« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 
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 Oblivion [OS]

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Natsume Shimomura
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Natsume Shimomura
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MessageSujet: Oblivion [OS]   Oblivion [OS] EmptyMer 15 Juin 2016 - 2:15



Oblivion

Je ne devrais pas être là, je sais. Merci, si c'est pour énoncer des banalités vous pouvez aussi bien me foutre la paix, ça me fera des vacances. J'en aurais vraiment besoin d'ailleurs, là. Mais je ne peux pas vraiment me persuader que le bruit des détonations de mitraillette soit l'égal d'un crépitement de feu dans les bois ou sur une plage. En même temps, me plaindre alors que je pourrais très bien ne pas être là est entièrement stupide, mais c'est la seule chose dont je peux me plaindre de toute façon pour l'instant, n'est-ce pas ? Autant que j'en profite, aha. Je ne peux pas vraiment cracher ma frustration sur quoi que ce soit d'autre, quand bien même j'en aurai envie. Tout ce que je peux faire, c'est m'étouffer avec.
Avec autant d'implication que je le peux, je finis de retirer la balle que je lâche au sol, sans me soucier de vérifier où elle est, et je me presse de passer des bandages fermement pour arrêter le saignement. Je n'ai pas le temps de passer des points de suture, et je beugle d'ailleurs à mon congénère le plus proche de se dépêcher de rapprocher les autres pendant qu'un autre saisit celle à qui je viens de retirer deux balles. Mon cœur tambourine dans ma poitrine et je lâche difficilement une exhalation. Tant que je m'occupe, tant que mes mains livides sont couvertes par mes gants et qu'il y a d'autres priorités que moi-même sur la ligne, je peux oublier. Penser à autre chose que moi. À toutes ces conneries, à tout ce que j'ai cru savoir et à ce que j'ai cru comme étant le bon chemin.

Foutaises. Rien que des putains de mensonges, des conneries que je me racontais pour me rassurer. J'ai voulu me croire grandi, ou même me dire que je faisais preuve de courage, parce que c'était une jolie histoire à se raconter. Un peu comme les gosses qui pensent que laisser ouvert leur placard les rend courageux, parce qu'ils sont prêts à affronter le monstre dans le placard. Mais non, ils ne sont pas prêts. Dès lors qu'il apparaît, ils se cacheront, fuiront en hurlant, essaieront de l'ignorer même si il est bel et bien là. On ne leur en veut pas, parce que ce sont des enfants. Mais je n'en suis pas un. Je ne cherche pas à me faire plaindre. Je m'en fous, en fait, je constate, c'est tout. Mes raisons m'importent peu quand les faits sont là.
Les blessés défilent. Comme toujours, j'essaie de ne pas fixer leurs visages pour que ceux-ci ne me restent pas en tête et ne se mettent pas à hanter mes cauchemars. J'ignore l'odeur de chair à vif et brûlée comme je le peux, en ravalant la nausée qui me vient toujours aux narines lorsque je suis aussi près. Mes mains sont couvertes de sang, certes juste sur mes gants, mais la vision ne me fait plus rien dorénavant, elle me trouble à peine. Je sais que je ne dois pas être mieux, maintenant. J'empeste sûrement l'acier et je sens bien à l'agitation d'Hatori et de Byakuran que je ne suis pas très stable actuellement. Je n'irai pas chercher à prouver le contraire, je n'ai pas perdu la tête à ce point.

Comme à chaque fois, il faut se déplacer souvent. Ce n'est pas pratique, mais c'est tout ce que nous pouvons faire. J'indique à deux Pierres près de moi de servir à quelque chose au lieu de rester les bras ballants, et ils s'attellent alors à porter ceux qui doivent être bougés en priorité. Je me presse également de me relever, en jetant un coup d’œil nerveux vers l'arrière. Je n'aime pas devoir fuir, mais nous sommes obligés. La violence du conflit à l'arrière vient de s'amplifier considérablement, et rester ici serait nous mettre autant en danger que ceux que nous essayons de sauver : inutile, donc, de prendre des risques supplémentaires.

« Où est-ce qu'on va ?
- L'ancienne épicerie, à l'autre bout de la rue. Y'a sûrement une remise ou un truc du genre, on pourra fermer à clé. »


Mes collègues acceptent sans trop de protestations. Si je ne suis pas le résistant le plus sociable et le plus amical, il n'empêche pas qu'ils ont l'intelligence de se concentrer sur autre chose lors des missions, en oubliant un peu leur fierté personnelle. Et même quand ce n'est pas le cas, ceux qui tentent de foutre la merde sont vite éjectés. La tolérance n'est pas vraiment la vertu première d'un groupe toujours dans l'angoisse d'un potentiel danger mortel.
Néanmoins, alors que je m'apprête à rejoindre les autres après avoir achevé les derniers soins d'urgence, je sens quelque chose saisir mon épaule et je me retourne brusquement, prêt à frapper, l'instinct me réclamant d'agir maintenant. L'inconnu saisit mon épaule et me retourne avec difficulté, avant de me maintenir le bras derrière mon dos dans une clé de bras ferme sans être douloureuse. Je me débats comme un diable, décidé à punir le malheureux qui a cru que ce serait une bonne idée de venir me chercher des poux quand je suis déjà d'une humeur désastreuse.

