« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 
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 Oathkeeper II [OS]

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Clive G. Donovan
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Clive G. Donovan
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MessageSujet: Oathkeeper II [OS]   Oathkeeper II [OS] EmptySam 28 Mai 2016 - 3:33



Oathkeeper II

Évolution de Prométhée

En vrai, au bout d'une semaine, passer toutes ses soirées dans la chambre de Faust devenait oppressant. Certes, son jumeau avait tout fait pour tenter de le convaincre de sortir, mais rien à faire, Clive préférait rester au lit, à lire et se distraire plutôt qu'à venir dans le salon le soir. Même si l'ambiance n'était clairement pas à la bonne humeur, et l'ancien officier avait vite été informé de la disparition de Natsume, il était clair et net que le conseiller tentait tout de même de faire de son mieux pour qu'il se sente bien. Difficile, néanmoins, pour Clive, d'accepter le fait de se déplacer librement dans la maison de son frère. Non pas par une fierté très mal placée, mais par un mélange très étrange de honte et de confusion générale. La chambre de Faust, plus sombre et étrangement rangée (sûrement pour l'occasion, le connaissant), était bien plus rassurante.

« Sera, doucement... »

Le Farfaduvet s'excusa en se blottissant contre son dresseur, lui tirant ainsi un sourire léger mais discret. Aux pieds du lit, Ezekiel dormait lourdement. La boule de coton n'était pas au courant de ce qui s'était passé, ce qui permettait à l'ancien officier de pouvoir penser à autre chose que les dernières semaines. Difficile, en effet, de passer à autre chose quand tous ceux qui le regardaient avaient toujours cette lueur de pitié insupportable dans leurs yeux. Le hérisson ne voulait pas en parler, point à la ligne, peu importe à quel point Isaac semblait penser que c'était nécessaire ou une connerie du genre. Faust, préoccupé par l'absence de Natsume, n'avait pas encore appuyé sur le sujet, mais le cadet savait que ce n'était qu'une question de temps. Il se satisfaisait toutefois de savoir qu'il pouvait pour l'instant profiter de son état, encore lamentable, pour ne pas s'attirer trop d'attention ; il n'aurait pas supporté, de toute façon.
Ses mains étaient encore si fragiles qu'il ne pouvait pas se permettre d'être trop brusque dans ses gestes. Même les déplacer était difficile, vu qu'un bon nombre de ses os avaient été fracturés ou brisés. Une opération ou deux étaient d'ailleurs sûrement à prévoir, mais il n'avait pas l'énergie de s'en inquiéter. La personne qui était venue l’ausculter après les premières radios n'avait pas eu l'air très rassurée, mais peu importe. Au fond, il ne savait même pas si il était heureux d'être sorti. Pas qu'il aurait préféré rester là-bas, mais disons qu'il n'arrivait pas à se réjouir de sa libération, tout simplement. Le paradoxe lui sautait au visage sans qu'il ne soit capable de le déchiffrer. Il exhala lourdement mais discrètement, de telle sorte qu'il n'alerta pas ses compagnons.

Sa contemplation silencieuse cessa néanmoins lorsqu'il entendit la porte s'ouvrir peu à peu, dans un grincement lent. Curieux, le hérisson fixa la source du bruit en se demandant qui pouvait bien venir à cette heure ; la nuit n'était pas encore tombée, alors personne n'avait encore dû rentrer des recherches concernant Natsume. Sa question ne trouva de réponse que lorsque son regard bleu rencontra celui rouge et pétillant d'une fillette.

« Bonjour monsieur ! »

Clive cligna des yeux, puis déglutit, mal à l'aise. Bien sûr qu'il était au courant depuis longtemps de l'existence d'Alice, mais il ne l'avait jamais rencontré, et Faust avait bien pris soin de la tenir éloignée de lui le temps que tout prenne place. Mais maintenant, il ne pouvait ni fuir, ni appeler quelqu'un à l'aide. Il était coincé, et si Clive n'était pas persuadé que cette gamine était trop innocente pour s'en rendre compte, il aurait presque pu penser que c'était complètement fait exprès.

