The Spring |OS|

The Springfeat. Hayim & Pim

La surface miroite un soleil se mourant dans une agonie multicolore. Une symphonie nocturne se fait entendre, accompagnant le spectacle d’un dernier salut mélodieux. Une brise candide vient animer le lac à la source, havre de paix secret partagé de trois amies inséparables qui saluent la tombée de la nuit dans un silence empli d’admiration. Hayim, entre les cuisses des deux humaines, grave chaque instant dans sa mémoire. Chaque détail de cette nuit de camping entre sa dresseuse et sa complice de toujours à laquelle elle participe en ce jour. Alors que le ciel se couvre d’obsidienne, la Galekid espère au plus profond d’elle-même que jamais ne changera, que ce monde restera toujours beau et simple, toujours comme cette nuit. Elle a erré si longtemps. Entre elles, la jeune femelle se sent en sécurité, un luxe pour cette voyageuse au passé nébuleux. Dans un rire soudain, la rouquine sur laquelle elle a posé sa petite tête vient briser le silence. Cassey ignore les horreurs qu’elle a pu vivre et c’est bien tant mieux. Même si Hayim connaissait son langage, jamais elle ne lui confierait par où elle est passé. Elle a simplement envie d’avenir. Un avenir qui se dessine dans la quiétude de cette nuit.

«Comment on devrait t’appeler toi?»

J’observe la Pikachu qui ouvre la marche avec entrain. Je viens tout juste de l’obtenir des mains d’un dresseur avec une chevelure complètement ridicule (j’ai dû tout faire pour ne pas lui balancer à la figure d’ailleurs… désolée mais une telle chevelure devrait être interdite par la loi) et qui semblait plutôt heureux de me la confier. En fait, il semblerait que lui et la souris électrique ne s’entendaient pas particulièrement. Je comprends pourquoi. Ouais ce garçon au nom japonais que j’ai déjà oublié (oui parce qu’en plus de la chevelure ridicule il avait le nom à rallonge, qui a la capacité d’attention pour passer à travers d’un tel monologue vraiment?) était un véritable petit nerd alors que la Pikachu a quelque chose de… rustique? Je ne saurais dire, mais elle me plaît bien. Elle n’a certainement pas froid aux yeux. D’elle-même elle m’a défié dans un combat qui déterminerait son sort. Sans la moindre hésitation, j’ai fait appel à Hayim pour remporter ce match. La femelle a magnifiquement bien combattu et à présent nous voilà avec un membre dans notre équipe de plus. La Pikachu m’amuse énormément avec sa fourrure en pétard et ses petits yeux vifs. Elle ouvre la marche comme si cette forêt lui appartenait et je me plais à la suivre dans son aventure.

«Oh, je sais. Pinto! Comme ce personnage dans un livre que j’ai lu il y a bien des années. Comme ça je te surnommerai Pim.»

Nous errons toujours dans la jungle sans but particulier. Cette balade à l’origine représentait pour Hayim et moi un moment privilégié. Depuis quelques temps, je réalise être peu présente pour toute l’équipe. Le boulot, les entraînements, le train-train quotidien… Tout ce branle-bas qui m’a éloigné d’elle. Puis désormais je dois partager mon temps entre elle et les autres membres du groupe. Ce temps nous appartenait jusqu’à ce que nous rencontrions le nerd japonais et cette drôle de Pikachu, Pim. Depuis son combat, la Galekid s’enferme dans un mutisme pensif qui me laisse perplexe. Je me demande si elle m’en veut d’avoir laissé cette souris électrique s’incruster dans nos vies justement au moment où je lui promettais un peu plus de disponibilité. Sa tête oscille d’un côté à l’autre alors qu’elle scrute les environs avec une certaine méfiance, comme à la recherche d’un ennemi invisible. Mon cœur se serre alors qu’elle évite mon regard pour poursuivre son exploration de la jungle sombre qui nous entoure. Je ne puis m’empêcher de m’interroger au sujet de cet ennemi. De me demander s’il s’agit, en fait, de moi.

La simplicité de cet instant. Hayim a trouvé quelque chose auquel se raccrocher, encore, toujours. Elle se blottit un peu plus contre la rouge, de façon presque imperceptible. Cassey ignore qu’en la prenant sous son aile elle a fait bien plus que de lui offrir de quoi se nourrir alors qu’elle a longtemps crevé de faim dans les ruelles les moins fréquentables d’Amanil. Sa dresseuse a révolutionné son existence. Elle lui a appris ce qu’est l’amour. Un amour que la Galekid lui rend par mille attentions invisibles, regards dissimulés ou formules d’affection timides mais venant du cœur. Puis il y a l’autre humaine, Aimee. La petite d’acier l’admire pour sa ténacité, sa force. Jamais elle n’a rencontré d’humaine aussi impressionnante. Encore, alors que les étoiles apparaissent au-dessus de leurs têtes, c’est la blonde qui prend la parole pour raconter quelque histoire qui absorbe son auditoire pendu à ses lèvres. Hayim n’oubliera jamais.

