard assassin. L'emmerder, aussi dangereux que cela pouvait être, restait une activité qu'il appréciait beaucoup trop.

« Alors il a dit quoi, le médecin ?
- Du repos,
dit-elle d'un ton venimeux qui impliquait plus que clairement que la présence de Faust était en contradiction avec cet ordre, et c'est contagieux, en plus de ça.
- J'ai un système immunitaire en titane, j'risque rien. Et puis ça te fait un infirmier personnel giga sexy, considère-toi chanceuse !
- Faut croire que les études de santé, c'est plus ce que c'était. Comme la définition de 'sexy', d'ailleurs, je crois qu'ils ont confondu ça avec 'désespérément inintéressant'. »


Le sans-gêne se dirigea vers le salon où il haussa les sourcils devant la quantité incroyable de mouchoirs accumulés dans la poubelle délocalisée près du canapé, et un pot à moitié terminée de glace au goût brownies, dont une grande partie avait fondu.

« Et que t'as visiblement pas mangé de vrai repas de la journée. Va dans ton lit, je te rejoins dans quinze minutes.
- Si tu crois que je suis d'humeur, Donovan...
- Pas dans ce sens-là, sors ton cerveau des égouts. J'vais te faire chauffer un truc, hors de question que tu restes avec l'estomac vide en étant malade. »


Son interlocutrice fronça les sourcils, mécontente et pas l'air d'avoir vraiment envie d'écouter, surtout à quelque chose qui ressemblait presque à un ordre et si il y a quelque chose qui lui hérissait le poil, c'était qu'on essaye de lui faire faire quelque chose quand elle n'en avait aucune envie.

« Fous-moi la paix. Va voir tes potes, va faire une rando si il faut, mais laisse-moi tranquille, je me démerderai toute seule comme une grande. J'ai pas besoin que tu me maternes, je ne suis pas une gamine sur son lit de mort.
- Tout de suite les grands mots, sérieusement. Écoute, je vais te faire la soupe aux patates et au poulet que me faisait mon père quand j'étais gosse, ça reste au fond de l'estomac, tu le recracheras pas, je te le jure !
- Faust, je te préviens...
- Je dois avouer que tu es extrêmement menaçante dans ton pyjama à pois verts ma jolie, mais ce soir je viens te rendre service, alors profite. Et de toute façon tu sais que même si tu me frappes, je ne partirai pas.
- Ça me défoulerait bien, par contre, et c'est très tentant.
- ... O-oui, enfin j'aimerais que ça reste du conditionnel, moi, quand même, hein... Au lit ! »


Winter l'observa pendant quelques très longues secondes où elle le dévisagea sans cesse, avant de, sans un mot, se poser sur son canapé pour s'y coucher, un rictus fier aux lèvres.

« Personne. Ne. Me. Donne. D'ordres.
- Tu vas vraiment le prendre comme ça ?
- Prendre quoi comment ?
- Très bien, très bien, si tu veux jouer à ça... Mais m'en fous, tu boufferas ta soupe !
- Va te faire foutre.
- Pas aujourd'hui, j'ai dit. Et mets voir,
commença-t-il avant que le regard noir de la jeune femme ne le stoppe, enfin, veux-tu bien s'il te plaît prendre ta couverture, tu vas attraper froid.
- Sinon quoi, tu vas pleurer ?
- Déjà oui, et ensuite si tu ne le fais pas je te nourrirai à la cuillère en faisant l'avion. Et je filmerai.
- Fais ça et je t'arrache les dents à la pince à épiler.
- Faudrait déjà que t'arrive à te lever, et ça j'en doute. Pendant que ça cuira, je vais aller chercher des films à louer dans la rue d'en face. T'as des envies particulières ?
- Prends ce que tu veux. »


Le ton de Winter était détaché, presque las et vaguement agacé, mais Faust ne perdit pas son sourire et gloussa peut-être juste un peu lorsqu'il esquiva de justesse un oreiller. La soupe eut au final un goût douteux (et fut recrachée, bien que le hérisson prit soin de lui tenir au moins les cheveux pendant qu'elle lui prouvait que non, il  n'avait pas les talents de chef de son père et qu'elle l'avait quand même recrachée, cette soupe) presque autant que les films d'ailleurs, mais ce que Winter découvrit ce soir-là, peu importe à quel point elle se le nia par la suite, c'était qu'elle aimait peut-être un peu trop la présence de Faust contre elle, quand elle fermait peu à peu les yeux.
Son sourire satisfait de trou du cul content de lui pendant les trois jours suivants, un peu moins.

