Sujet: It's a long way to the top [OS] Mer 7 Sep 2016 - 0:02
It's a long way to the top
Évolution de Tessa, partie 2
« Tu comptes passer toute ta nuit sur cette terrasse, vraiment ? »
Clive détourna un tout petit peu le regard, juste assez pour vérifier que la voix qu'il venait d'entendre appartenait bien à celui auquel il pensait. Les sourcils haussés, son habituel air intrigué à la limite de l'amusement, son cousin ne lui paraissait pas particulièrement inquiet, au contraire d'un autre individu à tendances très collantes, ces temps-ci. Mais au moins, durant la nuit, il pouvait toujours venir par ici, sans forcément avoir à être dérangé par qui que ce soit. L'air était déjà bien plus frais que durant la journée, et étant donné qu'il ne serait pas vu, il se permettait de porter un débardeur. D'ordinaire, ses cicatrices le stoppaient immédiatement. L'ancien officier ne répondit pas, pas même par un mouvement de la tête, et repositionna son regard vers le ciel dégagé de cette calme nuit d'été. Il en redécouvrait la couleur un peu plus à chaque fois, depuis qu'il était sorti, et maintenant que ses yeux n'avaient plus besoin d'être cachés de la lumière, il ne se gênait pas pour les laisser observer ce qui se trouvait autour de lui en permanence. Le menton posé contre la rambarde, il préféra garder le silence. Une de ses mains caressait machinalement sa Géolithe, positionnée contre lui.
« Tu n'es pas vraiment là pour parler de mes habitudes de sommeil, n'est-ce pas ? - Non, pas vraiment. Et de toute façon, ce serait très hypocrite de ma part. »
Il aurait rendu le rictus joueur de l'autre nerd en temps normal, mais il ne s'en sentait pas le courage. En voyant cela, le japonais grimaça.
« Wow. À ce point ? - Hm. »
Comprenant qu'il s'agissait là d'un oui, le cadet tira une chaise vers lui calmement, de telle sorte qu'il était à un mètre tout juste de son interlocuteur. Au vu de la bonne humeur manifeste de Clive, il était sûr et certain qu'il ne s'agissait pas juste d'une déprime passagère, et l'ancien officier ne faisait rien pour le convaincre de partir. À force de traîner près de lui et au vu des ressemblances évidentes au niveau de leur caractère, il lui était plus aisé de comprendre les petits messages implicites dans son comportement. Vu qu'il ne partait pas ou ne lui demandait pas expressément de quitter les lieux, il supposait que son cousin n'était pas entièrement opposé à discuter ou à être accompagné, loin de là. Restait à voir à quel rythme il se laisserait approcher.
« Ça va faire un mois que tu tires la gueule. Enfin tu tires toujours la gueule, mais- - Natsume... »
Le ton d'avertissement du plus vieux ne passa pas inaperçu, ce qui fit soupirer l'éleveur.
« Très bien. Qu'est-ce qui s'est passé ? Faust va finir par rendre tout le monde malade, à s'inquiéter pour toi comme ça depuis la semaine dernière. - ... Il l'a senti ? - Tu en doutes encore ? - Non, pas vraiment. »
Il n'avait pas pris la peine de remettre ses lentilles, et en observant un peu plus attentivement ses yeux, le Shimomura ne put s'empêcher de remarquer une maigre trace de rougeur, accompagnée d'une humidité inhabituelle. Évidemment, il ne fit rien remarquer.
« J'ai... J'ai fait une connerie. - Une grosse, j'imagine ? »
Clive hocha faiblement de la tête.
