« Alors, c’est par où déjà ? Fuck, j’connais que les rues principales moi ! »

Avec mon téléphone en main en mode GPS, je suis encore doué pour ne pas trouver mon chemin, pourtant j’avais noté l’adresse, à croire que le réseau a envie de me jouer des tours pour la localisation. 19h43 et j’suis perdu, bien joué garçon, du coup je demande mon chemin aux personnes traînant dans les rues, entre explications vagues et orientation qui diffères des personnes, je me retrouve encore plus perdu qu’avant. Bon c’est pas qu’avec les multiples répètes du groupe on a pour habitude d’arriver en retard mais quand même, c’est un premier renca… rendez-vous avec une amie, faudrait pas trop avoir l’air con en arrivant en retard, m’enfin, là on est mal barré…

On est où là ? Ah ça y est, il reste deux rues et je suis arrivé au bar, j’empresse donc le pas limite trottiner pour atteindre plus vite la destination, bouge ton cul garçon ! T’as dix minutes de retard, ah non quinze !

« Darkred Sunset, putain enfin... »

Je reprends mon souffle et rentre tranquillement dans le bar, l’air innocent comme lors d’une répète, le retard je l’oublie vite et je fais en sorte de ne pas savoir ce que c’est. Les dreadlocks vaguement attachées en chignon, un jean confort légèrement déchiré avec des petites chaînes pendouillant au niveau de la ceinture, un T-shirt large noir arborant le nom de mon groupe en lettrines agressives étalées sur une image de Mega Mysdibule en noir et blanc, les tatouages à l’air et sur les poignets de multiples bracelets en cuir. Et donc avec les Rayban posées sur le nez je cherche la douce rouge du regard, la trouvant par la suite au fond, plusieurs pintes sur la table dont une vidée à moitié dans sa main.

« Oh merde, j’suis bien en retard là. »

Arrivant alors à sa table, m’asseyant tranquillement en face d’elle, je pose ses lunettes sur la table d’un air enfantin et dans un clin d’œil amical je lui adresse la parole :

« Pas facile de trouver c’bar, en plus avec mon magnifique forfait internet j’ai fait trois fois le tour avant de trouver ! »

Je ne savais pas que ma présence susciterait autant de joie, mais de là à ce que la belle rouge me saute au cou, elle devait être vachement contente. Comme bon gentleman que je suis, je la fais tourner sur un tour lorsqu’elle s’accroche à mon cou, la redéposant par la suite sur le sol, prêt à écouter ce qu’elle avait à dire.

« Tiens! Pour me faire pardonner de ta terriiiible aventure! Un chauffeur de bus, c’pas censé avoir un sens de l’orientation de fou, hm? »

Sur ce coup-là la donzelle elle a pas tort, mais faut me comprendre, je connais par cœur les rues et avenues principale, pas les malheureuse rues sombres qui les longent ! Et en buvant une bonne gorgée de la bière qu’elle m’a filé, je me contente simplement de hausser les yeux au ciel en souriant et en détournant mon regard d’elle, j’aperçois d’ailleurs deux autres pintes sur la table, elle commande en avance ?

« Ouais, alors, sorry, mes potes Rolf et Travis m’ont posé un gros lapin, ils seront pas là… J’imagine qu’on va devoir boire leurs pintes, c’est con, non? »

« Ah ? C’est dommage ça, j’en déduis qu’on sera juste tous les deux à boire ? Et faut boire leur binouze aussi ? Ah bah mince alors ! »

Fis-je d’un air complétement ironique. Deux fois moins d’invité, deux fois plus de boisson. C’est dommage pour eux mais tant mieux pour nous ! Enfin, si elle aime boire, bien évidemment, dans ce cas je me retiendrai de recommander des boissons. Qu’on soit juste à deux ce n’est pas un énorme problème, je pense qu’on s’amusera tout autant, en plus au loin y’a un karaoké, tout pour s’éclater !

« Dans une heure, ils vont mettre le karaoke.. Tu m'laisses pas chanter seule, hein? »

Ho-ho ma douce, si tu savais ce qu’il t’attend, y’aura plusieurs phases au karaoké, la première je t’accompagne, la seconde tu te retrouves seule et la troisième je t’écraaaaaase avec mon talent... Oui, oui les chevilles vont bien merci.

Buvant une autre gorgée de bière, je me tourne alors vers Riku, parce qu’au final j’en sais rien de cette damoiselle, c’est toujours cool de connaître un peu plus ses amis.

