« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 
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 Empereur |OS|

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Cassey G. Banks
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Cassey G. Banks
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MessageSujet: Empereur |OS|   Empereur |OS| EmptyDim 24 Avr 2016 - 23:01



Empereur
feat. Duc

«Peux-tu recommencer depuis le début, je n’ai rien compris.»

Derrière ses lunettes de frimeur, Noah me considère avec une perplexité qui suffit à attiser de nouveau ma frustration. Pendant un moment, j’envisage de simplement m’éloigner, de trouver le chemin vers ma voiture et me soustraire au noisette profond de ses prunelles scrutatrice, néanmoins je parviens tout juste à contenir cette envie lâche de fuir une nouvelle fois. Je sais que d’entre tous mes amis, le jeune homme sera le moins susceptible de me juger lorsque je tenterai une nouvelle fois de lui expliquer ce qui me tracasse depuis ce matin. Avec un soupir, je me replonge dans mon récit une nouvelle fois. Ce matin, j’ai trouvé refuge dans une base militaire du quartier de la technologie. J’y cherchais quelque chose que je n’ai toujours pas trouvé, des réponses aux trop nombreux questionnements qui m’habitent. Ainsi je me présente aux premières lueurs du jour dans la grande pièce d’entraînement pour laquelle j’ai développé une certaine affection il faut dire, depuis la naissance d’Amir mon Furaiglon ici même. J’ai pris l’habitude de m’y rendre régulièrement afin de m’exercer, perdre quelques kilos en trop ainsi que d’entraîner mes compagnons. Aujourd’hui, Duc s’est porté volontaire pour m’accompagner, ce qui m’a aussitôt charmé, sachant qu’il est tout près d’évoluer et qu’il y met tout ce qu’il possède afin que la transformation ne se produise. Je prends place dans la grande pièce vide pour y exercer quelques mouvements répétés avec Clive. Je me doute que ma présence ici a aussi un rapport avec lui, que je suis encore confuse et désemparée de sa capture. J’aimerais seulement lui parler, comprendre, abandonner la rage double qui me hante. Envers lui, envers ceux qui l’ont jeté en prison. Je ne sais plus quoi penser.

Ainsi je reste, plusieurs heures, jusqu’à ce que mes poumons s’emplissent de cendres, que mes muscles tremblent au moindre effort, que mon corps se trouve couvert de sueur. Duc, tout près de moi, me sourit avec satisfaction. La puissance émane de ses prunelles de sang, la fierté aussi. Nous échangeons quelques gorgées et nous apprêtons à quitter la salle encore vide lorsque des voix nous parviennent de l’autre côté. Quelques soldats entrent sans se soucier de ma présence, conversant avec une voix enthousiaste. Je les scrute sans plus d’intérêt, m’affairant à ranger mes effets, quand quelques mots attirent mon attention. Leur conversation semble tourner autour des ruines du Titak, ce qui nécessairement me force à écouter avec un peu plus d’attention. D’un pas nonchalant, je me rapproche du groupe afin de prêter oreille à leurs dires.


«Pourquoi ce qu’ils disaient t’intéressait tant?»

«Parce que je ne sais rien, Noah. Tu crois que mes supérieurs m’ont dit quoi que ce soit sur ce qui se passe réellement aux ruines du Titak? Non. Je n’ai pu que surprendre quelques bribes, quelques indices… en vérité, j’en viens à croire que les Résistants en savent plus que moi.»


«Je ne t’ai pas connu curieuse ainsi. La Cassey que j’ai connu sur les champs de bataille se fichaient totalement du pourquoi ou du comment.»

«C’est bien mon problème. J’ai changé. Laisse-moi finir mon histoire, d’accord? Le leader du groupe, il parlait d’une bataille qu’il avait eue avec un Résistant espion là-bas. Il est tombé nez à nez avec lui et la lutte a été acharnée, mais le soldat l’a emporté en lui tranchant la gorge.»

«Classique oui… mais?»


À cet instant, je suis figée. Je peux imaginer la scène, la vivre même. La poussière du soldat, la chaleur torride du soleil, seul témoin de ce meurtre. Les grondements, le jeu de force entre deux ennemis naturels, le sang giclant de la plaie ouverte. Et je vois Lucas. Le Résistant s’effondre dans un hoquet humide, heurte le sol comme un tas de briques. Je vois ses prunelles s’allumer d’une lueur animale alors qu’il cherche pour une once d’oxygène, mais bientôt l’éclat se tarit. Sous le soleil de plomb, il meurt. Je lève un regard ravagé vers le soldat, leur leader. Son sourire me paraît aussi violent qu’un coup de tonnerre, empreint d’une joie radicale, profonde, malsaine, bestiale, celle d’avoir tué. Pourtant, les autres près de lui éclatent d’un rire enthousiaste alors qu’il raconte sa précieuse victoire sur ce terroriste ayant osé. Osé se poser des questions légitimes peut-être? Mon sang bout dans mes veines, une émotion qui attire aussitôt l’attention de mon compagnon. Son regard affectueux se pose sur moi et j’y lis une froide détermination. Je comprends aussitôt. Mes pas me mènent tout naturellement au centre du caucus, vers le leader qui se tait en constatant mon arrivée. Je le reconnais, pour l’avoir côtoyé quelques fois dans cette salle d’entraînement. Personne ne se doute de mes véritables intentions lorsque je le provoque en duel d’un ton amical. Le leader accepte avec un brin d’orgueil. Aussitôt le groupe de disperse pour nous laisser tout le loisir de nous affronter. Bien sûr Duc n’est pas en reste, se postant devant le compagnon du soldat, un Granbull à la dent cassée ayant visiblement vécu de nombreux combats.