« Tu sais, y'a deux mois, j'suis parti voir ma mère et mes frères ? Le mois dernier, quand j'ai déménagé ce qu'il me restait d'affaires dans mon ancien appartement... »
–
« Combien est-ce qu'il reste de cartons, Clive ? - Une dizaine, environ. On devrait avoir fini avant minuit, je pense. - Bon, du coup... J'vais chercher de quoi bouffer. Indien ? »
Le cadet acquiesça avec l'aide d'un 'hm hm' sonore. Il se contenta de terminer de passer son scotch sur la boîte brune, même lorsque la porte se ferma derrière le conseiller. En poussant un soupir, il se permit un regard vague dans l'appartement qu'il était en train de quitter, faute de moyens. D'ordinaire, il ne lui servait qu'après les missions, lorsqu'il voulait s'isoler ou qu'il avait besoin d'un point d'amarrage, mais maintenant, il ne lui inspirait que de mauvais souvenirs. Tant mieux, au final, même si vivre aux crochets de son frère ne lui plaisait pas du tout. La situation n'était pas urgente, mais il commençait à se dire qu'il faudrait qu'il trouve un moyen de se débrouiller seul. Néanmoins, les idées ne se bousculaient pas dans sa tête. De toute façon, entre son chômage et son absence d'études, il avait tout le temps du monde pour y penser... Quelque chose frappa alors violemment ses jambes, le faisant tanguer et manquer de tomber, sauvé uniquement par ses réflexes. Curieux et en partie agacé, il baissa le regard pour trouver la cause de cette quasi-chute, tout ça pour découvrir le visage courroucé de sa Kungfouine. Il était vrai que depuis qu'elle avait appris qu'ils s'installeraient définitivement chez Faust, Clio n'avait pas été très enchantée, et elle le faisait savoir. Pas que l'ancien officier était surpris, puisque la jeune femelle avait toujours été particulièrement capricieuse et orgueilleuse, détestant par dessus tout que l'on perturbe sa tranquillité. Mais peu importe ses contestations ; il n'avait pas vraiment d'autres choix sous la main à l'instant
« Je sais, mais c'est comme ça. Tu peux me rendre service et- »
Trop tard : Clio était déjà partie dans l'autre pièce, vexée. Sûrement allait-elle juste l'ignorer et trouver de quoi s'occuper tandis qu'il terminerait de préparer son déménagement. Le jeune homme soupira, pas franchement surpris. Bah, de toute manière ces temps-ci, tous ses pokémon étaient de mauvaise humeur ou en conflit avec lui. Sans doute était-ce lié à sa tolérance exécrable et sa politesse bien plus absente que d'ordinaire, mais même si il s'en rendait compte, il trouvait difficile le fait de changer son comportement. Ses nerfs étaient à vif, la moindre chose le mettait dans des états parfois complètements opposés et rien ne semblait vraiment pouvoir le sortir de son apathie généralisée. Et en même temps, ce n'était pas comme si il avait une quelconque envie d'en sortir. Il entendit la sonnerie retentir et il fronça les sourcils avant de reposer les cartons qu'il tenait sur une table encore debout. En claquant de la langue, il se rapprocha de la porte et l'ouvrit assez sèchement, ses traits froncés dans une expression de mécontentement.
« Faust bordel, qu'est-ce que t'as encore oubli- »
Son grognement mourut dans sa gorge lorsqu'il se rendit compte qu'il n'était pas en train d'enguirlander son crétin congénital de jumeau, mais quelqu'un d'autre. Cheveux blonds, visage fin, petit nez droit, plutôt courte, et de grands yeux ronds noisette. L'inconnue paraissait gênée, comme embêtée à quelque chose, et le fixait d'un air honteux, le regard s'abaissant parfois vers le sol sans raison valable. Clive haussa les sourcils, perplexe.
« Je peux vous aider, mademoiselle ? »
La jeune femme ouvrit la bouche, l'air de vouloir dire quelque chose, mais se tut. Elle le fixa pendant quelques secondes, avant qu'un sourire un peu triste ne se dessine sur son visage et qu'elle ne glousse jaune.
« Je me disais bien... Tu ne te souviens plus de moi, je suppose. »
L'ancien officier tourna un peu la tête sur le côté et fronça les sourcils, cherchant quoi qu ce soit qui aurait pu l'aider à comprendre. Peut-être était-elle une ancienne de son régiment, ou une subordonnée dont l'identité lui échapperait ? Ça n'avait pas de sens, il avait toujours pris soin d'apprendre par cœur celles de ses collègues... Une ancienne cliente de l'auberge ? Non plus, il ne discutait jamais avec eux. Alors quand diable est-ce qu'il aurait pu rencontrer une jeune femme qui- Oh. Oh merde.