-

Ce n'était pas supposé arriver.
Elle ne devrait même pas être là. Elle n'aurait pas dû assister à ça. Dans soixante ans, peut-être, mais pas avant. Elle fixe le cercueil sans rien dire, silencieuse et immobile, son visage inexpressif.
T'étais pas supposée mourir. T'avais pas le droit. Il va faire quoi, maintenant, Isaac, hein ? Je leur dit quoi moi, à tes frères ? Je fais quoi, maintenant, sans toi ?
Le cercueil descend trop vite. Incapable de pleurer, se maudissant d'être même inepte à verser la moindre larme alors que tout en elle hurle pourtant la douleur et la peine, qu'elle voudrait disparaître elle aussi dans ce trou qui va emporter quelqu'un de bien trop important, mais elle ne peut rien faire. Isaac non plus ne pleure pas. Il est immobile, le visage blanc, le regard vide, creux, sans vie. Pas un sourire, pas un mouvement. Il reste passif au monde qui l'entoure, entouré par sa sœur aînée, Klara, qui d'ordinaire rirait et le chahuterait, mais qui n'a même pas la force de parler. Sûrement ne ressentira-t-elle jamais la douleur d'Isaac. Ce n'est pas pareil, même si elle a l'impression qu'elle va se faire engloutir sous l'horreur de la situation d'une minute à l'autre. Et tandis qu'une main chaude et douce vient doucement rencontrer la sienne, entrelacer leurs doigts ensemble et lui donner l'impression, même fugace, qu'elle peut s'accrocher à quelque chose, la force de la pensée qui lui vient la surprend.
Elle ne veut jamais ressentir la même chose qu'Isaac. Et comme si elle avait espéré l'exprimer avec son silence, elle raffermit sa prise sur les doigts qui étaient pourtant venus d'eux-mêmes se mêler aux siens. Mais il  ne comprend pas. Ou il prétend ne pas savoir ce qu'elle insinue.
Ne me fais pas subir ça.

Les jours passent. Faust est occupé à tenir Isaac debout, et va de temps en temps la voir les soirs, rien que pour se coller contre elle en dormant pour la rassurer. Elle soupire en remarquant quelle s'inquiète quand il ne répond plus à ses messages, qu'elle ne dit plus un mot sur ses crises d'affection et qu'elle est devenue complètement pathétique, à se raccrocher à sa présence et à ses paroles pour ne plus avoir à penser à la mort de sa meilleure amie. Mais elle enrage. La frustration se fait de plus en plus intense, menaçant d'attendre d'un pic à chaque fois qu'elle remarque son regard plein de pitié.
Elle n'est pas une petite chose fragile à protéger. Voir ces yeux bleus la fixer comme si elle allait s'écrouler d'une seconde à l'autre lui donne envie de hurler, et sa patience envers lui diminue peu à peu. Parfois, ses réponses sont incompréhensiblement sèches, brutales et ne laissent aucune possibilité de réponse. Si Faust sursautait lorsque cela arrivait au départ, c'est maintenant avec un malaise palpable qu'il réagit, préférant rester silencieux de peur d'enflammer davantage la colère de la jeune femme.
Il sait ce qu'elle pense, mais pas comment diable il pourrait bien aborder le sujet et réussir à l'apaiser. De toute façon, Winter a-t-elle même l'envie de se calmer... ? À en croire son langage physique, tout semble pencher vers l'hypothèse que non, et il se demande même si elle n'attend pas juste la moindre chance pour pouvoir exploser. Ce ne serait pas complètement illogique, la connaissant. Mais que peut-il faire au fond, hormis essayer de les aider, elle et son meilleur ami ? Deux des personnes  qui sont les plus proches de lui sont au fond du gouffre, et il n'a pas toutes les réponses. Sûrement pas quand en plus de ça sa situation avec la jeune femme rendait déjà leur relation ambiguë et complexe. Si il avait le malheur de trop s'approcher ou de la couver un peu plus, elle montrait les crocs à une vitesse phénoménale, si bien qu'il devait alors s'éloigner pour au moins une heure ou deux le temps qu'elle se calme.  
Alors, devant ce casse-tête, il préfère jeter l'éponge et endurer, se disant que cette période finirait bien par cesser, même si cela doit faire naître plusieurs disputes entre eux ; ce serait loin d'être les premières, vraiment, et de toute façon Faust ne pourrait pas supporter de devoir tout le temps montrer patte blanche pour ne pas être agressé par la mauvaise humeur de l'autre.

Un soir, un peu moins d'un mois après l’événement tragique du 25 septembre, Winter remarque que le poids du sac à dos déjà bien lourd de Faust a augmenté. Elle ne fait rien remarquer au début, sachant à quel point ce peut être un sujet sensible pour le jeune homme, et se disant qu'étant donné qu'il s'agissait d'une des premières soirées sans aborder le sujet de Lucy, il valait mieux éviter les sujets épineux.
Mais les conversations avaient dégénéré. Une pique un peu trop acide au sujet des affaires mal rangées de Faust avait avivé les tensions, et elles s'étaient suivies en provenance des deux côtés, parfois plus venimeuses et implicites, volontairement non accusatrices. L'atmosphère s'était alourdie, l'humeur appesantie, et lorsque le sourire de Faust avait disparu, laissant sur son visage la même expression renfrognée que Winter, la jeune femme avait su qu'ils avaient tous deux dépassé leur taux de tolérance. La dispute, inévitable, arrive donc. Le ton monte, les humeurs s'échauffent, les premiers cris commencent à résonner entre les murs confinés de l'appartement, toujours plus vifs et explosifs.
Winter n'aurait pas su dire quand le sujet était arrivé. Ce qui l'avait amené à faire cette remarque avait été oublié avec le temps, mais sur le coup, sa colère avait été si intense qu'elle n'avait pas eu l'intelligence de s'empêcher de dire quoi que ce soit.