La colère attise chacun de mes sens. J’ignore si le Résistant tué se trouve à être Lucas. La simple possibilité suffit à enflammer chacune de mes cellules. Le soldat me faisant face est grand, une tête de plus que moi, une position parfaite, des muscles noueux d’un entraînement rigoureux. Il bouge rapidement, probablement plus que ce j’avais prévu. Il prépare un coup de poing vers la droite, en direction du flanc, que je peine à éviter, me jetant sur le côté avant de répondre d’un coup de pied à la cheville qui manque de peu. Mon adversaire multiplie les frappes, que j’évite une à une en attendant un moment où je pourrai le désarçonner. Le manque d’entraînement me force à jouer de façon plutôt sécuritaire, ce qui ne correspond habituellement pas à mon style. Défensive, je pare et évite les coups plutôt que de passer à l’attaque, incapable de placer un coup. Pour sa part, le soldat a rapidement pris l’avantage. Bientôt il me fait tomber et je heurte brutalement le sol, épuisée de notre danse. Ma tête bourdonne alors que je me remets debout d’un bond adroit. L’image ensanglantée de Lucas danse sous mes yeux. Je bondis. Mon coup de pied le percute en plein torse. J’entends un léger craquement. Mon adversaire hoquète, incapable de trouver son air. J’en profite pour fondre sur ses jambes déséquilibrées, pour le faire tomber. Il s’effondre mais se relève, une grimace de douleur enlaidissant ses traits. Il fond sur moi en multipliant les frappes mais je pare une à une. Je sens que sa concentration s’amenuise, que ses gestes se font moins ordonnés. La colère m’offre un focus incomparable. Je peux prévoir chacun de ses coups, de plus en plus prévisibles.

De l’autre côté, Duc peine à tenir son adversaire à distance. Le Granbull possède un avantage certain sur lui grâce à son type, mais aussi à son expérience qui ne fait aucun doute. Je tente de ne pas trop l’observer pour me concentrer sur mon propre combat, néanmoins je sais que le dragon se trouve en mauvaise posture. D’un grognement, je décoche un coup de poing au soldat, en plein sur le nez. J’y ai mis toute ma force, toute ma concentration. Mon adversaire s’effondre d’un seul coup, assommé. Vaincu. Je me retourne vers l’Incisache aussitôt, abandonnant derrière moi toute la rancœur m’ayant permis de mener à bien mon combat. Je crie son nom pour l’encourager, alors qu’il se relève péniblement à nouveau. Ma voix semble lui offrir un second souffle, et sous le regard ébahi de nos spectateurs, le dragon évolue. Sa silhouette s’élève bientôt, immense, menaçante, brutale. Ses prunelles brillent d’un éclat sinistre alors que son corps se couvre d’une aura malsaine. Colère. Un cri monstrueux échappe au Tranchodon au moment où il se jette sur le Granbull. Lorsque mon allié se relève, le chien de type fée repose sur le sol comme une poupée désarticulé, tout près de son maître. Sans ajouter un mot face à notre victoire ayant jeté un silence inconfortable parmi l’assemblée autrefois guillerette, Duc et moi quittons l’endroit.


«Donc Duc a évolué? C’est génial! Son père va être fou de joie! C’est… bien non?»

«Oui, bien sûr. Je suis vraiment très fière de lui. Il est magnifique.»

«Alors… Cass, qu’est-ce qui te dérange?»


Je soupire en serrant les poings, encore habitée par la peur irrésistible ressentie lorsque le soldat a évoqué le meurtre d’un Résistant.

«Ce duel, je l’ai demandé parce que je voulais me venger. Parce que j’étais en colère. Je voulais le tuer, Noah.»

Le visage du blond se couvre d’encore plus de perplexité. Il me connaît depuis de nombreuses années. J’ai tué à de nombreuses reprises, ainsi il ne devrait pas se surprendre de mon discours. Pourtant d’évoquer de faire du mal à un semblable, autre qu’un traitre… Voilà une première chez moi.

«Okay. Là je suis inquiet. Pourquoi?»

«Je… je ne sais pas vraiment. En-enfin si. J’ai rencontré quelqu’un qui a changé ma perspective. Pour la première fois depuis des années, Noah, je doute.»


Son visage, plutôt que d’afficher une surprise coite, se peint d’un soulagement duquel je me détourne. Noah est ainsi, un utopiste croyant toujours que le meilleur pourra se produire pour peu qu’il ne se mêle jamais du conflit. Il refuse catégoriquement de prendre part à la dimension politique de l’île, mais a respecté mes choix jusqu’aux plus douteux. Il sait à quel point j’ai été radicale dans mes pensées, endoctrinée par le Régime depuis sa création ou presque. Pourquoi maintenant, pourquoi tant de doute?

«Ce doit être quelqu’un à qui tu tiens beaucoup. Peut-être quelqu’un qui est du mouvement contraire, je crois? Du genre que tu aurais pu croire que le Résistant assassiné dans l’histoire du soldat, que ça aurait pu être lui?»

Je ferme les yeux et soupire. Noah reste silencieux un instant devant cet aveu passif de ma part, hésitant (je le soupçonne du moins) à me prendre dans ses bras dans un de ses embardées sentimentales à la con.

«Sérieux Cass, c’était la meilleure chose qui pouvait t’arriver. Duc l'a senti, lui aussi, en évoluant au moment où ta colère atteignait son apogée. Il l'a sentie et se l'est appropriée. Cassey, c'est un nouveau départ pour toi.»

Et je sais qu’il a raison. Ce qui ne m’empêche pas d’être totalement terrifiée. Encore, toujours, les questions s’accumulent.

(c)Golden
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