Je ne me suis jamais considérée comme chanceuse, dans la vie. Enfin... si, peut-être au début. Une enfance dorée, si j'ose dire, où je n'ai jamais manqué de rien. Une maison si énorme qu'on s'y perdrait, des précepteurs employés spécifiquement pour nous éduquer, des cadeaux à n'en plus pouvoir, une situation financière au meilleur... je ne peux pas me plaindre. Alors certes, oui, avant mes 10 ans, j'étais une petite fille chanceuse, peut-être même pourrie-gâtée. Mais depuis, et bien, la vie n'a été que tumulte. Bien sûr, je regrette l'époque de mon enfance. Tout était si parfait, à y repenser...
La vie n'est pas un long fleuve tranquille. Je crois que cette citation me convient parfaitement. Pire que ça, ma vie est un tsunami. Je suppose que c'est comme ça, on ne peut rien y faire. Il y a bien longtemps que j'ai arrêté de prier Arceus d'arrêter de s'acharner contre notre famille. Je ne crois qu'il y a personne dans le ciel. Ou alors, s'il y a quelqu'un, c'est un grand joueur sadique. Un joueur qui aime jouer avec nos vies. Jouer aux échecs. Nous sommes ses pions, et il peut bien nous déplacer où il veut. Certains gagnent, certains avancent vers la victoire. Pour d'autres, ils dégagent de l'échiquier. Echec et mat.
J'ai déjà entendu dire que le nom de Turnac est maudit. Même si j'enrage envers les personnes qui osent dire cela, il faut dire que moi-même, j'ai fini par y croire. Une famille entière vouée à une triste fin. Un nom si grand, si beau, peut-être trop, et c'est pour cela que l'on a essayé de le détruire.

Je regarde par la fenêtre de ma chambre. Il est tard, et Baguin s'habille petit à petit de lumière. J'ai encore beaucoup de mal avec cette ville, mais je m'y fais. La ville en elle-même me fait peur. De Baguin, je préfère les montagnes, qui me procurent un sentiment de liberté intense. J'aime à grimper au plus haut dans la montagne, ça me fait oublier tous mes soucis. Baguin, elle, est maussade, grise, triste. Les combats fréquents y sont sûrement pour quelque chose. A part ses grands jardins, il n'y a nulle part où je me sens vraiment bien ici. Je me sens oppressée. Les grandes villes ne sont définitivement pas faites pour moi. Mon rêve est de me construire un chalet de les montagnes, loin de tous. Avec de grands espaces pour pouvoir s'y promener, ou encore s'y entraîner, toute la journée. Que rêver de mieux ? Je sais que même mes Pokemone en serait ravis, plus que tout. Mais je n'ai que 17 ans, et de toute façon, je n'ai pas de situation financière suffisamment stable pour vivre seule. Peut-être qu'avec les Concours, si j'ai de la chance... peut-être aurais-je un peu plus d'argent et pourrais-je enfin commencer à faire ce que je veux de ma vie.

« Céléna ? »

L'on frappe à ma porte et je reconnaît la voix de mon père adoptif. Il connaît bien sûr ma véritable identité mais ne m’appelle jamais par mon prénom. C'est une précaution de plus, au cs où. Et aussi un moyen d'oublier ce qu'a vécu la petite May Turnac. Et peut-être aussi, au fond, juste être la fille qu'il a toujours voulu avoir.

« Entre. »

Je lance un sourire à Lucien. Lui a toujours été là pour moi. Je n'aime pas Baguin, mais au fond, j'aime être ici. Chez moi. Oui, je suis chez moi ici. Et c'est grâce aux Rainbird. Je porte fièrement ce nom, et je suis fière d'être de leur famille.

Je remarque alors qu'il tient quelque chose dans ses bras. Quelque chose qui émet un petit piaillement quand il s'approche et le soulève à hauteur de mes yeux. Un Pokemon, vraisemblablement. De couleur bleue, il semble s'y méprendre à un pingouin.

« C'est un Tiplouf. » fait mon père adoptif, comme s'il avait lu dans mes pensées.
« Un Tiplouf... c'est toi qui l'a capturé ? »

Je suis un peu surprise, car Lucien n'es guère du genre à aller capturer mes Pokemon. C'est plutôt son fils qui est bon dresseur, lui ne s'occupe que des Pokemon de la famille. Mais il hoche la tête, et j'ouvre des yeux ébahit quand il ajoute ces mots :

« Non, je suis allé le chercher dans un élevage. Et il est pour toi. »
« Pour... moi ? Mais, pourquoi ? »
« Et bien si un jour tu veux devenir une grande coordinatrice, tu as besoin de plusieurs Pokemon. Et d'après l'éleveur, il est parfait pour ça. Et puis, tu le mérites.»
« Mais je.... Ooooh, merci ! »

Je ne sais pas vraiment quoi répondre, mais mon regard brille de mille feux. Lucien tend les bras et me temps le pingouin. Le petit est un peu effrayé, et je lui caresse la tête pour le rassurer, tentant au mieux de faire cesser ses tremblements.

« Bon, je vais te laisser faire connaissance avec lui. A plus tard ! »
« Hé, attends ! »
« Oui ? »
« Merci, Lucien. Enfin... Papa... Pour... tout. »

Pour toute réponse, il hoche la tête avec un petit sourire et referme la porte derrière lui. J'en ai presque les larmes aux yeux, et en vint à regretter la haine que j'ai contre Baguin, et contre ma malchance. Je ne suis pas si malchanceuse. Cette famille m'a tendue les bras, et sans eux, je serais morte, ou dans une prison du Régime. Je n'aurais pas tenu longtemps toute seule. Je leur en doit beaucoup. Et je n'ai jamais su comment les remercier.

Tenant mon nouvel ami dans les bras, je sens que je vais avoir du mal à dormir, ce soir...