Santa Barbara chez les Enolians  

Sam est un con

Même jour, même moment, mais autre personne. Même état pourtant, car c'est d'un pas joyeux -ou plutôt vol- que j'admire la capitale de l'île sur le dos de Tori, en direction de l'université. Pas la mienne, évidemment, car j'en ai pas encore (Comment ça, j'suis un glandeur ?!), mais celle de Natsume, qui m'a appelé pour que je vienne le rejoindre devant sa salle de cours. Un rendez-vous qui m'enchante, car en plus de voir mon petit ami, cela me permet en outre de visiter un peu l'endroit où il étudie. Pas que les facultés me fascinent particulièrement, mais je me dis que, très bientôt, je vais devoir moi aussi affronter ce quotidien, et à défaut de m'inscrire définitivement dans une école -ce qui attendra la fin de la compétition-, ce n'est pas faute de visiter un peu à quoi ressemble les endroits de ce genre. Et s'il y a une chose que j'adore, ce sont les grands bâtiments. Les très grands bâtiments. L'université du Shimomura n'est pas gigantesque non plus, mais on s'y perdrait, avec tous ces couloirs, ces salles de cours et autres escaliers menant à des chemins seulement connus des habitués. Habitués auxquels je ne ferai jamais partie, heureusement, car je suis tout ce qu'il y a de plus nul dans les matières scientifiques, et c'est un domaine qui ne m'attire pas du tout.
À vrai dire, je n'ai pas tellement hâte au jour où je devrais choisir quelles études je vais devoir faire. Je ne sais vraiment pas quelle orientation choisir, ni même ce que je veux faire plus tard. Quand j'étais à l'école primaire, mon enseignante m'avait donné une feuille à remplir sur laquelle je devais marquer le métier que je voudrais faire plus tard. Peut-être que si je la retrouve, j'aurais une idée... Ah et inutile de me dire d'aller voir un conseiller d'orientation, hein. C'est le genre d'entretien dont je ressors plus confus encore qu'avant d'y aller. Mais si je veux pouvoir faire quelque chose de ma vie, faudra bien que je me cherche un job stable qui me plaise.

Je fais signe à mon Roucarnage de commencer à descendre, et peu à peu nous perdons en altitude pour atterrir sur le toit. Pas que je n'aime pas me mêler à la population, mais je préfère jouer discret tant que je le peux, même si au final ça paraît davantage suspect. On risquerait surtout de me reconnaître et de me dévisager, et ça, je préfère l'éviter tant que je le peux. Mais mon cœur se met à battre plus fortement quand je rappelle mon oiseau et que je dévale directement les escaliers menant à l'intérieur du bâtiment à une vitesse folle, impatient de voir le japonais, et surtout d'arriver juste un peu avant qu'il ne sorte pour le surprendre. Sans doute que nous irons nous balader un peu une fois que je l'aurais récupéré, mais j'ai hâte qu'il me raconte sa journée de cours. Bah quoi ? C'est pas parce que j'y comprends rien à ses trucs que je suis pas intéressé par ce qu'il fait ! Enfin... C'est surtout lui, qui m'intéresse, vous savez. Il a souvent des étoiles plein les yeux quand il me raconte en détails toutes les choses passionnantes qu'il apprend, et je trouve ça formidable si ça lui plait autant. Faut dire qu'il est assez craquant quand il est enthousiaste.
Mais c'est que je me perdrais presque, dans ce labyrinthe. Encore heureux qu'il m'ait indiqué comment m'y rendre de manière claire, sinon je m'y retrouverais pas. En arpentant les allées où se trouvent d'un côté les fenêtres qui laissent passer la lumière et de l'autre les portes des salles de classe, je courre, l'esprit léger, à la recherche de la galerie dont il me parle dans son SMS. À l'angle d'un couloir, je retrouve enfin la bonne entrée, et m'y rends donc en calmant le pas, prenant une démarche plus lente mais toujours assurée, le sourire aux lèvres.