« Mais tu vas te calmer ?! »



« Vous allez fermez vos gueules, oui ?! »

Il étouffe. Il n'est toutefois pas sûr que les autres soient bien mieux, avec leurs airs angoissés et leurs tentatives vaines de se débattre. Lui-même, il a essayé de défaire les cordes comme Winter le lui a enseigné, sans succès. Solidement attachés, ils ne peuvent qu'attendre alors qu'ils sont poussés dans le fourgon qui doit les transporter il ne sait où. Si il ne tremble pas et que son visage reste inexpressif, son cœur bat toutefois à toute vitesse dans sa poitrine. Il n'avait pas prévu que cela arrive, évidemment, mais il serait inutile de s'attacher aux détails qui l'ont amené ici. Peu importe si c'est une erreur, une série de mauvaises décisions stratégiques, la malchance ou un échec en combat. Le fait était qu'il ne pouvait plus vraiment faire grand chose, surtout pas alors qu'il remarque les civils qui sont dans la même situation que lui. Et pire que tout, il est entièrement désarmé, et même si il était peut-être capable (avec de la chance) de se débrouiller malgré ses poings liés, il sait qu'il n'aurait pas le temps de bouger avant que le deuxième soldat ne fasse de lui une passoire.
Les dents serrées, il réprime sa frustration comme il le peut alors qu'il entend le moteur du véhicule commencer à ronronner.



Ce n'est que maintenant que je reconnais Noctis. La voix de Faust saute à mes oreilles et me paralyse sur le coup, comme un électrochoc et tous mes muscles s'immobilisent. Il aurait pu me frapper que cela aurait eu le même résultat. Je déglutis, par réflexe. Si il y en a un que je n'avais pas envie de voir aujourd'hui... Hé bien il est dans la liste. Mais peu importe après tout, parce que dans cette putain de liste je crois qu'il y a toute l'humanité au complet.

« C'est bon, je peux te lâcher sans risquer de me faire éborgner ? »

Il relâche mon bras, que je libère ensuite sèchement et brusquement. Après avoir fait un pas en arrière, je le gratifie d'un regard mauvais et plein de rancœur qu'il ignore en une fraction de seconde.

« Qu'est-ce que tu fous là ? »

Mon ton est sec, agressif. Mon langage corporel ne transmet rien d'autre que de la colère, ou plutôt une forme de frustration que je ne prends pas la peine de cacher. J'ai envie de hurler et de crier, de me défouler sur la première chose que je pourrais trouver, et j'ai l'impression que je pourrais même le prendre pour cible. Pourtant, en dépit de mes épaules haussées et contractées, et de la manière dont je le regarde, Noctis reste imperturbable. Rien d'étonnant, c'est comme ça qu'on réagit à ma présence depuis un mois. Et ça me donne la gerbe.

« J'te retourne la question. Tu te barres souvent en plein milieu de la nuit, comme ça ?
- Ça avait pas l'air de te déranger quand c'était toi qui le faisais. »


Rien qu'au temps qu'il met à répondre, je comprends assez vite que j'ai touché un point sensible. Et même si ça fait de moi un parfait connard, je ne peux empêcher un rictus caustique de se dessiner sur mon visage blanchi par la fatigue. Mon ton est mesquin, provocateur.

« C'est pas parce que t'as pas été foutu de protéger ton frère qu'il faut venir me coller les pattes, trouve-toi un autre échec à compenser. »

Je me rends vite compte que je cherche à le faire sortir de ses gonds. Je veux l'énerver, le dégoûter ou même le blesser pour qu'il s'en aille et me laisse seul. Quelque chose au fond de mes tripes ne cesse de s'agiter et de me malmener depuis tout à l'heure, et il faut que je crache le venin que j'abrite. Je ne suis même pas capable de réaliser ce que je dis ni les conséquences de mes paroles. En fait, je ne suis même pas sûr de savoir si vomir ainsi ma haine a une importance ou pas, ou si je le fais juste par désespoir et fatigue. Je parle avant d'agir, ce qui est dangereux vu mon état, mais c'est trop tard.
Faust accuse le coup. Il ne me frappe pas et ne réagit pas, mais sa voix a quelque chose de plus acerbe.

« Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Rien. »


Je l'entends pester.  Moi j'aimerais juste qu'il s'en aille, qu'il me laisse. J'en sais rien, je veux juste... Juste...

« Mais bien sûr. »

Ma gorge se noue. Je n'arrive pas à aligner la moindre pensée cohérente, et je reste silencieux. Sans délicatesse aucune, il saisit mon bras et me pousse à le suivre vers je ne sais où, sûrement un endroit différent d'ici, trop près des combats.

« Tu vas me faire croire que y'a rien, là ? Tu me prends pour le dernier des cons, c'est ça ?! »

C'est sa colère que je cherchais, mais pas comme ça. Je voulais qu'il m'en veuille, qu'il parte, qu'il me montre qu'il me déteste pour de bon, me fixer sur quelque chose que je suis persuadé de savoir. Parce qu'alors que je répète encore et encore les événements de ces derniers mois dans ma tête, je ne peux pas imaginer que ce ne sera pas le cas. C'est ce qu'il y a de plus logique, et c'est ce que je peux accepter. Ce que je comprends, ce qui tombe sur le sens quand j'y réfléchis plus d'une seconde, quand j'écoute ce que me susurre la petite voix dans mon oreille.

