Droite, gauche, droite, gauche, droite…

Humph. Dur. Je secoue ma main endolorie par les coup répétés que j’envoie au sac de sable. Je n’ai vraiment pas boxé depuis trop longtemps, ça ne me réussit pas. Sourcils froncés et l’air déterminé, je continue de boxer le sac pour me débarrasser de mon énervement et de mes divers stress de ces derniers jours. Entre dans l’élite m’éclate, mais c’est aussi une dose de responsabilités supplémentaires, et cela m’accable facilement. Personne n’ignore comme je hais les responsabilités. Le stress part mais ma colère demeure pour sa part. Foutu cousins, foutue famille. Parfois je me sens forcée depuis que Ludwig est là. Je ne suis pas une baby-sitter, et si Alex joue son pseudo rôle de père, je ne veux pas être la mère de ce gamin, même pour jouer. Je suppose que je suis également un peu jalouse, lassée de ne plus passer des soirées débiles seulement avec le binoclard comme avant. Lassé de ses caprices de diva (enfin, ça, c’est pas nouveau, mais depuis qu’il a commencé ses bêtises d’acteur, eh bien, disons qu’il n’a plus de raisons de ne pas le faire, et c’est agaçant!). Des frustrations ordinaires, mais j’ai tendance à les laisser s’accumuler et à craquer. Vaut mieux que ce soit sur un sac, hein. Mon poing rentre plus fort dans le sac une énième fois, et je jure dans un soupir irrité. Ca commence à aller mieux. J’essuie la sueur collante sur mon front d’un revers de bras et m’en vais chercher une bouteille pour m’hydrater un coup avant de retourner m’exercer un peu.

Il n’y a pas grand monde au club aujourd’hui. Soupir, j’avais invité ma pote Rainea à passer un de ces jours. Mais je sais pas trop où elle habite, le trajet est certainement un peu difficile pour elle, piur venir jusqu’à ce petit club de Zazambes non loin de l’amphithéâtre. Il m’arrive d’y aller plus souvent ces derniers temps, pour des pauses-défouloir de pression. Enfin, ce serait fun d’un peu taper dans le sac ensembles et d’aller faire un tour ensuite. En plus, le soir du concert où on s’est rencontrées, je lui avais parlé de ma moto et elle avait l’air de vouloir la voir à tout prix. Enfin, voila, j’ai besoin de me défouler, là, mais le sac manque de répondant. Ca me démotive un peu, tout ça. J’imagine que je vais… La porte de la salle claque et une silhouette familière apparaît. Mon sourire revient et je courre toute pleine de sueur vers la blondinette connue.

« Rain! Trop bon que t’aies fini par venir! Tu viens taper dans le sac?! »

Pleine de sueur, j’évite de lui sauter dessus avec mes câlins habituels et m’apprête à lui faire visiter la salle un peu vide de monde.

Rain a superbement choisi son timing pour débarquer dans le coin! L’enthousiasme me regagne immédiatement quand je la rejoins à la sortie du vestiaire. Je ne m’attendais plus à la voir arriver! Je sautille presque sur place comme une gamine. Je me sens soudain bien plus sereine, l’énergie permanente de Rainea a toujours tendance à me contaminer toute entière, c’est pour cela que je me sens si euphorique en sa présence. Quand on est toutes les deux, tout est possible, alors accrochez-vous à vos slips! Je ne me soucie jamais de ce qui peut nous arriver quand on traine toutes les deux, et dieu sait qu’on en a fait des bêtises, depuis qu’on s’est rencontrées à ce concert amateur qui avait lieu à mon Amphithéâtre. On a vraiment cliqué l’une avec l’autre. Avec le sourire, j’entraine la blondine vers le sac en reprenant mes gants au passage. Je vais pouvoir me reposer en lui tenant le sac, c’est parfait.

« C’est parti poulette, on va voir si tu mérites ce verre! »

Je connais par cœur les bars de Zazambes, depuis les deux ans que j’ai habité et visité cette ville un nombre incalculable de fois. Selon la personne avec qui je traine, je peux lui trouver sans aucun mal le bar qui lui ira exactement. Tiens, je devrais écrire un bouquin sur ce thème. Je suis certaine que ça ferait un best-seller! C’est tout vu, je vais mettre ça sur ma liste de choses à faire avant de mourir! Je m’installe derrière le sac rapidement pour le tenir, et fait signe à Rainea de commencer tranquillos. Je remarque au passage ses éraflures aux bras. Rien d’alarmant , et puis, mon amie casse-cou est si imprudente, et je la vois tellement souvent avec ces genre de blessure qu’il n’y a pas vraiment lieu de m’inquiéter des masses. Pendant que je laisse mon amie frapper le sac, j’ai quand même envie de me moquer un peu.

