Le hérisson, le lolcat, la chouette metal et le epic sax guy

Feat Alexander Nagel

Je vous ai déjà dit que je déteste les représentations ? Non ? Sûrement que c'est un peu surprenant, ou que vous vous en foutez mais de ça on s'en tape c'est moi qui cause là, mais disons qu'elles me filent de l'urticaire depuis que je suis gosse. Mettez ça sur la faute de mon père et de Clive, c'est probablement le cas ; à force de devoir accompagner papa et mon débile de jumeau à chacun de leurs petits spectacles, j'ai fini par considérer ça comme une punition. Non pas que je ne sois pas sensible à Rossini, Lully et Tutti Frutti (ça doit bien exister) mais comprenez qu'au bout de la dix-neuvième fois à devoir rester pendant deux heures dans une salle de concert avec un costume qui gratte, ça fatiguerait n'importe qui. Surtout moi. Nan, j'ai pas la capacité d'attention d'un enfant de cinq ans, je vous dis. Bref, le nombre de soirées que j'ai perdu, j'en compte autant que de piques dans mes cheveux. Ah, fête étudiante du 15 mars 2009, tu me manqueras toujours... Toi et ta quantité astronomique de boissons, d'idées débiles et de trucs qui me feraient hurler à cause du truc bizarre que j'ai développé appelé « maturité », depuis. Quoique en fait, vu le nombre de fois où je m'étais à retrouver à devoir m'éloigner discrètement pour éviter qu'une main trop aventureuse ne s'aventure vers mon caleçon ou que Jean-Michel Rochefort (surnommé « Belzébuth D4rks » par lui-même) ne tente de me vendre quelques joints terminés avec des copeaux pour hamsters, j'avais bien fait de n'y aller que quelques fois. Nan, même moi à cet âge j'avais un peu de décence. Et encore, c'était à une période où je me disais qu'il suffisait d'un peu d'hygiène pour sortir avec quelqu'un (oui oui, je vais pas chercher à me défendre, je blâme juste les hormones). J'en étais où ? Ah oui, les représentations de musique. Mes excuses, ça ramène en moi bien trop de souvenirs de mon adolescence et de mon enfance. Un peu comme le générique de Bonne nuit les petits me rappellent à quel point je me faisais atrocement chier ou que je devais être sacrément tolérant pour supporter le goût de l'anguille pendant dix-huit ans (Clive aimait un peu trop).

Par contre, quand c'est Alice, c'est tout de suite plus simple. Pas que tout ce que fait ma petite chérie en sucre me passionne, et j'men fous si je suis pas objectif j'vous crotte, mais si. Et puis sérieusement, pour son tout premier spectacle, je ne pouvais pas ne pas me permettre de ne pas venir. Cela fait grosso modo un an qu'elle a commencé, et vu que je n'ai pas pu convaincre Natsume de lui donner des cours (il avait marmonné quelque chose au sujet d'une castration chimique si je parlais de ça à quiconque et je crois qu'il serait cap), j'ai opté pour l'école de musique. Après quelques coups de fils passés à des vieux amis de papa, trouver a été assez simple. Et elle semblait s'éclater, alors bon, que demande le peuple ? Historiquement, du pain et de l'eau propre, oui, mais là on s'en fout. Du coup, il fallait quelqu'un pour assister à ses représentations, et j'étais tout désigné. Isaac avait décliné, étant surchargé de travail, le lapin n'avait bizarrement pas entendu (le lâche).
Personnellement, je n'ai jamais été doué ou motivé par l'apprentissage d'un instrument. Papa avait bien tenté, avec sûrement tous les instruments qui existent, espérant naïvement que je finirais par me révéler un certain talent, même pour la flûte péruvienne s'il le fallait. Mais j'étais bien trop frustré d'échouer à chaque fois, et je n'avais pas la patience de continuer. Donc même si j'ai quelques bases en piano, guitare, flûte, batterie et d'autres, je serais incapable de faire plus qu'un « Frère Jacques ». Mais à une époque, ça impressionnait quand même les filles de savoir jouer un accord en boucle et je ne m'en suis pas privé, il faut l'admettre. Quoique le chant était plus pratique, et c'est bien la seule activité musicale pour laquelle j'étais assez bon. Du coup, je ne peux pas faire grand chose pour aider Alice hormis l'encourager et venir à ses représentations. C'est déjà ça, me dira-t-on.

La gamine était surexcitée depuis quelques jours. Sans aucune inquiétude, elle attendait ce jour avec une impatience qui aurait fait verdir de jalousie n'importe quel stressé de la vie. Bon, certes, ce n'est pas très difficile à son âge et elle ne jouait pas une place au conservatoire, mais tout de même. Je me souviens que malgré le fait que je me suis toujours bien foutu des notes, les évaluations de CE1 me transformaient en une manette vibrante pendant une semaine au moins. Je sais vraiment pas comment elle fait et ça me rassure pour son futur mais bon, il faut relativiser, les choses changent avec les années. En espérant que non pour le coup. Ah ? Je divague ? Bah oui je suis au courant, mais c'est important, j'vous jure !
On a choisi de ne pas venir particulièrement habillés, au final. Ce n'est qu'une représentation pour enfants, après tout, faut pas se tendre le slip non plus. Alice a juste tenu à emmener Malicia avec elle, et je n'ai pas trop eu d'objection à cela. Ce n'était pas comme si la Munna allait prendre la place, vu qu'elle pouvait léviter, et je doute que quiconque puisse résister aux yeux de chien battus d'Alice, encore moins un instituteur.

On était venu en moto, au final. Même si la téléportation aurait été pratique, elle adorait faire un tour avec moi, alors je suis bien incapable de le lui refuser. Encore plus quand elle porte sa petite veste et son gros casque qui le rendent tellement adorable, vous n'avez même pas idée. Du coup, on avait délaissé les Petersons après un déjeuner rapide, juste de quoi dire bonjour à la mère d'Isaac (et lui assurer pour la 1899848ème fois que non, je n'allais pas lui demander la main de son fils, c'était inutile d'insister), pour venir ici. Le ventre encore rempli de boulettes de viande et de princesstarta, je posais les pieds sur le parking pour arrêter mon bébé (la moto, pas ma fille).
Le ronronnement habituel de la machine était souvent réconfortant et tout particulièrement plaisant, tout spécialement après une bonne balade. Et puis sérieusement, rien de mieux que les japonaises pour ceux qui aiment la vitesse : départ immédiat, maniabilité exemplaire. Je ne vous dirai même pas à quel point c'est génial sur les routes désertés, le soir... Bon, ça fait kéké ou héros de shonen mais j'men fous, c'est cool. Et j'ai la classe quand je fais ça, pouet. Tant que je matte pas le ciel étoilé, je ne suis pas condamné. La plupart de temps, comme maintenant, j'avais envie de retourner dessus seulement quelques secondes après, mais je me retiendrais pour cette fois. Je ne suis pas venu là pour parler de ça. Même si j'en meure d'envie.