« Mais réponds-moi, bordel ! »

J'essaie de le dégager, mais rien à y faire. Mon regard incendiaire n'y fait rien, même si je n'espère pas vraiment le convaincre de quoi que ce soit. Pourtant, alors que je le sens désespérer à trouver une solution pour me calmer, je me rends compte que ma respiration est plus rapide. Il est de plus en plus difficile d'inhaler correctement et un courant d'air froid me traverse, annonciateur d'une crise de panique et d'asthme à la fois. La peur me glace le sang, elle m'arrache des inspirations et expirations difficiles, si bien que ma vue se brouille. Je n'arrive même plus à voir le visage de Faust, qui est à découvert maintenant que nous sommes plus loin. Je crois.
Je ne sais pas vers où il m'emmène, en me tenant ainsi par les épaules. Juste que ses gestes, certes pressés par le coup de l'urgence, sont moins agressifs que tout à l'heure. Il a peur. Moi aussi, en fait. Je suis pathétique, terrorisé comme je le suis par le flux d'informations dans lequel je suis noyé. J'ai essayé de m'en défaire, d'oublier l'effroi en cherchant l'adrénaline, le danger. Conneries. Je me permets un rictus amer en entendant Faust me demander si je vais bien. Adossé contre un mur, mon regard se porter vers lui.
Non, je ne vais pas bien.


« Tout le monde va bien ? »

La question sarcastique ne fait rire personne, pas même Athéris. Le résistant garde les yeux fixés sur la fenêtre du fourgon, ne souhaitant pas porter d'attention à leurs geôliers temporaires. L'un d'eux tient sous son pied la tête d'un des résistants récupérés plus tôt, en pointant le canon de son arme sur lui. Deux civils émettent des hoquets paniqués alors qu'ils entendent la crosse être relevée.

« J'veux être sûr que tout le monde va bien, qu'on passe un bon voyage. Parce que moi, quand je vois qu'on essaie de nous buter, ben ça m'énerve.  »

La soigneur ferme les yeux par avance. Cela ne fait pas disparaître de ses tympans le son de la détonation, ni celui du sang qui coule et des morceaux de cervelle qui ont fini sur ses chaussures. L'odeur métallique pestilentielle et agressive lui envahit les narines. Il grimace et serre les poings, les mains tremblantes alors qu'il constate son impuissance encore et encore. Il aimerait bouger, faire quoi que ce soit qui pourrait leur permettre de s'échapper, mais rien.

« Y'a un volontaire ? Parce que moi je peux faire ça toute la journée !
- Sauf que t'as plus de balles, pauvre con. »

Les mots sont sortis tous seuls. Et lorsque le soldat tente de lui faire payer son insolence par une balle dans sa tête, le cliquetis résonne sans suite, sans la moindre détonation. Son sourire s'est fait arrogant et provocateur, presque présomptueux.

« Quitte à utiliser ton revolver pour compenser la taille du bigorneau qui te sert de teub, apprends au moins à t'en servir et à compter jusqu'à six. »

Il devrait regretter, s'insulter de cette impertinence qui va sûrement lui coûter très cher, mais non. Non, à l'instant, il est juste en colère. Et si sa seule vengeance est de pouvoir humilier son interlocuteur, il n'hésite pas à saisir l'occasion en vol.

« Hé ben on va commencer par toi, vu que t'aimes faire le malin !
- Quoi, ton cul te permettrait de bouger jusqu'à là ? »

Peu importe le fait qu'il vient d'être saisi par les cheveux et qu'il va probablement ne pas apprécier la suite : au moins, l'air rageur de l'autre suffisait à le faire ricaner.



Une toux plus violente que les autres me brûle la gorge, et je ne sens presque plus mes doigts, déjà ankylosés. La crise est bien plus violente, brûlante, elle m'arrache les poumons à chaque seconde, mais j'ai juste envie de rire. Parce que tout ça est ridicule, parce que je suis ridicule, parce que cette situation est ridicule. Parce que maintenant que je regarde tout ce qui s'est passé auparavant, j'ai l'impression d'être la chute d'une farce peu drôle, à peine cohérente. Pas même prompte à rire.

« Hé, Nat ? T'es toujours avec moi, hein ? Montre moi un doigt ? »

Sur le coup, je crois que lui présenter mon majeur avec fatigue ne l'amuse pas des masses. Dommage.