« Bah alors, ma p’tite, qu’est-ce que t’as encore fait comme bêtise?! »

Fis-je d’un ton taquin en désignant les éraflures. Rahlala, cette Rain, alors! Incorrigible et indécrottable!

« Et à part ça, quoi de neuf? »

Depuis que je connais Rain, donc depuis pas si longtemps que cela, j’ai quand même eu le temps de voir quel genre de casse-cou cette jeune fille est. Super sportive, une véritable pile électrique insouciante qui n’a pas froid aux yeux.  Mais elle est si téméraire qu’à chaque fois que je la croise, c’est avec les bras et les genoux couverts d’égratignures. Toujours souriante, en revanche. Au début, j’étais un peu inquiète, mais Rainea m’a vite fait comprendre qu’à ce rythme, je n’aurais pas fini de m’inquiéter de sitôt pour sa gouverne. Honnêtement, ne pas avoir à m’inquiéter pour elle me fait du bien, je ne me sens pas obligée, jamais, avec elle. Tout paraît d’une simplicité incroyable, et c’est toujours cool raoul. Je me marre pendant qu’elle s’explique, je m’y attendais un peu, et il vaut mieux en rire qu’en pleurer! Je roule des yeux l’air de dire que de toute façon, c’est comme d’habitude et que la blondine doit rester comme elle est.

« Vous allez commencer à être intimes, à ce rythme là! Congrats’! »

Dis-je en rigolant grassement, pour parler de Rain et son grand amour : le goudron. Enfin, visiblement le plus important là-dedans c’est plutôt la nouvelle recrue de Rain : un Amagara! J’adore les Pokémon fossiles, je leur trouve à tous une classe totalement awesome! Entre mon Ripper, mon Charkos, et Kaiser, le Kabutops d’Alex, ils sont tous tellement badass! je ne ferais pas la différence entre un spéologue et un archéologue et en un caillou et un Amonistrar fossilisé, mais rien que pour les raisons citées au dessus, je trouve les fossiles géniaux. C’est déjà magique qu’on puisse les ramener à la vie!

« Fuck yeah! Ou t’as déniché un Amagara?! Il sont super rares! D’ailleurs, je t’ai déjà présenté Ripper, mon Charkos? »

Peut-être l’à-t-elle déjà croisé à l’amphi, le gros dinosaure fait partie de ma team d’Elite, après tout, il a commencé à se faire une petite popularité. Il faut dire qu’avec Li, la Charmina, il est un des plus sociables et des plus facile à approcher. Il vaut mieux éviter de l’agacer, bien entendu, mais sinon, c’est une bête joyeuse et adorable, ce gaillard.

« Non, t’en fais pas, je t’attendais pas spécialement aujourd’hui. Et je prenais une pause justement, t’es pile bien tombée! »

Et elle n’a pas l’air de s’être ramollie, la poulette! Enfin, c’est certain qu’elle est bien plus entrainée que moi et bien plus sportive… Dans mon cas, je pratique de manière très peu régulière selon mes humeurs, et je suis une glandeuse qui boit parfois un peu trop. Je ne m’engraisse pas trop toutefois, mais je me ramollis facilement. Je lâche le sac pour laisser Rainea taper plus fort si l’envie lui vient et de s’entrainer à décocher d’autres coups plus puissants.

« Une petite bagarre amicale sur le ring après ça, ça te dit? »

Avec les protections, bien entendu, je veux pas que l’une de nous finisse à l’hosto! Et puis, c’est surtout histoire de crier comme des andouilles en balançant des coups dans tous les sens pour rire et se moquer l’une de l’autre. Enfin, au moins, ça défoule!