Alice a déjà retiré sa veste et son casque pour aller courir sur le parking, comme elle avait l'habitude de le faire. Du coup, je cherchais à savoir où elle était passée. Je sais très bien qu'elle ne se serait pas trop éloignée, mais vous savez, on a tendance à s'inquiéter pour rien quand on est parent, c'est comme ça. Et il suffit parfois qu'elle sorte de mon champ de vision pour que mon cœur fasse un tour de grand-huit. Oui oui je sais, je suis un gaga pourri, je vous merde. Cordialement. Et je ne rentre pas à ma maison parce que faudrait pas déconner non plus.
C'est alors que je termine d'accrocher ma bécane que j'entends des cris de jeune enfant, et je reconnais le prénom de ma fille. Curieux, j'essaie de les trouver du regard et c'est seulement après quelques pas que je finis par les trouver. Amusé par ce que je vois, c'est à dire un spectacle qui ferait fondre n'importe qui, je me rapproche lentement, n'ayant pas franchement l'envie de me presser ou de me mettre à courir comme un gros stressé. Ça va, on était relativement en avance donc je pouvais me permettre ce comportement.

Je dois avouer qu'il me fallut un peu trop de temps pour parvenir à reconnaître les différents protagonistes. Le petit blond, il me disait vaguement quelque chose, mais ce fut seulement après une minute que je le reconnus comme étant le gosse qui avait « fait équipe » avec Alice lors de la fête d'Halloween. Ca m'amuse de constater que ma fifille chérie s'est visiblement fait un ami, et que celui-ci semble particulièrement content de la voir aujourd'hui, mais je suis surpris qu'elle ne m'en ait pas parlé jusqu'à maint-

« Mais oui j'suis là, Lulu ! »

… Ah si, Ludwig. Si, donc, j'en avais entendu parler. J'avais juste oublié son prénom. Vioups, mea culpa, io sono un abrutica.  Le deuxième donc, qui paraissait avoir posé une question, ressemblait à une version plus âgée du gosse. J'en conclus donc qu'ils devaient être de la même famille, par contre j'aurais été incapable de dire si il s'agissait de son fils ou de son père, et honnêtement je m'en fichais pas mal puisque cela ne changeait pas vraiment grand chose à ma façon de voir ces deux-là. Vu ma « famille », je serais mal placé pour me poser des questions, hein. Avec les cousins éloignés qui deviennent des petits frères pour des fillettes plus jeunes qu'eux, des tontons et des tatas partout, tout ça.

« Bah, papa a dû se perdre... Ah bah non, il est là ! »

Je n'ai même pas eu le temps de faire ou de dire quoi que ce soit que déjà Alice me pointe du doigt, l'air enjouée de me voir enfin arriver.

« T'es lent papa, on dirait un Tortipouss !
- C'est l'âge, chérie, tu verras quand tu seras à ma place. »

Elle se pencha un peu vers son pote, et d'ici je l'entendais déjà murmurer que 'tu sais comme il est vieux mon papa ? Il a 25 ans, c'est un dinosaure !'. Je me retins de glousser, assez difficilement, en me rappelant que je faisais la même chose, mais il ne faudrait pas qu'ils se rendent compte que j'ai parfaitement entendu, discrets comme ils le sont. Ne brisons pas les rêves des enfants. Ça c'est le rôle de l'école. Oui c'était facile et bas comme critique, je suis au courant.
Pendant que les enfants papotent à une vitesse impressionnante (sérieusement, même moi je n'en suis pas capable), je finis par regarder l'autre adulte, pendant qu'un doute me ronge le cerveau. Je suis persuadé de l'avoir déjà vu quelque part, et je plisse un peu les yeux sans m'en rendre compte, cherchant à poser un nom sur son visage. Au départ, rien. Sauf que je suis vraiment sûr de ce que je raconte et...
… Ooooh. Ah, ça y est. Je sais. C'est le gars que j'ai affronté en match l'année dernière, le blond avec l'Ohmassacre, la Granbull et le Kabutops. Il a gagné, je crois ? J'sais pas trop, je dois avouer que hormis suivre plus ou moins les gens qui font les arènes, j'ai tendance à oublier de vérifier ce qui se passe après. Mais je crois avoir déjà vu sa face sur des magazines, donc ça doit être ça. Bizarre comme coïncidence en tous cas. Je me demande si il va me reconnaître, tiens... ? Sinon, je ne vais rien lui dire, comme je le fais avec la plupart des challengers que je croise de nouveau, bien qu'ils soient rares : l'île est grande, et ceux qui parviennent jusqu'au conseil sont loin d'être en aussi grand nombre que ceux qui s'attaquent aux arènes. Écrémage, tout ça.
Je me tourne un peu vers Ludwig, étant donné que quelque chose me turlupine.

« Donc vous êtes dans la même classe, c'est ça ? »

Alice hocha de la tête à toute vitesse, tellement que je vais finir pas m'inquiéter qu'elle se provoque une nausée ou un truc du genre. Mais pas besoin de me mettre en mode papa poule pour rien non plus.
Toutefois, je me rends compte que je ne sais pas quelque chose, et que ça risque d'être problématique, en fait. Du coup, je jette un coup d’œil confus vers le responsable de Ludwig, en espérant qu'il sache ce dont je n'ai pas conscience.

« Euh, du coup... T-Vous savez par où on doit aller ? Nan parce que j'ai pas trop regardé la feuille, en fait. Je crois que je l'ai perdue. »

Vous savez, moi et les feuilles avec des paragraphes interminables... Même quand les paragraphes font trois lignes, c'est déjà trop dur. Ou du moins chiant.