« Tu m'emmerdes, Natsume. Franchement.
- M'en-m'en fous. »


J'ai l'air fin, à tousser entre chacun de mes mots, la gorge enflammée. En parlant de ma gorge, elle est d'ailleurs toujours nouée. La honte n'a pas tardé à affluer dès lors que ma colère, ou plutôt mon élan de frustration, s'est retrouvée submergée par la houle de peur et de panique qui viennent de me faire tituber. Je ne supportais déjà pas l'idée de le revoir après tout ce que je lui fais, moins à lui qu'à certains auxquels j'évite désespérément de penser, dans un désir puéril de pouvoir refouler tout ce qui m'a sauté à la gorge il y a quelques heures.
Peu à peu, le calme se fait. Quelques tirs résonnent, plus lointains, et rares sont les détonations que j'entends. Le combat s'est sûrement déplacé dans la direction opposée, et je remarque enfin ma vue brouillée que Dalhia nous suit. Sans doute que son odorat est ce qui permet à Faust d'être si calme. Je n'ai pas pipé un seul mot depuis plus d'une vingtaine de minutes, et lui non plus ; sans doute qu'il est à bout de nerfs, et Arceus, je le comprends. J'essaie encore et encore de le repousser, et de lui faire regretter son choix de m'avoir suivi cette nuit, alors que je voulais désespérément être seul. Pourtant, il serre les dents et même si il reste dans un coin, je suis au courant qu'il ne compte pas me laisser. Ce ne sont pas les présences d'Hatori et de Byakuran, qui l'observent tous deux d'un air méfiant, qui vont changer son avis. Comme si je n'y étais pas habitué, de toute façon.

« Tu veux toujours pas causer ? »

Mes muscles se contractent rien qu'à l'idée de prononcer un seul mot. La nausée qui m'accompagne depuis tout à l'heure réapparaît encore plus intense, et je baisse les yeux. Je n'essaie plus de me cacher, tellement c'est devenu inutile. Difficilement, je serre les dents pour empêcher mes yeux de s'humidifier, mais c'est plus facile à dire qu'à faire.


Le premier coup, en toute honnêteté, ne lui avait rien fait. Le second, par contre, assez bien visé pour lui couper la respiration, était déjà bien plus douloureux. Sa tête claque contre le mur d'acier du fourgon et il se sent tanguer. Il n'a pas le temps de réagir, toutefois, puisque à peine a-t-il commencé à chercher à bouger qu'il est arrêté. La respiration plus rapide, il sent quelque chose de chaud couler le long de son crâne, et n'a pas vraiment de doute sur ce dont il s'agit. En se disant que ce serait définitivement ridicule de mourir d'un traumatisme crânien mais diablement ironique, il se permit un rictus mi-amusé, mi-sarcastique.

« Et ça te fait rire, petit con ? »

Cause toujours, mon père trouvait des trucs plus originaux me à dire quand j'avais cinq ans.
Le soldat peste et serre les dents, frustré de ne pas obtenir ce qu'il veut. En face, Natsume croise brièvement le regard d'un des civils avec eux ; il n'a pas l'air d'avoir plus de quinze ans, avec ses cheveux blonds épars et son visage juvénile. Il ne lui donnerait même pas l'âge d'April, en fait. Au moins, tant qu'il est préoccupé par le fait de se défouler sur lui, il ne fait rien d'autre, et peut-être que le fourgon arrivera à destination sans un mort de plus. Peut-être que ça n'aura aucun intérêt, au final, mais si il y a même une opportunité, alors...

« Tu m'étonnes, dès que je vois ta gueule ça part tout seul. »

Tant pis.



« Nat...
-  Ta gueule. Putain, ta gueule. »


Ma voix tressaute sur le coup de l'émotion. Je peine à articuler alors que mes épaules sont agitées de petites soubresauts brefs et vifs, incertains et sans aucun tempo régulier. Pire encore, ma respiration ne s'est toujours pas calmée, en dépit de mes efforts pour la maîtriser. Mais rien à faire. Peu importe à quel point je tente de relativiser ma situation, ou comment je tente de draper la vérité pour la supporter, elle m'est toujours aussi insupportable.

« Est-ce que-
- M'en souviens. »


Je l'entends hoqueter, peu sûr de ce qu'il a entendu. Je me permettrais de ricaner si j'en étais capable, tant son expression a de quoi faire rire. Cette lueur d'espoir que j'entrevois me rappelle à quel point je ne suis qu'un imbécile, un égoïste impulsif qui n'arrive toujours pas à se contrôler quand les choses deviennent imprévisibles. Mon corps a peut-être grandi, j'ai peut-être changé, mais je reste un imbécile. Et je fais ce que font tous les imbéciles face à une situation pareille : je panique. Je ne prends même plus la peine de parler en français puisqu'il me comprend, de toute manière, et je serais incapable de m'exprimer convenablement ainsi.

« Tout. Me souviens de tout. »

C'est sorti. Je l'entends jurer, et je ne peux alors m'empêcher de rire doucement mais jaunement. Oui, merde, Faust, tu peux le dire.


Pour écarter toute remarque particulièrement évidente dès maintenant, se faire frapper est relativement douloureux, encore plus quand c'est par quelqu'un de deux fois sa taille. Et il n'est pas masochiste, contrairement à ce qu'il pourrait laisser croire par le fait qu'il continue d'aggraver sa situation.