Un sourire qui disparaît aussitôt quand j'aperçois une tête bien trop connue dans mon champ de vision. D'abord surpris, je ne tarde pas à montrer un air particulièrement agacé, surtout quand je remarque qu'il attend devant la même porte que moi. Assis par terre contre le mur, je tente d'afficher quand même un visage neutre pour ne pas qu'il se sente tout de suite offusqué. Qu'est-ce qu'il fiche là, d'abord ? Me dites pas qu'il attend lui aussi Natsume ?! Tss... Ce serait la meilleure, celle-là ! Mais non, c'est impossible. C'est à MOI qu'il a donné rendez-vous, pas à ce... ce... binoclard de pacotille ! Et je vous emmerde, Natsume c'est pas un binoclard !.. Bon, peut-être un peu, mais sur lui, c'est mignon ! Il n'a certainement pas le même air stupide que ce... euh... J'ai oublié son nom, tiens. Barf ! C'est pas grave, c'est pas comme si c'était important. Toujours est-il qu'il continue de m'agacer, à attendre devant cette salle ! Sa salle, comme par hasard. Mais s'il croit qu'il peut me voler mon rendez-vous en piquant mon lapin, il peut toujours courir ! Il a qu'à en chercher un autre, d'abord. Qu'est-ce qu'il veut faire contre moi, de toute façon, me balancer du potassium à  la tronche ?! J'ai avec moi six beaux arguments qui peuvent lui faire ravaler tous ces trucs chimiques, moi.
Copieusement, je l'ignore sans remord et détourne même le regard pour éviter qu'il ne s'approche. Apparemment, il n'a pas l'air de vouloir tant que ça me parler, et c'est tant mieux. Je vais pouvoir faire comme s'il n'existait pas jusqu'à ce que Natsume sorte enfin et que nous puissions nous barrer d'ici, loin de ce malade. De toute façon, le Shimomura ne devrait pas tarder à sortir. J'espère simplement qu'il ne passera pas des heures à parler biologie avec l'autre timbré, sinon je vais m'endormir sur place et nous n'aurions pas pu profiter d'une petite balade ensemble.

Alors, prenant mon mal en patience, j'attends. Mais je remarque Natsume a bien du retard, ce qui est pourtant inhabituel de sa part. Le professeur le retient-il en classe ?.. Raaah si seulement ce cours pouvait finir, par Arceus ! Combien de minutes va-t-il falloir que je reste là, planté comme un piquet, à seulement un mètre de... de... Roh on s'en fiche !
Mais wait. Qu'est-ce qu'il fait, là ?.. Me dites pas que... Et si. Et merde. Pour une raison que je ne vais sans doute pas tarder à connaître (et qui doit être affreusement stupide, quand on considère la source), le 'camarade' -et j'insiste sur ce mot- se lève pour s'avancer vers moi, avec ce même air idiot qui lui va si bien ('regardez qui parle' mais je t'emmerde, la joueuse !). Oh, oh, tu vas voir si ce sera aussi marrant tout à l'heure... Gargamell. Voilà, j'me souviens de son prénom. Quoi ? On me dit dans l'oreillette que c'est pas ça. Roh Mell tout court, si vous voulez. N'empêche que Gargamell ça lui va mieux (oui je sais maggle). Bah tiens, et en plus, il vient chercher Natsu, lui aussi. Drôôôle de coïncidence, n'est-ce pas ? Coïncidence de mes fesses !
Mais vous savez quoi ? Le pire, c'est qu'il essaye de me faire croire que mon copain lui a envoyé un SMS (que je n'ai pas reçu 'comme par hasard') pour lui qu'il s'est trompé d'horaire et que EN PLUS il avait cours dans un autre bâtiment. Mais son visage de gentil tout innocent ne passe pas avec moi, et c'est pas avec un café qu'il va m'amadouer ! Avec un sourire fou, je finis par éclater.

« HA HA ! Tu croyais m'avoir... euh... Béchamell ! Mais j'suis plus malin que tu le penses, figure-toi ! Et il est hors de question que je tombe dans une de tes ruses ! »

S'il m'a cru aussi naïf pour penser que j'allais gober de telles calomnies, il s'est trompé d'adversaire.

« NIHAHAHA ! 'Un cours dans le bâtiment à côté', c'est ça, ouais ! Pourquoi il aurait envoyé un SMS qu'à toi, hein ? J'te ferais dire qu'il m'aurait prévenu si vraiment il... »

Ah, tiens, voilà que mon portable se met à vibrer. Allons donc, qui ça peut bien êt-... Oh. En sortant mon téléphone et en voyant que l'émetteur n'est autre que mon petit ami, j'ouvre immédiatement le message qu'il m'a envoyé et me fige littéralement en constatant qu'il y parle exactement de la même chose et que cela ne vient que confirmer les dires de mon interlocuteur. Oups. H-Hé, non, vais certainement pas m'excuser ! Puis c'est louche, qu'il m'ait envoyé le message après... Babybell !