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Feat Alexander Nagel

J'suis un peu trop excité, moi. En même temps, j'ai carrément amené une caméra pour pouvoir filmer tout ça, bien qu'il est sûr que ce que je vais entendre ne sera pas un travail artistique de génie. Mais bon, que voulez-vous, j'arrive à gagater même quand Alice fait des fausses notes qui me percent les oreilles : je suis irrécupérable et je suis au courant, c'est même assumé. Mais du coup, j'ai l'impression d'avoir bien plus d'énergie que d'ordinaire, ce qui est pas mal, mais qui risque peut-être d'incommoder ceux qui se retrouveront à me supporter. Bah, en un sens, vu que l'avis d'Alice est le seul qui m'importe vraiment dans ce contexte, ce n'est pas trop mon souci. Je risque juste d'être un peu trop joyeux pour les six prochains jours. Ouuuuuuups.
Mais visiblement, le blondinet ne m'avait pas reconnu. Peu m'importait, de toute façon, c'était toujours plus drôle de savoir des choses méconnues par les autres ; prenez moi pour un con si vous voulez, mais j'aime bien toujours avoir de quoi surprendre, rien que parce que voir les têtes surprises des autres m'amuse au plus haut point. Mais oui, même si je me doute que son exclamation est plus liée à la satisfaction d'avoir retrouvé mon prénom que du fait qu'il le trouve cool. Sans que je ne puisse m'en empêcher, un sourire stupide s'est déjà dessiné sur mon visage. Il faut dire qu'il a raison, j'aime bien mon prénom. Il est suffisamment original pour que je n'ai jamais eu de souci à être confondu à quelqu'un d'autre, et puis il est court ; les quelques difficultés que j'avais à le prononcer en étant enfant ont bien disparues (même si papa s'est longtemps moqué de mon accent, maintenant complètement disparu). Toutefois, je serais incapable de vous donner le nom de famille de ce type : son prénom m'est revenu en tête, oui, mais le reste... Sans rancune, hein, je vois passer une bonne centaine de compétiteurs par saison, c'est difficile de se souvenir de tout. J'en oublie même carrément certains d'une semaine à l'autre, des fois. Mais il a l'air relativement supportable, donc tout devrait bien se passer. Et puis si Alice traîne autant avec son g-... Bon j'en sais rien alors on va dire son gamin quand même, hein, pas envie de me prendre la tête avec des termes neutres. Bref. Si Alice traîne aussi souvent avec son gamin et qu'elle l'apprécie autant que ce qu'elle me raconte régulièrement, alors on va forcément devoir se voir un peu. Bon, pas nécessairement se faire des câlins et discuter autour d'un thé, mais vous voyez ce que je veux dire : de la parlotte. Enfin moi je préconise davantage les parties de mario kart si jamais vous voulez vraiment connaître quelqu'un (le comportement face à la victoire et la défaite en dit beaucoup plus que ce qu'on pourrait croire, même devant une console), mais dans le monde des adultes, on préfère discuter de la météo pour sympathiser. C'est chiant mais bon, on s'y fait.

Visiblement, il était au moins un peu immature, vu son comportement, et tant mieux. Les gens trop 'matures' (parce que je le répéterai encore et encore mais ce n'est qu'une question de gestion de ses responsabilités en réalité, pas de savoir si on rit quand on dit 'prout' ou non) m'emmerdent considérablement, ou du moins je ne trouve de l'amusement en eux quand les embêtant. Et avec Alice, il aurait été difficile pour moi d'embêter quiconque, donc je suis bien content de pouvoir me dire que je ne vais pas non plus me mettre à compter les moutons dans ma têtes à cause de l'ennui.
Suivre le petit, donc ? Bah, pourquoi pas. On a encore un peu d'avance, et je doute que le bâtiment ne fasse la taille d'un musée, donc même si on se perd, on finira bien retrouver notre chemin. Dans le cas extrême où on serait en retard... Hé bien on fera avec les regards noirs des parents d'élève, parce que personnellement je m'en bat les steaks, et copieusement.
Du coup, je les suis en faisant moyennement attention à mon entourage, un peu plus préoccupé par le fait de découvrir les lieux où étudient Alice que par l'objectif de trouver le bon chemin. Même si le petit blond veut bien faire avec ses mouchoirs dignes d'un asiat en séance tourisme (on pourra pas m'accuser de racisme envers mes propres origines, eh), je crains fort qu'il ne soit en train de nous mener vers le mauvais chemin. Mais vu que j'ai un peu la flemme, je ne prends pas la peine de le mentionner, en me disant que tous les chemins mènent à Rome, après tout.

Sauf que voyez-vous, je sens bien qu'une fois arrivé dans ce qui semble être une réserve, il va peut-être falloir commencer à songer à un changement de direction. Alice est la première à le faire remarquer, brillante comme est. Et chut, je dis les conneries que je veux si je veux, c'est moi qui décide.

« Je crois pas que c'est par là, Lulu... »

Yep. J'ai cette impression aussi. Mais vu que je ne suis jamais vu à l'intérieur de l'école, impossible pour moi de savoir quelle direction prendre exactement. Je me tourne vers mon compagnon d'infortune, après m'être gratté la nuque par réflexe, l'air décontracté.

« Barf, on a qu'à suivre les autres enfant si on en trouve, à la limite..
- Mais papa, on avait des costumes à mettre ! »

Je cligne des yeux pendant quelques secondes, surpris. Il ne me semble pas avoir entendu ça quelque part, et je crois qu'Alice me ment sciemment avec l'intention toute particulière de se donner l'air ridicule pour pouvoir faire rire une fois sur scène. Je ne vais pas trop la blâmer pour ça, j'avais l'habitude de faire aussi le clown quand j'étais son âge, et je dois dire que si Clive n'avait pas été pour m'arrêter bien souvent, j'aurais sûrement eu encore plus d'heures de colle que celles que j'avais déjà. Et ça vient d'un gars qui a littéralement plusieurs fois dépassé la dizaine de zéros par matière, et le nombre maximum d'heures de colles que l'on peut noter sur un carnet. Mais ça c'est parce que j'étais con aussi, et Alice ne l'est pas, donc elle n'arrivera jamais à ce niveau d'extrême. Donc je peux la laisser faire l'idiote.
Je choisis donc de mimer l'innocence, avec un air assez théâtral qui fera vite comprendre à l'autre adulte que je suis tout à fait conscient de ce que je la laisse faire, avant de répondre à la petite fille.

« Ah bon ? Hé bien dans ce cas il vaut mieux que tu te dépêches, on ne voudrait pas bouleverser tout ce qui était prévu ! »

Non et puis, sincèrement, le fait que la première chose qu'elle ait décidé de prendre était une perruque rouge et un faux nez vert me faisait dire que c'était bel et bien ma fille. Je suis si fier. Avec sa perruque bleue, sa salopette à carreaux et ses fausses lunettes couplée à une belle grosse moustache en faux poils, je dois dire qu'elle rendrait jalouse n'importe qui.

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Feat Alexander Nagel

J'suis peut-être un poil salaud de jubiler autant en voyant à quel point la situation est en train de partir en sucette. Certes, ce n'est pas cool de réagir comme ça me dira-t-on, je ne vais pas le nier, mais je dois avouer que je suis bien incapable d'y accorder la moindre importance, ou même de vraiment m'inquiéter. Personne ne mourra, après tout, d'une simple petite bêtise innocente ; si elle coûtera peut-être à Alice quelques ronchonnements de la part d'une institutrice, je doute que quiconque tente de vraiment lever le ton en la présence des parents. Et puis une part de moi est très curieuse de voir ce qui va se passer, un peu comme un enfant qui laisse tomber des choses au sol pour voir ce que cela donnera lorsqu'elles éclateront. On pourrait appeler ma curiosité scientifique si j'étais d'une mauvaise foi phénoménale, mais je ne m'appelle pas Clive et je ne justifie pas mes envie de foutre la merde par des excuses ridicules. En fait, dans tout ça, l'air désarçonné et paumé de mon collègue d'infortune m'amuse au plus haut point, et je ne peux empêcher un sourire un poil moqueur de s'afficher sur mon visage. Mea culpa, todo es mi fauta, yada yada. Avouez quand même que c'est tellement plus fun, le bordel. J'vais pas faire un discours à la Joker sur le fait que le chaos ça roxxe le poney à sa maman hollandaise (j'ai pas un tiers de sa classe) mais (du Joker j'veux dire, pas du poney) bon, vous saisissez l'idée (c'est chiant les parenthèses toutes les deux secondes, hein ? Maintenant vous savez ce qu'a vécu mon prof de philo au bac).