« Bonjour à toi aussi. »

La petite fille s'approcha tranquillement du lit où se trouvait l'ancien soldat, et elle s'assit sur le rebord en posant un livre sur la table de nuit. Ses yeux, emplis de curiosité, ne quittèrent pas le visage de l'adulte dont elle paraissait observer chaque détail. Un peu gêné, Clive grimaça, mais ne se cacha pas, trop conscient d'à quel point se terrer dans un coin à cause d'une simple enfant était ridicule.
Après plusieurs secondes maladroites, et avant même que Clive n'ait trouvé le courage de demander ce qui la préoccupait, la fillette reprit la parole.

« C'est vrai que vous ressemblez beaucoup à papa, m'sieur ! »

Un sourire mi-triste, mi-amusé se dessina sur le visage de Clive qui n'osa pas lui avouer qu'il n'en était pas si heureux, dans les faits. Il valait mieux qu'elle reste dans la méconnaissance de la gravité de la situation, après tout.

« On me le dit souvent, en effet. »

Même si cette admission lui arrachait sa fierté, même si le fait d'être en permanence comparé à lui lui nouait la gorge, il ne pouvait pas laisser des pensées puériles assombrir la bonne humeur de la gamine. Gamine qui, au passage, haussa un peu les sourcils en voyant toutes les cicatrices, les bandages et les traces de blessures sur le corps de Clive.

« Wouah ! Vous êtes beaucoup tombé dans les escaliers, vous !
- Les... ? Ah, oui. Je suis très maladroit. »


Il se força à glousser de sa propre supposée bêtise. Autant jouer le jeu, si sa naïveté était telle qu'elle ne lui permettait pas de réaliser ce que l'état du hérisson voulait dire. Alice fit la moue, comme boudeuse.

« L'est pareil mon p'tit frère ! Il tombe tellement tout le temps que maintenant papa il a mis des sécurités sur les rambardes...
- Tu as un petit frère... ? »


Les yeux ronds, il observait la brune sans oser croire à ce qu'il entendait. Bon sang, Faust avait-il vraiment dévalisé les orphelinats de tout Enola ? Il savait certes qu'il aimait les enfants, et il voulait bien croire que sa générosité était plus grande que sa capacité de réflexion les trois quarts du monde, mais tout de même...

« Ouip ! Natsume qu'il s'appelle. Bon il est parti en vacances depuis un moment, mais lui aussi il s'est fait bobo souvent. Même que c'est moi qui lui mettait mes pansements réservés à moi pour qu'il ait moins mal. C'est un peu un gros bébé mais il tombe un peu moins, maintenant. »

Alice sourit largement, inconsciente de ce qu'elle racontait. Clive n'afficha rien, et son visage ne s'assombrit pas un instant : il ne souhaitait absolument pas détruire la petite bulle protectrice dans laquelle Faust l'avait plongé pour la défendre de la cruauté du monde. Sans doute avait-il raison ; un âge aussi jeune n'était pas le meilleur pour tout aborder. Il n'allait certainement pas jouer les briseurs de rêves.

« Je vois. »

Quasi immédiatement après, la petite fille reprit la parole dès qu'elle en eut l'occasion.

« Vous devriez essayer de faire dodo, m'sieur... ?
- Clive. Et toi, tu es Alice, non ?
- Hmhm ! Papa vous a parlé de moi ?
- Un peu, oui.
- Ben papa il est d'accord avec moi. Il a dit à Isaac que vous devriez vraiment faire dodo vous, ça vous ferait du bien. »


Même si il était attendri par ce qu'il entendait, il ne pouvait pas vraiment accéder à la proposition de la fillette en toute connaissance de cause, surtout en considérant le fait qu'il y avait bien une raison à son sommeil irrégulier et peu réparateur. Il grimaça.

« J'aimerais bien, mais ce n'est pas si facile.
- Bah moi j'ai une idée ! »


La gamine prit le livre qu'elle avait emmené, et le tendit en faisant un petit 'tadaaaa' très fier. Clive haussa les sourcils, ne reconnaissant pas le nom de l'auteur et se demandant ce qu'elle espérait bien faire avec un bouquin pour enfants. Si elle le voulait, il pourrait le lui lire, mais il trouvait un peu étrange le fait de venir le lui demander à lui... Sans doute que son père aurait été mille fois plus doué pour ça. Après tout, Faust avait toujours été très doué pour imiter les voix et en faire des caisses lorsqu'il s'agissait d'endormir Elliott et Felix. Clive, lui, restait plus dans l'ombre et se montrait plus discret. Un peu comme toujours, en somme.