« Si tu me prenais pas pour une conne, non plus ! Tu crois que j'ai pas remarqué que ton sac avait doublé de volume ? Putain mais Faust, t'es à la rue merde, tu peux bien aller t'installer dans le salon jusqu'à avoir trouvé un truc, commence pas avec ta fierté à la con ! »

Les dents serrées, elle ne sait pas ce qui la retient de l'attraper par les épaules et de le secouer jusqu'à ce qu'un gramme de bon sens ne finisse par rentrer dans ce crâne qui ne pouvait être que vide. Le regard froid et sévère de l'autre ne l'aide pas à chercher l'apaisement, loin de là ; elle meure d'envie de faire disparaître cet air de son visage, qu'il finisse par ravaler cet orgueil mal placé qui l'enrageait énormément. Oui, c'est l'hôpital qui se fout de la charité, on saura.

« Hors de question. Tu vas pas me loger et me nourrir non plus, faut pas abuser. Je suis assez grand pour me démerder seul, j'ai pas besoin qu'on me fasse la charité.
- Je te fais pas la charité, je t'aide à survivre, pauvre con.
- C'est pas ton rôle ! »


L'assurance du jeune homme disparut un tout petit peu quand il vit que ses paroles avaient mis tant d'huile sur le feu que la coordinatrice s'était rapprochée, l'air furieuse et le regard assassin.

« Et c'est quoi, mon rôle ? Te servir de défouloir quand t'as envie de baiser de temps à autre, et hocher bien sagement de la tête à chaque fois que tu veux faire une connerie ? C'est ça, mon rôle, Faust, dis-moi ?! »

Elle crie sans retenue maintenant, comme si elle allait d'une minute à l'autre poser ses mains sur sa gorge et l'étrangler, ou bien lui coller la plus belle beigne de sa vie. Ou les deux à la fois, Faust n'aurait pas su précisément dire quoi.
Peu importe, de toute façon. L'accusation lui a porté un tel coup qu'il ne peut que grimacer et détourner le regard, ne pouvant nier que ce qu'il venait de dire avait été plus que maladroit, et que à cause de leur comportement, on pouvait très bien comprendre ça. Mais il n'est pas stupide, et il sait que d'expliquer la véritable raison serait une très, très mauvaise idée à l'instant. Winnie n'était pas de ce genre-là ; elle ne lui tomberait pas dans les bras au moindre petit mot doux, il y avait plus de chances que cela l'énerve encore plus que le contraire.
Mais la force qu'elle met dans ses gestes l'énerve, lui aussi. Son ton impérieux et méprisant, l'expression de son visage, le mur qu'elle dresse comme toujours entre eux quand elle laisse la colère prendre le dessus, et même celui qu'elle a dressé dès le début de cette relation qui n'était plus du tout ce qu'elle était. Il y a  un an, en aurait-elle eu quelque chose à foutre, qu'il soit à la rue ? Se serait-elle inquiétée de son état de santé, ou même de savoir si il dormait dans le froid et la saleté ?
Alors il ne réfléchit pas. Brutalement, il saisit ses mains et les éloignent, la repoussant suffisamment pour qu'il y ait au moins deux ou trois pas de distance entre eux, et ses yeux rencontrent les siens, deux teintes de bleus aussi marquées par la colère.

« Non. Je ne mettrai pas de poids sur tes épaules, c'est tout. C'est ça, que je voulais dire, descends de tes grands chevaux.
- Je crois que je suis assez grande pour décider de ce que je porte.
- Ah oui ? »


La question est rhétorique, comme l'implique le ton venimeux du plus jeune.

« Je vais t'expliquer la situation, alors. »

Sa voix perd en acidité, mais gagne en froideur et en détachement, et son regard accusateur se pose sur la jeune femme qui sent définitivement que quelque chose a changé, comme si il y avait eu un déclic dans l'esprit du dresseur. Et elle aurait presque peur d'avouer qu'elle avait une petite idée de ce qui était en train de se passer.

« Je t'aime, espèce d'idiote, mais toi non. Tu m'as assez répété dès le départ que ça sera jamais plus que potes avec intérêts. Donc ce n'est pas ton rôle, c'est tout. »

Winter s'immobilise, comme gelée sur place. Il est rare que ses yeux s'écarquillent autant, mais elle regarde Faust avec cet air de surprise intense, la respiration prise dans sa gorge, toute trace de colère disparue de son langage corporel, observant fixement le hérisson à la recherche du moindre indice sur un potentiel mensonge. Faust, quant à lui, en témoignant de sa réaction, soupira et serra les dents, avant d'aller saisir ses clés et son sac, les pas lourds, pour finalement quitter l'appartement en claquant la porte derrière lui.
La jeune femme mit quelques secondes avant de réagir. La tasse qu'elle avait envoyé voler s'éclata contre le mur, mais ça ne suffit pas. Il n'y eut plus que ce silence insupportablement lourd, plein d'accusations informulées à son encontre, et l'amère constatation que oui, quelque chose clochait, et que ça ne serait pas réparé aussi simplement qu'elle l'aurait désiré.