« J-je, oh merde, enfin je veux dire pardon, je... »
Livide, le dresseur s'embourba dans une myriade d'excuses toutes plus incompréhensibles les unes que les autres alors que son regard se perdait à son tour vers le sol. De toutes les choses dont il ne voulait absolument pas se souvenir, ce soir-là était bien la première... Mais en même temps, il ne pouvait s'empêcher de se sentir coupable, et c'est sans doute pour cela qu'il réussit à reprendre la parole.
« Entre, euhm, entrez, je vais faire quelque chose... »
Il laissa la porte ouverte alors qu'il fuyait lâchement vers la cuisine en se remerciant de ne pas avoir emballé la machine à café. Profitant tant qu'il le pouvait du temps de repos qui lui était accordé par l'univers, il expira longuement et péniblement. La boule d'angoisse dans sa gorge ne voulait pas disparaître malgré tous ses efforts répétés pour la chasser. Néanmoins, il savait qu'il ne servirait à rien de se cacher des années, et il finit par sortir en essayant de se concentrer sur les deux tasses qu'il posa sur la table. Il savait très bien qu'il n'y toucherait pas, vu sa nervosité. Assis sur le fauteuil face au canapé où se trouvait son interlocutrice, il fixait la table sans oser prendre la parole, malgré le silence. Plusieurs secondes passèrent donc sans qu'aucun n'ose prendre la parole, mais Clive finit par craquer en premier.
« Je suis désolé pour, enfin pour la dernière fois. »
Ne souhaitant pas vérifier si il était regardé ou pas, il continua sur sa lancée alors que ses yeux s'étaient fixés sur le contenu de sa tasse. Vraiment, il n'y avait rien de plus gênant que cette discussion, à l'instant, mais il ne pouvait pas non plus faire comme si rien ne s'était passé.
« Je... Je n'avais pas les idées claires, vraiment. J'ai fait l'imbécile et je suis désolé que ce soit tombé sur toi, enfin vous, c'est entièrement de ma faute et- - J'étais sobre, ce jour-là. »
La voix qui vient de le couper est douce mais ferme, sans pour autant être agressive. L'ancien officier relève les yeux, confus, et ne rencontre qu'un regard assombri par le regret. Elle sourit faiblement, sans grande conviction.
« Tu n'étais peut-être pas irréprochable, mais tu étais loin d'être le seul responsable. Je veux dire, je-on savait très bien ce que l'on faisait, après tout. Ce serait stupide que je t'en veuille pour ça. - C'est juste que... Je sais pas... »
Le métis se tut, mal à l'aise.
« Je ne suis pas venue pour te blâmer ou quoi que ce soit, je... A la base, je ne voulais même pas revenir. Je voulais juste effacer cette soirée de ma mémoire et essayer de réparer mes erreurs. Pardon, du coup, de ramener ça à la surface : ça n'a pas l'air d'être un excellent souvenir de ton côté non plus. »
Non, pas vraiment. Il pouvait encore se souvenir du sentiment de nausée qui l'avait habité pendant les deux jours qui avaient suivi. De l'irritabilité, du dégoût et de la honte qui avaient suivies, de telle sorte qu'il n'avait encore pu en parler à personne. Dans la longue liste des choses que Clive aurait aimé ne pas avoir fait, cela devait sans doute se situer dans le top 10. Et vu la longueur de ladite liste, c'était peu dire. Néanmoins, un détail attira son attention et il ne pu s'empêcher de le faire remarquer.
« Comment est-ce que tu as... Enfin, comment m'as-tu retrouvé, du coup ? »
Un sourire désolé plus tard, et la blonde tira de son sac quelque chose dont Clive n'avait pas vu la couleur depuis plus d'un mois et demi maintenant. En clignant des yeux, le hérisson comprit soudainement que oui, il avait bel et bien perdu son agenda. Au moins un mystère de résolu.
« Il était tombé dans mon appartement, je crois. J'aurais dû te le ramener plus tôt, mais je... Je ne savais pas si je pouvais, du coup j'ai attendu et... - Ça va, c'est rien, vraiment. J'comprends. - Non, c'est... J'aurais vraiment dû venir avant. »
Le ton inquiet de la jeune femme le fit tiquer, et il plissa les yeux, surpris. Maintenant qu'il la regardait véritablement, il ne pouvait pas s'empêcher de remarquer qu'elle était étrangement calme, comme repliée sur elle-même, les épaules haussées et le visage coincé dans une expression angoissée difficilement cachée. Quelque chose se noua dans l'estomac de l'ancien officier, sentant que quelque chose clochait. Son instinct ne venait pas souvent le déranger, mais il était particulièrement instable ces temps-ci, et sa perception était bien moindre. Mais à ce instant, il pouvait savoir que quelque chose n'allait pas, et il ne savait pas vraiment si il voulait trouver réponse à ses questions.