« Alors Miss, c’est pas trop dur d’être championne ? D’être connue à travers tout le pays, toussa. »

Boire. Voilà le seul mot que me traîne dans la tête à ce moment-là, face à la belle miss je bois d’une traite le reste de bière qu’il me restait dans la pinte, et sous l’appel de la boisson pour la gloire de son assistante, j’empoigne la seconde pinte sur la table en la levant au ciel.

« Oui ! Matruc, boire ! »

J’écoute d’une oreille attentive ce qu’elle me raconte sur sa vie de championne, au final ça doit pas être vraiment difficile d’être un symbole d’une ville, elle le vit bien, en tout cas de ce que je vois, le stress ne l’atteint pas, celui de toujours bien faire, de ne décevoir personne, c’est marrant ça qu’elle garde un calme olympien face à ça, et je respecte tellement son attitude, limite à la jalouser.

« Comment t’en es arrivé là, toi ? Chauffeur de bus, tout ça… »

Et bim point intéressant et colle qu’elle me claque au visage. J’ai pas trop à me plaindre de mon travail, j’en suis même content, parce que vois du monde c’est cool quand même.

« Tu connais l’entreprise Larocque ? Celle qui est leader du tourisme sur Enola ? Bah t’as le petit-fils du créateur de l’entreprise devant toi. Du coup trouver un travail n’était pas si difficile, j’ai juste bien bosser à l’école et dès que j’avais l’âge d’avoir mon permis bus, je suis rentré dans l’entreprise familiale. Et du coup oui pour te reprendre, ça m’amuse de trimballer des touristes sur les mêmes trajets tous les jours durant. Et tu sais ce qui est génial dans ce travail ? Si ce n’est les touristes qui te prennent pour un simple chauffeur, c’est que tu rencontres des habitués qui ont toujours le petit mot doux pour embellir ta journée, une petite mamie qui vient prendre des nouvelles, un employé de bureau qui prend le bus alors qu’il irait plus vite en vélo mais qui reste juste pour faire la conversation, et surtout une gamine qui squatte le bus et qui a la flemme de payer ses billets, ça tu vois ça me fais kiffer mon travail oui. »

Warf il fait soif d’un coup quand tu racontes ta vie, je bois donc une gorgée en jetant un coup d’œil vers le karaoké qui va pas tarder à commencer, et tout en reprenant la conversation, je m’adresse empli de fierté à la grande Riku.

« Oh ouais si tu savais, tout le monde me reconnaît avec mon bus Wailord, et je suis le seul de l’île à avoir un bus comme celui-là ! »

Des vraies disputent d’enfants, bravo la mentalité, c’est à celui qui va avoir le dernier mot, bon au final ce n’est pas si dérangeant que ça, au contraire ça me permet de sortir un peu de cette bulle si stricte où il faut bien parler et adopter des comportements adultes. Et tout en regardant la divine miss réclamer le classeur à chanson, je la vois qui s’empresse de lire les différentes chansons proposées, AC/DC ? Rammstein ? Tiens elle a bon goût la demoiselle. Niveau voix elle tape dans du lourd dès la première, bon en qualité de chanteur je ne devrai pas avoir trop de problème pour ce qui est de Rammstein, je ne me débrouille pas trop mal en allemand et sa voix est juste bien grave et puissante, assez facile à imiter, par contre si on tape dans du AC/DC, la voix criarde du chanteur risque de casser plus d’une voix, on va éviter de taper là-dedans trop rapidement.

« C’est toi qui a le classeur, je te laisse le choix, mais n’oublie pas, on est regardé ! »

Bon au final en s’en fou un peu que des gens nous regardent, c’est un karaoké pour tout le monde, on va en entendre des bonnes comme des vraies casseroles, et tiens… ce sera une belle occasion d’écouter sa voix à la miss, et puis du clean ça me fera pas trop de mal, ça fait un moment que je n’avais pas travaillé ma voix.

« Le temps que tu choisisses je vais prendre les micros pour éviter qu’on nous les vole. »

M’empressant donc vers le comptoir pour prendre les micros, ainsi que deux shooter Headshock (absinthe et tequila), pour la voix, c’est important. Je lui pose alors le micro devant elle et lui tend le verre en la regardant droit dans les yeux.

« A notre belle soirée ! »

Et un cul sec, un. Tout en regardant la rouquine descendre son shoot, je fais de même et bim alcool fort je ferme les yeux sous la puissance de l’alcool dans la gorge et lâche un râle gras.

