Une histoire de politesse
Obtention & éclosion de Naga
Ce n'est pas la première fois que cela lui arrive, pour être honnête.
Nimue était un peu l'amplification de son assurance et de sa froideur au point de n'être plus qu'un personnage uniquement intéressé par sa personne et sa cupidité, ses payements et de ne pas qu'on la prenne pour une idiote ou qu'on l'arnaque. Elle n'était là que pour récolter ses dus et e qui intéressait la jeune femme, voilà tout ; si au départ elle n'était qu'une identité, un nom, une sorte de façon pour elle de se protéger, elle était peu à peu devenue un rôle qu'elle jouait toujours avec plus d'amusement à chaque fois, se complaisant peut-être un peu trop dans la théâtralité de la chose mais ne pouvant pas s'en empêcher tant elle trouvait la situation propice à cela, et ce en dépit de toute logique. Au fond, peut-être que son travail d'informatrice ne lui servait plus qu'à ça dorénavant, c'est-à-dire lui donner ce frisson d'adrénaline qui lui manquait terriblement depuis qu'elle avait trouvé un travail stable et très bien payé, donc que gagner de l'argent en échangeant des informations ou en vendant était devenu largement superflu. Elle n'irait pas s'en cacher, mais elle ne le confirmerait pas non plus.
Nombreux seraient ceux qui, dans la situation où elle était, auraient paniqué ou auraient au moins montré un peu de crainte, mais non. À partir d'une certaine expérience, on finissait par développer une grande résistance et un dédain assez important devant des menaces pareilles, de sorte que, alors qu'une arme à feu était pointée vers son crâne, elle bailla sans retenue avant de prendre une légère gorgée de son mojito, l'air vaguement blasée et moqueuse. Dans cette pièce sombre et assez étroite qu'elle utilisait de temps à autre pour sceller ses marchés, elle n'avait pas de possibilité de s'enfuir sans combattre, mais elle n'en aurait pas le besoin. Du tout.
« Allons donc. Tu en arrives à ça aussi facilement, Persée? »Elle reposa son verre calmement, comme si de rien n'était, pour ensuite laisser son regard rendu rouge par les lentilles se fixer sur le visage de son interlocuteur aux (faux) cheveux roux et aux (faux) yeux verts. Les traits de son visage, aussi dissimulés qu'ils l'étaient, laissaient tout de même transparaître une certaine jeunesse que tous les efforts de l'autre pour durcir sa voix et la rendre plus rauque ne suffiraient pas à dissimuler. Nimue soupira. Elle l'aimait bien, vraiment. Il faisait partie de ces voleurs un peu naïfs et idéalistes mais pas dépourvus de ruse ou d'adresse à qui elle vendait des informations de temps en temps ; disons qu'il s'agissait plus de 'side-jobs', si on veut, que de véritables occasions, pour la jeune femme. Du menu fretin, mais pas moins de cinquante pour cent de sa clientèle au moins. Elle les acceptait généralement tant qu'ils étaient prouvés un minimum fiable par d'autres 'collègues', et malgré toutes les précautions qu'elle prenait (car elle ne tenait pas à ce qu'on utilise son cerveau pour repeindre les murs, comprenez bien), il arrivait parfois qu'un cas comme celui-ci ne se présente, à son grand désespoir. Ou du moins, disons que le mot 'déception' serait plus adapté ici, puisqu'elle avait, peut-être un peu naïvement, espéré que celui-là se révélerait prometteur. Dommage.
« Nous avions un marché, il me semble. Je te donnais les coordonnés du receleur pour que tu te charges de récupérer ses fonds et libérer les pokémon, et en échange, tu me rapportais un des œufs qu'il gardait à l'arrière. Je croyais pourtant avoir été assez généreuse. »Sa voix est calme, mais sur la fin, son ton devient de plus en plus doucereux et son sourire d'apparence angélique prend alors une teinte presque dangereuse, menaçante. Impossible vraiment de deviner si son ton est mielleux ou innocent, puisqu'il alterne régulièrement sans véritablement se fixer. Nimue ne bouge pas, et même en entendant le déclic de l'arme à feu, elle ne fait que soupirer. Il suffirait qu'il relâche sa pression, et... Hop. Plus de cervelle. Mais non, elle ne réagit pas, et son rictus mauvais s'élargit juste.