« Moi quand je dors pas bien bah mon tonton il me lit des histoires. Du coup si j'vous lis des histoires ça devrait aller ! Celle-là c'est ma favorite en plus !
- Ton... Tonton ?
- Bah tonton Sam. Et puis promis si vous faites dodo avant la fin je fermerai la porte doucement ! »


Un peu perdu, Clive hocha de la tête relativement bêtement. À ce stade, il ne savait plus vraiment ce qu'elle était en train de faire, ni où toute cette histoire avait commencé, mais il avait l'impression plutôt certaine qu'il valait mieux éviter de poser des questions lorsqu'il s'agissait d'Alice. Idée encore plus renforcée lorsqu'il se rendit compte que la fillette avait déjà commencé à lire. Pour une petite fille aussi jeune, on ne pouvait pas dire qu'elle ne manquait pas d'imagination et de verve théâtrale. En faisant bien attention à changer les voix quand c'était le besoin et en faisant de grands gestes, il semblait qu'elle tenait vraiment à offrir le meilleur divertissement possible au blessé.
Attendri, un sourire plus honnête, peut-être l'un des tout premiers depuis qu'il était sorti de son enfer, se dessina sur son visage. Ses traits normalement assez serrés et immobiles étaient décontractés, tranquilles. Attentif aux mots et aux paroles de la gamine, une seule pensée lui vint en tête alors qu'il la voyait se démener.
Y'a pas à dire, c'est vraiment la tienne, Faust...


Les séquelles sont plus violentes que prévues. Souvent, Faust est obligé de toquer quand il ouvre la porte, pour que Clive ne sursaute pas trop brutalement. Le bruit du métal le fait frissonner, et regarder ses propres blessures lui donne la nausée. Le surprendre en l'approchant sans prévenir ou en le sortant de ses pensées peut créer une réaction en chaîne qui a déconcerté Faust plus d'une fois. Il se souvient même avoir tenté de le frapper avant que ses muscles et os endommagés ne se rappellent brutalement à lui. Le conseiller lui avait assuré qu'il ne lui en voulait absolument pas, mais la culpabilité ne disparaissait pas en un simple claquement de doigts.
En exhalant difficilement, il expira et inspira régulièrement pour tenter de calmer sa respiration lourde et pénible. Ezekiel s'est collé contre lui, la tête sous sa nuque, en silence. Il ne fait pas un bruit, conscient que ce serait mettre sur les épaules de son dresseur un fardeau plus lourd encore que les démons qui rongent son esprit déjà abîmé. Il tient son visage entre ses mains, dans des tentatives régulières et difficiles de se calmer. Il ne veut alerter personne ; Faust est encore debout, et il l'entend d'ici discuter avec une voix qu'il ne reconnaît pas mais qui ne l'intéresse pas. Alors il fait taire comme il le peut les protestations de son corps en proie à la crise de panique, apeuré par l'idée qu'on s'inquiète.

Le Démolosse, aussi chaud qu'il soit, ne suffit par à faire disparaître le nœud glacé dans son estomac, ni les contractions que ses muscles subissent par réflexe à chaque fois qu'il se croit menacé. De ce qu'il sait, rien ne fera disparaître cette peur qui refuse de partir hormis le temps, et la constatation le frustre tellement qu'il étouffe un juron.

« Ça va aller, Zeke... »

Le chien ne répondit que par un soupir fatigué. Lui-même était au courant qu'il n'était pas vraiment celui à qui Clive essayait de faire croire ses propos.


« Ah, désolé, je ne voulais pas déran-
- Non, pas de soucis. »


L'Evoli qui était monté sur son fauteuil et s'était lové conte lui était certes surprenant, mais pas vraiment dérangeant, même si le Démolosse à ses côtés ne paraissait pas apprécier la présence de cette bestiole. Le nippon, en voyant que son pokémon refusait de quitter la place qu'il avait choisi comme étant la sienne, finit par abandonner et poussa un soupir exaspéré.

