« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 
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 Cérémonie & Confessions

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Cassey G. Banks
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Cassey G. Banks
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MessageSujet: Cérémonie & Confessions   Cérémonie & Confessions EmptyVen 8 Jan 2016 - 23:06



Cérémonie & Confessions
feat. Zeek & Pinto

J’y ai longuement réfléchi, l’ai envisagé sous toutes ses facettes avant de trouver une solution parfaite. Il ne s’agissait pas vraiment d’un problème à proprement parler, mais je tenais à rendre l’événement spécial, à prendre le temps de faire les choses en grand. Il m’est venu l’idée en m’aventurant dans les rues plus résidentielles de la capitale, pas trop loin de mon quartier tout de même. J’aime bien ce coin d’Amanil, avec ses rues sinueuses ponctuées d’arbres et de palmiers, de terrepleins fleuris et de jolis sourires. Il y règne une certaine paix que je retrouve sur ses allées dallées, mais plus particulièrement à errer en son cœur dans ma voiture noire aux vitres teintées. J’y parais très souvent incongrue, le coin est plutôt familial et on y voit rarement ce genre de bagnole ici, au profit d’immenses camionnettes traînant une multitude d’enfants braillards. Mais le meilleur attrait de ce quartier est l’église, une grande bâtisse élégante entre deux maisons, un portrait incongru dans ces contrées. Une once de beauté austère que je me plais à épouser du regard pour une énième fois, comme je l’ai fait cette fameuse soirée où j’avais besoin de prendre de l’air, celle où j’ai enfin eu l’idée qui viendrait révolutionner l’existence de deux de mes compagnons. Je franchis les marches de l’édifice avec assurance, entraînant à ma suite deux êtres un peu nerveux certainement, chacun à leur façon. Pinto la Pikachu m’offre un regard assuré, déterminé voire batailleur, tandis que son ami l’Elektek, Zeek, se mure dans un silence solennel que je respecte. Pour ma part, je ne tiens plus en place.

Les grandes portes de l’église s’ouvrent sur une longue allée encadrée de rangées de bancs, vides. En entrant, je dépose dans un petit panier le contenu de mes poches, une quantité généreuse d’Opals, avant de m’avancer vers l’autel à l’effigie du dieu créateur, le saint Arceus. Pendant un instant, je me contente de l’observer, sa noble posture, l’éclat rougeâtre de son regard. Je m’y perds avec l’impression sordide qu’il m’y scrute, lui aussi. Qu’il juge le cœur même de mon âme, mes émotions, mes ambitions comme mes craintes les plus profondes. Je me défais de ma contemplation en m’ébrouant, avant de rejoindre les quelques marches qui mènent à l’autel devant lequel je m’accroupis quelques instants pour adresser prières et respect à l’être supérieur qui me surplombe avant de chercher du regard la gardienne des lieux. Sans grande surprise, je la remarque à quelques pas, son éternel sourire empreint de bonté et son regard enfantin. Je me redresse avec entrain avant de la rejoindre en quelques foulées énergiques. Avant même de la saluer, je viens l’entourer de mes bras avec affection et de la tirer contre ma poitrine. Je l’entends hoqueter de surprise, je l’entends sourire, j’entends son cœur qui bat contre le mien. Lentement, sa main envahit mon dos en y décrivant une caresse doucereuse qui me détend, qui m’apaise.

«Je savais que vous reviendriez vers la lumière, mon enfant.»

Je me détache d’elle, le regard humide. De longs mois nous séparent de notre dernière rencontre, la veille de ma tentative. J’ai pensé à elle souvent depuis, et j’imagine qu’il s’agit du cas pour elle aussi. Elle avait compris, à l’époque, ce que je préparais. J’étais loin, bien trop loin pour réaliser la main tendue, cloîtrée dans un monde tout en noir et désespéré. La jeune femme qui se présente à elle aujourd’hui a retrouvé le sourire, la rage de vivre. Mère Isolde, prêtresse de ces lieux, se détache de moi pour entourer mon visage de sa main, comme pour scruter mon âme.

«Qu’est-ce que vous a décidée?»

J’hausse les épaules en soufflant quelque peu. Je cherche encore la réponse à cette question. Bien sûr, l’intervention d’Alexander aura sans doute servi à me ramener sur Terre, mais ensuite? Rien de bien précis, j’imagine. J’ai simplement trouvé ma voie.

«Je l’ignore encore. Mais je vais mieux. Beaucoup mieux.»

Elle sourit sincèrement avant de se détourner en direction de mes Pokémon qu’elle considère un instant silencieusement. Je la sens absorbée par des pensées qui dépassent ma seule situation, mais je décide de ne pas la questionner, jusqu’à ce qu’elle avance ces quelques mots :

«Pour moi c’était Dieu.»