« Je sais ! Tu veux m'attirer dans la cafet' pour m'y enfermer et avoir Natsume pour toi tout seul, avoue ! »

J'le vois venir, avec son expression graveleuse ! Et après, quand il aura fini avec le japonais, il reviendra me voir pour faire des trucs louches ! Je t'ai démasqué... euh... Gmell !

Santa Barbara chez les Enolians

Sam est un con

Vous vous dites sûrement que j'en fais des tonnes. Que je ne devrais pas arriver à ce niveau extrême d'absurdité. Car ce n'est certainement pas ce gringalet qui irait plaire à Natsume, alors je n'aurais aucune raison de m'inquiéter. Mais j'vous assure que c'est pas simple de devoir faire comme si de rien n'était, alors que je vois de plus en plus le Shimomura et ce mec ensemble. D'autant plus qu'ils se voient tous les jours à la fac, et je vous parierais que c'est avec lui qu'il reste jusqu'à vingt heures à la bibliothèque. Pfft ! Ces deux nerds... Quand ils sont dans leur labo, je les entends des fois pousser des cris surexcités à chaque fois qu'un de leurs mélanges changent de couleur. Et... Et ils font exprès de parler des tas de trucs incompréhensibles juste pour pas que je me mêle de leurs conversations, j'suis sûr ! C'est parce que je connais rien à leurs trucs de scientifiques et de matheux, pff... C'est... C'est pas une raison, d'abord ! J'peux comprendre des trucs ! P-Plein de trucs, même, si vous voulez savoir. Bon, j'vais pas le cacher et dire que ce qu'ils font m'intéresse mais... mais... Je trouve ça franchement louche qu'ils passent autant de temps tous les deux, et même que sa tête à lui ne m'inspire pas confiance. J'y peux rien, moi, s'il est bizarre. Puis il est quoi, plus vieux de quelques années de plus ? Ah ! Il les aime jeunes ! Bah bravo !.. Comment ça, je suis pas mieux ? Mais j'vous emmerde ! Moi au moins je n'utilise aucun stratagème pour tenir éloigné le copain d'un étudiant que je convoite en secret ! Et n'allez pas me dire le contraire, je crois toujours pas à son histoire, à l'autre. Il n'y a absolument aucun raison valable pour que Natsume lui ait également donné rendez-vous. J'suis sûr que c'est lui qui a voulu s'inviter dans le nôtre pour me voler la vedette, tss.

Mais... Mais... Il me traite de débile, en plus ! L'est pas un peu fou, lui ?! Qu'est-ce que je disais, tiens ! Moi, un psychopathe ? On aura tout vu ! Et tu vas voir ce qu'il te dit, le p'tit con, p'tit con ! Et arrête de bagayer... attardé !
Je grogne comme un roquet, mais me retiens de me jeter sur lui pour lui dire ma façon de penser. On se ferait vite remarqués si on faisait trop de boucan, je crois. Il y a encore des cours à cette heure-ci, et même si ce fichu lunetteux m'agace au plus haut point, je n'ai pas envie de me faire disputer par mon petit ami quand il aura fini de travailler. Je suis censé l'attendre pour lui faire des câlins afin qu'il se relaxe, pas me bagarrer avec un demeuré qui veut prendre ma place ! Il peut bien me dévisager autant qu'il le veut , je ne suis nullement impressionné. Quand on fait aussi peur que Tristan quand il essaye de faire des regards noirs, on évite de la ramener. Je pousse un petit cri d'indignation quand il me bouscule pour commencer à s'en aller, me souhaitant, sans surprise, que je me perde dans les couloirs. J'avais raison, peuh ! Il veut que je me perde pour que je n'arrive jamais à temps à mon rendez-vous et que Natsume croit que je lui ai posé un lapin ! Comme ça, ce sera lui qui rafflera tous les honneurs ! Mais comment Natsume peut traîner avec ce type, sérieux ! Vous voyez, que ça a rien à voir avec ma jalousie stupide, irrationnelle, démesurée et...
… Roh la ferme.