« Il ne m'écoute jamais, de toute façon...
- Même avec de la nourriture ?
- J'ai tout essayé, mais rien. J'aurais plus de facilités à vendre des déodorants à la vénus de milo. »


Clive laissa la bestiole brune mordiller ses doigts en haussant un peu les sourcils devant la force des crocs du jeune quadrupède ; celui-ci n'avait pas l'air d'avoir plus d'un mois, mais pourtant il aurait presque pu faire couler un peu de sang si il insistait encore. De ce qu'il savait de ce qui était arrivé à son dresseur d'ailleurs, il aurait cru que l'Evoli serait un peu plus maigre et fragile que cela, mais loin de là. Sans doute avait-il repris du poids entre temps, mais on aurait jamais pu croire qu'il avait passé ses deux premières semaines à ne manger qu'un jour sur deux.
Mais étant donné qu'il avait passé assez de temps avec Natsume pour apprendre à le connaître au moins un peu depuis son retour, il n'était pas vraiment surpris. Il était peut-être le seul ici à apprécier de la même manière que lui et le silence et le calme, en plus du fait qu'il n'était pas au courant de toute son histoire. Sans doute était-ce pour cela que le lapin préférait également converser avec lui plutôt qu'avec les autres, et ce qui faisait qu'ils parvenaient à s'entendre avec une facilité déconcertante. D'ailleurs, au vu de l'air frustré et relativement nerveux du cadet, Clive haussa les sourcils et se permit de supposer sur la raison.

« Faust a encore essayé de taper la discute ?
- Pendant une heure, oui. 
- Je vois. »


Il ne fit aucun commentaire alors que Natsume s'asseyait sur le rebord de la terrasse en bois, l'air fatigué. Il ne pouvait que comprendre ; si Faust ne s'en rendait pas compte, Clive savait à quel point son jumeau pouvait être difficile à supporter quand il s'inquiétait. Et pour quelqu'un comme Natsume qui, comme lui, a besoin d'air et de temps seul pour réfléchir, cela devait être insupportable.  
Il n'allait, d'ailleurs, pas lui demander ce qu'il en pensait. Si il le voulait, il le laisserait faire, autrement il ne poserai aucune question. Mais visiblement, il désirait au moins discuter un peu aujourd'hui, puisqu'il finit par prendre la parole après plusieurs minutes d'un silence religieux.

« Ces gens... Je ne suis pas celui qu'ils attendent. »

Le regard du plus jeune a quelque chose de distant, de réfléchi. Si Clive croit y distinguer un peu de peine, il est toutefois surtout surpris par le calme de la voix de l'éleveur. Il paraît comme plongé dans une contemplation personnelle, et le plus âgé comprend qu'il vaut mieux le laisser continuer à parler.

« Ce n'est pas moi qu'ils voulaient récupérer. J'ai juste à les regarder dans les yeux pour le voir. »

L'ancien régimeux l'inspecte d'un œil. La constatation, même faite sur un ton amer, reste sobre et simple, sans volonté quelconque de jugement. Il n'est pas en train de chercher à blâmer quelqu'un, il dresse simplement un portrait certes déplaisant mais étrangement neutre, pour quelque chose qui le touche d'aussi près.

« À chaque fois qu'ils me regardent en espérant que mes souvenirs soient revenus, j'ai envie de hurler. C'est comme...
- L'impression de ne pas être à sa place. »


Surpris, Natsume fixa son interlocuteur avec stupeur. Celui-ci, en revanche, ne fit pas de commentaire sur son intervention, comme si il ne souhaitait pas développer davantage la raison de sa trouvaille. Le nippon fit une moue fatiguée, retenant du justesse une grimace.

« Ouais, ça. Et j'suis responsable, mais y'a rien que je puisse faire. C'est presque une prison. »

Clive se permit un rictus blasé, avant de glousser un peu. Tout cela, en revanche, tenait plus de l'amertume que de l'amusement réel. Ils n'avaient plus l'énergie de s'en défaire, alors autant en rire. C'est souvent tout ce qui reste.

« Ça craint, hein ?
- Ouais. »


Le plus jeune soupira et caressa sans grande envie la tête de l'Evoli qui continuait de se caler contre lui, en poussant des petits grognements dès que la main de son dresseur s'éloignait de lui.

« Au moins là je suis un peu seul et tranquille, pour une fois... »

Il avait soupiré la dernière partie, laissant clairement entendre ce qu'il voulait dire par seul. Clive sourit d'un air un peu amusé, compatissant en pensant qu'il avait lui-même un peu du mal à sortir du champ de vision de son jumeau depuis que l'éleveur était de retour. Néanmoins, un rictus blasé se dessina sur le visage un peu blafard de l'ancien officier.

