« Thor, tu penses qu'on devrait prendre une décision ... Tu sais ... Concernant ... Tu sais quoi ? »

J'ai jamais été capable de coder mes phrases, ou de jouer les super espionnes. Mais le Lixy à mes côtés sait de quoi je parle. De la résistance. Parce que je sais la douleur qu'endure l'île, car je la vis tous les jours au centre. Je vois les ravages de la violence. Je vois les souffrances que forment ces deux groupuscules. Et pourtant, je sais que c'est surtout le Régime qui se montre le plus affreux du lot. Néanmoins, les résistants ne se montrent pas pacifiques pour autant. Je suis confuse : j'ai envie d'aider pour faire la paix, pour rendre les gens heureux. Je ne sais comment faire. Je n'ai aucune idée du choix que je dois prendre ...

Le lixy à mes côtés vient s'étendre sur mes cuisses. Le vent souffle fort, aujourd'hui, au port. Je suis assise sur la jetée, le regard baissé sur la mer déchaînée par le souffle d'air frais. Je porte une robe en laine bleue clair, des collants, des bottines de cuir noir, une veste. J'ai l'air de la parfaite jeune fille modèle. Peu importe à quoi je ressemble ; ce qu'il y a en moi est différent de bien des gens. Ce mélange de peur, de doute, de conscience. Je frotte mes yeux, et Lixy baille. Je soupire et repousse mes cheveux roses en arrière. Vu le temps qu'il fait, il n'y a que des marins sur le port, et ils sont trop loin pour m'entendre, de toute façon. Alors, je peux me permettre de parler librement à mon ami.

« Je ne sais pas quoi faire. J'ai envie de les aider, tu comprends ? Et puis, ils se battent pour la liberté, pour que des gens ne soient pas tués ... Et pourtant, ils font du mal, eux aussi. Ceux du régime qu'ils tuent, ils ont aussi une famille, des amis ... C'est un cercle vicieux, si tu veux mon avis ... J'aimerais tant sortir les gens de là ... »

Nous soupirons tous les deux ; j'ai toujours voulu trop bien faire. J'ai toujours rêvé d'aider les gens, c'est pour ça que je suis devenue médecin. Un souvenir s'impose à ma mémoire : un jeune homme brun, blessé. Un regard jaune acéré. Une barbe pointu, des cheveux de jais. Un frisson me parcourt. Il m'aurait fait peur, si je n'avais pas ressenti son charisme. Si je n'avais pas ressenti chez lui, quand je l'avais soigné, cette gentillesse sous-jacente, derrière sa froideur. Les questions sur son compte allaient bon train dans ma caboche, mais en attendant, je n'avais que son surnom : le Lion. J'avais deviné confusément qu'il était de l'un des deux bords, et vu son besoin de s'enfuir après mes soins, qu'il était de la résistance.

« Si j'entrais chez les résistants, tu crois que je le reverrais ? Tu as raison, c'est une mauvaise excuse » fis-je penaude, en voyant le regard d'ambre sérieux de mon ami électrique.

En attendant, je me sens lâche. J'esquive les problèmes. Et des gens continuent de souffrir autour de moi. Des gens meurent. Des gens ont mal. Mais au moins, si je peux les soigner, cela me va. Peu importe ce qu'ils sont. Moi, je suis là pour les soigner. Je souris, ferme les yeux. L'odeur de la mer m'a toujours aidé à réfléchir ...