-

Une semaine. Une semaine sans nouvelles, sans message, sans la moindre parole échangée. Elle devrait avoir honte de sa puérilité et de ce qu'elle s'apprête à faire, et de constater où elle est tombée. Sa fierté hurle de protestation, et l'humiliation est telle que l'ignorer relève du miracle. Chercher à le retrouver lui avait déjà demandé de laisser derrière elle une bonne partie de son orgueil, mais l'air hébété de Faust alors qu'il la voyait débarquer devant la porte du squat qu'il habitait depuis hier soir était peut-être bien pire. Il ouvre la bouche, comme pour dire quelque chose, mais la jeune femme l'arrête en saisissant brusquement ses lèvres avec les siennes, dans un baiser qui est à la tendresse ce que le noir est au blanc. Et pourtant il l'arrête, cherchant visiblement à parler d'elle ne savait quelle connerie mièvre et stupide, avec son air d'abruti, mais elle ne peut pas lui laisser redire le moindre mot maintenant. Elle l'emprisonne dans ses bras, dans une étreinte possessive et même un peu douloureuse, mais le hérisson s'est au moins tut.

« La ferme. Tu redis plus ça, c'est clair ? Juste... Juste... »

Elle refuse de s'avouer qu'elle balbutie ou même que sa voix est aussi peu assurée. Ce serait la goutte de trop pour son ego déjà bien attaqué, et le dresseur, perdu, essaye de trouver dans son regard un moyen de comprendre ce qui se passe. Mais son ton, sa voix, tout ce que cette étreinte implique, et la lueur dans ses yeux lui disent assez pour qu'il comprenne. Elle a peur. Un air peiné s'affiche sur le visage du cadet alors qu'il l'observe débattre avec ses démons, conscient que sur cela il ne pourrait pas l'aider ; elle ne le laisserait jamais faire.

« Je veux pas que tu partes, connard. »

L'admission est semblable à un choc, pour lui. Il croit avoir mal entendu, mais non, il le sait lui-même. Ce n'est ni une réponse, ni une déclaration, ni un rejet. C'est une demande de status quo. Et Faust est bien trop faible pour la lui refuser alors qu'il est responsable de son état et de toutes les pensées qui doivent la tourmenter. De toute façon, il a deviné ce qu'il pouvait comprendre par ces mots, et il ne lui demandera pas de le dire, déjà presque fou de joie de ce qu'il a entendu. Un sourire triste aux lèvres, il passa ses bras autour de sa taille sans rien faire d'autre, ne voulant pas provoquer son énervement ou dépasser une ligne invisible en essayant un geste tendre. Pourtant, il doit au moins dire ce qu'il pense là.

« Pardon.
- Ferme-la, j'ai dit. »


Il ne fait pas attention à son ton acide et agressif, sachant pertinemment qu'il n'est pas tant destiné à lui qu'à elle-même. Il ne devrait pas accepter cette situation. C'est une bombe à retardement qu'il laisse s'installer, mais comme il l'admettrait lui-même, il était bien trop faible pour résister à la possibilité de rester ne serait-ce qu'un petit peu plus avec elle. Ignorer le compte à rebours était plus simple.

-

Elle aurait dû s'arrêter, sûrement. Casser tout lien avant que la situation ne dégénère et ne devienne aussi ambiguë, pleine de non-dits et de tensions sous-jacente. Elle aurait dû tout arrêter dès la seconde fois, avant que cet immobilisme ne survienne, que cet attachement ne naisse et ne grandisse à chaque fois un peu plus ou qu'elle ne se mette à aimer le voir sourire et rire. Elle était pourtant trop naïve et suffisamment arrogante pour croire qu'elle contrôlerait tout, car elle avait toujours tout bien maîtrisé, que ce soit elle-même ou ce qui lui arrivait. Mais il était une anomalie, une exception qui l'énervait autant qu'il l'intéressait, dans un mélange hétérogène horriblement frustrant pour sa tranquillité.
Mais elle repoussait trop souvent la ligne blanche, à chaque fois un peu plus. Quelques millimètres de plus, ce n'était rien après tout, mais répété chaque jour, avec toujours la conviction que ce serait la dernière fois, sans jamais oser s'avouer que c'était un mensonge grossier auquel elle ne croyait plus elle-même.
Le moment où Nimue se retrouva à donner gratuitement une information à Noctis, et malgré toute la froideur qu'elle avait mis dans son ton et son regard rouge, elle savait qu'elle avait perdu.