« J'serais pas si sûr si j'étais toi...
- Hein ?
- L'est au bout de la pièce.
- ... Merde. »



« Tu sais, c'est pas parce que tu tapes sur la machine qu'elle va de nouveau marcher. »

Surpris, le hérisson sursauta et cessa de donner des coups répétitifs sur la source de son embêtement. Si il y a une règle qui prévaut en effet, et il blâmait en partie Mikael, c'était qu'il ne pouvait pas commencer une journée dignement sans une bonne dose de caféine. Inutile de dire que puisque la machine n'avait pas l'air de vouloir lui en donner, il n'était pas d'extrême bonne humeur.

« Ouais ben c'est pas comme si je pouvais faire autr- »

Alors qu'il râlait et prenait le ton le plus exaspéré possible, Isaac s'approcha sans rien dire, souriant à moitié. Il débrancha une première fois l'objet, replaça la dosette et ferma deux fois le tout. Ce ne fut que lorsque le mal réveillé de service entendit l'objet de sa colère se mettre à ronronner qu'il se tut.  

« Magie noire !
- Tu verras, t'apprendras à la connaître, la grosse bertha.
- ... La quoi ?!
- La cafetière. On l'appelle comme ça parce qu'elle met du temps à démarrer et que quand elle envoie la sauce ça dépote tout.
- That's what she said. »


Déconcerté, Isaac fixa le plus jeune avec de grands yeux ronds avant d'éclater de rire franchement, une main retenant son visage alors que ses épaules étaient animées de soubresauts.

« Mec, non ! Pas le matin quoi, pitié, y'a des enfants dans la barraque !
- C'est ce qu'elle a dit aussi.
- Roh mais ta gueule ! »


Un peu trop hilare pour que ce soit avouable, le suédois pouffa encore durant quelques secondes alors que Clive terminait de tartiner ses tranches de brioche d'une confiture quelconque. Remarquant que son café était terminé, il le passa au hérisson qui le remercia d'un bref hochement de tête, avant de s'en servir à lui-même. Une fois cela fait, il alla s'asseoir à table à côté de lui, réveillé par son éclat de rire de tout à l'heure.

« Tu m'aurais massacré si j'avais fait cette blague y'a quelques années.
- Les gens changent.
- Faut croire. Tu relèves toujours pas tes manches en déjeunant, par contre. »


Le métis pesta en constatant que ce qu'il disait était vrai et que le tissu de sa chemise était dorénavant plus une éponge à café qu'autre chose.  Isaac se permit même une moue moqueuse en prenant une grande bouchée de de croissant.

« Fais chier...
- Bah, au pire tu mettras ça au sale. De toute façon vu les conneries que fait Faust tous les jours il la fait souvent, au pire il remarquera rien si tu mets tes affaires dans sa machine.
- Ça sent l'expérience, ça.
- Tu me crois si je te dis qu'à force j'ai plus à en faire moi-même ?
- Je serais pas surpris, ouais. »


Avec un rictus moqueur, Clive engloutit une bonne partie de sa tasse de café, comme il avait l'habitude de le faire quand il en avait encore les moyens. Bien sûr, on continuait de lui dire qu'il valait mieux pour lui d'aller doucement et d'éviter le plus possible des substances pareilles, vu que son corps avait déjà du mal à digérer les repas complets correctement, mais c'était plus ou moins la seule chose qu'il avait refusé de laisser tomber. Il fallait croire que les sales habitudes ne disparaissaient pas aisément.

« En parlant de ton débile de frangin... »

Comme si de rien n'était, le psychologue engloutit une autre bouchée.

« Il m'a dit, pour ce qui s'est passé en montagne y'a deux ans. »

Immédiatement, la gorge de Clive se noua et ses épaules se contractèrent. Par instinct, ses doigts se serrèrent autour de sa tasse, même si elle était brûlante, et il n'osa pas prononcer un seul mot. La boule d'angoisse qu'il s'était tant démené à faire disparaître venait de revenir en force, et avec des compagnons visiblement, puisque l'anxiété raffermissait sa prise sur ses muscles. Lorsque Faust avait exigé qu'il s'explique sur les traces de griffures énormes dans son dos, il aurait espéré qu'il n'en parle pas à quelqu'un d'autre, mais c'était sans doute trop espérer. Et maintenant, il n'arrivait même plus à regarder Isaac dans les yeux, mal à l'aise au possible.