« Tout va bien ? »
Elle sursauta, les mains serrées autour de sa boisson. Incapable de déchiffrer ce qui pouvait bien la mettre d'une humeur aussi étrange, ce qui n'était que plus frustrant quand il constatait à quel point il ne parvenait pas à saisir ce qui se cachait derrière ce regard marron illisible. Elle exhala lourdement, avant de fouiller dans son sac pour en sortir un petit sachet transparent, comme un sac alimentaire dans lequel se trouvait une dizaine de de bâtonnets roses dont il ne connaissait pas la nature. La jeune femme se mordit les lèvres, les doigts serrés autour de ce qu'elle tenait, comme si elle s'attendait à ce que Clive comprenne par lui-même. Malheureusement pour elle, l'ancien officier était loin d'être brillant.
« Ils sont tous positifs. - ... Positifs ? »
Il ne comprit pas sur le coup. Ce qui était supposé être saisi ne l'était pas, et il se contenta de fixer bêtement devant lui. La blonde esquissa un rictus amer, désormais consciente qu'il allait falloir un peu d'aide à son interlocuteur pour qu'il comprenne la gravité de la situation.
« Je suis enceinte. Et il n'y a qu'une seule personne qui puisse être le père. »
Chute. Violente, brutale, étouffante. Il avait l'impression de s'être soudainement écrasé après être tombé de haut. Une violente sensation de nausée venait de l'envahir, et il avait l'impression de tanguer alors même qu'il ne bougeait pas d'un millimètre. Pourtant, malgré le choc qu'il ressentait, rien sur son visage n'apparaissait. Ses yeux s'étaient simplement fixés sur ce qu'il arrivait enfin à identifier comme étant des tests de grossesse, sans parvenir à s'en détacher. Ses doigts s'étaient serrés contre sa tasse, sans s'occuper de la brûlure qu'il ressentait contre sa peau, et sa bouche s'ouvrit comme pour prononcer un mot, mais rien ne vint. Rien, hormis un silence aussi épais que dérangeant, un mutisme absolu que Clive n'aurait jamais pensé à déranger maintenant. Il avait l'impression que l'on venait de lui porter un coup. Un énième coup, à ranger derrière tous ceux que son corps avaient déjà subi auparavant, derrière les atteintes à sa santé mentale qui formaient déjà une liste bien trop longue. L'air, bien trop rare, lui donnait envie de vomir à chaque fois qu'il l'inspirait. Et le désir brûlant d'entendre que tout cela n'était qu'une blague, que l'on se moquait de lui et qu'il était simplement en train de rêver se faisait de plus en plus fort. C'était tout simplement trop pour qu'il puisse comprendre, accepter ou même réaliser ce qu'il entendait. Son cœur battait plus vite contre sa cage thoracique, si fort qu'il aurait presque cru à une brûlure. Une seule erreur, un seul moment d'errance en sept ans, après avoir passé toutes ces années à ne penser qu'aux autres, et voilà ce qui lui arrivait ?
Fallait-il qu'il paie la moindre de ses erreurs à un prix pareil, maintenant ? Sur le coup, il aurait presque eu envie d'en rire. C'était trop gros, tout simplement, pour qu'il y arrive à y croire. Tout cela sonnait comme une mauvaise blague, un uppercut dans sa poitrine qui l'empêchait de voir clair. Sa vision s'était troublée durant quelques secondes et il était persuadé que ses doigts tremblaient, du moins quand il parvenait à les sentir.