« Paré. »

Y’a du monde dans le bar, de plus il semble que des personnes aient reconnu la championne et commencent même à faire des sifflements d’encouragement, de plus parmi cette foule se trouvent des personnes qui m’ont aussi reconnu, aaah la joie de retrouver son public, je prends donc fermement le micro et lançant mon regard habituel à la foule qui commence à chauffer, et sous les premières notes de musique, je headbang légèrement pour avoir le rythme.

C’est marrant de voir quelqu’un qui n’a pas l’habitude de chanter de participer avec un chanteur, elle n’a pas froid aux yeux celle-là, chouette on va bien se marrer. Et la voilà qui se lance sur le refrain, je la laisse seule pour profiter d’un public attentif à la voix. Et puis la voilà qui me laisse seul à mon tour, c’est le moment de jouer de ma personne, faisant mes mimiques de chanteur complétement à fond dans sa chanson, je lance le public sur le refrain en tendant mon micro vers eux.

« Highway to hell ! »

La musique se calme et il est temps de dire la dernière phrase de la chanson, d’une voix suave et rocailleuse, je m’arque en deux, serrant le micro contre ma poitrine, l’autre main volant au rythme de ma voix.

« And I’m goin’ dooown, Aaaaaal the waaaay ! I’m in the highway to heeell… »

Foule en délire dès la première chanson, ça promet, on va leur faire un vrai concert ? Herbert contrôles-toi tu risques de voler la vedette juste pour ta personne et ne jamais lâcher le micro, c’est un karaoké, non un concert dans bar. Et la donzelle m’envoie un highfive que je réponds instantanément avec plein d’entrain. Et la prochaine chanson arrive, « Ich will » de Rammstein, on passe sur une musique facile que tout le public pourra chanter avec nous, comme précédemment. L’alcool fait bien effet et bouger dans tous les sens risques de faire du grabuge, même pas peur, je commande une bière au miel au barman que je descends de moitié juste avant le début de la chanson.

« Ein, zwei, drei. Ich mag die Kartofell. »

Ça y est mes vocalises sont faites, et juste avant le début des paroles, je lance ma main quasi innocemment en direction des fesses de la demoiselle qui va terminer sa course sur petit un « clack », amicale la tape bien évidemment, c’est pour se motiver à continuer, oui-oui.

Et cette fois-ci la musique étant bien plus intense, je me laisse emporter et détache mes dreadlocks pour les laisser headbanger dans tous les sens, prenant une voix beaucoup plus rocailleuse et même plus gutturale que la version officielle, laissant la donzelle faire presque toutes les phrases, la reprenant juste sur les « Ich will » en fond.

Ça partait d’un bon sentiment la tape sur les fesses, hein, rien de déplacé. Et voilà qu’une pousse dans le dos m’envoie valser dans le public, jouant le jeu alors, et peut-être que sous l’effet de l’alcool je n’ai pas très bien capté ce qu’il vient de se passer, m’enfin. D’un saut dans la foule j’en viens à me faire propulser par le public, sur la route vers le bar dans une marée humaine, certaines personnes n’avaient pas envie de jouer le jeu et ne me rattrapèrent pas lorsqu’on me jette sur elles, et donc dans un fracas sur le carrelage, je m’explose sur le sol, disparaissant des regards. Mais grâce à l’alcool, la douleur ne se faisait pas sentir et je me relève donc pour m’accouder au bar demander une autre boisson.

« Un whisky chef s’te plaît. »

Verre servi et englouti d’une traite j’attends que la musique se finisse et que la miss comprenne qu’il n’y avait rien de mal dans cette main déplacée. En descendant de ma chaise, un petit malin avait trouvé comme amusement de passer comme une furie en me bousculant, me faisant chuter à nouveau, un jaloux peut-être, un héro solitaire qui est venu au secours de son idole ? Bref, la voilà qui arrive en me tendant la main que je m’empresse d’attraper pour me relever.

« Allez, pour te faire pardonner, soit je t’offre une clope, soit je t’emmène faire un tour… vers un autre bar, héhé! »
« J’accepte les deux volontiers Miss. J’t’offre un verre ? »

Bon, elle a l’air calmée. On ne tente plus rien à l’avenir, elle doit avoir un souci avec ça. Et j’vais pas m’en mêler. Promis moi plus toucher jeune fille !

