L'île ne lui avait jamais paru aussi grande. Il ferme ses yeux où le soleil qui se couche forme des reflets d'or fade. Le vent s'infiltre dans ses cheveux, et sa caresse douce ne suffit pas à les discipliner. Lester frissonne sous son manteau et se tourne vers l'étoile qui lui sert d'amie. La stari émet de légers reflets sur sa pierre précieuse, là où son coeur battrait, et l'homme sourit. Ses dents pointues comme celles des chats font naître un sourire qui ferait peur aux êtres humains. Mais la stari sait que sous la laideur se cache un homme bon. Et que la décision qu'il vient de prendre va changer leurs vies, mais que c'est pour le bien de tous. N'est-ce pas là l'idée de sacrifice ? Quand un certain nombre meurt et se bat pour qu'un plus grand nombre vive et survive.

« Tu pourrais parfaitement t'en aller, Asha. Je ne t'en voudrais pas. Après tout, j'ai déjà accaparé bien de tes années. Pourtant, je dois avouer que tu es un pilier pour moi. Néanmoins ... Sans toi ou avec toi, je refuse que le Régime puisse faire ce qu'il désire.

La stari s'approche en se dandinant et, contre toute attente, frappe la jambe de l'homme qui grimace. Il retient un petit rire étouffé et frotte son tibia douloureux.

« D'accord, d'accord, ça sera avec toi. Mais rejoindre la résistance ce n'est pas ... une chose simple. Mais nous y arriverons.

Les coups d'éclats du régime avaient fait sombrer l'île dans un climat de tension palpable. Il n'était pas de bon augure pour le reste à suivre. Alors, il allait se battre, contre eux. Parce que l'homme doit se battre, pour sa liberté, et pour celle des autres quand ils n'ont pas la force de le faire. Il avait la chance de n'avoir aucune famille, hormis ses vieux parents qui étaient retournés en Angleterre. Ici, sur l'île, il ne possédait ni femme ni enfant. Mais tous les gamins d'Enola, de ceux qu'il voyait en consultation de ceux qu'il croisait juste dans la rue, tous ceux-là étaient un peu ses enfants. Il les avait toujours aimé - leur honnêteté simple, leur façon de faire avec sa laideur et sa bonté, leur pureté.

Les souvenirs qui émergent comme des crocs de pierre dans une mer déchaînée, alors que les missions se suivent et ne se ressemblent pas. Il n'a jamais été fort ni agile, mais il possède l'intelligence et la logique. Il n'a pas la fierté de se promouvoir stratège, mais il accepte quand on lui demande de l'aide pour des plans ou des conseils. Il se souvient de son enfance relativement paisible, où il n'avait rien d'autre à craindre que les brimades de ses camarades de classe. Les réminiscences des jugements et des critiques, qui semblaient s'effilocher dans le temps alors que, à la Résistance, sous les masques et les pseudonymes, il était accueilli et traité comme un camarade, non comme un paria. Les frissons de l'acceptation, qui sont comme autant de respirations délectables. Il n'avait pas fait cela pour lui, mais à présent, c'était un combat de tous les instants, pour eux, pour lui, pour tous.

Et si sa vie tourne autour de ces enfants qu'il soigne, à qui il parle et qu'il écoute avec une docilité toute paternelle, il tend l'oreille, et il voit : le sang qui sourde des attentats, les disputes et les morts. Enola retrouvera t-elle jamais la paix ? N'était-elle qu'une condamnée à mort, et le Régime la laisserait-elle devenir un roc de ruines ? Lester ne le savait pas. Ce qu'il savait, c'était que sa vie se résumait à présent à cela : la protection.

Je ne suis pas un héros, ni même un sur-homme.
Je suis un être humain, qui se bat pour la liberté.
Les mots sont parfois plus forts que les actes.
Et parfois, parfois ...

Nous devons en venir aux actes pour que nos mots soient écoutés.