Irrité et gêné au possible par ce rustre bonhomme, je gonfle les joues pour montrer mon agacement. Qu'il s'en aille, j'ai pas besoin de lui ! J'ai jamais demandé à faire ami-ami avec ce faible d'esprit, de toute façon. Tant pis si l'éleveur sera blasé par mon comportement, il est hors de question que je devienne gentil alors que môssieur se moque de moi et fait tout pour m'éloigner de mon copain en le monopolisant avec leurs molécules, pédoncules et autres bric-à-brac de chercheurs ! C'est lui le premier qui va se paumer, d'abord. Il doit être aussi bête que sa coupe de cheveux ! (celle de Natsu est parfaite, vos gueules)
Ou alors... Ou alors il connaît un passage secret pour arriver avant moi et il ne veut pas que je le découvre ! J'ai compris !

« HA-HA ! »

Il ne m'aura pas comme ça, c'est moi qui vous le dis. Avant qu'il n'ait le temps de poursuivre sa route, je coure dans sa direction pour bondir sur lui et le clouer au sol, de telle sorte à ce qu'il ne puisse plus bouger. Je ne me ferai pas avoir comme un débutant par ce blanc-bec qui croit tout savoir parce qu'il fait des calculs compliqués. Je les connais, ses petits tours, mais il s'est trompé d'adversaire, visiblement. Personne ne me vole mon Natsu, et personne n'a le droit de me traiter comme je le mérite ! Je pourrais sans doute utiliser mon Gardevoir pour comprendre ce qu'il y a d'enfoui dans ce cerveau si 'génial' et démêler au grand jour toutes les illusions malsaines qu'il s'invente pour ses plans diaboliques !
Assis sur lui, les bras croisés, je le défie du regard, un sourire triomphant aux lèvres.

« C'EST UN PIÈGE  ! J'le savais, tu veux essayer de me rouler dans la farine ! Mais tu te frottes à la mauvaise personne, mon pote! »

Héhéhé... J'suis vraiment le plus fort. J'en connais qui serait admiratif, en me voyant, vraiment. Natsume sera peut-être mécontent en apprenant que j'ai terrassé son 'ami', mais il me remerciera vivment quand il saura que je lui ai évité de se faire approcher par un pervers. Et toc ! Qui qui sait le meilleur ? C'est bibiiii !

« T'as cru que tu pouvais te débarrasser de moi comme ça ? Tu rêves ! J'vais certainement pas te lâcher ! Hors de question de laisser qui que ce soit violer la bouche de mon petit ami une seconde fois ! »

Je ne devrais pas être fier de moi. Du tout. Et pourtant, je ne peux m'empêcher de ricaner méchamment, sentant mon heure de gloire arriver. Moi qui ai toujours peur de ne pas être là lorsque le Shimomura a besoin de moi, on pourra pas dire que je n'ai pas été prévenant sur ce coup-là !

Santa Barbara chez les Enolians  

Sam est un con

Je refuse de céder. De lui laisser croire qu'il a gagné, malgré tout ce qu'il prétend. Mon devoir est de protéger mon copain de tout agresseur malsain, alors c'est ce que je ferai. Même s'il n'a pas besoin de moi en temps normal pour se débarrasser des gêneurs, s'il commence à avoir confiance en eux, c'est à moi de me charger qu'ils n'embêtent pas le Shimomura. Le souvenir de ce qui s'est passé il y a deux ans ne partira pas de sitôt, mais l'éleveur n'a justement pas besoin qu'une telle scène recommence, même si je sais mieux me maîtriser aujourd'hui. Admettez quand même qu'un type déjà dans la vingtaine qui fréquente des jeunes ad-... adolescents, c'est bizarre, non ? Comme dans les séries, c'est peut-être au héros de démasquer le manipulateur ! Et si pour cela je dois rester des heures à l'interroger en le clouant par terre tandis qu'il devient de plus en plus rouge, qu'à cela ne tienne ! Je ne lâcherai pas tant que je n'aurai pas tirer toute cette histoire au clair, et je crois que mes soupçons vont définitivement s'envoler quand j'apprendrai les véritables intentions de ce Mell ! Héhé, pour une fois que je suis celui qui sauve la situation, j'aurais presque le droit à une médaille pour mon courage exemplaire ! Qui, à part moi, aurait osé s'attaquer à ce menteur, hm ? Il a gagné la confiance du Shimomura et des autres, mais je ne suis pas dupe, moi, monsieur ! Alors non, je ne compte pas le frapper, je ne suis pas fou à ce point, et je sais que Natsume déteste la violence, mais je prévois d'y aller pas trop fort, parce que ce bigleux porte des lunettes et pas besoin d'être un génie pour savoir que ça coûte un peu cher, alors je ferai en sorte de ne pas y toucher. Cela ne sert pas à grand chose de le blesser de toute façon, ça ne résoudra rien, et surtout dans une université, ce n'est pas le moment de me faire remarquer. Si j'ai frappé cette fille l'autre jour, je ne vais pas me risquer à recommencer, car j'ai appris un minimum à me contrôler, et que ce n'est pas le but ici. Je veux juste lui faire comprendre que Natsume est mon copain à moi et que je ne laisserai personne essayer de me le voler !

