Snakes, snakes everywhere II

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« … Attendez une minute, est-ce que vous venez de dire 'Kenway' ? ... Comme Esther Kenway ?
- Eh bien oui, c'est ma mère et- »

April se tut en remarquant l'expression tout bonnement hébétée de Natsume, ne sachant pas véritablement comment réagir devant ces grands yeux écarquillés et ces traits déformés par la surprise. Elle ne put toutefois s'empêcher de rire un peu après plusieurs secondes, surtout vu le fait que, avec la bouche ouverte, l'éleveur n'avait pas l'air particulièrement fin, vraiment. Elle était peut-être en train de développer une forte admiration, mais elle n'était pas non plus complètement aveugle, il ne fallait pas abuser non plus. Devant le rire de la jeune fille, le japonais se reprit en main et se massa la nuque, visiblement gêné, mais il reprit la parole bien vite, souhaitant faire disparaître ce moment embarrassant de l'existence.

« Je veux dire, euh... C'est juste... Enfin, surprenant. »

La blonde sourit discrètement, amusée.

« Vous la connaissez donc. Vous êtes un de ses élèves ? »

Elle était curieuse, maintenant, comme le prouvait son ton. Les yeux fixés sur le jeune homme, elle attendait une réponse, et l'éleveur se sentit bien mal à l'aise sous ce regard plein de questions, n'aimant pas vraiment qu'on l'observe ainsi, plus gêné qu'autre chose. Mais plus vite il répondrait, plus vite il pourrait changer de sujet, alors il ne se fit pas prier et se dépêcha de répondre.

« Pas... Pas exactement. Disons qu'elle m'a aidé à mener un projet à bien il y a deux mois et que depuis, je lui demande de l'aide de temps en temps et elle prend de mes nouvelles, alors...
- Ah, donc c'était vous, le gamin dont elle parlait tout le temps ! » s'exclama April avec le ton de quelqu'un qui aurait enfin trouvé la réponse à une énigme à la solution restée longuement mystérieuse.

L'utilisation du mot 'gamin' le fit tiquer, mais il en conclut vite que cela voulait dire que c'était ainsi qu'Esther le nommait, ce qui n'était vraiment étonnant, et au fond même si il aurait bien voulu qu'il en soit autrement, il n'était encore que ça. Qu'un gamin. Et même sa fierté démesurée le savait, ça. Les joues du japonais se mirent à rougir légèrement, signe qu'entendre qu'il était autant que ça un sujet de conversation chez l'enseignante le flattait énormément, mais aussi que vu le sourire d'April alors qu'elle disait ceci, sa mère avait sûrement dit bien autre chose que du négatif sur lui. Il ne savait pas ce qui était le plus embarrassant et flatteur, en fait.

« Maman n'arrêtait pas de nous parler d'un adolescent avec des cheveux encore plus bizarres que les miens... Ça doit être vous, donc ! »

Sourire bancal. Il hocha timidement de la tête. Oh qu'il aurait aimé se cacher, à l'instant.

« Dites, vous avez vraiment participé à la conférence de mars, alors ? »

Rectification : il aurait préféré une baignoire de glaçons pour s'enfoncer la tête dedans, puis s'y glisser, tomber dans un coma et ne plus jamais avoir à gérer ces questions si clairement nées d'admiration que même lui, tout imbécile qu'il était sur ça, ne pouvait pas l'ignorer.

Snakes, snakes everywhere II

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April n'est pas si intimidante que ça, hein, qu'on se l'accorde, et hormis Natsume qui avait envie de se cacher sous une table en geignant et couinant pathétiquement, ne sachant absolument pas comment réagir face à ce regard admiratif et ces paroles à la limite des louanges, elle ne fait peur à personne. Mais le lapin, à cause du fait qu'être la source de ce genre de regard le déstabilise énormément, n'a pas d'autre réaction que celle de se transformer en gamin de cinq ans gêné et gigotant à moitié sur place. Si il avait beaucoup changé en un an, tout particulièrement en matière de confiance en lui et de capacité à être embarrassé (et heureusement qu'il ne se transformait plus en tomate en deux microsecondes, tiens), restait que quand cela concernait ses recherches, il avait plus l'habitude d'être traité de nerd et autres joyeusetés qu'autre chose, et donc les commentaires positifs, ils étaient assez rares. Ou du moins, quand il les entendait, il trouvait d'un seul coup un intérêt tout particulièrement fort au fait de fuir ou de changer le sujet. Et aujourd'hui malheureusement, il n'avait aucun moyen de se sauver, hormis répondre honnêtement aux questions de la plus jeune en espérant qu'elle perde rapidement intérêt. Il hocha timidement de la tête.