C'est hypocrite de ma part de dire ça, hein, je le sais, c'est carrément l'hôpital qui se fout de la charité, mais je dois avouer que l'air un peu concon du blond (ça m'évite de répéter 'plus âgé') me donne envie de partir dans un gros fou rire. Je me retiens de justesse, conscient que j'allais peut-être le vexer et qu'on ne rit pas de quelqu'un tant qu'on est pas devenu un de ses meilleurs potes, mais ce fut très, très dur de se retenir. Une petite prière pour la paume de ma main que je me suis pincé un peu trop fort, messieurs dames. J'ai bobo à ma mimine.
Mais du coup, parce que je suis une sale race de sadique quand il s'agit d'emmerder le monde (c'est un art, ça, comprenez), je ne réponds rien, et me contente de sourire. Et visiblement, malgré le manque d'explications, le dénommé Alex finit vite par craquer, ne résistant pas si longtemps que cela face aux demandes de son gamin. On devient tous plus ou moins comme ça, une fois qu'on a la responsabilité d'un gosse, ou du moins qu'on s'en sent responsable ; certains le cachent mieux que d'autres, c'est tout.  

Je devrais vraiment allumer cette caméra, tout compte fait. Non parce que là, je crois que ce serait limite plus kiffant à regarder plus tard que ce que je vais enregistrer tout à l'heure. Et ça fera un très bon matériel de chantage pour quand Alice sera plus grande ; oui oui, je suis un chacal de prévoir ça.
Mais ça y est, je crois que je craque. Je veux bien me retenir et tenter de faire le faux adulte mature et toutes ces conneries, mais le coup des lunettes, c'était trop. Voilà que je me mettais à rire comme un gosse de cinq ans, encore plus hilare en voyant la crédulité impressionnante du petit garçon. Oh non vraiment, c'est précieux. Je devrais arrêter de caqueter comme une dinde, mais impossible de me retenir, et la comparaison avec Polnareff n'aide pas. Alice a l'air tout autant amusée, et je crois qu'elle est maintenant presque impatiente de monter sur scène, dans sa tenue. Ça se voit rien qu'à son sourire maniaque, tellement magique que j'en serais presque fier.
Lorsque le second adulte l'interpelle, elle releva ses yeux vers lui et resta silencieuses quelques secondes, avant qu'un air fier et jovial n'apparaisse sur son visage. La fillette se mit à sautiller sur place, prête à courir sur la scène si on le lui permettait.

« J'vais faire du Gueunzinreusiss, moi, monsieur ! Ça veut dire 'taper sur le paradis' je crois, le titre de la chanson. »

Si la prononciation charcutée de « Guns and Roses » me fait bien rire, je n'arrive pas à ne pas trouver son sourire adorable. Et pour le véritable titre, disons qu'elle aimait bien « Knocking on heaven's door », mais il a bien fallu lui traduire, et elle oublie un peu plus de mots à chaque fois. Je ne préciserai même pas à quel point on l'avait entendu, ce morceau-là, durant les quinze derniers jours. J'adore ma fille, hein, mais au bout du compte, j'en étais arrivé à considérer l'idée de me balader en permanence avec un casque sur les oreilles dans ma propre maison. J'ai beau gagater quand je la vois jouer, n'importe qui finirait par devenir fou à force d'entendre la même mélodie en permanence. Et si je m'étais moqué d'Isaac et de Natsume au départ pour l'avoir fait, je m'étais vite rendu compte qu'ils étaient visionnaires, au contraire. Et c'est méchant de ma part, mais je suis presque content de me dire que c'est la dernière fois de ma vie que j'entendrai ça ; bon, peut-être quand je regarderai la vidéo plusieurs fois, mais ça ne compte pas. Je serai déjà plus occupé à pleurnicher sur l'image adorable de ma fifille chérie.

« Dis Lulu, faut qu'on se dépêche ! »

La gamine saisit la main de son camarade pour le presser après qu'on ait été appelé pour la représentation. Enfin, ils étaient appelés. Nous, soit le blond et moi, étions surtout invités à nous diriger vite fait vers les places des invités. J'ai cru voir une des institutrices nous jeter un regard noir, auquel je réplique par un grand sourire narquois, très fier. Les premiers rires que j'entendais déjà en provenance des autres enfants en disaient long.

« Bon, ben du coup... Faut aller vers les sièges ! Euh, alors, où c'est... »

Vu que je ne sais absolument pas vers où je me dirige, sûrement devrais-je me montrer malin et ne pas faire l'imbécile en allant dans la première direction que je trouve. J'aurais dû demander à un des responsables, me direz-vous, et vous n'auriez pas tort. Mais je suis un peu con, hein, c'est pas nouveau, et du coup j'avance, je monte des escaliers, j'en descends, je mont d'autres escaliers, je prends à droite, j'avance... Jusqu'à ce que j'arrive devant une sorte de petit pont métallique.

« Bah, il fait tout noir, c'est quoi cette me-... ? »

J’eus vite ma réponse quand de vives lumières s'allumèrent autour de nous pour illuminer le sol, quelques mètres plus bas. Là-bas, je pouvais apercevoir des gamins et je suis presque sûr ce qu'il y a devant eux ce sont les sièges donc-...

« Crotte de chien, j'crois que je nous ai emmené un peu trop haut. »

J'aurai sûrement dû dire 'je nous ai emmené sur le cintre, du coup c'est un peu foutu pour regarder en face'. Ouuuuups.

