« Freyja, tu es où ? Freyja !  »

J'entendais les cris de ma dresseuse, mais j'avais décidé de faire comme elle voulait, et d'affronter la nature. N'était-ce pas ce qu'elle voulait ? Et puis, je boudais un peu. Le lixy et le noctali m'ennuyaient souvent, en me disant que j'étais faible. Tout ça parce que j'avais facilement peur. Bande d'idiots de garçons ! Retenant un petit cri, je poussais plus loin dans les buissons. Il y avait ici une bonne odeur d'humus et de fleurs. Je m'approchais d'un buisson couverts de baies, en prit une entre mes pattes et me mit à grignoter, pensive.

Est-ce que j'étais vraiment faible ? Je me souviens de quand ma dresseuse m'avait trouvée. J'avais été blessée par un roucool, et plutôt que de répliquer, je m'étais enfuie. C'est qu'il avait un bec pointu ! Et si il me mettait KO ? Je ne voulais pas avoir mal. Je ne voulais pas m'évanouir. Alors j'avais rampé, jusqu'à ne plus avoir de forces, et m'étais mise à couiner. Pleurnicher, plutôt. Ca ne me dérangeait pas de l'avouer : de toute façon, j'avais peur de tout et ne voulais pas me battre. Je frissonnais, et après avoir dévoré ma baie, continuais ma route. Je m'éloignais, et moins j'entendais la voix de ma dresseuse, plus je sentais la peur me nouer mes entrailles. Et si je tombais sur un pokémon, ou que Yuna ne voulait plus de moi ? Je m'assis dans un coin, et tournais la tête : j'entendais des bruits bizarres. Ca se rapprochait ! Je me mis alors à chouiner, à pousser de petits cris. Bien malgré moi mon corps se mit à suinter du venin. C'était un réflexe de défense, mais je ne m'en servais jamais. Je voulais éviter d'empoisonner Yuna.

En attendant, les buissons autour de moi bougeaient, et je ne savais pas où aller. Je gémissais, les yeux fermés, frottant mes yeux avec mes pattes. Je ne voulais pas qu'on me fasse du mal ! Je voulais Yuna, Yuna, Yuna ! Je n'entendais plus sa voix douce, et je voulais un câlin ! Yuna, Yuna ! Je criais de plus en plus fort, jusqu'à ce qu'un brin d'intelligence me fit taire : et si j'attirais la chose avec mes cris, hein ? Je me mis à hoqueter de peur, les yeux écarquillés sur mes prunelles brunes.

Peut-être que Lixy et Noctali avaient raison. Peut-être que j'étais faite pour câliner et dormir, plutôt que les combats. Jamais je ne deviendrais forte, jamais je n'évoluerais. Pourtant, j'avais envie d'évoluer. De devenir puissante. Que Yuna soit fière de moi. Devenir une Nidorina, puis une Nidoqueen. Une grande, une forte Nidoqueen. Lixy et Noctali en baveraient d'envie. Mais tout cela, ce n'était que des rêves : je n'avais pas le potentiel pour. Je me mis de nouveau à chouiner, incapable de me retenir, tremblante de peur. D'où que vienne le monstre, j'étais à découvert, près de mon buisson de baie. De grosses larmes perlèrent à mes paupières. Faites que le monstre ne vienne pas jusqu'à moi ! Si il venait, que pourrais-je faire ? Lui pleurer au visage ? Non. Je me laisserais faire, comme une chiffe molle. Peut-être que si je me laissais faire, me laissais battre, on me laisserais tranquille ?

« Nido doooo » couinais-je en pleurnichant, incapable de bouger, tremblante de peur.

Les bruissements tout autour de moi se turent soudain, et je m'arrêtais instantanément de pleurer. Je papillonnais des yeux, surprise, curieuse. Peut-être que j'avais rêvé ? Oui, les monstres n'existaient pas, voyons. J'aurais émis un petit rire si, en quelques secondes, je ne m'étais pas retrouvée entravée par des fils aussi durs que de l'acier. J'émis un hoquet de surprise, et me mis à ruer comme une sauvage, tout en me remettant à pleurer. Je ne pouvais rien faire ! Je tentais bien à coup de dents de cisailler l'espèce de toile, mais ça m'empoissait juste la gueule. Et plus je bougeais, plus je me sentais serrée là-dedans. Le souffle court, je m'arrêtais, transie de peur, le coeur battant. J'allais mourir ! Yuna, Yuna, aide moi ! Je souhaitais de tout mon coeur que ma dresseuse me retrouve, et vite ! Je ne voulais pas mourir ! Je sentis une présence, mais je ne pouvais pas me retourner, et je pleurais de plus belle, couinant comme un bébé, alors que je sentais dans mon dos une nouvelle sensation, douce et froide. Je n'avais aucun de idée de ce qui se passait, mais si j'avais su qu'une araignée s'était mise à m'empaqueter comme un bonbon, j'aurais pleuré de plus belle.