« Ouah ! Maman m'avait dit que c'était pas une super importante, mais n'empêche, vu toutes les préparations qu'elle a dû faire avant... Ça a dû être bizarre, non ? »

Oh ça pour avoir été bizarre... Il se souvenait avoir eu les mains moites même une heure après, et il avait fallu que Faust aille lui chercher une glace trois boules avec supplément chantilly, noisettes et nappage aux fruits pour qu'il se taise et cesse de radoter dans sa barbe comme quoi il avait fait n'importe quoi. Mais au final, vu que la surdose de sucre l'avait juste rendu insupportable et tout particulièrement hyperactif, cela s'était révélé comme une idée pas si bonne que ça, en fait : tuer sa nervosité dans le sucre, ce n'était pas pour lui. Et même quand Esther lui avait assuré encore et encore qu'il avait été génial, il n'avait pas réussi à y croire, se souvenant de chaque bégaiement, chaque micro seconde où il avait un peu trop hésité, et ne s'était alors plus concentré que sur ça. Mais oui, ça avait été bizarre ; un étrange mélange d'une impression de réussite et d'échec tout à la fois, comme un rappel de tout ce qu'il avait mais aussi de tout ce qu'il ne savait pas et avait encore à faire. Le constat avait donc été heureux mais amer sur les bords, et...

« Oui, très bizarre. Donc euh, vous voyez un Abo quelque part, vous ? »

… Vraiment, il allait se contenter de ça. Les constats les plus simples, concis et brefs étaient les moins gênants. Bon, c'était un changement de sujet moins discret que le popotin de Groudon, mais au moins il tenait là de quoi échapper à davantage de questions pour quelques secondes, ce qui était déjà pas mal, il fallait l'avouer. La jeune fille jeta un coup d’œil aux alentours, apparemment trop naïve pour se rendre compte de la tentative très malhabile de Natsume de parler d'autre chose.

« Ah, là peut-être que-... Non, ce sont des Noeunoeufs. Ils ont l'air de bien vous aimer, par contre. »

Pourquoi tout le monde est comme ça aujourd'hui, hein ? Ça ne peut pas juste être une journée comme toutes les autres où tout le monde m'ignore ou se fout de ma gueule, parce que ça à la limite même si c'est chiant j'y suis habitué... Nan ?
Remarquant le fait que les œufs vivants (une hérésie et crime contre l'humanité que Faust appellerait cela, d'ailleurs) étaient effectivement en train de manifester un intérêt certain, il saisit April par le poignet pour l'entraîner un peu plus loin, de préférence loin de toutes les créatures qui pouvaient le regarder avec des étoiles niaises de shojo dans les yeux.

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Natsume avait naïvement cru qu'à force d'être la victime d'un nombre incalculable de taquineries, farces et autres vannes avec comme but commun de l'embarrasser, il avait atteint un seuil qui lui avait donné assez de résistances pour rétorquer plus ou moins bien auxdites taquineries, parfois même en en rajoutant une couche et s'amusant du principe de l'arroseur arrosé. En toute somme, il avait appris à faire avec la provocation et une bonne grosse dose de sarcasme pour gérer les situations embarrassantes. Impossible de faire cela avec l'admiration toutefois, du moins pas en vexant son interlocuteur au passage, et il était donc bien embêté à l'instant, car en plus de la Noeunoeuf qu'il avait fui comme le lapin qu'il était et d'April qui, même si elle avait pour l'instant cessé avec ses questions lui faisait toujours de grands sourires, il avait dorénavant le droit à un Noeunoeuf supplémentaire, un mâle cette fois. Bah oui, ç'pas nouveau qu'il attire les deux côtés du bateau, mais bon. Ses joues plus rouges que rouges allaient finir par lui donner une insolation, si cela continuait sur ce chemin, et tout son corps paralysé, en plus de ses épaules levées, lui donnaient l'air vraiment ridicule.
Autant dire que si il avait pu creuser un terrier pour s'y cacher ou même grimper dans un arbre et y rester jusqu'à ce qu'il soit laissé tranquille, il l'aurait fait sans la moindre seconde d'hésitation. L'éleveur, tenant toujours le poignet d'April, prit un peu de vitesse pour s'éloigner davantage, sans se rendre compte pendant une seconde du fait que la jeune fille ne résistait absolument pas et le suivait avec toute la bonne volonté du monde. Et quand les Noeunoeufs se mirent à leur courir après pour les rattraper, il accéléra le pas, entraînant la blonde dans sa course. Ce fut seulement quand Hayato intervint en lâchant une bonne d'ose d’électricité pour repousser les gêneurs qu'il put enfin s'arrêter et reprendre son souffle, encore un peu paniqué par ce qu'il venait tout juste de vivre. Non, vraiment, il préférait quand on l'ignorait ou on se moquait de lui, c'était bien plus gérable que cette horreur. Au moins dans l'autre cas il pouvait contrôler sa gêne en jouant les petits chieurs, c'était plus simple.