-

Une dispute, encore. Ce n'est pas la première depuis le début de la semaine, ou même du mois. C'en était arrivé au point où elle se souvenait plus de la dernière fois où ils s'étaient criés dessus que de la dernière fois qu'ils avaient ri ensemble. Lorsqu'il revient tâché de sang, couvert de blessures, elle ne dit rien, mais elle ne peut pas accepter qu'il se mette à lui faire des remarques sur les risques qu'elle prend en tant que Nimue. Sa fonction d'informatrice l'amène parfois à de gros dangers ; il avait pris un ton sec une fois, lorsqu'elle lui avait dit que la blessure qu'elle s'était faite à l'abdomen n'était rien de plus qu'un accident, pour lui dire de faire plus attention. La première fois, elle n'avait rien dit. La seconde, elle avait rétorqué. Et au bout de la troisième fois, les premiers cris étaient arrivés.

« Mais bien sûr, quand c'est toi, ce n'est pas pareil, hein Faust ? Explique-moi à quel point c'est différent, je t'écoute ! »

Il avait répliqué qu'elle mélangeait tout, et que de toute façon cette discussion n'allait nulle part. Oui, ce sujet n'irait jamais où que que ce soit, et Winnie savait très bien pourquoi. Parce que dire 'je tiens trop à toi pour accepter que tu puisses mourir' était encore trop pour eux.

-

Stérile.
Le mot résonne dans sa tête depuis plus d'une demie-heure. Encore et encore, tandis que son regard  bleu médusé se perd dans le vide, sans cible fixe à observer. Elle n'a pas bougé depuis qu'elle est sortie du bureau du médecin, sous les regards emplis de pitié des infirmières qui commençaient à parler tout bas et à s'inquiéter, à se demander si l'une d'entre elles devaient aller la voir. Mais elle n'y fait même pas attention, sonnée et perdue, accusant le coup comme elle le peut.
Elle aimerait bien qu'il s'agisse d'une mauvaise blague. Que quelqu'un survienne d'un coup pour lui annoncer qu'il avait confondu ses résultats avec ceux de quelqu'un d'autre, que c'était une autre personne qui était sa place et qu'elle était toujours en parfaite santé, que rien ne clochait dans son organisme, qu'elle n'était pas... Pas ça.

« Mademoiselle, est-ce que tout va- »

Elle ne lui laisse pas le temps de terminer sa phrase, en se levant aussi abruptement de sa chaise pour quitter la pièce à grands pas. Elle ne peut pas supporter ces regards pleins de pitié et de jugement, cette façon qu'elles ont de la regarder comme si elle allait s'effondre à la manière d'une petite chose fragile au moindre mouvement. Elle a besoin d'air, continue-t-elle de se dire, ça lui fera du bien de sortir, sûrement que la nausée violente qui la prend n'est due qu'au fait qu'elle se sentait mal, enfermée dans cette pièce à l'odeur nauséabonde de javel, et pas à la nouvelle qu'elle vient d'apprendre, ça ne peut pas en être autrement.
Arrivée devant l'entrée de l'hôpital, elle inspire et expire longuement, les dents serrées, et de très longues secondes passent. Elle se fiche d'attirer les regards de quelques passants ; pour l'instant, elle veut juste effacer de sa mémoire ce foutu mot qui ne veut plus disparaître, qui ne veut pas se laisser bannir loin de sa conscience. Mais le nœud dans sa gorge et dans son estomac ne veut pas disparaître.

Vouloir des enfants n'avait jamais été un de ses souhaits. Ce n'était déjà pas son genre de gagater devant les petits, alors en vouloir, et en plus de ça s'emmerder à les faire pousser pendant neuf mois dans son ventre, en risquant d'en garder des traces sur son corps pour le restant de ses jours ? 'Non merci' avait toujours été sa réponse ; elle vivrait très bien sans. Mais malgré tout ce qu'elle pouvait dire et la véhémence de ses propos, c'était resté une petite idée au fond de sa tête qu'elle avait laissé en paix, pas des masses intéressée par le sujet.
Au moins, maintenant, cela réglait le souci, pensa-t-elle alors qu'un rictus jaune se dessinait sur son visage, mais même cette blague ne passa pas, lui laissant un arrière-goût amer de déception.
Elle ne veut pas en parler. Que ce soit à ses mères ou ses sœurs, elle ne s'imagine pas le dire, et ne veut en aucun cas les voir la regarder avec ce même air que les infirmières de tout à l'heure, comme si elle était si pathétique qu'elle ne valait même plus qu'on la regarde avec respect. Et oh non, en parler à Faust était complètement hors de question. Elle ne pourrait tout simplement pas, car cet imbécile trouverait encore le moyen d'être compatissant et affectueux, à vouloir la réconforter, alors même qu'il serait peut-être déçu, étant donné que...
Elle chasse la pensée vivement, de façon presque agressive, en se disant que c'est tout simplement parce qu'elle ne voulait pas qu'il la voit comme une chose à plaindre plus qu'une personne à part entière. Et elle était forte, voilà tout, c'était ce qu'il avait fallu être dès sa naissance et qu'elle serait le restant des jours ; elle ne supporterait pas que l'on la voit autrement. Alors elle garderait ce secret pour elle aussi longtemps qu'il le faudrait, et elle espérait qu'elle n'aurait plus jamais à le dire.