Le hérisson, le lolcat, la chouette metal et le epic sax guy

Feat Alexander Nagel

J'ai pas fait beaucoup de théâtre, à l'école. Enfin, j'ai suivi quelques ateliers au collège et au lycée, et j'ai toujours été assez doué pour jouer la comédie, mais je n'ai jamais vraiment pris la peine de trop me renseigner. Oui oui, je sais que j'ai pas mal de lacunes en matière de culture 'noble' (au contraire de celle dont je me goinfre constamment), mais que voulez-vous, on est parfois très con quand on est ado, et on préfère parfois revoir cinq fois la série originale des Tortues Ninjas plutôt que des opéras. Ironique quand on sait que mon prénom est lié à une sorte de monument du théâtre, de l'opéra et de tout ce blabla artistique que je n'ai jamais vraiment appris à apprécier avant d'avoir atteint l'âge adulte. Enfin, j'aimais les pièces de théâtre, hein, mais les détails, les structures et ces détails techniques m'importaient bien peu. Donc ce n'est pas très surprenant que du coup, j'ai l'air un peu émerveillé  comme un débile maintenant que nous sommes sur le cintre. C'est grand, il faut dire. Et plein de bidules et de machins qui doivent sûrement coûter très cher à installer et mettre en place.
J'hoche de la tête devant les propos de mon interlocuteur, en me disant que je devrais arriver à m'en sortir. Vrai que du coup je vais devoir un peu mentir, maiiis... Bah j'peux pas faire grand chose, hein, et j'ai pas trop envie de me mettre à courir comme un dératé ou de sauter de notre perchoir.

« Ouais. Et puis je suis persuadé que c'était tellement plus classe la vue d'ici. Ils ont rien compris ceux dans le public ! »

C'est une blague, hein, bien évidemment, pour la seconde partie. Et puis il est vrai que je n'ai jamais vraiment eu l'occasion de découvrir tout ça, donc autant en profiter. Ce n'est pas être ici qui va m'empêcher de profiter et d'écouter, parce que ce sont mes oreilles qui vont servir mine de rien. Et pour le coup, je ne peux qu'être d'accord avec Alex ; je doute vraiment que les enfants se doutent d'un mensonge, si on joue bien la comédie. Plus qu'à espérer qu'il sait le faire, parce que Alice est une vraie Sherlock Holmes miniature quand elle veut. Enfin, elle n'a pas de super pouvoir de déduction magique, mais vous m'avez compris.

J'essaie de repérer ce que font les enfants, sans vraiment arriver à les distinguer par leurs couleurs de cheveux. Si depuis tout à l'heure je riais comme un abruti, même lorsque l'autre blondinet se moquait de moi (nan sérieux je suis le premier à rire de ma connerie, pourquoi est-ce que je serais vexé ?), je suis tout à coup plus calme. Mon sourire d'abruti a disparu alors que j'essaie de retrouver Alice dans toute cette foule, mais je constate avec déception que ma fifille chérie ne se trouve pas parmi eux, et grimace allégrement devant le massacre musical auquel j'ai droit. Alex a bien raison, c'est une vraie catastrophe... Je ne peux qu'acquiescer devant ses propos, une grimace s'étalant sur mon visage ; nom d'un chien, ils me feraient presque regretter les musiques pourries qu'on entend en boîte de nuit. Et en sachant que je déteste ce genre de lieux, vous comprendrez vite la force de la comparaison. Arceus, mon père aurait fait des attaques si il avait un jour entendu ça... Je ne vais pas dire que j'étais plus doué, mais il m'aurait passé un savon phénoménal si j'avais osé présenter quelque chose de ce style ! Enfin, en même temps, ce sont des enfants et pas des adolescents de seize ans après des années de pratiques inassidues. Woups.

« À force de se retourner dans sa tombe il va même se transformer en turbine... »

Les tympans vrillés, j'essaie de me remettre en place quand ma connaissance de la soirée me fait comprendre que les gamins vont enfin arriver. Je ne lui en tiens pas rigueur lorsqu'il secoue mon épaule brusquement, puisque toute ma concentration file alors sur Alice. Et comme prévu, les déguisements grotesques et ridicules de ma fille et de Ludwig font naître une multitude de ricanements (ou de mines indignées sur les visages des vieux tellement coincés du cul qu'on pourrait croire que leurs arrières grands parents sont cousins entre eux), si bien que je dois me retenir comme je peux pour ne pas éclater de rire à mon tour et donner signe de notre présence aux gamins. Bon pour le coup, filmer ne va pas être possible... En espérant qu'Alice me le pardonnera, mais je pense qu'une bonne glace suffira à calmer sa potentielle déception.
Pour le coup, ce n'est pas si horrible que ça, même si on sent clairement des maladresses et des erreurs, ce qui est totalement logique quand on considère qu'il ne s'agit que d'enfants. Et sans surprise quand vient le tour de ma fille, mes oreilles s'ouvrent, mes yeux sont fixés sur la petite silhouette brune et je me tais, pour une fois. Un sourire débilement niais s'est d'ailleurs étiré sur mon visage lorsque je l'entends jouer, en ne faisant pas attention aux erreurs ni aux choses qu'un professionnel aurait sûrement jugé insuffisant. Je m'en fous pas mal, là. Ouais je suis je me suis transformé en grosse guimauve immonde, mais vraiment, je n'en ai plus rien à faire. Et peut-être que pour une fois, je comprends un peu comment maman a pu garder tous les dessins immondes qu'on lui a fait, Clive et moi.

Je n'ai pas dit un seul mot durant toutes les représentations. Pour une fois, ma bouche est fermée et pas ouverte à déverser un flot constant de conneries, ce qui est en soit assez rare pour être admire, messieurs dames. Mais bien après qu'Alice et Ludwig soient passés, j'ai commencé à m'ennuyer, voyez-vous. Et j'ai donc cherché à changer de position, sans vraiment me rendre compte de ce que je faisais...
Et voilà que quelque chose lâchait sous mes pieds, et que je me retrouvais à me rattraper avec mes mains sur une des barres de fer pour ne pas tomber. Oh putain de merde. J'ai pas le vertige et j'ai déjà escaladé des trucs bien plus dangereux, mais je vous assure que sur le coup, mon cœur a raté cinq ou six battements. J'ignore comme je le peux les murmures de surprise dans la foule et le fait que l'enfant en train de jouer s'est arrêté, en tentant de remonter. Bordel, où étaient passés les réflexes et l'athlétisme de Noctis, là ? Mes muscles ne sont là que pour faire joli et faire se trémousser les fans, ou quoi ?!

« Rah mais purée de sa mère la- »

Je ne fais pas vraiment attention à l'endroit où je suis, et du coup, le flot d'insultes qui sort de ma bouche pourrait faire pâlir une assemblée d'évêques. Certains enfants ouvrent de grands yeux ronds et se mettent à demander à leurs parents ce que tout cela signifie, parents qui semblent d’ailleurs à la fois très embêtés mais aussi avec une envie passionnée de de m'assassiner, tandis que j'entends Alice rire sans trop se retenir. Puis finalement, par un mouvement du corps que je ne saurais expliquer rationnellement, je me retrouve la tête en bas, les genoux solidement accrochés à une sorte de barre. Ooooh merde. Ma situation s'aggrave là. C'est pire que la fois où j'ai forcé (avec l'aide d'Isaac) Clive à aller dans un strip-club pour ses 18 ans ; c'est-à-dire que ça va finir par devenir n'importe quoi.