« P-pourquoi est-ce qu'il fallait courir ? »

L'éleveur releva la tête et resta silencieux durant quelques secondes, reprenant son souffle par la même occasion, avant de répondre.

« Parce qu'ils étaient agressifs. Vous les avez entendu, non ? »

Mais c'était qu'il s'en sortait bien, en plus... À croire que vivre dans le mensonge tout le temps, c'était formateur. Oups, ça c'était inutilement méchant. Il profita de l'instant de confusion de la cadette pour reprendre la parole, juste après avoir remercié Hayato de son cerveau rendu par une caresse.

« Dites, sinon, une raison particulière au fait d'aimer autant les pokémon poison ? »

April sourit doucement et gloussa un peu.

« En fait, c'est un peu bizarre mais... Ça a commencé quand ma Kravarech a manqué de me tuer. »

Oh. Ça c'était de l'explication maladroite. Il aurait peut-être dû parler du temps et des formes supposées des nuages tiens, il s'en serait sûrement mieux sorti que maintenant : il fallait vraiment qu'en plus des expressions, des mots compliqués à prononcer (il ne comptait plus le nombre d'éclats de rire de Faust quand il arrivait à son accent de surgir brusquement sans prévenir) et des formules de politesse, il apprenne à trouver des sujets de conversations tellement lambda qu'ils ne pouvaient PAS amener une réponse qui entraînerait un silence maladroit de sa part. Ça, ça aurait été cool.

Snakes, snakes everywhere II

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Natsume n'ira pas juger les gens sur ce qui les intéresse, vraiment : il pourrait parler, lui, avec son obsession sur les poudres, les insectes et les plantes. Mais disons que voir une adolescent de quinze ans parler du poison et des pokémon de ce type avec un aussi fort enthousiasme, ce n'était pas vraiment quelque chose d'habituel, et quelles étaient les chances pour qu'il rencontre un pareil cas rare en passant par là, surtout qu'il avait hésité à la base à ramener sa tronche ici, jugeant qu'il aurait peut-être dû retourner au travail ? Il était curieux, maintenant que sa bande de fanboys sortis de nul part (et vraiment, il n'était pas fait pour en avoir) les laissait en paix et qu'ils pouvaient enfin discuter dans le calme, en plus du fait que maintenant qu'April parlait d'elle-même, elle ne l’assaillait pas de ses grands yeux plein d'admiration ou de se innombrables questions.  Et puis, en toute honnêteté, rencontrer quelqu'un qui aimait également les sciences naturelles ne faisait que l'enthousiasmer, si bien qu'un sourire ravi était venu se dessiner sur son visage au fur et à mesure qu'ils avançaient et parlaient de tout et de rien, mais surtout de plantes et de poison.

Natsume ne se serait jamais considéré comme un expert en matière de poison : il n'en avait que des notions de base, entre ce qu'il avait appris en étudiant la médecine sous la tutelle de Mina et tout ce qu'il savait directement ou indirectement par le biais de la quantité astronomique de livres et de connaissances qu'il ingérait durant ses recherches. Toutefois, plus April parlait, plus il se surprenait à retrouver des détails qu'il avait déjà lu et qui l'avaient marqué au fond de sa mémoire passive, et surtout plus facile à relier à tout ce qu'il avait déjà emmagasiné dans son cerveau au sujet des poudres. Vrai qu'il lui était arrivé quelquefois de s'attarder sur les plus toxiques, mais jamais il n'avait trop osé  étudier le sujet, croyant (à tort visiblement) que cela ne lui serait pas si utile que ça.  Le japonais caressait régulièrement la tête du Luxray, un sourire satisfait aux lèvres, en sifflotant  un air léger. Il avait de quoi faire.
Il manqua toutefois de glisser lorsque, surpris par les hurlements furieux d'une Chuchmur, il s'emmêla les pieds ; il se rattrapa de justesse en s'accrochant un peu à Hayato, et en ignorant les gloussements amusés d'April et du Luxray.