Mais le message ne passe pas du tout comme je l'aurais espéré, et si je m'étais attendu à ce qu'il me fasse des aveux sur le fait qu'il avait effectivement un faible pour le lapin, je me retrouve très surpris quand je ne vois pas le coup de l'autre arriver mais dont la force suffit à me retirer de sur lui. Un coup de poing vif et brusque qui me prend au dépourvu et qui est plus douloureux que ce que je ne croyais. Là, ça y est, il m'a vraiment foutu en rogne. Je n'aime pas sortir les poings le premier, surtout quand ce n'est pas nécessaire, mais s'il veut jouer à ce petit jeu avec moi, il va en avoir pour son argent, cet imbécile. Son insulte, même, est bien loin de réussir à m'apaiser. Si je pense qu'il cherchait surtout n'importe quoi pour m'offenser, cet affront me pique particulièrement à vif, étant donné que je déteste ce genre d'injure. « Fils d'attardé » cela fait bien référence à mes parents, non ? Grmbl. Je refuse qu'on traite mon père ou ma mère d'attardé, même si ce nabot (car je viens de m'en apercevoir, mais il est en fait plus petit que moi question taille) ne sait rien de ma vie et qu'il n'a probablement pas envie d'en savoir davantage. Mais je ne réponds pas tout de suite. Il ne sert à rien de lui renvoyer la balle maintenant ; j'ai envie de voir s'il peut continuer à faire quelque chose de ses poings, ou s'il va abandonner et partir. J'ai mal au coccyx à cause de ma chute, mais j'essaye de ne pas montrer qu'il m'a fait mal : ça lui ferait sans doute trop plaisir de savoir qu'il a réussi à me tirer une douleur, même légère. Aussi, quand il se relève, je ne fais d'abord pas un geste de plus, attendant de voir, en grognant, ce qu'il s'apprête à faire. L'autre recule tout d'abord, avant de reprendre la parole d'une voix encore moins assurée qu'avant. Mais je me fiche éperdument de ses excuses, et je parie qu'il ne les pense même pas ! Il fait juste ça pour se donner bonne conscience, ou simplement tenter de se faire encore bien voir.

Mais je ne suis pas calmé. Je suis loin d'être calme, même. Sans frôler l'explosion, je bouillonne progressivement dans ma tête, attendant le moment où je pourrais le frapper, que ce soit physiquement -même si j'aimerais ne pas arriver à ce stade- ou verbalement, pour lui dire ma façon de penser. Il m'irrite, avec ses grands airs. Il s'imagine vraiment avoir la science infuse simplement parce que Môssieur fait des mathématiques ? Peuh ! Pas mal de scientifiques sont arrogants, mais j'aimais bien me dire qu'il ne s'agissait là que d'une rumeur. Mon petit ami, heureusement, ne fait pas partie de ceux qui pètent plus haut que tout le monde. Son 'ami', en revanche, a l'air de s'y croire à donf. C'est ça, prends ta respiration, avant que je ne te la coupe brutalement ! Je ne vais pas contre-attaque tout de suite. J'ignore si même cela sera nécessaire. L'idéal serait qu'il me laisse tranquille, même si je serai frustré de ne pas lui avoir rendu la monnaie de sa pièce, je pourrai faire l'impasse si et seulement si cet érudit de mes deux veut bien daigner me laisser tranquille avec le Shimomura. C'est avec moi et moi seul qu'il sort, non ? Pas besoin d'avoir quelqu'un pour tenir la chandelle, vraiment ! Je ne sais même pas pourquoi Natsume a tenu à ce qu'il vienne avec nous. Peut-être pour se moquer de moi, tss... Ce n'est pas le genre du lapin, mais s'ils traînent encore tous les deux, ils ne vont pas arrêter de papoter pendant des heures sur des sujets dont les connaissances m'échappent totalement, et je vais encore me sentir à part. Pas que je me mêle vraiment de leurs conversations, mais c'est... c'est pas une raison pour me tenir éloigné et faire exprès de parler dans un dialecte qui m'est étranger ! Je ne vois même pas comment ils peuvent aimer les maths. Si bien sûr ce sont bien les maths qui intéressent la noiraude à lunettes ici présente, ce dont je doute encore un peu.