« Je sais que c'est... E-enfin je me doute que ça doit te choquer. J'ai moi-même au du mal à l'accepter alors c'est pour ça que j'ai pris autant de temps avant de venir te voir, même si je n'aurais pas dû. »
Elle déglutit, cherchant sur son visage la moindre trace de réaction. Mais rien ne vint, hormis un silence complet et un immobilisme qui aurait presque pu forcer au respect, quelque part. La gorge sèche, Clive exhala difficilement, la respiration irrégulière. Une de ses mains était partie se perdre dans ses cheveux, pour en serrer une poignée, en espérant que la douleur ne le force à sortir de la léthargie dans laquelle il venait de tomber. Sans savoir d'où il tirait la force, il releva péniblement et timidement la tête.
« Je... Je peux te poser une question ? - Oui ? »
Le hérisson ravala sa salive.
« Comment est-ce que tu t'appelles ? »
La blonde cligna des yeux, avant de soupirer d'un air mi-amusé, mi-triste. L'expression désolée de son interlocuteur ne l'aidait pas vraiment à s'énerver de cet 'oubli', vraiment, et elle ne s'attendait à rien de sa part, à la base.
« Alanna Davis. »
—
« ... »
Clive resta silencieux, jetant des coups d’œil nerveux vers le visage étrangement indifférent de son cousin, rendu mal à l'aise par son mutisme total.. L'ancien officia baissa la tête en sentant un regard lourd de jugement, comme celui d'un parent face à son enfant. Soudainement, il comprenait ce que voulait dire Faust quand il parlait des yeux perçants du plus jeune, au vu de l'atmosphère oppressante qui s'était installée depuis qu'il avait fini d'expliquer sa situation.
« De toutes les mauvaises idées du monde, il fallait que tu choisisses la pire, hein. - Ça va, j'ai pas sauté du pont non plus. »
Son ton sec et acide ne suffit pas à choquer suffisamment le cadet pour qu'il adoucisse son comportement. Rien d'étonnant, en pensant à qui il parlait : il ne s'attendait pas à se faire prendre en pitié par Natsume. Quelque part, c'était sans doute bien mieux. Clive baissa le regard, une lueur amère dans ses yeux.
« Je veux dire... J'ai pas touché à de la drogue, ou même blessé quelqu'un... J'ai juste... - Fait une connerie. Une grosse connerie. »
L'aîné hocha de la tête, honteux, incapable de protester alors même qu'il savait que son cousin avait entièrement raison. Se l'avouer à lui-même était une chose, mais l'entendre de la part de quelqu'un dont il valorisait grandement l'avis en était une toute autre. Devant son manque visible de réaction, l'asiatique fronça les sourcils et haussa le ton, poussant la Géolithe à se rapprocher de son dresseur, inquiète.
« Et les MST, pauvre... ! Bon sang, est-ce que t'as écouté ne serait-ce qu'une seule fois dans ta vie en cours de bio ?! - J'en avais pas vraiment sur la main à ce moment, non. - Tu aurais dû ! Déjà c'est complètement stupide et inconscient, enfin passons, mais... - Qu'est-ce que tu veux y faire, de toute façon ? C'est pas comme si je comptais recommencer ! - Encore heureux parce que vu la taille de ton QI tu ferais chuter celui de l'espèce humaine vers les températures glaciaires ! »
Clive détourna vivement le regard, vexé. Incapable de trouver quoi que ce soit pour se défendre ou répliquer face à des accusations en somme justes mais qu'il n'arrivait pas à digérer, il serra les dents et répliqua rapidement. Sa voix, elle aussi, était devenue plus agressive.
« C'est bon, le père la morale, là ? T'as bien fait ta leçon comme un bon petit puritain de y'a quatre siècles ?! - Excuse-moi de me demander si t'as pas potentiellement choppé une maladie dangereuse en plus d'avoir mis une fille enceinte ! Je m'en tape de ce que tu fais avec ton froc, bordel, je suis pas ta mère ! Mais suis-je bête, ça se trouve un bonbon à la menthe et tout ça disparaîtra ! Après tout, je suis juste un petit con qui devrait pas trouver ça dangereux d'aller faire le tour des cuisses d'une inconnue sans se protéger ! - Ça va, j'ai rien, j'suis clean ! J'ai fait les tests, me prends pas la tête avec ça ! »
Cette fois-ci, il avait presque crié, relevant un regard aussi assassin que humide vers son ami. Celui-ci ne répondit pas sur le moment, lui laissant le temps d’inspirer et d'expirer normalement. Ses doigts se serrèrent par défaut contre son bras, auquel il tentait désespérément de se raccrocher, sans se soucier de la douleur qu'il provoquait. Apercevant cela, le soigneur s'approcha lentement et saisit son poignet avec une fermeté non dénuée de délicatesse, tout ça pour le remettre sur la rambarde et le forcer à le garder dans son champ de vision.