-

« Fais chier...
- Win ?
- Laisse tomber. Une connerie sans importance.
- Peu importe, raconte. N'importe quel sujet de conversation sera mieux que d'imaginer la raclée que je vais prendre tout à l'heure de la part de ma prof.
- C'est juste... Tu vois, la montre à gousset que je garde sur ma table de nuit ?
- Le truc méga stylé ?
- Oui, ça. L'un des mécanismes est bloqué, et il faut que j'aille le faire réparer. Mais le seul bijoutier qui le fera est à trois heures d'ici, et sera en vacances demain. Mais je ne peux pas partir maintenant, puisque...
- Puisqu'il faudra quelqu'un pour accompagner April à son championnat, et que si tu n'y vas pas elle sera toute seule.
- Voilà. Donc je vais devoir attendre plus d'un mois, et vu le temps de réparation, j'en ai pour deux autres semaines.
- ... C'est important ?
- Hein ?
- Ta montre. Elle a une valeur sentimentale ?
- On peut dire ça comme ça, oui.
- ... Hmm.
- ... Tu n'es pas en train de te demander si  tu vas l'amener, n'est-ce pas ?
- À vrai dire, si. Sur le dos d'Hadès, je dois en avoir pour deux heures. Du coup, je peux te proposer un deal ?
- Parle toujours, mais je ne te promets rien.
- Je te l'emmène et j'irai te la récupérer, mais tu me diras ce qu'elle représente quand je te la rendrais.
- Ta curiosité mal placée est si développée que ça ?
- Hé bien... Tu la regardes toujours avec un air content, et si t'es heureuse quand tu la regardes, ça me rend curieux.
- Si tu le dis... Fais-toi plaisir, alors, tu me rendras service.
- T'oublieras pas, hein !
- Je tiens toujours mes promesses, crétin. Maintenant arrête avec ce sourire débile, il va vraiment finir bloqué un jour. »


-

Elle le connaît, à force.
La tension dans ses traits, cette manie qu'il a à s'occuper avec tout et rien depuis hier, ses tics nerveux de plus en plus communs et le silence qui s'impose bien trop souvent... Tout ça ne veut rien dire de bon. Elle ne sait pas exactement ce qu'il trame, mais elle n'aime pas du tout l'angoisse qu'elle sent chez lui. Alors lorsqu'il lui demande si il peut lui parler, ses sourcils se froncent et elle l'observe d'un air méfiant.

« Tu as décidé d'arrêter de grommeler dans ta barbe, donc ?
- Il fallait que je-
- Que je réfléchisse, je sais, ça va. Crache le morceau Donovan, t'es plus tendu que le string de la voisine. »


Le jeune homme grimaça, pas friand de la comparaison, mais vu la personne qu'il avait en face de lui, ce n'était pas si surprenant que ça, surtout quand il était clair et net qu'elle arrivait au bout de sa patience. Il savait bien qu'en gardant ce qu'il avait en tête pour lui il l'avait stressée, mais il n'avait pas eu trop le choix. Ce n'était pas rien, après tout, ce qu'il allait demander.

« Tu sais, je... »

Il expire. Assis sur le canapé du salon de Winter, à la regarder en face, il mesure chacun de ses mots en espérant à tout prix ne pas agacer son interlocutrice, mais c'est bien difficile lorsque celle-ci perd peu à peu patience.

« Ça va faire deux semaines que je suis devenu conseiller, et du coup j'ai réfléchi, entre temps.
- Un-
- Un vrai miracle, oui. Par pitié Winnie, tu me fais cette blague à chaque fois. »


En temps normal elle aurait à coup sûr continué, mais vu la façon dont ses traits se tiraient, et la supplication muette dans son regard, elle se ravisa et ravala par la même occasion sa fierté.

« Je sais pas comment te dire ça. Et je ne sais même pas comment tu vas le prendre. Mais tu sais, maintenant, je... J'ai envie d'arrêter les conneries. Je suis fatigué. »

La déclaration fut comme un choc, laissant un poids lourd derrière elle de telle sorte que le regard de la coordinatrice se posa sur lui, mais il était plus critique et sévère, moins affectueux et compatissant.

« Ça fait combien de temps, qu'on a arrêté de voir qui que ce soit d'autre ? Mais je peux pas dire à haute voix que je t'aime, parce que sinon tu fous le camp. »

L'aînée serra les dents, visiblement peu contente d'entendre ça.

« Faust...
- Laisse-moi finir. Depuis que j'ai dix-huit ans, j'ai rien foutu avec ma vie. Faire la fête pour oublier la merde dans laquelle je suis, ça va cinq minutes, et je... J'ai plus envie, Winnie. J'en peux plus de devoir te regarder et de me dire que je pourrais jamais être plus que le gars qui visite ton pieu de temps à autre. »


Si son agacement était visible auparavant, la jeune femme s'immobilisa toutefois en entendant ceci, et ses yeux s'écarquillèrent un peu, consciente que ce qu'elle entendait commençait à sous-entendre quelque chose qu'elle craignait un peu trop.