Je ne devine l’accélération que lorsqu’elle rejoint, à la tête de notre expédition, la Pikachu qui la scrute sans comprendre. La Galekid la dépasse de quelques pas avant de se retourner en ma direction. Nos regards se croisent quelques secondes, le temps de retenir un souffle fuyant. Puis elle disparaît dans une course effrénée en direction du cœur de la jungle. Je me précipite à sa suivre, bientôt rejoint dans mes efforts par Pim qui, sans comprendre, devine pertinemment l’urgence de la situation alors que je me mets à hurler le nom de ma starter à sa suite. Seul l’écho sinistre de la forêt me répond alors que je me fraie un chemin, tant bien que mal, dans la boue, les lianes et la végétation luxuriante des alentours. Sans l’éclat d’un jaune vif du pelage de ma nouvelle alliée, je l’aurais aisément perdue elle aussi. Heureusement elle possède la décence d’esprit de se tenir tout près. Je n’ai plus l’esprit à la surveiller. Mon esprit n’est occupé que par Hayim, ma toute première alliée, ma meilleure amie de toujours. Je l’ai blessée. C’est évident. Je n’ai pas su être à la hauteur. Me pardonnera-t-elle? Si un jour je puis la retrouver. J’ai beau hurler à plein poumons en déchirant la végétation devant moi, seul le vacarme des oiseaux exotiques me répond. J’ai perdu toute notion d’orientation, avançant au hasard dans un labyrinthe naturel qui m’absorbe de plus en plus. Si je tâche de ne pas céder à la panique, mon cerveau disjoncte de scénarios fatalistes qui ne me ressemblent guère. J’ai perdu Aimee, mon père et maintenant Hayim. À quand mon monde finira-t-il par s’écrouler?

Je me raccroche à un certain espoir de la retrouver, même si chaque pas me demande un effort considérable dans cette jungle compacte qui semble déterminée à ralentir ma progression vers mon alliée disparue. Un espoir de la retrouver, de discuter avec elle, de la convaincre de ma valeur en tant que dresseuse, en tant qu’amie. La dissuader de me quitter alors que j’ai tant besoin d’elle. Par pur égoïsme, je ne pourrais envisager de la laisser partir, même s’il s’agit de son plus grand souhait. Il me faut Hayim dans ma vie, surtout maintenant que plus rien ne fait de sens. Saura-t-elle tenir pour moi? Je ravale avec difficultés un sanglot qui menace de me faire flancher, surveillée de près par la Pikachu à mes pieds qui continue à dégager un passage pour nous deux grâce à sa puissante queue. Je l’accompagne en déchirant les lianes de mes mains déjà écorchées de cet exercice. Dans un dernier cri je l’appelle, de plus en plus épuisée. Quand finalement elle répond à notre appel. J’entends un crissement sinistre et un grand bruissement dans la forêt qui, par magie, s’ouvre devant Pim et moi. Le tranchant qui a réussi cet exploit est nul autre qu’une attaque Griffe Acier, opérée par la Galekid. Nous nous précipitons aussitôt en sa direction, soulagées, alors qu’elle nous observe plusieurs mètres plus loin. Est-elle venue à notre secours?

Sitôt j’ai débouché dans une clairière à ses côtés que je comprends parfaitement la fuite de ma vieille amie. Je reste complètement sonnée devant le spectacle qui s’offre à nous. Un lac luisant sous les rayons dorés du soleil, où vient se jeter une cascade dont la musique nous parvient, mélodieuse symphonie. Pendant un instant je considère ce paysage sans véritablement comprendre alors que chaque détail m’est familier, personnel, profondément important. Alors le souvenir s’impose à moi de cette nuit de camping passée près d’un petit lac et d’une cascade secrète, notre lieu à Hayim, Aimee et moi. Un endroit que nous avons déniché lors d’une sortie et où nous avons décidé de monter notre campement. Un endroit que nous tenté de retrouver en vain pendant des années. Un véritable havre de paix. Je me retourne vers la Galekid. Ainsi elle ne tentait pas de s’enfuir, mais plutôt de nous faire retrouver cet endroit où nous avons passé tant de moments précieux. Une nuit toutes les trois que nous n’oublierons jamais. Je pivote vers Pinto qui, je crois, a déjà compris qu’elle est de trop dans ce moment que je dois partager avec ma plus vieille alliée. Je la rappelle à sa balle et m’approche d’Hayim, que je prends dans mes bras avec toute la délicatesse du monde même si elle est constituée de roc et de fer.

«Je suis désolée ma belle. Tu le sais que tu es la prunelle de mes yeux? Que sans toi je n’aurais jamais réussi à passer au-travers de la mort d’Aimee? Tu sais que sans toi mon monde ne fait aucun sens?»

Mon alliée pose sa tête contre ma poitrine et soupire. Nous avons vécu toutes sortes d’épreuves toutes les deux. Nous avons perdu toutes les deux une amie précieuse. J’ai mis du temps à réaliser que la soldate blonde était tout aussi importante pour Hayim que pour moi. Je la tiens contre moi, m’asseyant dans l’herbe. Elle se détache bientôt de moi, venant se poster devant moi, à quelques pas du lac. Ses prunelles d’un bleu vif ne m’ont jamais semblé aussi vivantes. Elle rayonne. Puis son corps se met à luire telle une vive étoile, si bien que je m’écorche les yeux en scrutant la transformation tant attendue de mon amie. Son corps prend une expansion considérable, ses pattes s’allongent et s’élargissent. Alors que la lueur s’estompe, elle n’est plus une Galekid, mais une forte Galegon qui m’observe d’un calme impénétrable. D’un coup de tête qui me fait perdre tout souffle, elle me renverse pour m’offrir un câlin bien mérité. Malheureusement pour moi j’y brise presque une côte ou deux.

«Doucement, doucement Hayim! Tu es bien plus forte maintenant!»

Gênée, elle se recule et me scrute avec inquiétude. Je lui souris pour la rassurer et l’invite à prendre place à mes côtés comme une fameuse nuit de camping où nous avons veillé sous les étoiles.

(c)Golden

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