« Elle ne peut pas rester dans sa vie. - Pourquoi ? - Je... Je peux pas te le dire. »
L'hésitation dans sa voix n'était pas dissimulée, et Clive triturait machinalement ses doigts contre l'acier froid qu'il tenait dans ses mains. N'importe quoi, tant qu'il pouvait être un tant soit peu distrait de cette situation oppressante et étouffante.
« J'ai promis. » - Bordel, Clive... »
Natsume poussa un long soupir exaspéré en se pinçant l'arrête du nez, comme pour chercher à se garder éveillé et calme tout à la fois. Devant le ton du plus jeune, l'ancien officier grimaça, conscient que l'image qu'il devait donner de lui-même à l'heure actuelle ne devait pas être la meilleure. Mais même si ce qui lui restait d'estime de soi n'était pas particulièrement friand de cette conversation, il ravala sa salive et essaya de reprendre une position droite. Le regard distant, il reprit la parole d'une voix qui se voulait assurée, sans succès. Nerveusement, son autre bras s'était mis à serrer Tessa contre lui, dans l'espoir de trouver un peu de courage. La Géolithe se laissa faire, en prenant même le temps de pousser doucement sa tête contre le bras de son dresseur.
« Je t'ai pas raconté ça pour rien. - Je me disais aussi. Je ne suis pas vraiment le type vers qui se tourner si tu veux du soutien moral. - Dis pas ça, t'as juste... Tes méthodes. - Ouais, ouais, les nazis aussi avaient leurs méthodes. - Point godwin atteint en une demie heure, bravo. »
A u moins, la répartie eut le mérite d'arracher à l'éleveur un rictus amusé et un gloussement. Les quelques secondes de pause que cette plaisanterie avaient amené n'étaient pas pour lui déplaire, puisque Clive pu en profiter pour se montrer ne serait-ce qu'un peu plus confiant.
« En fait, je.. J'vais te la faire courte, je compte le garder. »
Si le hérisson avait expiré longuement après ça, comme soulagé par le fait d'avoir pu dire quelque chose d'aussi important, il ne s'attendait pas vraiment à la réaction de l'autre. Natsume leva les yeux au ciel, avec un mouvement de sourcils qui aurait fait rougir de jalousie plus d'un acteur mélodramatique.
« Allons bon, quelle surprise. - Tu n'es pas... ? - Vous êtes les mêmes, toi et Faust. Si vous voyez de la misère humaine, ou que vous faites une connerie, vous foncez pour la réparer, en dépit de tout le reste. Des fois, je me dis que... »
Il s'était tut avant même de terminer sa phrase, une lueur distante dans ses yeux noisettes alors qu'il fixait l'horizon sans rien dire, l'air plus grave.
« Que ? - Rien, laisse tomber. Continue. »
Clive n'en demanda pas plus. Il avait entendu et vu assez d'histoires après avoir passé sept années dans le régime pour savoir qu'il valait parfois mieux ne pas chercher à tout savoir. De toute manière, connaissant l'asiatique, il lui mentirait sûrement pour dissimuler la vérité, et si il y avait une raison qui expliquait la force de leur entente, c'était ce respect mutuel du jardin secret de l'autre. Il n'hésita donc pas longtemps à changer de sujet.
« J'ai besoin de ton aide. - ... Mon aide ? De toutes les personnes dont tu pourrais demander l'aide, tu... - Je veux recommencer la compétition. »
Toute protestation que son interlocuteur aurait pu énoncer avait disparu, et l'éleveur l'écoutait dorénavant presque religieusement, une étincelle de curiosité sincère dans ses yeux. Sans doute était-ce en partie causée par l'assurance dans le ton de l'aîné, ou de l'assurance qui semblait animer son corps sur le moment.