Je sais très bien que Rainea va relever le défi. Pas compliqué, elle est comme ça, elle ne laisserait juste pas un défi se perdre ainsi dans l’oubli. Et puis, chaque challenge est là à attendre qu’on le relève, alors pas de temps à perdre pour louper un seul d’entre eux! Et apparemment je vais souffrir, ohlalala! Certainement que je risque plus gros qu’elle, je ne suis pas assez hargneuse pour attaquer de toute mes forces une amie, et Rain’ est bien plus vive et sportive que moi, malgré ses bras de moineau. J’attends qu’elle finisse de frapper et faire craquer mon cou avec un sourire narquois pour faire de l’intimidation (si, si), avant de suivre mon amie qui me fait signe de lui emboiter le pas avec un air de Morpheus dans Matrix. Enfin, moi, c’est à ça que j’ai pensé, comme ça. Les références de mon abruti de cousin me rentrent un peu trop dans le crâne je crois… La preuve c’est qu’à force, je commence à connaître presque aussi bien que lui le script du premier Matrix. Mais c’est marrant. Je cogne mes gants l’un contre l’autre et monte sur le terrain à mon tour. Je commence à gesticuler immédiatement comme un macaque (paraît-il que c’est mon animal spirituel…) hyperactif.

« Allez, vas-y attaques-moi, la grosse! Shit’s going serious ! T’as peur hein, tu stresses-là, hein, hein, hein?! »

R.I.P. le fair-play. Oui, ma stratégie est de bouger dans tous les sens afin de euh… d’étourdir mon adversaire pour la surprendre et ensuite lui taper dessus. Quoique je crois que c’est moi qui suis en train de me fatiguer toute seule, là. Je lance mes poings de manière provicatrice dans le vide, en remuant les sourcils de manière irritante. Bon, bah, tant pis pour la défense.

« BANZAAAAAAAIIIIIII! »

Hurlais-je en fonçant vers la blondine et tout bêtement lui sauter dessus en m’accrochant à elle comme un bébé singe, et la façon dont je ris ressemble certainement à un ricanement simiesque également.

« GOTCHAAAAAAAA! »

Et maintenant euh, je fais quoi..? Mince, j’ai pas de plan B!

J’aime improviser, même si la plupart du temps ça me retombe sur la tronche. Je n’ai plus autant peur du ridicule qu’avant et entendre notre audience se fouttre ouvertement de mon comportement simiesque ne me dérange nullement. Toute façon, personne n’a l’air très malin quand il boxe. C’est pas exactement un sport spirituel.. Même si je pense sincèrement que c’est un beau sport. En vrai, je sais comment boxer, j’ai déjà fait quelques compétitions, bien que j’ai trop le trac et la trouille pour avoir jamais gagné. Enfin, je connais les règles. Mais où est le fun si je les applique pour combattre Rainea? Enfin, ça me paraîtrait lourdingue, et pas très fun, de se battre avec des règles, des points, et.. Bref. Pas que je sois lourde, quoique j’ai un peu pris ces dernières temps, quand je garde Ludwig c’est un peu chips et charcuterie au menu, avec de la glace pour faire passer.. Mais, bref, Rainea croule sous moi et son se retrouve comme un gros tas sur le tapis du ring, suite à un cri pour le moins dramatique de mon amie. Il vaut mieux entendre cela qu’être sourde! J’éclate de rire après avoir ouï ce hurlement de désespoir et également en voyant notre situation actuelle. Je n’arrive pas à me relever tant je ris, et nos spectateurs qui riaient avec nous se mettent à se taire peu à peu, car on dirait que le manager est sorti de sa tanière pour nous faire sa leçon. Quand je relève ma tête sans me décoller de ma pote, c’est pour voir un gros type bedonnant au visage couvert de barbe, franchement pas rassurant. Il pose ses mains sur les hanches et me fusille du regard. Eh, pourquoi moi?!

« Eh, les filles, c’est une salle de box, pas de catch! Laissez le ring à ceux qui savent se battre et sortez de là! J’veux plus vous voir ici ce soir, bande d’idiotes! »

Bon, ça va encore, il est plus cool que je l’aurais cru. Mais avec une carrure pareille, je n’irais pas trop débattre. Et puis, il a quand même un peu raison. Je me relève, l’air un peu coupable, et retire un de mes gants pour tendre une main à Rain, et l’aider à se redresser. On descend du ring et je fais un peu les yeux doux au managers histoire qu’il cesse de nous lancer ses regards qui tuent (et qui, je dois dire, risquent de me donner des cauchemars chelous) ; mais je comprend également mieux pourquoi tout le monde surnomme ce type « Yéti ». Il ne doit pas connaitre le rasoir. C’est viril, I guess. Je me retourne vers Rain.

« Bon, on fait quoi? On sort? Y’a encore un peu de temps avant l’happy hour, tu veux passer par l’amphi? Je te présenterais mon Charkos! »

Dis-je en retirant mon autre gant et en me dirigeant vers le vestiaire. Je fais signe à Rainea qu’on peut se retrouver devant la sortie, à côté de ma moto rouge garée à l’entrée.