Une voix. J'ouvris les yeux. Ce n'était pas celle de Yuna ! Qui était-ce ? Curiosité vite soufflée par la peur. L'effroi se tassa un peu en sentant la présence derrière s'éloigner, et la sensation bizarre dans mon arrière-train se stopper. Je vis une silhouette approcher. Ho, une madame ! Elle était grande, très fine, et très ... Sombre ? Elle avait une espèce de truc violet et blanc, qui bougeait, autour du cou. Est-ce qu'elle voulait me faire du mal ? Je couinais vers elle : aide-moi, aide-moi. Mais quelque chose chez elle me faisait encore plus peur. Son sourire, peut-être, acéré et mauvais. Je me retrouvais soulevée par quelque chose qui ressemblait à de la fumée ; est-ce qu'elle était magicienne ? Ou peut-être qu'elle avait un pokémon très fort ? J'avais la tête ailleurs, qui tournait. Je secouais mon petit visage triangulaire et plongeais mon regard apeuré dans le sien. Cette madame me faisait peur. Je tentais de bouger, encore, mais l'espèce de cocon m'en empêchait, se resserrant encore.

« Nido doooo »

Ma petite voix couinait comme celle d'une souris, et mes oreilles rumaient, comme si j'essayais de m'envoler. Lâchez-moi, madame, lâchez-moi ! Le moufouette sur son épaule n'avait pas l'air gentil non plus. J'avais peur, si peur ! Je me mis à pleurer de nouveau. Jamais plus je ne me séparerais de Yuna ! Jamais plus ! Cette madame me faisait peur, je voulais partir ! Qu'est-ce qu'elle me voulait ? Pas du mal, d'après ce qu'elle disait. Mais son regard était étrange, tout comme son sourire. Elle n'avait pas de jolis cheveux roses comme Yuna, ou un sourire amical. Je préférais Yuna. Je voulais Yuna ! Je me remis à couiner, encore.

« Doran ! Nidoran ! Nido Nidoran ! »

Je ne pouvais rien faire d'autre mis à part pleurer. Je me sentais si inutile ! Si inutile ... Si seulement j'étais plus forte, je ne me serais pas faite attraper ... Si seulement j'étais plus grande, plus forte ... Thor et Loki ne se seraient pas laissés attraper ... Je n'étais qu'une nulle ! De grosses larmes roulèrent sur mes joues, créant de petits sillons brillants sur ma fourrure bleue. Yunaaaa !

Où pouvait bien se trouver Freyja ? Je ne comprenais pas ce qui lui était arrivé. Nous étions en train de marcher tranquillement, je ramassais quelques herbes et plantes pour les soins du centre, et soudain, Lixy miaula pour me prévenir : la Nidoran n'était plus nulle part ! Je l'avais crié, j'avais cherché, mais pas moyen de la retrouver. Soupirant, je demandais à Thor de renifler un peu, mais soit il n'avait pas donné le meilleur de lui, soit la piste était trop effacée avec les passages des autres pokémons. En tout cas, nous n'avions pas retrouvé ma Nidoran. J'étais inquiète ; la nature peureuse de la femelle ne risquait pas de l'aider.

Alors que je cherchais des traces, quelque chose pouvant m'indiquer son passage, j'entendis un cri. Je ne compris pas ce qui s'était dit, mais ça avait crié. Comme un seul être, Lixy et moi bondîmes en direction des bruits. Quelques pas, quelques minutes, et je me retrouvais en face d'une demoiselle aux allures sombres, qui me fit froid dans le dos. Et d'un coup d'oeil, je remarquais une espèce d'énorme main de ténèbres qui tenait ...

« Freyja !»

La Nidoran se débattit soudain, appelant au secours, des larmes sur sa fourrure bleutée. Mais qu'est-ce qui se passait ici ? Lixy, à mes pieds, sembla se hérisser devant l'inconnue. Il n'avait jamais fait cela, et je lui offris un regard courroucé : même si l'inconnue me semblait plus qu'effrayante, nous n'avions pas à la juger. Mais, allez savoir pourquoi, je n'osais pas approcher.

« Excusez-moi, il s'agit de mon pokémon. Est-ce que ... Est-ce que vous l'avez trouvé ? Merci beaucoup. Elle n'est pas très courageuse, je ne sais ce qui se serait passé si vous n'aviez pas mis la .. La mains dessus ...»

Que dire d'autre ? La situation était très étrange. Nidoran était enfermée dans une espèce de cocon. Je frémis, était-ce moi ou l'air autour de moi semblait glacé ? Je ne voulais qu'une chose : récupérer Nidoran et m'enfuir de là. La pauvre semblait exténuée, apeurée. Est-ce que cette femme lui avait fait du mal ? A cette idée, une étincelle de colère s'embrasa, pour s'éteindre tout de suite : quand bien même, je n'avais ni l'envie de la combattre, ni l'envie de lui faire du mal. Je détestais la violence ... Et puis je n'était pas de taille. Lixy à côté de moi continuait de gronder, son regard d'ambre fixé sur l'inconnue. Je priais tous les dieux pokémons pour qu'on me rendre ma Freyja en bonne santé.