« J'ai besoin de thunes, pour le moment. Mais de l'argent propre, pas celui du régime. Et gagner la compétition est un moyen d'en remporter énormément d'un seul coup. Si je gagne, j'aurais de quoi vivre et l'éduquer le temps de faire mes études et de trouver quelque chose qui pourra me permettre de lui construire une vie saine et.. Enfin, quand je ne pourrai plus être là, ce qui risque d'arriver d'ici quelques années. »
Natsume ne chercha pas à le contredire, même si l'entendre dire cela lui nouait l'estomac. Il avait certes une idée de ce que l'autre avait fait dans son passé, mais comme à chaque fois qu'il pensait ne serait-ce qu'un instant au fait que ses proches pouvaient avoir les mains sales, il préférait l'oublier instantanément. Pourtant, Clive ne paraissait pas si triste ; si l'éleveur n'était pas incertain de ses capacités d'analyse, il aurait presque supposé que ce futur ne dérangeait pas le dresseur.
« Mais je... J'ai besoin de trouver un moyen de m'éloigner, de m'entraîner, tout ça sans que quelqu'un d'autre le voit. Si l'on découvrait son existence avant la naissance... - ... Tu as peur des représailles. »
L'évidence était bien trop grande, ou alors il était simplement devenu plus doué dans l'art de comprendre l'implicite de son cousin. Clive se mordit les lèvres, cherchant sans doute à défouler sa nervosité quelque part.
« J'peux pas le dire à Faust maintenant, et j'ai pas envie de débattre. Alors j'ai besoin de quelqu'un pour m'aider à faire tout ça. »
Les épaules relevées et l'air hésitant, Clive n'avait actuellement rien de l'officier fier que le Shimomura avait rencontré. Le plus jeune soupira profondément.
« Tu m'en demandes beaucoup, là. Tu veux que je mente à tout le monde et que je t'aide à mentir pour les neuf prochains mois ? - Pas mentir, juste... - Laisser volontairement croire quelque chose de faux, ça reste un mensonge, Clive, arrête de faire l'enfant en jouant avec les mots. »
L'agacement n'était pas dissimulé, et le futur compétiteur baissa le regard face au venin qu'il percevait d'ici. Non, vraiment, il n'était pas fier de demander ça, et il sentait sa volonté diminuer de seconde en seconde alors que le silence s'éternisait.
« Si jamais tu- - C'est bon. J'vais l'faire. »
Surpris, le plus âgé ne parvint pas à dire quoi que ce soit pendant les premières secondes.
« Pour être honnête, tu me fais pitié. Mais ce qui est fait est fait, de toute façon, alors autant essayer de réparer les dégâts. »
En dépit de l'air indifférent qu'il cherchait à se donner, Clive était persuadé qu'il y avait un peu plus que ça derrière ce qu'il disait. Néanmoins, il n'allait pas chercher. Une bouffée de chaleur réconfortante dans sa poitrine avait suivi l'entente de ses propos, et un sourire timide s'étira sur son visage.
« Merci. - Ne me remercie pas tout de suite, vraiment. »
Mécaniquement, il baissa de nouveau le regard en se massant la nuque, balbutiant sans s'en rendre compte.
« Juste, je... Je sais pas si je... - … Si tu y arriveras, c'est ça. - Je veux dire, il y en a des centaines de meilleurs que moi, alors comment est-ce que je pourrais... »
Sur le moment, il n'avait pas obtenu de réponse. Même si il en cherchait une sur le visage du plus jeune, il ne trouvait qu'un air pensif et calme, plus maîtrisé qu'il ne l'aurait cru. Mal à l'aise, Clive n'eut pas le cran de reprendre la parole sur le moment.
« Essaie. »
L'autre avait haussé les épaules, l'air de rien, tandis que l'ancien militaire le fixait d'un air confus.
« Si tu m'avais parlé y'a trois ans, je t'aurais dit que tu fonçais dans un mur, sûrement. Et si tu trouves pas de plan de secours, c'est possiblement ce qui pourrait se passer. »
L'aîné grimaça, gêné, et ravala sa salive. Oui, pour le coup, il ne pouvait pas nier qu'il avait en grande partie raison. De toute façon, à quoi s'attendait-il, hein ? Les miracles, ça n'arrivait jamais, et il ne voyait pas pourquoi cela commencerait maintenant. Il valait mieux garder les pieds sur terre et éviter de perdre du temps inutilement-
« Mais. »
Clive se tendit sur place, inquiet de la suite. Le regard assombri et l'air pensif du plus jeune, devenu étrangement sérieux, ne le rassurait pas tant que ça. Pourtant, le japonais fixait un point que l'autre ne parvenait pas à trouver dans le ciel, comme si il pensait à tout autre chose.