Mais... De nous deux, c'est bien lui le plus intelligent à l'heure actuelle. En fait, je sais que si je m'entendais réellement, je me foutrais bien quelques paires de baffes. Le pire, en vérité, est que je ne me rends pas encore compte d'à quel point ma réaction est stupide. J'essaye de me convaincre que j'ai raison. Je ne devrais pas. C'est inutile. Car dès lors qu'il me parle d'irrespect, je ne sais pas comment réagir. Je suis d'abord en colère qu'il m'accuse entre autre de dégrader mon copain. Je me demande avec énervement comment il peut se permettre de dire ça. Alors je vois rouge. Je fulmine. Je gronde de plus belle. Je refuse de le laisser dire ça. En le dévisageant méchamment du regard, je m'apprête à rugir. Il est, toutefois, le premier à partir. Et je me dis qu'il n'a qu'à y aller. Car je m'en fiche, de lui. C'est bien ce que je voulais, non ? Qu'il me laisse avec Natsume par peur qu'il me le prenne. Par... manque de confiance ? Non ! J'ai totalement confiance en mon petit ami. C'est... C'est aux autres, que je ne fais pas confiance, voilà ! Et... et... Je ne sais plus. Oui, il se barre, et ça devrait bien m'arranger. J'ai ce que je veux, après tout. Même si pour ça j'ai dû le traiter de pervers louche et lui sauter dessus pour l'empêcher de rejoindre le Shimomura sans moi. Je devrais être content. Hahahaha. Ha. Ha. Ma rage, si elle est bien là, dissimule autre chose, je le sens. Peu à peu, un sentiment de culpabilité m'envahit. Non ! Non ! Je refuse de le prendre en pitié ! Si j'allais le laisser faire, il allait essayer de convaincre le japonais de se débarrasser de moi et de partir avec lui !..
Mais Natsume ne me ferait jamais ça. Il... m'aime.
On se demande encore comment. Pourtant, il me l'a prouvé à de nombreuses reprises. Même quand il a disparu, il a fini par revenir vers moi, ayant même peur que je change d'avis, après tout ce qui s'était passé. J'aimerais répliquer. Clamer qu'il peut bien s'en aller, car je n'en ai rien à faire. Mais ce n'est pas parce que je l'aurais dit que je l'aurais également pensé. J'ai envie qu'il déguerpisse. Ou plutôt... j'avais. Mon esprit se retrouve embrouillé, alors que ses paroles résonnent dans ma tête. « T'as aucun respect pour ton copain ». Si, évidemment. Énormément. J'ai énormément de respect pour Natsume. C'est bien pour ça que... je... crois qu'il pourrait se séparer de moi à cause de Mell. Suis-je ridicule à ce point ?..