« Roooh, c’est pas drôle sinon. »

Dis-je en réponse au refus de boire de l’alcool de la donzelle, tout en tirant sur la cigarette pour y recracher après une bonne bouffée d’air la fumée ingurgitée. C’est bien dommage de ne pas profiter pleinement de cette soirée, enfin chacun sa façon de profiter, hein. Moi je sais que j’ai Rush derrière qui va m’épauler si jamais je ne marche pas droit, mais elle ? Elle m’a moi au pire… ouais non en fait. Et lors de notre marche vers le prochain, elle me fait la confession qu’elle aimerait voir un jour la magnifique musique aux sons scintillants que je produis avec mon groupe.

« Une date de concert ? Bah ça tombe bien car on doit en faire un dans pas longtemps dans un bar à Amanil, j’peux même essayer de te choper une place devant les amplis si tu veux. »

Rameuter du monde pour des concerts, c’est comme ça qu’on élargie le cercle des amateurs de métal. Et la voilà parodiant mon superbe accent allemand, oui j’en ai fait en Lv2 au collège, ça s’entend hein ? Suite à cela j’explose de rire à m’en rouler par terre, d’ailleurs en parlant du sol, je trébuche comme une grosse merde sur un pavé légèrement ressorti du sol, ça m’apprendra à traîner des pieds quand t’as un petit coup dans le nez. Allongé sur le sol je ris encore plus comme une merde, comme-ci ma propre chute avait déclenché un rire moqueur, j’aime beaucoup me moquer de ma personne, y’a tant de chose à dire, et puis ça apporte la bonne humeur. Peu après, nous voilà bientôt proche du prochain bar, et c’est là que suite à la discussion avec la belle rouge au sujet de concerts, elle me parle de son prêt d’amphithéatre pour des concerts.

« W-what ?! Un concert dans un amphi, mais putain je signe tout de suite ! »

Bon certes on a un peu de notoriété, pour d’ailleurs avoir fait partie des groupes lors d’un festival de musique, mais un concert dans un amphithéâtre, on ne crache pas dessus. Surtout que c’est un endroit exotique pour des musiciens, et c’est ça que j’adore faire. Tellement qu’un jour on fera un concert dans une grotte, ça se sera le pied.

« T’aime ça la musique hein ? D’ailleurs on a pas beaucoup discuté mais à part défoncer des gens en combat, c’est quoi tes autres passions ? »

Herbert ! Voyons surveille tes paroles, t’as l’air d’un mec qui fait du rentre dedans, l’alcool te rend amical mais quand même, de là à parler de manière non distingué, voyons…

« Ouais défoncer, j’disais ça comme ça. T’es réputée pour faire péter les salles et j’adore ça, je trouve ça super classe. »

On est arrivé devant le bar et j’écrase à mon tour la cigarette, la lançant dans le caniveau plus loin avant d’ouvrir la porte pour laisser madame entrer sur un « Les dames d’abord » tel un gentleman. Après qu’elle soit entrée, je me claque un peu le visage en respirant une bonne dose d’air frais puis je rentre à mon tour dans le bar. Herbert, tu vas trop loin, prend toi une douche froide et reprend toi.
Je commande une limonade cette fois-ci, et non une bière comme j’aurai l’habitude de faire en soirée avec d’autres amis. Et c’est le moment des confessions sur les petits plaisirs que l’on a l’habitude de faire et qui nous mettent du baume au cœur pour que l’on puisse continuer à aller de l’avant. Pour elle c’est la coordination et la musique, des choses qui bougent. Cette fille est une vraie pile électrique, je pourrai facilement croire que c’est une Herbert avec plus de… ouais voilà. Je bois une gorgée de ma limonade.

« En dehors de mon groupe de musique et de mes alliés Pokémon avec qui je partage ma vie, il y a bien mon métier qui me passionne énormément, mais qui me prend beaucoup de temps, temps que je ne peux passer à pratiquer mes passions, la musique et le sport. Mais grâce à ce métier, il me permet de rester avec mes Pokémons et de faire de superbe rencontre. »

Et telle une rose venant se déposer en face de mon interlocutrice, je la relance sur un sujet qui la passionne tant.

« La prochaine fois que je passe sur Zazambes pour le taf, c’est toi qui ramène le CD de musique. »

Je profite de cet instant de calme pour sortir mes trois alliés de leur balle, Rush venant s’assoir sur le banc à côté de moi et Burst et Blast sur la table. D’ailleurs les deux ont encore du mal à s’apprécier, ils sont séparés à chaque bout de table, Burst d’ailleurs est plus du côté de la rouquine, cherchant à s’attirer sa sympathie via une tactique rusée de remuement de corps, telle une chenille qui se déplacerait avec grâce, regardant la belle de ses yeux globuleux en cherchant une caresse sur son crâne.