« Merci beaucoup pour tout, mais peut-être devrais-je la récupérer et m'en aller ... Je ne voudrais pas vous déranger ... »

Je sais, c'était une excuse pitoyable. Mais j'avais vraiment envie de déguerpir, les jambes au cou. C'était ... C'était une Moufouette autour de son cou ? L'odeur qui se dégageait de ce pokémon avait de quoi faire s'évanouir un Donphan ! Je plissais le nez en essayant de ne pas montrer mon dégoût. Non, vraiment, je me sentais mal à l'aise. Je comprenais pourquoi Freyja tremblait de tous ses membres et piaulait vers moi. Je devais être courageuse et la récupérer, que diable ! Mais que faire ? J'eus soudain envie de pleurer, moi aussi, incapable de faire quoi que ce soit.

Malgré tous mes efforts, je continuais de me sentir mal à l'aise devant cette femme. La façon dont elle tenait Freyja, presque précieusement et pourtant ... Il y avait quelque chose de dérangeant chez elle. Sa finesse, sa noirceur, son sourire à la fois fou et malveillant ... Mon sourire était poli mais crispé, et j'entendais toujours Thor feuler à mes côtés, tous ses petits poils hérissés. Sa queue étoilée était tendue derrière lui comme un paratonnerre, et ses yeux d'ambre aux pupilles fendues dévisageaient effrontément la demoiselle et ses pokémons étranges. Je pris avec délicatesse ma Nidoran quand l'inconnue me la remit, et je la sentis tout de suite cesser de trembler, non sans enfouir son museau sous mon aisselle, ne laissant voir que son petit derrière frémissant. Je la savais peureuse, mais avait-elle de bonnes raisons de l'être, en ce moment même ? Je ne comprenais pas où elle voulait en venir, mais quand je posais mon regard rose sur l'araignée verte ... La chair de poule grêla mes avants-bras.

Ce n'était qu'une mimigal, certes, mais je n'aimais pas trop les pokémons insectes. Alors, quand la bestiole posa deux de ses pattes sur ma peau, je frémis tout comme ma Nidoran qui voyait le début de cocon enfin détruit. Tout cela était bizarre ; je ne comprenais pas grand chose à ce qui était arrivé avant que je n'arrive et un instinct de préservation me soufflait de ne pas demander d'explications. Finalement, elle se présenta, et je me sentis obligée de répondre, même si j'avais mal au ventre à cause de la peur qui se distillait dans mes veines comme un poison aussi mortel que ceux dont disposaient l'araignée verte et la moufouette.

« Je ... Je suis enchantée. Je m'appelle Yuna Utako, et je viens de Vanawi. Je m'occupe du centre pokémon, et j'y officie en tant que soigneuse et chercheuse. Je ... Je ne manquerais pas de passer vous donner de ses nouvelles ... Mais puis-je savoir pourquoi vous vous intéressez à elle ? Habituellement, elle n'attire pas autant l'attention.»

Je crois que c'était ça le pire : je ne comprenais pas d'où venait cette attention mauvaise. Comme si deux yeux maléfiques s'étaient posés sur nous, les yeux du diable en personne. Peut-être avait-elle de bonnes intentions, mais je voulais en savoir un peu plus. Lixy cessa enfin de cracher, et se posta sur mes pieds, littéralement, son cul bleu posé sur le bout de mes bottines. Freyja, elle, était toujours blottie contre moi, montrant aussi peu de son corps que possible.

Le ton froid qu'elle avait utilisé m'avait glacé jusqu'aux os. Non, non, pas inintéressante ! C'est juste qu'habituellement, personne ne la remarquait car elle était cachée, voilà tout. Je jetais un regard d'excuse à la jeune femme et à Freyja, mais cette dernière dandinait toujours ses fesses, le museau collée sous mon aisselle. Cette femme était des plus bizarres, et j'avais de plus en plus envie de lui fausser compagnie.

De quoi elle parlait ? Ingéniosité ? Bien sûr que je savais que Freyja était super. Bien sûr que je savais quel pokémon incroyable elle allait devenir. Mais je ne la forcerais pas, voilà tout. Et vu combien elle essayait de se cacher contre moi, elle n'avait pas spécialement envie de devenir forte, pour le moment. Je ne savais pas quoi répondre à la tirade de cette femme. Mais je n'eus rien à dire. Elle salua ma Nidoran, avec ses manières machiavéliques digne de Morticia de la famille Adams et s'en alla. Et ... Elle sembla s'évaporer dans les airs.

« ... Freyja ? Ne te perds plus jamais.»

Nous prîmes le chemin du retour, non sans regarder parfois derrière nous. Je sentais comme un vent glacial, pénétrant, qui me faisait frissonner. Je serrais fort ma pauvre Nidoran dans mes bras. Cette femme ... Elle me faisait peur, vraiment, et quelque chose me disait que ce n'était pas sans raison. Quelque chose me soufflait aussi que nous nous reverrions. Et bien plus tôt que ce que je désirais ...