« Putain, j'ai croisé des gamines qui cognaient plus fort. »

Il ne fait plus ça par simple plaisir de narguer et d'avoir le dernier mot, comme il le fait d'ordinaire. Bien entendu, on a vu mieux comme fin qu'être tué dans une camionnette louche après avoir enchaîné les provocations, mais il n'est pas sûr que moisir dans une cellule soit vraiment mieux. Il n'a plus que cette tactique pour espérer, et il doit gagner du temps, alors tant pis si son corps subit un peu. Sa plus grande inquiétude, pour l'instant, est, assez ironiquement, de trouver un moyen pour expliquer comment diable il s'était fait cela une fois rentré. Il préfère éviter de penser au fait qu'il ne risque pas de rentrer, d'ailleurs, c'est plus aisé.
Il écarquilla toutefois un peu les yeux en voyant l'homme se mettre à fouiller dans ses affaires, et dans une poche en particulier. Rien que la vision du produit violet qu'il sortit suffit à faire pâlir le résistant, ce qui ne passa pas inaperçu.

« Oh ? C'est quoi, ça ? »



« Tu... Quand est-ce que, comment... ?
- Tout à l'heure. J'étais dans ma chambre, je fouillais dans mes affaires, et je.... »


Je ravale ma salive. Peu importe, ce n'est pas vraiment ce qu'il veut savoir, je le sais. Il voulait juste la confirmation, les détails importent peu. Je ne sais pas si c'est parce que je ne suis plus le seul à être sous le choc, mais j'ai l'impression de retrouver un peu de contenance. 'Un peu', hein, ce qui veut dire que je suis encore en train de trembler, mais je me relève seul, en ignorant les regards inquiets des autres qui me font serrer les dents.

« Alors... Tu sais ce qui est arrivé, quand... ? »

Il n'ose pas le dire, mais je comprends vite quelle question lui brûle les lèvres. Celle-là même qui nous a tous dévoré pendant trois mois, l'interrogation qu'on a pas cessé de me poser sans que je ne puisse y apporter la moindre réponse, moi-même inconscient de la vérité. Je le fixe durant quelques secondes, plus calme et peut-être plus sérieux, j'en sais rien, mais je sens que ma voix est davantage posée. Durant un instant, je me surprends même à reprendre l'équilibre et à me relever.

« C'était de ma faute. »

Je le sens prêt à protester, probablement à me sortir une quelconque niaiserie sur le fait que je n'y suis pour rien, mais non, hors de question. Je ne lui laisserai pas l'occasion de chercher à ma dédouaner comme il le fait toujours, à me prendre pour un enfant qui ne sait pas ce qu'il fait, ou même à occulter mes erreurs. Je n'ai pas vécu tout ça pour me cacher éternellement derrière des mensonges rassurants.

« De nous deux, le seul qui connaisse la vérité, c'est moi. Alors arrête d'essayer de me contredire. »

Un rictus se dessine sur mon visage.

« Au départ, je l'avais juste pris avec moi sans trop oser m'avouer ce que j'en ferais si jamais il fallait l'utiliser. Je ne pensais pas que, enfin... »



« T'ouvres plus ta gueule d'un coup. Petit con, va... »

Le résistant ne prononce pas un mot de plus. Le regard fixé sur la fiole dans les mains de l'homme, ses yeux verts font des allers-retours entre chaque recoin de la camionnette. Son cerveau calcule les probabilités de réussite, les chances d'échecs, tout ce qui pourrait l'aider dans son essai presque désespéré. Toutefois, rien. Hormis une vérité cruelle, qu'il essaie pourtant de chasser. Négativisme et pessimisme ne lui ont rien retiré de sa volonté de vivre, plus vivace quand il est menacé. Alors même si ses chances sont maigres, il baisse la tête et l'utilise pour donner un grand coup dans le thorax de l'homme, qui vacille et tombe en arrière.
Dès lors, et en répétant dans sa tête chaque conseil prodigué par Winter au cas où il se retrouverait dans une situation pareille, il tente de défaire les liens sur ses poignets. Mais l'urgence de la situation rend ses doigts imprécis, et une main lui empoigne la gorge avant qu'il n'ait eu le temps de se libérer. Malgré la pression qu'il sent grandissante, il se débat comme un diable, parvenant même à donner quelques coups de pieds.

« Tu m'fais chier ! Ils nous ont dit de pas trop taper sur les résistants, pour qu'ils soient vivants une fois arrivés, mais pour toi, ça me dérangera pas de me faire engueuler, sale petite merde. »

Ses muscles faiblissent. Sa vision se trouble peu à peu, et ses jambes cessent de bouger aussi. Il parvient à peine à respirer, et serre les dents, frustré de ne pas pouvoir agir davantage.

« Et puis comme tu l'as dit, j'ai plus de balles. Du coup, j'vais être créatif. »