Douloureuse réminiscence quand une scène revient me hanter. Cet... irrespect, on me l'a déjà reproché. Un seul baiser d'une inconnue, de l'emprise de laquelle l'éleveur essayait en vain de se dégager avant que le massacre ne se poursuive, et j'étais devenu fou. Une vision inacceptable qui m'a conduit à avoir un caractère exécrable vis-à-vis de mon petit ami qui était la première victime de cette agression et qui ne méritait pas que je le traite ainsi, en le surveillant tel un espion. Sarcastiquement, il m'avait demandé si je voulais rajouter des caméras de surveillance. Je n'avais, il me semble, pas trouvé l'idée déplaisante. Mais bon sang... Qu'est-ce qui n'allait pas chez moi. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi. De mes erreurs, c'est comme si je n'avais ni grandi, ni appris, alors que je me suis promis depuis ce jour de faire des efforts pour me maîtriser et placer une confiance totale en mon copain, parce que je l'aime et que je le connais. Rien n'a changé, et rien n'est prêt de changer. Je le sais. Je le sais depuis que j'ai compris que même une amnésie ne pouvait empêcher son cœur de continuer à ressentir quelque chose.
Et pourtant, je continue à croire que quelque chose pourrait se briser. Cette vie que je veux construire avec lui pourrait cesser d'exister à n'importe quel moment, s'il le voulait. S'il décidait d'arrêter. Éprouver la jalousie est quelque chose de normal. Il s'agit, après tout, d'une forme de peur que chacun redoute. Alors quand bien même j'ai une confiance absolue en mon petit ami, je sais, sur cette Terre, et même sur cette île, qu'il y aura toujours quelqu'un de mieux. Qui ne pourrait jamais l'aimer autant que moi, mais ferait son compagnon idéal. Quelqu'un d'intelligent, d'attirant, et de moins possessif sûrement. Moins désireux probablement. Car Natsume fait tous les efforts du monde pour me rassurer, mais j'arrive quand même à m'acharner sur le premier venu. Un jour, je sais que si je continue dans cette voie, je vais le perdre à coup sûr.

Je ne peux pas dire que mon aigreur s'est complètement évaporée, mais la perspective que le Shimomura puisse me quitter et la réalisation que je n'ai rien retenu de ce jour maudit où ce dernier s'est fait assaillir par une sans-gêne m'horrifient. Mon visage, déformé par la rage, se décompose à vue d'œil, et mes yeux s'agrandissent soudainement, avant de se baisser vers le sol avec lenteur, pour fixer un point invisible. Peu à peu, je me mets à trembler légèrement. Depuis tout ce temps, est-ce vrai ? Est-ce que je n'ai montré que de l'irrespect envers Natsume ? N'ai-je jamais été le petit ami correct que j'essayais de devenir ? J'avais peut-être tort de me réjouir trop vite en voyant quelques progrès être faits. Que je pensais être faits. Mon labeur pour m'améliorer, et tout le travail que j'ai tenté d'accomplir sur moi-même afin de me montrer exemplaire... Tout ça... n'a servi à rien ? Je... C'est impossible. Je ne peux pas être resté au même stade, ou même avoir régressé. J'avais dix-sept ans à ce moment-là. Est-ce que ça veut dire que je n'ai pas changé ? Je suis resté... le même ? J'étais tellement heureux de me dire que j'étais devenu plus mature. Plus fort. Plus sage, même, avec le temps. J'ai vécu dans une utopie ces deux dernières années, et je ne m'en étais même pas rendu compte. L'ourson jaloux qui blessait son copain n'est jamais devenu grand. Jamais devenu grand.

« Tu... Tu ne peux pas... »

Quelques mots s'échappent de moi. Mais ils sont comme mon état actuel : chancelants. Mes poings se sont serrés. Toujours à terre, mes bras, frémissants, peineront bientôt à me tenir. Je sens venir mes yeux s'humidier d'un moment à l'autre, mais je chasse ma vision brouillée d'un revers de la manche, les sourcils froncés. Non, je ne suis pas irrespectueux envers mon petit ami. Ou du moins, je ne veux pas l'être. Il ne mérite pas ça. Mais j'ai peur. Tellement peur qu'il m'abandonne. Car j'ai besoin de lui. Tellement besoin de lui. Et il aurait pourtant tant de raisons qui le pousseraient à chercher quelqu'un d'autre. Une fille ou un garçon qui saura faire son bonheur et le traiter mieux que moi. Quelqu'un qui n'irait pas menacer l'un de ses amis simplement parce qu'il serait possessif. Quelqu'un qui saurait l'épauler quand il en a besoin, et pas juste faire des phrases bancales et clichés, ou pire, attirer dans ce cas-là encore plus de complications et empirer la situation. Quelqu'un qui apprendrait de ses erreurs pour ne plus les recommencer. Quelqu'un... pas comme moi.

