C'était pas comme si il me fallait des algues sur la tronche pour bien finir ma journée... Ah si, en fait.

Bon, comme tous les matins je me suis levé en retard. Rien de moins banal. Comme d'habitude donc, je me suis levé à toute vitesse, ait oublié de mettre une chaussette et ait oublié de prendre mon sac. Pour changer. Bref. Restons dans le racontage de MA journée. Ce matin donc, je me précipitai vers la porte de la maison (sans avoir oublié Heyann bien sûr. Il me suivait, il allait pas s'oublier tout seul). Et pour la deuxième fois, mon père était subjugué par les médias de propagande de ce Régime d'abrutis. Premier point négatif de la journée (j'vous préviens, y en a beaucoup). J'ai donc poussé ma gueulante (ça vous étonne?) :

«Papa, tu vas vraiment rejoindre ces guignols?!»

Pas de réponse. Trop occupé à s'intéresser à sa personne. Énervé dès le matin donc, je me dirigeai vers le centre d'Anula à vélo, rejoignit l'arrêt de bus et pris la direction d'Amanil. Ces allers-retours sur l'île dérangeraient certains, mais personnellement changer d'air souvent, ça me plaisait. Je préférais ça que de regarder des abrutis masqués faire leur loi toute la journée.
Je passai donc la journée à Amanil, enchaînant entre le Quartier de Technologie pour un ami dont le Démolosse était total H-S depuis quelques jours, l'Aéroport pour une affaire d'oubli de Pokémon prolongé (sisi, ça arrive) et un coin assez proche des Bidonvilles pour un Pokémon d'un habitant allant souvent aider les gens présents là-bas. Malheureusement, les maladies ne s'arrêtent pas qu'aux humains et touchent aussi les Pokémon ; apprenez, les enfants.

Bon okay, vous allez me dire « Nan mais au final ta journée elle est pas si dégueu que ça, heeeeeiiin. » Vous avez déjà pris une algue sur la tronche ? Le soir dans un port rempli de déchets et où y a beaucoup de circulation y compris du Régime ? Je crois pas, non.

Ayant donc fini ma journée, il fallait rentrer (sans commentaires) chez moi, évidemment. Le choix entre deux chemins : traverser toute la ville dans un climat polluant mais moins que la proposition suivante ou passer par le port absolument super sale où les bouffons grouillent ainsi que des déchets de partout et une pollution énorme ? Et bah, quand vous avez traversé toute une énorme cité en une journée, je vous garantis que le chemin le plus court est le meilleur malgré les conditions. Enfin, en général.

J'avançai donc dans le port, avec deux choses en tête : des boulettes de viande et mon lit. Aaaaaah, les boulettes de viande. J'en salivais déjà. Perdu dans mes pensées pleines de spaghettis, boulettes et autres sauces bolognaises, quelque chose de vert, sale et sentant la mer mélangé à la moisissure vint se heurter à mon beau visage. J'enlevai les plantes marines de ma tête, lorsque j'entendis une voix gênée à trois mètres de moi :

« C-C’pas moi, c’est elle! »

Un homme d'une vingtaine d'années pointait son Miaouss du doigt. Je le regardai, d'un air déconcerté. Son Miaouss, perché sur une poutre en fer, rigolait à pleins poumons. Ma journée finissait nickel. Et là, je ne savais pas si je devais m'énerver contre l'homme ou rester calme et passer mon chemin. Heyann à côté de moi grogna contre le Pokémon en face. Je pris tout de même sur moi et essayai de garder mon calme.

«Calme, Heyann. Pas de problème, m'sieur. Mais c'est pas tous les jours qu'on prend un... paquet d'algues à la tronche.»

Le sang-froid de l'inconnu m’exaspérait au plus haut point. Il transpirait le stress, ce mec. L'homme à lunette avait du mal à parler et bégayait à un niveau où je me demandais s'il voyait un médecin pour prendre des anti-stress ou autres médocs qui lui pourraient être efficaces. Sans déconner, ce mec avait besoin d'aide. Ses bégaiement et son malaise faisaient de lui un personnage très peu crédible, du moins de mon point de vue. Son chat perché sur la poutre ne l'aidait pas non plus. Je pris une grande inspiration. J'avais pas grand chose à faire d'autre, de toute façon.

« Oh, il est sympa votre Caninos! Euh.. Heyann, c’est ça! Enchanté moi c’est… »

C'est moi ou il allait tendre la main à Heyann.. ? Si on continuait comme ça, j'étais pas sorti de l'auberge. Sérieusement. L'homme releva la tête et me regarda droit dans mes yeux. Mon regard exaspéré dût lui faire peur car il s'éclaircit la gorge tout en s'éloignant à une distance respectable de moi – sûrement pour essayer de cacher son malaise. Rapé, mon gars.

« Arhem. Pardon pour le d-désagrément. Je peux faire quelque chose pour que tu- vous oubliiez ce malentendu? J'espère que ces algues n'étaient pas t-toxiques, haha. Oubliez pas de bien vous laver les mains et le v-visage en rentrant chez vous, h-hein!»