« Je suis que je suis égoïste et complètement égocentrique, là. Je chercherai pas à le nier. Mais j'ai envie de me poser, et y'a qu'une chose que je sais que je regretterai de toute cette partie de ma vie. »

Et cet imbécile continue de la regarder, avec son stupide sourire triste et affectueux tout à la fois, dans toute la gentille idiotie qui est la sienne, parce que ce crétin ne pouvait bien entendu pas faire autre chose qu'agir comme l'andouille qu'il était par nature. Ne pouvait-il donc pas faire autre chose que la fixer comme l'arriéré qu'il était, avec l'affection débordante qu'il ne cachait même plus, tel que quiconque de sensé n'étant pas ce demeuré l'aurait fait ? Pourquoi cette tendresse sotte et naïve de la part d'une personne aussi déraisonnée et bêtement aimante lui coupait-elle ainsi la respiration ? Elle aurait facilement pu l'envoyer voir ailleurs il y a quelques années, lui briser le cœur en quelques secondes et sans le moindre remord, rappeler à cet adulte au cœur d'enfant à quel point le vrai monde était cruel, que les hommes ne faisaient que se se servir des autres et qu'il aurait été absurde de croire qu'elle ne pouvait non plus le faire. Mais elle avait beau chercher, et une partie de son esprit se démenait pour trouver des raisons de l'arrêter avant qu'il ne dise quoi que ce soit qui aurait pu le faire remporter ce qu'elle voit comme une attaque, elle ne trouvait aucune motivation de le faire. Étrangement, c'était comme si elle avait autant envie d'entendre la suite de ses paroles que le faire taire. Savoir sans avoir à gérer l'inévitable réponse que cela impliquerait.

« Je sais que je devrais pas te faire de chantage émotionnel, et c'est pas ce que je compte faire. Mais Winnie, je peux plus continuer comme ça. Alors je dois te le demander. Est-ce qu'on arrête avec les conneries ?
- Comment ça, les conneries ? »


Elle s'étonne elle-même de l'acidité et de la froideur de son ton, et si elle avait pu se voir dans un miroir, elle aurait également été étonnée de constater à quel point son regard s'était fait sévère et critique. Faust, ayant l'habitude de marcher sur de la glace très fine avec elle, avait au moins le mérite de savoir sur quel pied danser et quelle ligne ne pas franchir.

« Ce qu'on fait, en ce moment. Ne pas pouvoir envisager un futur ensemble. Éviter à tout prix ce sujet comme si c'était la pire chose qui pouvait arriver, au point qu'on ne peut même pas de discuter de s'installer ensemble sans que ce ne soit la crise pendant deux jours. »

Elle aimerait bien qu'il ait tort pour le contredire aisément, mais elle sait très bien qu'il a absolument raison, et que c'est tout autant sa faute, voir peut-être un peu plus la sienne, que c'est celle de Faust. Il le sait très bien, et c'est pour cela qu'il profite du silence occasionné pour continuer à parler.

« Tu vas me dire con et que je crache des conneries niaises, mais si j'ai envie d'arrêter ça pour me poser, c'est aussi pour que ce soit avec toi. »

Et il rit jaune, comme si ce qu'il venait de dire était une farce hilarante dont il était le seul à comprendre le sens. Il a l'air aussi amusé que fatigué et peiné, et il semble si vieilli ainsi qu'elle n'arrive pas à avoir le courage de l'arrêter. Elle l'observe sans un mot.

« On a l'air vraiment idiot, tous les deux, hein ? J'y réfléchis depuis un bail et j'arrive toujours pas à te le demander directement. Faut croire que je suis vraiment pas mieux que toi. Mais t'as deviné, je crois.
- Tu veux vraiment ça ?
- Qu'est-ce qu'il y a de mal à vouloir la stabilité ? À juste vouloir pouvoir se dire que je te verrai tous les jours ?
- Tu ne demandes pas rien, j'espère que tu t'en rends compte. »


Il gloussa un peu. Elle pouvait bien utiliser les mots et les phrases les plus froides, mais il sent bien à son ton et aux quelques faiblesse dans sa voix qu'elle est loin d'être en parfait contrôle de ce qu'elle exprime. Il n'aurait pas dû s'attendre à autre chose de sa part, de toute façon.

« Je sais. Je suis désolé. »

Il ne l'est pas. Il peut bien le dire autant qu'il le souhaite, mais Winnie la connaît, la vérité. Il est tellement fatigué qu'il ne ressent pas un gramme de remord à faire ce qu'il est en train de faire. Il ne s'en cache pas, malgré ce qu'il dit, mais il a au moins la présence d'esprit de faire comprendre à l'autre qu'il assume ce qu'il fait.