Puis, finalement, même si j'ai bien tenu, je finis par glisser et boum, enfin en théorie. La réalité est que la Munna d'Alice m'a récupéré par miracle avec ses pouvoirs psychiques, mais vu qu'elle n'a pas la puissance de sa forme évoluée, je me retrouve alors très vite... Ben par terre. Mais au moins la chute a été réduite et je ne suis pas encore écrasé comme une crêpe. Bon, par contre mon postérieur me fait un mal de chien et je crois que je vais boiter quelques jours, sérieusement.

« NON MAIS VOUS ÊTES FOUS ?! »

Les beuglements hystériques de l'institutrice me parviennent à peine au cerveau alors que j'essaie de  me remettre debout. J'ignore de manière un peu snob ce qu'elle raconte, mais en résumant de manière rapide, elle a vite fait comprendre à Alice et Ludwig de me suivre car on a un peu tout foutu en l'air dans cette représentation. Oups. Si y'avait pas des trucs plus graves dans la vie, je me sentirais presque coupable, tiens. Bouhououhou, vais me mettre à pleurer. Du coup, je fais signe aux enfants de me suivre, en me disant qu'il faudrait juste retrouver le responsable de Ludwig.

« C'était trop bien ! Tu recommenceras, hein ? »

Le cri enthousiasmé d'Alice ne manqua pas de me faire glousser. Bon, où est l'autre, déjà... ?

Le hérisson, le lolcat, la chouette metal et le epic sax guy

Feat Alexander Nagel

Bobo. J'ai tellement bobo à mon popotin, bordel. Je suis persuadé que j'ai dû me déboîter un os des fesses avec cette chute, voir peut-être toute ma colonne vertébrale. Pas que je devienne une chochotte, je vous assure que j'ai vu biiiiien pire dans ma vie, mais n'empêche que je grommelle un peu en avançant, bien que j'essaie de le cacher car dire des horreurs devant des enfants n'est pas vraiment très conseillé. Et puis j'en ai déjà assez dit tout à l'heure pour une bonne semaine environ, j'ai dû dépasser plusieurs quotas de décence. Néanmoins, il va falloir trouver le responsable de Ludwig, et je serais infoutu de retrouver mon chemin dans les couloirs, vu mon sens de l'orientation assez désastreux, aujourd'hui. Et dire que je suis tellement efficace quand c'est en mission... Je sais pas, gagater comme un abruti doit me frire ce qu'il me reste de neurones à peu près viables, c'est la seule explication que je peux envisager. Ouais, enfin je m'en fous pas mal en vérité, hein. Bon, c'est pas tout, mais il est où l'autre... ?
J'obtiens réponse à ma question bien vite. Voilà que môssieur se met à descendre comme un méchant de vieux film de super héros des années 80 (ou d'un Spy Kids, au choix, ça fait plus cheap) grâce à l'aide de son Archéodong et ne s'embête pas vraiment pour se la péter. Pas que je juge hein, je suis du genre à faire les mêmes conneries, mais il a l'air tellement ridicule que je ne peux m'embêter de glousser comme un abruti. Alice, elle, paraît plus intéressée par l'Archéodong ; peu surprenant, vu son goût pour les pokémon psychiques. Néanmoins, nous finissons par rire à l'unisson lorsque Alex s'écrase au sol, de manière prévisible mais tout de même magnifique à voir. Oh sérieux, on devrait être suivis par des caméras. Je suis sûr qu'on se ferait un max de thunes.
Alors que je commençais à réfléchir à l'idée de faire en sorte qu'Isaac me suivent dans un projet de vidéo débile, l'autre décidait qu'il valait mieux partir. Pas faux, en effet, vu les regards qu'on se coltinait déjà depuis plusieurs minutes, qui devinrent encore plus lourds une fois que le blond trébucha à moitié sur moi et se rattrapa sur mes épaules comme une diva. J'entendrais presque les couinements indignés des vieux coincés réacs du coin, et je dois dire que c'est toujours autant jubilatoire de les entendre protester comme les dinosaures qu'ils sont. Si ils savaient ce que les magazines et mes fans inventent déjà... Ou ne s'imaginent pas, d'ailleurs, mais bref. Pour la peine, je ferais presque un gros rictus pour en rajouter une couche, mais non, ma fille est là, du coup j'évite ce genre de gamineries.

« Hé mec, t'es pas une brindille non plus ! »

Je ne peux pas trop parler, personnellement ; je crois que j'ai même pris un peu, vu la dose de sucreries et de pizzas dont je m'enpiffre depuis quelques semaines. Etant donné que Natsume est étrangement bien plus plongé dans son labo que d'ordinaire (mais du style 11 heures au lieu des 8 habituelles, vous voyez), je peux faire ce que je veux avec mon assiette. Enfin, je donne tout de même à Alice une alimentation équilibrée : j'attends qu'elle soit couchée pour commander mon triple burger texas cheese double portion de bacon et fromage supplément oignons frits ketchup mayo. Un peu de tenue, tout de même.  Et c'est exactement ce que nous allons faire : avoir de la tenue, être distingué. Ahaha. Je déconne, j'ai pas envie de m'emmerder.
Nous nous retrouvons donc à l'extérieur, et les enfants, pas vraiment gênés par ce qui vient de passer, rient encore de notre mésaventure. Je ne peux m'empêcher de ricaner en voyant Alice continuer d'insister que c'était « vraiment trop cool même si c'était un peu pas bien sur la fin ». Devant la question de Ludwig, elle sourit.

« Mais nan mais nan ! Pis regarde mon papa, c'est pas grave d'être petit ! »

Je grimace. Aouch, Alice, mon ego. C'est bien la seule à qui je ne reprocherai pas ce genre de remarque tiens ; quiconque me dit ce genre de truc sait qu'il va devoir courir vite avant que je lui arrache les organes avec un coupe-ongle. Réaction démesurée ? Boooof. Chacun ses trucs qui le rendent dingues. Clive, par exemple, ce sont les contradictions historiques. Un petit jeu amusant, tiens : montrez-lui un film du style bourré d'erreurs et d'incohérences et regardez à quelle vitesse il s'arrache les cheveux. Vous pouvez aussi faire les classiques « Napoléon était tout petit », « Eistein était mauvais à l'école », « Washington était le premier président des états unis » et « les vikings portaient des casques à cornes ». Je vous assure qu'il sera en train de hurler comme une fillette en quelques minutes.
Du coup, je cherche une activité qui pourrait nous occuper, mais ne trouve pas immédiatement. Du coup, c'est Alex qui parle en premier, proposant d'aller chercher des glaces. Je crois qu'il ne se rend pas compte à quel point Alice apprécie son idée et à quel point il vient de monter dans son estime. Les yeux de la fillette s'illuminent et elle sautille presque frénétiquement à l'idée de dévorer une crème glacée bien sucrée. Oh seigneur, elle va encore vouloir s'éclater le bide. Il va me falloir beauuucoup de persuasion pour réussir à la calmer, sachant à quel point elle est devenue folle avec ses glaces depuis que c'est mon débile de cousin qui l'emmène en prendre.
Mais mon estomac parle avant moi, et je hoche donc rapidement la tête.