Ahah. Très drôle. Alors soit il essayait d'être drôle pour détendre l'ambiance, soit il était persuadé que j'allais dire à Heyann de lui sauter dessus et lui dire de lui mordre les parties intimes ; ce qui pourrait être drôle. J'adressai un regard complice à Heyann. Faire des blagues aux inconnus ? On en était pros depuis des années déjà. Même plus besoin de communiquer. Il me regarda aussi avec un petit sourire en coin. Je regardai le drôle de bonhomme avec un air très sérieux - qui en fait ne l'était pas du tout. Je criai, d'un coup :

«Heyann, donne lui une leçon!»

Le Caninos s'élança à toute vitesse avant de se stopper soudainement à environ deux mètres de l'inconnu. Je n'eus pas le temps de voir sa réaction avant d'exploser de rire. Malgré tout ça, j' espérais que l'homme n'ait pas fait une crise cardiaque. Heyann n'était pas si effrayant, que ça, non ? Des larmes coulaient, tellement je rigolais à presque m'en rouler par terre.

«Ouuf, dé-désolé m'sieur. C'était trop tentant. Excusez-moi.»

A peine j'avais finis ma phrase qu'un fou rire me reprit. Si l'homme était rancunier, j'allais plutôt prendre cher. Mais bon, on rigolait bien quand même.

Ahah. Ça serait vachement marrant de mettre une raclée à ce binoclard, quand même. Malgré son âge un peu plus élevé que le mien, il ne me faisait absolument pas peur. On devait avoir environ le même écart d'âge que celui avec mon frère ; mais l'homme était absolument beaucoup moins impressionnant. J'étais pas du genre à chercher les gens, mais là ma journée avait été tellement pourrie qu'il fallait que je me défoule sur quelqu'un ; si ça n'avait pas été lui, ça aurait été mon père et les conséquences auraient pu aller beaucoup plus loin.
Il se releva, les poings serrés. Il me parlait, totalement énervé. Mais sa tronche absolument pas crédible me donnait envie de rire encore plus. Question de principes, je me retins, mais franchement c'était hilarant. La Miaouss qui se marrait deux minutes plus tôt grognait contre Heyann, pour l'empêcher d'approcher son maître.

«J'y vois pas d'inconvénient. C'est pas comme si ce Miaouss me filait les jetons.»

Tant qu'on y était, autant s'attaquer à son Pokémon. J'aime pas quand on grogne sur mon Caninos.
Celui-ci regardait la Miaouss, intrigué. Ce brusque changement de comportement l'avait surpris, mais pas impressionné. Il fixait juste le Pokémon, sans broncher, pendant que le chat était sur le point de lui arracher la figure. Peut-être qu'il réfléchissait. Ou alors qu'il était stupide.
Je fixai l'homme des yeux, attendant sa réaction. Il voulait la bagarre ? Alors il allait l'avoir, sa bagarre.

«Tu veux te battre ? Le vandale t'attend, binoclard.»

Je me surpris moi-même. J'avais pas l'habitude de chercher la mouise aux gens, encore moins aux inconnus. M'enfin, vaut mieux un habitant comme un autre qu'un officier du Régime, hein. Heyann se retourna soudain vers moi, surpris de ma réplique. Mmmh, c'est vrai que j'avais peut-être poussé le bouchon un peu loin pour cette fois, et cet homme semblait plutôt fragile d'esprit. La culpabilité me montait à la tête. Et merde ! Je foutais quoi là ? Je me tapai la main sur la figure.

«Quel con...»

L’homme à lunettes bégayait toujours, mais son regard était beaucoup plus confiant que tout à l’heure. C’est vrai que j’avais fais une erreur de lui parler comme ça, mais ma journée avait tellement été à chier qu’il fallait bien que je décompresse à un moment. J’inspirai profondément pour retrouver mon calme. Il me parlait, mais à vrai dire mon attention était surtout tournée vers les deux Pokémon qui se chamaillaient.

« Calme, Heyann. Ni… Rub-machin ni ce monsieur ne t’ont fait de mal, ça va. C’est nous qui sommes en faute. »

Le Caninos me regarda, se recula et s’assit au niveau de mes jambes. Il regardait le Miaous droit dans les yeux, l’air toujours méfiant. Je regardai l’inconnu, et sourit comme je pus… J’aurais pu être crédible, mais malheureusement c’était loin d’être le cas.

« Je laisse tomber, la violence ça résoudra rien de toute façon. Je m’excuse, comme ça, on est quittes ! »

Heyann me regarda, dépité. Je m’excusais, il allait quand même pas m’en vouloir pour ça. Je m’approchait de l’inconnu, avec une démarche et un sourire joyeux. Avec le recul, je me rends compte que j’ai toujours été un boulet, et ce genre de changement d’attitude n’a jamais arrangé grand-chose. M’enfin, j’essayais de me réconcilier avec lui, c’est pas plus mal. J’avançai en balançant mes bras et mes jambes, dégommant trois ou quatre déchets au passage, ce qui donnait un aspect totalement ridicule, et j’attrapai la main du monsieur à lunettes.

« Enchanté, monsieur avec des lunettes et un chat bizarre. Moi c’est Alex, et mon Caninos c’est Heyann, et vous ? »

Mon sourire pas crédible et mon air joyeux avaient réduit totalement à néant ma fierté précédente. Je ne doutais pas que l’homme allait se mettre en colère, il avait déjà du mal à parler, mais si on était quittes, autant au moins connaître nos prénoms. Puis ce mec avait l’air intelligent, alors pas de soucis.