Incrédule, je la considère avec perplexité. Ces prêtres m’ont toujours parue inatteignables, inaccessibles, presque inhumains. Comme détachés du reste du monde, protégés par l’aura divine de leurs saints. Comment expliquer alors qu’une femme si sage ait pu se retrouver au pied du mur, tout comme je l’ai pu il y a plusieurs mois? Mère Isolde, plus encore que ses semblables, me paraît entourée d’une énergie paisible, comme si on l’avait préservée toute sa vie des horreurs qui se perpètrent hors de cette enceinte intouchable. Ma surprise lui est palpable car je la sens sourire en soupirant, avant de m’inviter à m’asseoir sur ces mêmes marches où j’ai trouvé refuge lors de notre première rencontre. Je n’avais pas réalisé à quel point cette prêtresse a pu être un personnage pivot dans mon histoire de la dernière année et pourtant… Pourtant je ne connais toujours rien d’elle. Pourquoi s’intéresser à la personne sous la toge, quand celle-ci fait tous les efforts possibles pour se distancer de son individualité en dédiant sa vie, ses rêves et autres aspirations à une divinité, à une cause qui a effacé ce qu’elle est véritablement? Plusieurs n’y verrais pas l’intérêt et pourtant je pense différemment. Cette femme m’a aidée, elle m’a soulevée, et encore aujourd’hui mes pas m’ont décidée vers elle.

«Vous vous êtes perdue aussi, Mère Isolde?»

Une sorte de tristesse et de honte envahit son regard alors que nous nous asseyons toutes les deux, dans l’ombre sacrée de l’autel. Je lève les yeux vers elle pour y guetter ses émotions. Elle ne parvient plus vraiment à les retenir comme à son habitude. Je la sens hésiter, formuler des paroles qui ne se décident pas à être prononcés. Puis elle hausse les épaules avant de m’offrir les mots les plus humains que j’ai jamais entendus de sa part.

«Comme nous tous j’imagine. Oui, je me suis perdue, Cassey.»

«C’est pour ça que vous êtes devenue prêtresse? Je veux dire… Ce n’est pas tellement une vie que plusieurs personnes choisissent. Il faut vivre seule, dans une église, dédier tout son temps aux autres, ne plus rien posséder pour soi, renoncer à une vie familiale, à un mariage… au sexe bonté divine!»


Pardon, mais c’est de dépasser certaines limites acceptables pour moi. Mère Isolde rigole et rougit un peu en m’entendant prononcer ces paroles, mais ses yeux jettent des étincelles. Mais oui, vous ne dupez personne, petite prêtresse, vous êtes humaine comme nous tous! Je m’explique néanmoins avec un peu plus de rigueur.

«Enfin, tout ça, ça a dû être justifié par quelque chose, pardonnez ma curiosité…»

«Oui, bien sûr. Je suis tombée si bas que je n’ai trouvé qu’une seule solution à mes problèmes, celle de me dédier corps et âme à Saint Arceus. J’ai fait beaucoup de tort à mon entourage durant ma jeunesse Cassey, j’y ai vu une façon de me racheter. J’ai menti, j’ai trompé, j’ai volé, j’ai déçu et blessé.»

Je l’observe, le regard brillant d’une sorte d’admiration. Il est difficile de reconnaître ses torts, et pourtant Mère Isolde m’en parle avec un détachement qui ne peut être qu’indicatif de son sentiment de paix par rapport à ses événements. Je comprends qu’elle devait se pardonner, que d’emprunter cette voie le lui permettait, pleinement. Je souris avec douceur, un peu amusée. Je découvre tout un pan de mon ange gardien, une part un peu plus épicée. Malgré sa douceur maternelle, la prêtresse semble cacher un côté plus sombre qui ne la rend que plus appréciable à mes yeux. Elle a fait des erreurs et je ne peux que la comprendre.

«Vous étiez quoi… une petite rebelle comme moi?»

Nous éclatons de rire simultanément. Il est vrai que j’ai eu mes moments aussi, surtout dans mon adolescence. Et que même aujourd’hui, je n’entre pas tout à fait dans le moule attendu par nos sociétés. J’ai du mal à imaginer la femme drapée de blanc comme moi, en train de s’insurger du monde entier et suivre son propre rythme, au détriment des autres.

«J’étais une junkie. Complètement dominée par mon addiction. J’ai fait des tonnes d’erreurs qui me hantent encore aujourd’hui, qui jamais ne me laisseront vraiment en paix. Ici, je me sens protégée contre moi-même, contre l’enfer que j’ai vécu. Je peux offrir un peu aux autres tout l’amour dont j’ai manqué, un peu de sagesse acquise pendant mon parcours.»