Il sentit la force sur sa gorge s'accentuer, et ouvrit la bouche par réflexe pour espérer récupérer ne serait-ce qu'un peu d'air. Erreur qu'il a vite fait comprendre lorsque le contenu de la fiole de produit violet descend son œsophage, et il met toutes ses dernières forces dans l'espoir de pouvoir s'échapper. Coups, mouvements de la tête ; il essaie même de recracher, mais rien à faire.
Trop tard. Il ne peut plus faire marche arrière maintenant, et un courant d'air glacé, une peur intense lui parcoure le corps. Il ne se sent même plus l'envie de se battre ou de se défendre, et ferme les yeux hermétiquement.
Je ne vais pas rentrer, aujourd'hui, hein ?
Même les ricanements de celui qui l'empêche de bouger ne passe pas ses oreilles. Déjà, une douleur aiguë le prend dans la poitrine et il expire brutalement, se sentant brûler de l'intérieur.
J'suis désolé, Sam. Entre moi et ton père, t'as pas eu de chance.
Il ne voit déjà presque plus rien autour de lui, hormis de vagues couleurs floues. Il sent qu'il a été lâché, il entend quelques bribes de conversations au ton surpris, mais est incapable de s'y concentrer. La douleur le maintient au sol et il se permet un rictus désabusé durant quelques millisecondes, avant qu'il ne se voit forcé de se mordre la joue pour ne pas se mettre à crier.
Quitte à crever, j'aurais aimé que ce soit utile.
Et à ce moment-là, le véhicule avait fait une embardée brutale. Le son d'une explosion lui arriva aux tympans. Un choc violent le fit tanguer et la camionnette se renversa, l'envoyant se cogner contre l'un de ses murs.



« C'était un essai. Un produit test, à la base, pour les urgences, juste... Si et seulement si la situation devenait urgente. »

Je n'ose pas avouer que je ne savais pas moi-même si j'aurais jamais eu un jour le cran de l'utiliser. Je ne voulais même pas la créer, cette drogue, à l'origine. C'était l'un de mes essais infructueux réalisés lors de mes recherches, un énième mélange censé me rapprocher de cette équation chimique parfaite que je cherchais désespérément à atteindre. Je voulais trouver le moyen de rendre des médicaments plus efficaces, d'aider des gens en utilisant les substances créées par les pokémon. Je n'ai jamais trop réfléchi, je dois le dire, à ce qui pourrait résulter de mes essais. Surtout pas à l'oblivion. Heh, au moins si j'ai un jour envie de lui donner un nom, à cette chose, c'est tout trouvé.

« Sur les cobayes, déjà... Je pouvais voir des dégâts dans les régions du cerveau et des poumons. Généralement, les sujets étaient pris de douleurs fortes au niveau des poumons avant de s'étouffer. Ce que j'ai observé aussi chez certains, c'était des blocages d'artères qui, finalement, coupaient l'alimentation en sang du cerveau. »

Mon ton est étrangement calme. Parler de détails techniques, de faits tangibles et logiques, c'est aisé pour moi. C'est ce qui me rassure, qui me permet de me raccrocher à des éléments qui tiennent, contrairement au reste. Peut-être est-ce pour ça que j'énonce les faits avec un sang-froid qui m'étonne moi-même, ou alors j'essaie juste de rester ainsi en voyant à quel point les yeux de Faust s'écarquillent sous le coup de l'effroi, lorsque je conte mon discours. Sa tête, rien que lorsque j'ai évoqué ce qui s'est passé, m'a suffi pour comprendre qu'il ne valait mieux pas mettre de l'huile sur les braises de sa colère. Je le sens déjà fou de rage, de là où je suis ; si je ne reste pas calme, je doute de pouvoir maîtriser la suite des événements.

« Tu te rappelles de son visage ? De ce à quoi il ressemblait?
- Nan. Y'a encore des éléments flous sur cet accident. Puisque j'ai perdu la mémoire peu après, une fois que la drogue a fait effet, c'est logique que des trous subsistent encore maintenant. »


Mensonge. Bien sûr que je me souviens de lui, je pourrais le détailler trait par trait, sans la moindre hésitation. Je crois pourtant qu'il est nécessaire que je ne dise rien. Je ne veux pas savoir ce qu'il ferait. Jusqu'où il pourrait aller. J'ai assez d'éléments qui me donnent des indications, bien sûr, et ma logique a trouvé la réponse depuis bien longtemps, mais je préfère me mettre des œillères car y réfléchir même un instant me donne la nausée. Je ne suis pas doué pour comprendre les expressions, mais je saisis bien assez vite le désir de vengeance qui l'anime ; sans doute que je ressentirais la même chose, à sa place. Mais ce n'est pas ce que je recherche. Ce n'est pas important.



Ses yeux s'ouvrent difficilement. Hagard, il essaie de voir clair. Les détonations se succèdent, le feu crépite autour de lui et il sent une douleur sourde dans sa jambe gauche. Un morceau de métal s'y est fiché, sûrement un reste de la carcasse de camionnette qui brûle, plus loin. Il s'étouffe presque dans la boue où il se trouve et relève la tête difficilement. Chacun de ses muscles est faible, et il peine à rester conscient. Plus loin, il aperçoit quelques corps au sol, qu'il ne reconnaît pas, même si son regard s'aventure un instant sur le cadavre inerte d'un jeune garçon aux cheveux blonds.  Ses yeux délavés et vides le mettent mal à l'aise, le forçant à détourner le regard, comme si une vague de culpabilité venait de le frapper sans qu'il n'en connaisse l'origine. Les voix, il ne les reconnaît pas, et serait incapable de décortiquer le contenu de leur conversation. Il remarque la fumée noire et opaque, il voit les cadavres être soulevés, mais il ne peut pas reconnaître les restes de sa prison  d'acier temporaire.
Qu'est-ce que je fais là ?
Quelque chose le saisit par l'épaule et cherche à le traîner. Il entend des propos incompréhensibles, mais il se débat comme un diable, en dépit de la quantité de sang qui coule déjà. Enragé par la faiblesse qu'il sent dans ses muscles et la douleur dans ses poumons, il persiste donc dans l'idée de se débattre.