« Et pour le coup, quand on pense que tu t'es rendu de toi-même au régime... »

Le hérisson ne le coupa pas, presque effrayé par le ton inhabituellement calme et paisible de son ami d'enfance alors que celui-ci abordait un sujet aussi lourd.  

« On dit qu'une fois qu'un suicidaire passe le pas, y'a plus de retour en arrière possible. Que une fois que tu as tenté, tu as de très fortes chances de recommencer ou que les pensées reviennent, même sans le vouloir. C'est comme un interrupteur, si tu préfères. Quand t'as passé la ligne, y'a pas de retour en arrière. »

Pendant plusieurs secondes, Clive ne répondit pas, incertain sur le fait de savoir si il devait le faire ou pas. Mais puisque Isaac le fixait sans prononcer un seul mot, il finit par saisir qu'il l'attendait. Même si il était angoissé, le hérisson eut suffisamment de courage pour croiser son regard bleu hésitant avec celui de son interlocuteur.

« Tu penses que j'ai tenté de me suicider ?
- Je pense que l'imaginer comme ça a joué en grande partie sur ton choix, oui. »


Le silence s'était fait incroyablement lourd en à peine quelques minutes. Tellement que Clive ressentit le malaise jusqu'au fond de lui-même. Sans surprise, le suédois était toujours aussi calme, comme si il n'avait rien dit, ce qui était habituel avec lui lorsqu'il adoptait ce genre de comportement.

« Tu m'en veux ?
- Je sais pas. »


Il perdait néanmoins un peu de son assurance maintenant qu'il avait fini de parler, et l'ancien officier s'en aperçut quand il finit par remarquer que celui-ci ne soutenait plus son regard et fixait le fond de sa tasse de café vide. Clive ne lui en voulait même pas pour ses propos, après tout il était un des premiers à se blâmer et à se dévaloriser, mais il ne pouvait pas ignorer ce que cette conversation laissait comprendre quant à l'état de leur relation.
Bien évidemment, il aurait été très naïf de croire que des années de blessures seraient réparées en un claquement de doigts, avec quelques rires et soirées jeux vidéo quelconque autour d'une pizza. Il le savait dès le départ, et n'avait jamais espéré, mais le rappel de la réalité avait quelque chose de tout particulièrement mordant. Il ne pouvait pas s'empêcher de se dire que tout ça était horriblement pathétique, en fin de compte.

« Ça va prendre du temps, pour guérir, hein ?
- En effet. »


Clive se permit un rictus triste et amer.

« Ça m'attriste, des fois, de me dire que tout aurait pu être bien plus simple. »

Isaac soupira.

« Comme nous tous. »


Clive n'irait pas jusqu'à dire qu'il vit un peu reclus, depuis son arrivée. Pour lui, il aime simplement faire ses affaires dans soin coin, sans que quelqu'un ne vienne nécessairement lui pourrir sa journée. C'est un choix de mots qui, sans être innocent, cache en réalité à peine le fait qu'il préfère sortir lorsque tout le monde est ailleurs, moment où il se sent alors bien plus à l'aise. Néanmoins, ce n'était évidemment pas du goût de Faust et surtout d'Alice qui, puisqu'elle se rendait bien compte que son oncle ne pouvait pas vraiment lui refuser grand chose. En outre, le fait qu'il soit en fauteuil roulant ne l'aidait pas à protester.

« Mais puisque je vous dis que-
- Coopère pour une fois dans ta vie, mon vieux !
- Ouip ! Et puis c'est pas bien d'esquiver les surprises !
- Voilà, écoute ce que dit la dame, toi. »


Clive leva les yeux au ciel et cessa de protester, conscient qu'il n'aurait pas de grandes chances de convaincre ses interlocuteurs. De toute façon, ils ne l'écoutaient pas et ne l'écouteraient jamais ; il s'y était fait. Alors pour le coup, il n'osa rien dire et se tut, quoique un peu intrigué par ce qui avait pu les pousser à venir le chercher maintenant.
Toutefois, les questions qu'il se posait trouvèrent leur réponse lorsqu'il se rendit compte qu'il était actuellement emmené vers l'extérieur. Même si le soleil lui agressait les yeux, son regard se posa toutefois relativement rapidement sur les trois petit pokémon qui l'attendaient de pied ferme dans le jardin. Son Négapi, son Gringolem et sa Nodulithe agitèrent leurs bras (enfin, seulement la tête pour la troisième) en l'apercevant, ce qui acheva de le rendre confus.