Je reste longuement silencieuse. Junkie. Ce mot tombe lourdement entre nous deux, lourd de sens. Sa situation m’apparaît alors clairement. Elle a dû mentir à de nombreux proches, voler pour obtenir sa dose, décevoir ceux qu’elle aimait. J’ai vu de nombreux amis s’égarer dans cette spirale infernale. Je soupire en devinant sa souffrance. Je me demande pourquoi elle accepte de m’en parler alors que nous ne sommes pas si proches, mais peut-être que ce soir, elle se sentait le cœur à parler, ce que je respecte totalement. Un peu par instinct, je porte mon bras derrière son dos et l’attire contre mon épaule pour un câlin bien mérité. Parfois les mots ne suffisent pas à exprimer quoi que ce soit. Dans tous les cas, j’aimerais lui dire que peu importe son passé, moi je l’aime bien ma Mère Isolde. Je me retire en regardant son visage, un peu comme pour la première fois. Je réalise qu’elle est moins vieille que ce à quoi je m’attendais, probablement vers la mi quarantaine tout au plus. Ses yeux sont d’un gris-bleu glacé et pénétrant, animés d’une lueur vivante et sage, probablement ce qui m’a dupée d’autant plus qu’un voile blanc recouvre ses cheveux.

«C’est vrai qu’on est bien dans cette église. J’aurais aimé que vous me disiez tout ça quand je suis passée pendant ma… crise. J’y aurais vu un espoir que je m’en sortirais.»

«Tu devais trouver la solution par toi-même, ma chérie. Nous avons tous un chemin à prendre. Tu avais bien trop besoin que je te dise ceci pour que mes paroles ne te soient utiles. Comprends-tu?»


Oui, bien sûr que je comprends. Personne ne pouvait daller le chemin devant mes pieds. Je ne pouvais pas avancer tant que je ne m’y décidais pas par moi-même. Peu importe ce que Mère Isolde aurait pu dire. Je ne l’aurais même pas crue. Je devais trouver ma propre solution, aussi cliché tout ceci peut bien paraître.

«Je comprends.»

Je reste ainsi, silencieuse, à tenir sa main. Zeek et Pinto, immobiles depuis le début de notre conversation toutes les deux, se décident à avancer, y voyant une opportunité de déclencher ce qu’ils attendent tous les deux avec énormément d’impatience. Je me redresse pour me diriger entre les deux, offrant un sourire enthousiaste à la prêtresse. Elle se lève à son tour et nous observe avec curiosité. Elle doit se demander ce que nous mijotons.

«Mère Isolde, mes Pokémon Zeek et Pinto et moi avions une requête à vous adresser. Nous aimerions procéder à une évolution ici, dans cette église, juste devant l’autel. L’opération ne devrait durer que quelques minutes, mais nous tenions à le faire dans un lieu significatif. Seriez-vous d’accord?»

Au sourire qu’elle nous adresse, je suis aussitôt rassurée.

«Mais bien sûr, je vous en prie.»

Elle fait signe vers l’autel duquel je m’approche, y posant les deux objets qui permettront à mes alliés de changer de forme vers leur stade suivant. Je respire un bon coup, fébrile et pleine d’excitation, avant de me retourner vers mes deux compagnons qui ont pris place, côte à côte, tout aussi impatients que moi. Je leur souris avant de prendre la parole.

«Ce soir, nous sommes rassemblés ici pour fêter le passage d’Elektek en Élekable, et de Pikachu en Raichu des deux Pokémon qui se trouvent devant moi. Zeek, tu as été très courageux et dédié envers ton équipe depuis ta naissance, et malgré ton jeune âge tu y a pris une position de leader très importante. Sans toi, rien ne serait pareil. Tu as aussi remporté notre tout premier Badge, tu es prêt pour cette évolution.»

Zeek illumine de fierté alors que des éclairs gênés traversent sa fourrure jaune. Une créature tout aussi puissante qu’attendrissante.

«Pinto, ma petite Pim. Tu as choisi notre équipe sur un coup de tête, et depuis tu es une tête de proue de notre bande. Ton énergie contamine tous ceux qui te côtoient. Tu es un atout considérable pour nous tous et une amie précieuse. Tu es prête pour cette évolution.»

Pinto ne sourit pas. Ses prunelles brûlent d’une conviction palpable. Je lui adresse un petit salut de tête avant d’inviter mes deux amis à changer de forme au contact des objets causant la transformation.

«Vous pouvez vous avancer.»

Ils ne se font pas prier. D’une démarche calquée l’une sur l’autre, ils avancent, pleins de solennité, avant de toucher l’Électriseur et la Pierre Foudre. Lentement, Élekable et Raichu prennent forme sous le regard de Mère Isolde et du Saint Arceus. Pour ma part, je regarde ailleurs, ne me retournant que lorsque la transformation est complétée. J’ai le souffle coupé devant la taille de Zeek, qui n’était qu’un petit bébé il y a quelques mois… Et que dire de Pinto, magnifique avec sa nouvelle fourrure orangée et sa longue queue prête à broyer ses ennemis.

«Amen.»

Je ne trouve rien à rajouter devant le miracle venant de s’opérer sous mes yeux.

(c)Golden
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