« Putain, fallait que tu te foutes à l'avant, hein ! On t'avait dit de rester à l'arrière jusqu'à ce qu'on nettoie, imbécile ! »

L'avant, en effet, semble être la définition même d'un enfer. Il ne se passe pas une minute sans qu'un cri ne résonne ou que les assauts des armes ne résonnent comme des sons de cloches funèbres autour d'eux. Mais adossé à un mur éventré, la respiration lourde et lente, tandis que ses mains et ses bras sont encore soumis à des fourmillements interminables, il ne réalise pas vraiment si il en est éloigné ou non. Parce que l'arrière n'a pas l'air si différent, si ce n'est qu'il repère plus de silhouettes que celles fugaces et rapides qui passent près de lui. En outre, il ne saurait même pas différencier sa droite de sa gauche ; comment diable pourrait-il comprendre les marmonnements incompréhensibles qui sonnent pourtant à ses oreilles ?

« Athéris, tu me réponds oui ou merde ?! 
- ... 'théris ?
- Bah oui, toi ! »

… Moi ?



« Je peux pas... Je peux pas rentrer, Faust. Pas après tout ça. »

Je sens bien qu'il peine à comprendre tout ce que je lui raconte. Rien qu'à son expression, j'ai l'impression qu'il est largué. Mais mes propos le font réagir, et il fronce les sourcils d'un air perdu.

« Mais pourquoi... ? Qu'est-ce que tu racontes ? »

Je sais pas. Je sais pas, Faust, putain, tu peux pas comprendre ? Tu crois que je me suis tiré à une heure pareille de la soirée, sans prévenir personne, accompagné uniquement de deux pokémon si j'avais la moindre idée de ce que je fais ? J'aimerais lui dire ça, mais ce serait injuste. Ce n'est pas de sa faute si je suis un imbécile doublé d'un gosse déraisonnable.

« J'ai... J'ai agi comme un imbécile. J'ai fait du mal à tout le monde
- Arrête, t'étais pas dans ton état normal et-
- Ça n'excuse rien ! »


J'esquisse un pas en arrière lorsqu'il se rapproche, le regard fuyant. Je ne veux pas de sa pitié, ni des excuses, ni de paroles rassurantes. Je ravale ma salive, les dents serrées, en me mordant le dessous de ma lèvre inférieure pour retenir toute envie de pleurer qui pourrait arriver. J'aurais dû me taire.
Il ne comprendra pas, de toute façon. J'ai blessé les seules choses qui comptent. J'ai agi comme un égoïste insensible, j'ai maltraité ceux qui souffraient déjà et ne voulaient que mon bien. Rien que d'y penser me donne envie de vomir ; je ne sais même pas si j'oserais me regarder en face avant longtemps.

« Écoute, tout le monde s'en fiche, tu-
- Pas moi. »


J'ai envie de disparaître sous terre. La honte est telle que j'aurais aimé devenir invisible au moment même où j'ai retrouvé mes souvenirs, mais rien n'y fait. Alors je suis allé autre part, j'ai pris mes affaires en pleine nuit et je suis venu ici, dans l'espoir de pouvoir oublier ne serait-ce qu'un peu. Il me suffit de penser un seul instant au ton que j'ai employé, aux regards noirs que j'ai envoyé et à la froideur dont j'ai fait preuve pour me convaincre de ce que je sais déjà.

« Je sais que ça doit être difficile, que tu dois encore être sous le choc, mais si on va en parler calmement, je suis sûr que-
- Non.
- Tu sur-réagis et tu le sais. Viens avec moi, je vais te montrer que tu dis que des conneries.
- Si j'avais voulu une leçon de morale, je serais venu directement. »


Je lui tourne le dos, prêt à partir, décidé à ne plus donner de crédit à ce qu'il dit.

« Suffit qu'on aille à la maison, on prévient Sam en premier puis- »

Merde. Merde. Je me suis bloqué et il l'a vu, et je ne peux pas vraiment cacher mon malaise maintenant qu'il m'a vu m'immobiliser aussi brutalement. Je n'ose pas prononcer un mot, même si je cherche quoi dire, n'importe quoi pour le contredire et m'assurer qu'il comprenne autre chose, mais je n'en ai pas le temps.

« C'est à cause de ça, n'est-ce pas ? C'est pour ça, que tu réagis comme ça ? Parce que tu t'es rendu compte de ce que ça lui a fait ? »

J'aimerais mentir. Pouvoir lui dire quoi que ce soit, même la chose la plus fausse du monde. Prétendre que je pense arrogamment que tout va bien, que rien n'a changé entre nous après ces trois mois, que je pense que tout se résoudra parfaitement. Et pour rendre ça plus crédible, rajouter qu'il suffira d'une simple petite discussion pour effacer tout ce qui s'est passé. Mais je n'en ai pas le courage, je sais que Faust ne me croira pas, et je n'en ai pas la force.