« Ouais ! Moi j'vais prendre chocolat et vanille et noix de coco avec du cacao fondu et- »

Ah ça y est, elle est partie pour déblatérer. Mais au final non, vu qu'elle se retourne vers le petit blond, de grandes étoiles plein les yeux.

« Tu crois qu'ils ont des noisettes dans les glaces ? Ça serait trop génial ! Dis, c'est quoi toi ton goût préféré ? »

Rien n'arrête Alice une fois qu'elle est intéressée par quelque chose, et encore plus lorsqu'il s'agit de quelqu'un. Elle ouvre alors grand ses yeux, fixe du regard et observe tout, comme la chouette à laquelle je la compare souvent, mais sans moquerie. Je vais donc chercher l'adresse du glacier grâce à mon téléphone, et indique la marche à suivre à mes compagnons de la journée. Par chance, nous n'avons énormément de temps à perdre dans les rues, trois minutes tout au plus. Malin, le glacier, de s'installer tout près d'une école. Capitalisme mon ami.
Mais comme dit précédemment, je suis un peu nul en matière d'orientation, quoique je ne me suis trompé qu'à une seule intersection, dans ce cas. Et je cherche le glacier avec curiosité, en priant pour trouver rapidement avant d'être mis devant un cas d'enfants déçus aux grands yeux larmoyants. Gêné de mon échec, j'essaie désespéramment de trouver quelque chose, et remarque finalement un véhicule qui a l'air d'une camionnette. Blanche qui plus est, ce qui est celle des glaciers ambulants. Oubliant momentanément que si le glacier que je recherchais avait été celui là il ne serait pas apparu comme ayant une adresse fixe sur internet, je m'approche donc.

« Ça a l'air d'être ça je crois... ? Un peu froide la déco mais bof, si c'est de la bonne... »

Je n'ai pas idée d'à quel point mes propos sont ironiques. Les fenêtres sont teintées, ce qui ne m'alerte pas, mais les portes sont très légèrement ouvertes. Et parce que je suis bien trop curieux, je fais un pas dans le véhicule (ouais je suis un putain de sans gêne), juste pour vérifier que ce que j'aperçois d'ici est bien de la glace. Comme ça, dès que le gérant arrivera, on pourra se goinfrer. Mais mes sourcils se froncent alors que je remarque un petit sachet vert qui n'a pas l'air d'être goût pistache. Un peu alerté, je me rapproche sans hésitation cette fois, soulève ce qui couvrait le carton, et pâlit un peu.

« Oh merde. »

Chier. Chier chier chier chier. Et tant pis pour les gros mots devant les petits. C'est pas bon du tout, ça. Je grimace sans le cacher. Pourquoi ai-je écouté ma curiosité, moi, hein ? J'aurais pas pu rester tranquillement dans la rue ? Monter dans des camionnettes louches, mais qu'est-ce qui m'a pris...

« C'est pas de la glace, ça »

J'ose difficilement dire que j'ai devant moi plus de cannabis que j'en ai  jamais vu durant toutes les fêtes étudiantes et sorties en boîte de nuit que j'ai jamais fait. Ce qui veut quand même dire beaucoup, mais voilà, je ne vais pas le dire expressément quand Alice et Ludwig sont tout près de  nous. D'ailleurs, j'entends bien moins leurs voix maintenant que la porte s'est refermée derrière nous et que j'entends le moteur ronronner.

Le hérisson, le lolcat, la chouette metal et le epic sax guy

Feat Alexander Nagel

Comme le dit si bien mon compagnon du jour, je crois que j'ai fait une grossière erreur. Le genre de grossière erreur qui normalement, sur une île comme celle-ci, vous envoie au fin des égouts ou dans un bloc de ciment pour aller nager avec les petits poissons. Mais bon, que voulez-vous, j'ai tendance à ne pas réfléchir quand il s'agit de bouffe et je commence à me dire qu'heureusement que j'ai toujours eu Clive pour me retenir, quand j'étais gosse. Ou Isaac quand j'étais ado. Parce que pas sûr que j'aurais bien tourné si j'avais suivi les camionnettes blanches qui me promettaient des bonbons... Et que ça reste entre nous, hein, parce que sinon je sens que je n'en entendrai jamais la fin.
Mais du coup, je nous ai mis dans une sacrée galère et je suis d'un seul coup bien moins relax en réalisant que j'ai embarqué les enfants (sans le vouloir) dans ma galère. Si cela avait été Alex, j'aurais été vaguement coupable mais sans plus ; c'est un adulte, après tout, il peut bien survivre seul sans que j'ai besoin de l'aider. Mais avec les petits, c'est tout de suite moins facile et bien moins drôle. Vu à quel point Alice a fait des progrès depuis la mort de sa mère, je n'ai pas vraiment envie que la vision d'une arme ou d'un type un peu trop énervé ramène des mauvais souvenirs. Mais en même temps, je ne pourrai pas vraiment me permettre d'avoir les mêmes réactions de Noctis si jamais la situation venait à s'envenimer... Fais chier.

Je suis un peu blanc, et je n'arrive du coup pas à répondre à Alex avec quoi que ce soit d'autre que des balbutiements. Ah bah j'ai l'air fin là, avec un sachet de weed dans les mains et deux jeunes enfants derrière moi, dans une camionnette blanche. On aurait presque l'impression d’être dans l'introduction d'un film d'auteur. La situation va forcément s'arranger après, hein, ou du moins je me répète pour éviter de céder à la panique, avec une détermination assez appuyée. Et dans le pire des cas, ça ne me dérangerait pas vraiment de foutre la merde avec un de mes poké- Ah bah tiens, c'est justement ce que me propose le blond le plus âgé, maintenant. Je grimace ouvertement, même si je devrais essayer d'avoir l'air un peu plus souriant pour rassurer les enfants. Je ne suis pas brillant, mais pas sûr que faire éclater le toit d'une voiture en mouvement n'allait pas perturber les conducteurs et nous envoyer tout droit dans un accident de voiture. Et vu notre position (sans ceinture de sécurité tiens, pas bien) ce serait une très, très mauvaise idée. Sauf si on veut faire des crêpes et de la gelée avec nos organes.
Néanmoins je n'ai pas le temps de répondre à mon voisin puisque Ludwig se met alors à hurler, terrorisé, bientôt imité par son responsable. Un peu apitoyé (oui, j'aime pas les cris d'enfants, je vous merde), j'essaie de rester calme et cherche Alice du regard. La fillette est  tout près de moi, elle s'est évidemment rapprochée mais ne s'est pas non plus collée, cherchant à dissimuler la crainte qu'elle devait sûrement ressentir. La lueur dans ses yeux m'en disait long, et j'avais l'impression qu'elle pensait à tout autre chose, à un moment dont je n'ai pas pu la protéger, et je sens un  nœud se former dans mon ventre. Non non, on va sortir de là, c'est moi qui le dis, et personne ne va être blessé.