« Donc quoi, tu veux qu'on fasse le parfait petit couple ? On va se mettre à s'envoyer des fleurs et se dire des petits mots doux au clair de lune en se promettant de rester ensemble à tout jamais parce que c'est ce qu'on apprend aux gosses à voir comme le bonheur ? T'y crois, à ces conneries ?
- Nan. J'y crois pas une seconde. C'est pas nous, ça. Mais j'ai envie de me dire que même deux paumés, vu le monde de tarés dans lequel on vit, peuvent vivre tranquillement. Et me demande pas de te sortir une raison logique ou quoi que ce soit ; j'aimerais juste que ce soit avec toi.
- Donc quoi ? Tu vas me demander en mariage, aussi ?
- Si il faut. »


Un silence stupéfait suivit sa réponse. Pour la première fois depuis tout à l'heure, la jeune femme eut l'air véritablement éberluée, à tel point qu'elle se mit même à bredouiller.

« T'es sérieux.
- Je comprends que tu n'aies pas l'habitude, mais ouais, je le suis.
- Et qu'est-ce que tu feras, si je refuse ? »


Sa question parut faire naître des doutes chez le hérisson qui fit une longue pause contemplative, les yeux baissés, sans qu'il n'ait pourtant l'air attristé.

« Je sais pas. J'y ai pas réfléchi.
- Tu croyais vraiment que j'allais juste dire oui pour tes beaux yeux ? Qu'avec quelques mots tu allais changer toute ma perception du monde ?
- Non. J'ai juste aucune foutre idée de ce que j'allais faire après, quoi que tu dises.
- C'est pas mon genre, ça. La famille rangée, le calme, c'est pas pour moi. C'est pas mon monde, Faust. Je veux pas m'arrêter de vivre comme je le fais. »


Elle ne savait pas comment elle avait réussi à se retenir ce jour-là. Avouer la vérité. Lui dire que ce n'était pas avec elle qu'il construirait une quelconque famille, et lui dire qu'elle était tout bonnement terrifiée à l'idée de faire confiance à ce point à quelqu'un, de laisser la possibilité à une seule personne de la détruire toute entière. Mais elle avait tout gardé.

« C'est un non, donc ?
- En effet. »


Le calme plat de leur conversation l'étonne encore. Pas de cris, pas de dispute alors qu'ils n'ont jamais été parfaits sur ce point, loin de là, mais juste une compréhension mutuelle, presque respectueuse, de leurs souhaits respectifs. Cela ne veut pas dire que c'est dénué d'amertume, loin de là. Elle transpire de chacun de leurs mots, de leur langage corporel qui en révèle tant par leur crispation mutuelle que tout ce qu'ils ne diront pas.

« On fait quoi, maintenant ?
- Aucune idée. Tu veux toujours te poser ?
- Ouais. Je me doutais un peu qu'on en arriverait là, de toute manière...
- C'est terminé, alors.
- Je suppose que tu n'auras jamais envie de faire comme moi ?
- Tu supposes bien.
- Donc oui. »


Faust se lève, calme et inexpressif. Elle fait de même, le dévisageant pour trouver la moindre réaction sur son visage, sans succès, et ce n'est que lorsque qu'il ouvre la porte de l'entrée, son sac au dos, qu'il se permet de parler une nouvelle fois.

« Je voulais pas que ça se passe comme ça.
- Tu parles d'aujourd'hui, ou de tout ?
- Les deux, sûrement. »


Ils échangent un dernier regard. Juste une dernière fois, le conseiller veut voir si elle l'arrêtera. Si, en le voyant refermer cette porte, elle aurait un sursaut et le stopperait. Mais elle ne le fait pas.
Quand la porte se ferme, elle est de nouveau toute seule.
Dans un monde pareil, il vaut mieux l'être.
Ou du moins, c'était ce qu'elle aimait se dire ; c'était plus simple à supporter.

-

« Imbécile. »

Elle ne devrait pas parler à haute voix, comme si il pouvait l'entendre par le biais de cet œuf qu'elle tient entre les mains. Oeuf qu'on lui a laissé devant sa porte, et en voyant la montre à gousset argentée qui se trouvait contre celui-ci , elle comprit bien vite qui en était l'expéditeur.
Même lorsque la coquille se brise et que, après s'être longuement débattu, une Férosinge finit par en sortir, ce n'est pas la vision du visage adorable de la nouvelle-né qui fera disparaître ce nœud dans sa gorge. Mais là encore, il n'avait jamais vraiment disparu, et elle supposait que c'était le prix à payer, quand on se rapprochait trop.
J'aurais dû arrêter tout ça avant que ça ne soit trop tard.
Mais elle ne l'avait pas fait. Et elle ne savait pas vraiment si elle l'avait sincèrement voulu une seule fois. Sa main serre la montre hermétiquement.
Un jour, il faudra qu'on parle.
Mais pas aujourd'hui.
J'ai une promesse à tenir, après tout, mais ça tu le sais très bien, n'est-ce pas ?
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Les promesses n'engagent que ceux qui y croient [OS]

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