« Qu'est-ce que... ?
- Arrête de te poser des questions, nom d'un Caninos en plastique !
-Langage papa !
- Oui, ma chérie, pardon. »


Clive grommela intérieurement devant la niaiserie indéfinissable dont faisait preuve Faust devant la fillette, mais se tut très rapidement lorsque ses yeux rouges croisèrent les siens. Néanmoins, ce fut avec un gigantesque sourire qu'elle accueillit l'ancien soldat, avant de se placer derrière les trois pokémon, l'air tout particulièrement fière d'elle.  

« Raiden il avait une idée, alors du coup on l'a mise en place comme des grands ! »

Clive haussa les sourcils, se permettant un regard envers son jumeau qui lui répondit par un rictus amusé et un peu provocateur.

« Me r'garde pas comme ça, c'est elle qui a insisté. »

Il s'apprêtait à poser des question quand dans son champ de vision rentrèrent soudainement une vingtaine de créatures, plus ou moins grandes et imposantes. Il les reconnut vite, et écarquilla les yeux, choqué. Un peu sonné par ce qu'il avait maintenant devant lui, il déglutit et ne prononça pas un seul mot. La gorge nouée, il sentit ses mains commencer à trembler.

« P-pourquoi est-ce que v-vous êtes tous là... ? »

Les yeux rivés sur la totalité de ses pokémon, il avait du mal à lutter contre l'humidité qui envahissait progressivement ses yeux. Surtout maintenant qu'il remarquait les gigantesques airs souriants qu'ils portaient sur leurs visages.

« Tu pensais quand même pas que j'allais pas tous les récupérer, hein ? Tu me déçois, mon p'tit. »

Clive ravala sa salive, incapable de répliquer alors même que son cerveau cherchait à tout prix un peu de sarcasme à renvoyer à la figure de son jumeau. Alice attrapa dans ses mains le petit Gringolem pour l'amener sur les genoux de son dresseur, qui sauta à son cou sans plus attendre. Autour de lui, il pouvait remarquer les silhouettes imposantes d'Elijah et d'Asmodée, celles plus majestueuses d'Ephraim et Zacharia ou légères de trois  petits à ses pieds. Il sursauta d'ailleurs un peu en sentant l'Aligatueur passer ses gros bras autour de lui pour lui offrir le câlin le plus doux possible. Prométhée, quant à lui, poussait de tout petits cris joyeux en cherchant l'attention de son dresseur.

« Ça nous a pris un peu de temps, mais on les a rassemblé. »

L'ancien soldat ravala un sanglot alors qu'il sentait la présence terriblement rassurante de ses pokémon contre lui. Il essaya de sécher les larmes avant même qu'elles ne coulent, mais ce fut sans succès, puisque quelques secondes après, il finit par perdre tout contrôle. Alice, un peu surprise, tira plusieurs fois la manche de son père qui hocha négativement de la tête, signe qu'il ne fallait pas intervenir.
Mis à mal par la présence de tous ses compagnons autour de lui, Clive fut comme violemment agressé par la joie et le bonheur qu'il percevait chez eux. Il n'osait que trop peu imaginer ce qu'ils avaient dû ressentir lorsqu'il avait disparu et qu'il avait été emmené. Mais maintenant qu'il le faisait, une énorme vague de culpabilité, de honte et de douleur menaçait de le noyer sur place.

« P-pardon... »

Si il n'arrivait plus à s'empêcher de pleurer, ses sanglots n'eurent comme autre effet que de convaincre les différents pokémon de raffermir leur prise. Il sentit le Gringolem contre lui geindre, inquiet, avant qu'une vive lumière blanche ne finisse par le recouvrir, de telle sorte qu'un imposant Golemastoc se trouva tout près de lui à peine quelques secondes après. Clive n'arrivait alors à parler qu'entre plusieurs sanglots.

« J-J'aurais pas dû... J-je...

Il se tut tout juste après, assommé par le contrecoup de l'émotion, et encore plus choqué par la présence d'Alice collée contre lui.

« Moi j'veux que tu te sentes comme chez toi, tonton. Et pis tu devrais pas être triste, ça fait pas du bien d'être triste !
-J-je s-sais. »


Il faudrait bien qu'il finisse par le comprendre, à force, et tout portait à croire qu'il commençait à l'accepter. Petit à petit.
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