Le feu brûlant qui apaise les courants

Sujet: Le feu brûlant qui apaise les courants Sam 28 Sep 2013 - 3:53

Artémis s’appliquait. Son petit visage se crispait sous l’effet de la concentration, quelques plis de frustration démontraient de son sérieux dans son entreprise vers la réussite. En retrait, je l’observais sans rien dire, conscient de ses difficultés. Rien n’y ferait. Temps et pratique sauraient avoir raison de ce qui la bloquait encore, dans son immaturité à cet art que, malgré moi, je lui imposais. J’avais capturé beaucoup de Pokémon dans mon existence, et toujours, venait ce moment où je tranchais. Le tri s’effectuait. Je décidais alors si je continuais ou non avec mon nouvel allié en me basant sur plusieurs critères très précis. Je prenais grand plaisir à scruter les moindres faits et gestes de la jeune chienne qui s’appliquait avec un sérieux implacable. Ses jappements frustrés venaient me faire sursauter quand mes pensées buffurquaient sur cette douleur béante, toujours présente dans ma poitrine, me rendaient le sourire. Alors, je l’encourageais doucement et elle se calmait, tout comme moi. Un échange subtil et réconfortant, pour la Malosse et moi qui ne faisions qu’apprendre à nous connaître. J’avais l’abord cru qu’elle était trop sauvage, trop violente et terre à terre pour s’intéresser au monde de rêves que je lui offrais avec la Coordination. Mais en s’intéressant à la performance que Turbo préparait, j’avais su qu’il y avait de l’espoir chez elle et que nous pourrions exploiter tout ce potentiel qui m’avait frappé dès notre premier échange.

«Recommence, Artémis, doucement… Contrôle la puissance de ton feu pour produire… de la beauté!»

Je m’était approché, doucement, rassurant. Un sourire éclatant sur le visage. Elle l’ignorait encore, mais elle avait déjà passé le test. Peut-être l’ignorais-je même moi-même. J’avais envie de la voir réussir après tous les efforts qu’elle avait placé dans sa tâche. Soit, maîtriser la puisse de sa seule attaque feu pour le moment, Flammèche. Je lui caressai la tête et lui proposai une pause, mais elle refusa en grognant. Rien de très menaçant. Seulement beaucoup de frustration refoulée. Je soupirai. Créature obstinée. Probablement tout autant que moi. Avec un sourire amusé, je m’éloignai pour scruter les alentours, suivi par son regard fatigué. Nous nous trouvions dans les forêts bordant Vanawi, pour un dernier entraînement avant le grand jour. Je traînais cette jungle, dans l’espoir, probablement, d’assembler le courage nécessaire pour affronter Emilio, mais aussi pour faire le tri dans les sentiments contradictoires et douloureux qui m’habitaient. Je ne rêvais que de retrouver l’élu de mon cœur… Mais je le craignais tant, maintenant que je savais qu’un autre m’avait aimé, que je l’avais aimé aussi, tout autant et même plus. Que nous aurions pu être ce que je partageais maintenant avec l’Hôte de Pension. Malgré les paroles de Solène, je ne pouvais m’empêcher de culpabiliser, de revenir sans cesse vers l’arrière. Je jettais des coups d’œil par-delà mon épaule, vers le passé, vers cette vie que Pasqual et moi aurions pu avoir, ensemble.

Mais il me manquait. Il me manquait tant, j’en devenais peut-être un peu fou. Je m’étais approché du prépice, de cette reinure profonde dans la terre qui donnait sur la rivière Tulus, en contre-bas. Distrait, je marchais droit vers elle, quand je me rendis compte de ce que je faisais. Je m’arrêtai, soupirant avec tristesse, tout autant confus qu’à mon arrivée dans cette petite clairière tout près du cours d’eau. Je ne vis donc pas la gerbe de flammes qui venait vers moi à grande vitesse. Je connaissais l’effet des flammes intoxiquées d’un Malosse en colère. La douleur ne s’estompait jamais, disait-on. Elle… Ce n’était pas sa faute. Je m’étais placé, par inattention, dans son champ d’attaque. Je n’avais qu’une solution : sauter. Le tout se passa si vite… Je ne pensai pas un seul moment. L’eau m’attendait comme des tonnes de brique. Je m’y enfonçai, réalisant avec horreur ce qui venait de se produire. J’étais tombé à l’eau. Or, j’ignorais comment nager.

J’avalai une tasse en m’enfonçant vers le lit de la rivière, pourtant peu profonde à cet endroit. J’étais affolé, trop. Mes bras se débattaient contre toute cette eau qui formaient ma prison. Mon pied frôla le sol et je trouvai la force de pousser, pousser. Mes bras décrivirent de grands cercles et je me sentis remonter. La surface m’accueillit et avec elle, une goulée d’air empreinte de vie.

«Art… Aide-moi!»

Je pensais à toutes ces Poké Balls, laissées sur le sol, là-haut. Ydila, Turbo… Ils auraient pu me sauver. Mais moi, tel un sot, je me noyais. Même que j’allais mourir. Je sentais mes forces s’amoindrir et mes vêtements me tirer vers le bas. Je m’empiètrais dans les algues. Toujours, l’air qui m’échappait, cet air qui, de par son absence, menaçait d’écraser ma poitrine qui se serrait dangereusement. Ma vision se fit floue alors que je me débattais toujours, sans succès. Alors que je pensais tout espoir disparu et que mes membres se figèrent dans l’acceptation silencieuse de ma mort imminente, une lumière vive me baigna. C’était donc cela, la mort? Je fermai les yeux. Je me sentais en paix. J’avais cessé de me battre. Mais on se battit pour moi. Une gueule se referma sur mon col et je fus tiré vers la surface. On me hissa sur une berge tandis que je crachais cette eau enfoncée dans ma gorge. Mes mains s’accrochèrent à mon sauveur. Une tête se pencha au-dessus de moi, une tête inconnue et pourtant familière.

«Artémis?» fis-je malgré la douleur au creux de ma gorge.

D’un regard tendre, elle vint enfoncer sa truffe humide contre ma joue, avant de la lécher en laissant échapper un petit soupir soulagé. Elle avait sauté. Elle m’avait sauvé. Elle avait même évolué pour moi. Elle avait scellé notre destinée.

» Courants dangereux [C)
» Plus noir qu'une nuit sans lune, plus brûlant et amer que l'Enfer, ça, c'est le café. [TERMINEE]

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