L'Exil [OS]

Sujet: L'Exil [OS] Mar 22 Mar 2016 - 19:51

L'Exil OS

Assise sur ma valise bien remplie, j’observe cet endroit que j’ai appelé mon chez moi depuis déjà bien longtemps. Avec un soupir, je caresse le tissu de la valise, en réalisant qu’à partir de maintenant, ma vie se résume à ce qu’elle peut contenir. J’ai vécu sur cette île durant des années, a accumuler des possessions diverses, et pourtant, ce soir, je repars avec si peu. Si peu... Mais ce n’est pas ce qui rend le départ si difficile. Honnêtement, je pourrais bien me débarrasser de toutes mes possessions, et je ne ferais pas cette tête pour autant. Non, ce qui m’attriste tant, c’est le fait même de partir. De quitter ce chez moi que j’ai appris à aimer malgré ses imperfections. C’est de quitter cette île où je me suis fait des amis. Où j’ai été heureuse. J’aurais voulu que les choses soient différentes. Qu’on ne me force pas à partir ainsi. Et pourtant, je sais que je n’ai pas le choix. Avec un dernier soupir, je me redresse, et je fais un dernier tour de l’appartement vidé, avant d’aller rejoindre mon Ectoplasma, qui m’attend sagement sur le canapé.

-Tu vas chercher les autres, Frank? Ça va être l’heure...

Le spectre hoche la tête, silencieux, avant de se lever et de disparaitre à travers un mur, afin d’aller chercher ses compagnons dispersés un peu partout autour de notre appartement. Je sais très bien qu’il n’a aucune envie de partir, tout comme moi. D’ailleurs, aucun de mes Pokémon n’est en accord avec cette décision. Mais tout comme moi, ils comprennent. Ils savent qu’il ne s’agit pas réellement de mon choix, et ainsi ils évitent de critiquer cette décision. Mais je peux bien voir dans leurs regards à quel point ils vivent mal avec cet avenir qui les attend. Eux qui s’étaient donné corps et âme pour me rendre fier, lorsque nous aurions enfin eu notre chance dans les finales, en fin de compte, ils n’auront jamais eu la chance d’y participer. Je m’en veux tellement. Je m’en veux de leur avoir promis un poste que je n’ai pas su garder. Et je m’en veux encore plus d’abandonner mon titre avant même d’avoir pu le protéger. Je m’en veux de décevoir Constance, mon mentor, ainsi. De ne pas avoir su la rendre fière, même si elle dira le contraire. J’aurais tant voulu que les choses se fassent différemment...

Bientôt, Frank est de retour, et avec lui se trouve le reste de mon équipe. Tous mes Pokémon sont là, y compris le petit Evoli errent que nous nourrissons depuis quelques semaines déjà. Le petit s’était sans doute égaré, et un beau jour, il s’est retrouvé devant notre porte, blessé et affamé. Et si je ne l’ai pas capturé tout de suite, il y a quelques jours j’ai décidé de l’intégrer de manière permanente à mon équipe. Avec mon départ précipité, j’ai eu peur que le petit se retrouve une fois de plus laissé à lui-même, et ainsi, j’ai préféré ne pas prendre de chance, et l’amener avec moi. Toujours silencieuse, je le ramène donc à sa balle, avec mes autres alliés, qui m’offrent tous ce même air attristé. Tout comme moi, ils disent adieux à cette vie qu’ils aimaient, pour se retrouver dans un environnement qu’ils ne connaissent pas, et qui ne leur plaira pas nécessairement. Mais c’est ainsi. Ils le savent, nous n’avons pas le choix.

Je lance un dernier regard à mon chez moi, avant d’attraper ma valise, et de la rouler jusqu’à la porte, où je me tiens quelques secondes, silencieuse, avant de la franchir, et d’abandonner derrière moi cette vie qui me parait déjà lointaine. Silencieuse, je descends les escaliers pour me diriger vers la voiture qui m’attend, et qui me conduira vers l’aéroport. Le trajet me semble prendre une éternité, mais éventuellement nous arrivons à cet endroit. Le même qui nous a accueilli, Frank et moi, lorsque nous avons mit les pieds sur Enola pour la première fois. Il s’agit du même lieu, et pourtant, cette fois, il me parait différent, hostile.

-Merci monsieur...

Le regard attristé, je paie le chauffeur, qui me rend ma valise avant de repartir d’où il est venu, m’abandonnant ainsi. N’ayant plus d’autres choix, je m’avance vers la bâtisse, et effectue ce que j’ai à faire tel un automate. Sans émotions, je récupère mon billet et j’enregistre mon bagage et mes Pokéball avant d’aller prendre place devant la porte d’embarquement. Toujours sans dire un mot, je glisse une main dans celle de Kaoru, le petit être qui m’a suivi silencieusement et discrètement. Tout comme moi, la petite fille fantomatique se contente de suivre les instructions, sans pour autant les apprécier. Elle sait tout comme moi qu’une fois au Japon, nous ne pourrons plus avoir de contact sans risques. Elle sait que son existence redeviendra celle qu’elle était avant Enola. Une condamnation au silence et à la solitude.

« L’embarquement pour le vol AA2906 à destination de Tokyo débutera sous peu, veuillez vous présenter à la porte d’embarquement numéro treize avec votre billet en main. »

Tel une machine, je me redresse, et me dirige comme les autres voyageurs vers l’avion, qui ne tarde pas à décoller. Mon regard se pose sur les autres passagers, et pendant un court instant, je me demande s’ils sont ici pour les mêmes raisons que moi. S’agit-il d’autres exilés, qui quittent leurs foyers pour fuir la fureur du Régime? S’agit-il d’autres êtres pris par des décisions qui ne leur appartiennent plus? Je n’en ai aucune idée, mais je sais qu’il s’agit de mon cas. Durant tout le vol, je ne peux m’empêcher de me demander s’il s’agit réellement d’une bonne décision.

Bientôt, les lumières aveuglantes typiques de mon pays natal commencent à paraitre au dehors, et je comprends aussitôt que nous arrivons. Malgré le trafic habituel à l’aéroport de Tokyo, nous parvenons par miracle à atterrir assez rapidement. La suite des choses, je la vie avec un détachement, comme s’il ne s’agissait que d’un film. Je passe la douane et je récupère mes affaires sans émotions, pour me diriger vers là où est sensé m’attendre ma sœur. Elle est déjà présente, d’ailleurs, et s’empresse de se jeter dans mes bras, un large sourire au visage, ce qui contraste avec ma propre expression.

-Salut ma puce! Ça fait trop bizarre de te voir ici!

J’offre un petit sourire assez faible à Aiko, un sourire plus que faux, et ma sœur comprend bien vite que je ne partage pas son enthousiasme. Affichant cette fois un doux regard compréhensif, ma sœur pose sa main sur ma joue, avant de lui glisser une petite caresse affectueuse.

-Je sais Koko... Je sais que c’est pas facile pour toi... Mais tu as pris la bonne décision, rassures-toi.

Je me laisse entraîner par ma sœur vers la voiture de mes parents, qu’elle a emprunter pour venir me chercher, et alors que nous démarrons, et que les lumières du Japon défilent devant mes yeux, je me le demande. Ais-je réellement pris la bonne décision? En toute honnêteté, je me le demande...

(c)Golden