« T'as une raison de vouloir tenir, nan ? Peut-être que si tu t'accroches à ça, si tu essaies malgré tout ce qu'il y a devant toi... - Tu as l'air d'essayer de te convaincre toi-même, là. »
Alors qu'un rictus narquois s'était montré sur le visage de Clive, Natsume gloussa doucement.
« Ouais. Un peu. J'y crois pas encore, moi, à tout ça. - Ça ne veut pas dire que- - Si j'essaie de le faire rentrer dans ta tête, ça veut dire que je reconnais que c'est légitime. Utilise ta tête, Clive. »
Il avait un point, même si le hérisson ressentit le besoin inarrêtable de répondre.
« T'es bizarre, ces temps-ci. »
Rien dans son ton ne laissait transparaître le moindre gramme de jugement. C'était simplement une constatation innocente et sans arrières-pensées, et Clive fut étonné de l'entendre rire. Tranquillement, comme si il venait d'entendre une plaisanterie dont le plus âgé n'arrivait pas à saisir le sens.
« Et encore, toi tu me connais que depuis mon retour. »
Clive ne le contredit pas et caressa mollement la tête de la Géolithe qui les observait d'un air perplexe, sûrement confuse face à ce silence. Bien évidemment, elle n'aurait pas pu saisir tout ce qui avait dit en un simple échange de regard, ni même ce que silence réciproque et volontaire signifiait. En inspirant profondément, il remarqua enfin que son cœur cessait de tambouriner dans sa poitrine et que sa respiration était redevenue à peu près normale, sans même qu'il ne s'en rende compte.
« C'est pour quand, normalement ? - Fin février, peut-être début mars. - ... T'auras pas le temps de terminer la compétition d'ici là. »
Ce n'était pas une accusation, et le flegme de Clive lorsqu'il entendit cela laissa tout de suite comprendre à Natsume ce qui au fond, n'avait pas été dit.
« Tu n'as vraiment pensé à rien, hein ? - Si c'était le cas, je ne serai pas là. Je sais juste... Pas comment faire. »
L'admission était désagréable, mais impossible de nier. Clive soupira, alors qu'un sourire à la fois triste et amer éclairait un peu son visage morne. La Géolithe dans ses bras se mit à gigoter, visiblement rendue nerveuse par toute cette discussion, et geignit à plusieurs reprises. Clive cligna des yeux, surpris de la réaction de la femelle. Celle-ci se mit tellement à s'agiter que le hérisson fut forcé de s'éloigner, tandis que son corps grandissait peu à peu sous le coup de son 'évolution soudaine. Ne s'attendant définitivement pas à ce qu'elle change de nouveau de forme si peu de temps après sa dernière évolution, Clive ne parvint pas à ne dire ne serait-ce qu'un seul mot. Même lorsque se trouva devant lui une imposante Gigalithe, il ne pu que l'observer avec des grands yeux écarquillés. Ce ne fut que grâce à Natsume que le silence fut brisé.
« Elle, je pense qu'elle croit en toi, en tous cas. Les pokémon n'évoluent pas pour leurs dresseurs sans raison. »
Si il savait déjà cela, l'entendre de la part de quelqu'un d'autre était autre chose. Clive resta silencieux, mais il se mit à sourire doucement et amicalement, presque chaleureusement. Si l'asiatique était surpris de voir un air si tendre et lumineux sur le visage du plus âgé, il ne fit rien remarquer, se contentant de l'observer alors que Clive caressait pensivement la Gigalithe.
« Je crois que je vais essayer de commencer à le faire, moi aussi. »
Natsume sourit et se mit assis à côté d'eux, la tête posée contre l'une des jambes de Tessa.
« C'est un bon plan. »
Pour le coup, quand Faust les avait retrouvé au petit-matin, endormis tous les deux contre la Gigalithe, ils avaient eu l'air sacrément cons.