« Nan mais à la limite peut-être que- »

La camionnette s’est arrêtée, et je me tais aussitôt. Ça sent pas bon du tout, cette histoire, vraiment. Je pousse Alice à se reculer pour se positionner derrière moi, méfiant, et fixe mon regard sur les portes de la camionnette. Bon, au pire, je peux encore sortir Natu de sa pokéball et-
Deux individus ouvrent le fond du véhicule avant que j'ai fini de réagir, et je m'immobilise. Ce n'est pas la grande laideur des nouveaux arrivants qui me perturbent, mais surtout la situation, car je peine bien à trouver une justification. Je regarde les deux vieux dealers sans bouger, les détaillant pour trouver un indice qui pourrait me permettre de m'en sortir, mais-...
Attendez, ce bouton... Cette tête rabougrie, ce teint pâle et cette odeur infecte de cigarette... Ooooh merde. Un nombre incalculable de mauvais souvenirs passent dans ma tête.

« Madame Perrin ?! »

Je n'ai pas pu m'en empêcher, l'exclamation est sortie toute seule, et je crois qu'elle m'a reconnu également, vu ses grands yeux écarquillés. Oh seigneur Arceus, si on m'avait dit que je reverrai un jour une de mes institutrices de primaire en tant que dealeuse de drogue, je n'y aurais pas cru, mais... Elle a marqué mon esprit, celle-là, et son bouton aussi visiblement. Un rire jaune m'échappe.

« Bon ben c'était cool, ahahahaha... Faites un bisou à votre chien si il est toujours vivant, hein, cette brave bête... »

Une vraie saloperie, plutôt, un petit roquet enragé qui terrorisait Clive quand il était petit.

« C'était génial de vous voir, mais nous on a des choses à faire, vous savez, la vie adulte, la météo tout ça... »

Je serre la main d'Alice un peu brusquement pour lui faire signe de me suivre sans poser de questions. Je ne vais pas passer cinquante ans à discuter des souvenirs non plus.

« Cassos ! »

J'ose espérer qu'Alex sera assez intelligent pour me suivre sans faire d'histoires. J'attrape Alice sous mon bras et la soulève sans trop de difficultés, avant de... Courir. Et je crois qu'ils nous suivent, mais je vais bien assez vite pour doubler deux petits vieux qui ne sont pas au top de leur santé non plus. Si je ne suis pas essoufflé (les joies de faire du sport régulièrement), n'empêche que je n'ai pas du tout l'air fin. Et du coup, pour nous débarrasser, du problème, bah...

« Don, Hydrocanon ! »

Et de un Tortank qui projette une surpuissante attaque aquatique en pleine ville, une. Oups.

Le hérisson, le lolcat, la chouette metal et le epic sax guy

Feat Alexander Nagel

J'admets que ce n'était pas l'idée du siècle, certes. On a vu meilleures méthodes pour régler des soucis et je ne suis sûrement pas un exemple parfait pour des enfants, mais faut être con pour me prendre pour exemple, en même temps. Ça fait de l'exercice, me dira-t-on avec une pointe de mauvaise foi tout de même. Mais alors que Donatello asperge d'eau les rues et va probablement causer quelques dégâts majeurs à cause de la violence de son Hydrocanon qu'il ne maîtrise encore pas pleinement, je cours comme un dératé, Alice dans les bras. Nom d'un chien, c'est qu'elle a grossi ! J'veux dire, d'accord elle a environ neuf ans mais même si c'est une enfant, elle est quand même un peu lourde et je me demande si toutes les glaces que lui fait bouffer Natsume n'y sont pas pour quelque chose. Ou alors j'suis pas assez fort, mais ça ne peut pas être ça, nanméoh. J'suis costaud moi wesh, vous avez même pas idée d'à quel point. Donc j'suis sûrement pas essoufflé, c'est pas vrai ! Par contre je suis presque sûr que mes genoux vont commencer à se plaindre, vu qu'on courre depuis un petit moment et que ça commence à devenir vaguement chiant.
En fin de compte, il semble que nous les avons semé. Tant mieux. Moi tout ce que je désire, c'est oublier ce que je viens de voir et si possible ne pas penser au fait que mon institutrice vend sûrement des trucs pas très légaux pour arrondir ses fins de mois. Je sais que l'économie est pas terrible ces temps-ci, mais quand même, quoi ! J'aimerais conserver un tout petit peu d’innocence dans mon enfance, ça serait vraiment génial. Qu'on me laisse au moins ça.

Alors que j'essaie de m'assurer que nous les avons bien semé, Alice est déjà partie aux côtés de Ludwig, cette vilaine déserteuse sans cœur pour son pauvre papounet abandonné. Bah, je m'en remettrai, mon kokoro va bien finir par se soigner. Du coup, une fois la tortue ramenée dans sa ball (car j'adore Don mais faut pas pousser mémé dans les pétunias quand même), je me rends compte que nous allons peut-être enfin pouvoir manger ces foutues glaces après toutes ces péripéties. C'est Alex qui confirme ma pensée en me regardant avec un air qui me fait vaguement penser à un meme un peu zarb du net. Pour le coup, même moi je suis curieux. Je suis donc le blond sans trop me poser de questions, en me disant que de toute façon selon ce que je connais des probabilités (pas grand chose mais quand même), il ne risque pas de nous amener dans une autre camionnette blanche chargée de drogues.
Non, en fait, il nous emmène directement au paradis. Je vais mourir de bonheur je crois en fait, là. Ou de diabète, peu importe, mais c'est une mort sucrée et diablement tentante qui se présente à moi. Ah euh comment ça, c'était pour les gosses à la base ? Mais faut bien que je goûte pour m'assurer qu'Alice mange de bonnes choses, vous voyez. Et oui ce n'est pas une excuse.

« Moi j'veux de la fraise avec de la vanille, de la framboise, des noisettes, du coulis de cerise et pis plein de cassis ! »

Elle a bien raison, même si je vais le sentir passer par des douleurs au ventre pendant des heures et des heures. Peu importe, c'est pour la bonne cause ! Avec un grand sourire, je me tourne donc vers nos compagnons de route.

« Bon, concours de qui bouffe le plus ? »

La maturité c'est tellement pour les tapettes après tout. Je crois que je regrette pas du tout cette escapade, en fait.