Le coup de feu est porté. Un hurlement de douleur sort de la gorge de Persée qui tangue et recule, touché au bras, une tâche pourpre s'étendant déjà sur ses vêtements. Son arme lévite encore en l'air, fumante, tandis que l'homme à qui elle appartient tombe au sol, ses mains gantées couvertes de sang comprimées sur la plaie. Nimue soupira, l'air désintéressée et vaguement blasée, sans compassion aucune, avant de se lever et d'aller récupérer l'arme qui flottait encore en l'air. Elle hocha de la tête en direction du coin ombreux de la pièce, et Orion sortit de sa cachette. Rien ne vaudrait jamais les pouvoirs psychiques du Goupelin pour renverser les situations, vraiment.
Elle fronça les sourcils en remarquant que des gouttes de sang tombaient sur le sol, et elle poussa un soupir frustré.
« Bon sang, comment vais-je faire pour instaurer un climat de confiance avec les autres, maintenant ? Il va ENCORE falloir que tout soit nettoyé ! Vraiment, Persée, ce que tu me fais faire ! Tu pourrais au moins avoir la décence de prendre quelque chose pour éponger ton sang ! »Sa voix agacée résonne dans la pièce, et elle ne cache pas la trace de malice qui traîne ici et là, car personne ne pourrait croire que, malgré son visage qui ne montre rien d'autre que de la frustration, elle ne prend tout de même pas un malin plaisir à rappeler à l'autre son échec. Devant les geignements de douleur du voleur, elle leva les yeux au ciel.
« Allons, tu devrais savoir que ça se finirait comme ça. Tu sais pourtant que je ne supporte pas les menteurs, mon grand. Tu aurais dû te comporter en gentil garçon et me donner ce que tu me dois depuis le début, ça m'aurait épargné bien des soucis... Branette, s'il te plaît, tu veux bien récupérer l’œuf qui est encore dans son sac ? »Circé, sortant de l'ombre sous le canapé, s’exécuta en gloussant moqueusement. Elle serra l’œuf orangé dans ses bras et retourna aux côtés de sa maîtresse qui souriait maintenant presque angéliquement.
« Je regrette un peu de t'avoir autant marqué, mais tu ne m'as pas trop laissé le choix, mon chou. Il fallait bien t'apprendre les bonnes manières, tu vois. Goupelin, veux-tu bien montrer à notre ami la sortie ? »Orion hocha de la tête avant d'attraper l'homme par le col pour le traîner et le forcer à se relever, en l'avertissant d'un regard mauvais et d'un simple mouvement de ses doigts d'où sortirent quelques flammèches que le moindre pas de travers lui coûterait bien plus qu'une balle dans un bras. En les voyant sortir, Nimue poussa un soupir las, avant de jeter un coup d’œil agacé vers la tâche de sang sur le sol de bois ciré.
« Vraiment, aucune politesse, ces nouveaux ! Au moins j'ai mon dû, c'est vrai, mais j'aurais tout de même aimé garder Persée, il était efficace... Mais tant pis, c'est comme ça. De toute façon, nous aurons bientôt une Dracaufeu avec nous, hein, ma jolie ? »La Branette hocha vivement de la tête, et tandis qu'elle faisait cela, l’œuf qui remuait déjà beaucoup dans ses bras se mit à s'illuminer, attirant le regard de l'informatrice aux cheveux faussement blancs qui sourit, appréciant pleinement ce qu'elle voyait. Oui, cette éclosion était peut-être un peu rapide, mais elle n'allait pas se plaindre, bien que l'on avait vu mieux comme lieu pour naître. De toute façon, peu importait à la coordinatrice qui rêvait d'avoir dans son équipe une de ces créatures depuis sa plus tendre enfance. Arceus seul savait combien de dessins de Dracaufeus elle avait fait à l'orphelinat, en tuant le temps.
Circé posa l’œuf sur le canapé, et tandis que Winter se mettait à côté, la créature qui se trouvait à l'intérieur finit par en sortir avec maladresse et empressement, ce qui fit qu'elle chuta du canapé au sol juste après cela. La coordinatrice pouffa avant de récupérer le bébé qui était tombé, remarquant pour la première fois l'étrange teinte de la Salamèche nouvellement née. Un sourire satisfait étira ses lèvres.
« Déjà pleine d'énergie, hm... ? Tu vas m'en faire voir de toutes les couleurs, je le sens. Mais bon, à être aussi adorable, tu te rattrapes un peu, on va dire. Tu choisis très mal ton timing, ceci dit. »Comme seule réponse, la lézarde lui mordilla les doigts. Winnie ricana sans trop de retenue ; au moins, elle avait tiré quelque chose de cette soirée, comme d'habitude à chaque fois qu'une situation du genre se présentait de toute façon. Si elle avait été plus saine d'esprit, elle se serait sûrement rendue compte que son goût pour l'adrénaline était sûrement trop puissant, mais peu lui importait, tant qu'elle s'amusait. Une absence de risques l'aurait tout simplement ennuyée.