« Bordel mais pour un mec intelligent t'es quand même un putain d'attardé.
- Regardez qui parle. »


Ma répartie ne sert à rien, et je le sais. Tout juste me permet-elle de faire avec mon ego blessé, et de me rappeler par la même occasion à quel point je suis tombé bas. Et franchement, je n'ai même pas envie de le regarder dans les yeux et de voir cet air déçu sur son visage ; j'en ai déjà bien assez par moi-même.
Qu'est-ce que je peux faire, de toute façon, hormis m'excuser ? Qu'est-ce que ça changera ? Le mal est fait, maintenant, et je n'ai même pas l'énergie d'être en colère contre ma propre lâcheté. Je ne vaux vraiment pas mieux que celui que j'ai été pendant trois mois, maintenant que j'y pense, et je ne peux pas me cacher derrière un mensonge en disant que j’étais simplement différent. C'est faux. Mes souvenirs n'ont pas changé qui je suis, ils m'aident juste à réaliser mes erreurs, et il y en a bien trop à compter.

« Alors tu vas juste tout laisser tomber ? »

L'accusation me prend de court. Non pas que je n'y ai pas pensé, mais je l'avais enterré sous des couches de déni et d'aveuglement volontaire, j'avais préféré ignorer cette petite voix dans ma tête qui me disait la même chose, en utilisant mille et une excuses. Dire que de toute façon, je n'y arriverais pas, que c'était couru d'avance, c'était une façon de se dédouaner. De relativiser mon inaction. Je déglutis.

« Tu ne vas même pas essayer ? Qu'est-ce que tu as à perdre, de toute façon ?
- Tout, tant que je n'y vais pas. »


Il ouvre la bouche, surpris, et me fixe avec stupeur. Quelques instants plus tard, son visage se décompose et il ne cache alors plus sa peine, cette pitié qui me fend le cœur quand je la vois. Arrête Faust, arrête bordel, comment est-ce que je vais faire pour rester calmer si même toi, tu te rends compte du déchet que je suis ? Je n'aurais pas dû dire ça, je ne voulais pas le dire, mais c'est trop tard pour reculer. J'aimerais, pourtant. Effacer ces trois derniers mois, trouver la solution magique qui répondrait à mes problèmes, ne pas avoir à considérer l'hypothèse qui me terrifie dès que je pense à aller lui parler. Pour l'instant, tant que tout le monde se dit que je suis encore amnésique, je suis en sécurité. Et c'est pathétique.
Parce que je suis le seul responsable, et parce que je m'en veux. Tellement.

« Natsu... »

Je ferme les yeux. Ils sont déjà humides, et je crève d'envie de tout relâcher, de pleurer et de hurler, de m'excuser de toutes les façons que je le peux, mais je ne peux pas. Je ne mérite pas ça, je ne peux pas m'offrir ça quand je sais ce que j'ai causé chez les autres. Et même si mes propres pensées m'énervent par leur ridicule, je ne peux rien faire hormis contenir, encore, tout ce que je ressens en moi pour que ça ne déborde pas. Ce serait trop simple. Pourtant, alors que je repense à tout ce que je lui ai fait supporter, une seule chose me vient en tête. Une vérité simple qui m'a pourtant poussé à venir jusqu'ici aujourd'hui, à aller contre toute logique pour ne pas l’admettre. Je ne bouge même pas lorsque Faust pose doucement ses mains sur mes épaules et me regarde avec méfiance et précaution, inquiet de ma potentielle réaction.

« Je... J'irai lui en parler. Je lui dois au moins ça. »

Il soupire. Moi aussi, j'ai envie de soupirer, mais je l'ai déjà fait trop de fois. Je fais l'erreur de relever les yeux un instant, et j'aperçois son sourire un peu triste, cassé sur les bords. Il n'est plus en colère, et alors que j'ouvre la bouche pour prononcer des excuses, je n'ai pas le temps de terminer.

« Déso-
- C'est bon. Laisse tomber. On en discutera plus tard, je t'en veux pas. Ce que t'as dit tout à l'heure est un peu vrai aussi, de toute façon. »


Il remet son casque en jetant des coups d’œil précautionneux autour de nous. Les détonations ne s'entendent quasiment plus, maintenant, ce qui nous donne le signal qu'il faut pour nous forcer à bouger. Byakuran lui-même semble agité, ou du moins ses sifflements m'indiquent qu'il est temps de partir, et vite.

« Je me tairais, donc. N'attends pas trop longtemps.
- Bientôt. Juste... Pas tout de suite. Il faut que je réfléchisse. »


Il ne me pose pas de questions, et il fait bien. Je serais incapable de lui dire quand exactement, même si je sais que je ne peux pas me cacher éternellement derrière quelques mots très vagues, simplement car je ne préfère pas imaginer ce qui se passera quand j'aurai le cran d'agir. Je serre ma main sur mon manteau et expire lourdement, déjà nerveux. Faust passe une main sur mon épaule pour m'inviter à le suivre.

« Tu viens ? On rentre à la maison. »

La blague dans tout ça, c'est que je n'arrive toujours pas à savoir si il aurait mieux fallu que je ne retrouve pas la mémoire. Et sincèrement, ça me donne juste envie de rire. Je suis une blague, et pas une bonne, dans tout ça.
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Oblivion [OS]

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