« T-T-T-TU PEUX PAS COMPRENDRE ! T-T'AS JAMAIS EU DE COPAIN AMNÉSIQUE ! »

Des hoquets pathétiques s'échappent sans que je ne puisse les contrôler. Les larmes montent bien plus vite que je ne le pensais. Trop vite, à mon goût. Elles s'accaparent mon regard doré pour me flouter la vue. Progressivement, l'image de l'autre se brouille. Ce n'est que lorsque la première goutte s'échappe et coule tout à fait que je me retourne brutalement pour commencer à courir dans la direction opposée à celle qu'il allait prendre. Maladroitement, je trébuche dans ma course, puis me relève le plus vite possible pour éviter de me ridiculer davantage ; même si j'ai acquis déjà un sacré grade dans le domaine de la honte. Toutes ces choses gentilles que le japonais m'a dites quand nous nous sommes remis ensemble m'avaient mis un baume immense au cœur que je pensais qu'il allait être difficile de me retirer cette assurance que j'avais à propos de nous deux. Déjà, quand j'ai appris qu'il était amnésique, j'étais terrifié à l'idée qu'il ait pu rencontrer quelqu'un d'autre. Je sais bien que nous parlons de Natsume et qu'il n'ait pas du genre à tomber amoureux de la première personne qu'il croise, mais... Il y a des matins où il m'arrive de me regarder dans le miroir pendant plusieurs minutes. En boucle, je me traite d'idiot quand je repense à toutes les mauvaises choses que j'ai faites ou déclarées. Mais il y a toujours ce fait évident que je ne pourrais jamais contredire : c'est que Natsume aime l'imbécile heureux que je vois en face de moi. Aussitôt alors, je me mets à sourire bêtement, et me promets intérieurement de faire de mon mieux pour qu'il n'ait jamais à regretter le choix que son cœur a fait. Ce soir, je sais déjà que je ne pourrais pas me regarder dans la glace en me disant que j'ai eu raison. La culpabilité me dévore à une vitesse folle, quand bien même je fais le maximum pour ne pas y penser. Mais la prochaine fois que Mell viendra voir Natsume, je me doute d'avance que ce sera difficile. Juste... à cause de moi.
Ignorant où je vais et n'ayant que faire, au final, du chemin que j'emprunte, j'ouvre la première porte que j'ouvre pour la traverser, mais ma vision nébuleuse m'empêche d'apercevoir à temps l'escalier qui descend, et je manque la première marche, avant de tomber et dégringoler les escaliers en poussant des cris de stupeur et d'effroi. Seuls des cartons et des ustensiles de ménage arrêtent ma chute, et je m'étale par terre, tandis qu'un balai à frange s'abat sur ma tête. Je ne le retire même pas, trop sonné et triste pour esquisser le moindre mouvement supplémentaire. En prenant conscience de la situation, de ma scène pitoyable et de l'ignominie qui me parcoure pour envahir mes pensées, je finis par éclater en sanglot.

« Je suis un misérable... Je suis un misérable !.. Je suis un misérable ! »

Mes poings serrés frappent mon crâne en continu, pendant que je me rabâche à moi-même à quel point je suis stupide, sans faire taire ces larmes qui ne cessent de jaillir et inonder mon visage pour le tordre de chagrin. Il y avait tant à apprendre... Et moi, je n'ai rien compris.

Santa Barbara chez les Enolians

Sam est un con

Trop tard. Je me suis rendu compte que trop tard ce que j'ai crié au plus âgé. Mais qu'importe, qu'il sache ou pas pour l'amnésie de Natsume, car il y a plus grave, bien plus grave. Comment ai-je même osé douter de mon propre copain ? Ma logique m'échappe tellement, des fois, et je comprends pourquoi elle n'a jamais été comprise par les autres la plupart du temps. Enfermer quelqu'un dans une cafétéria pour en abuser... Y'a vraiment que moi pour inventer des sornettes pareilles. Si Natsume m'entendait, il ne serait pas très content. Il dirait, tout comme Mell, que je n'ai pas confiance en lui. Arceus sait pourtant que je serais prêt à lui confier ma vie, comme je lui confie mon cœur. Cette stupide jalousie a eu raison de moi trop de fois. Bien trop de fois. Encore, si j'arrivais à même la contrôler ne serait-ce qu'un peu... Mais il faut toujours qu'elle ressorte violemment et qu'elle finisse par blesser autrui. Je pensais vraiment, depuis ce fameux jour, que j'arriverai à canaliser cette possessivité pour ne plus qu'elle fasse de mal à personne. La scène de tout à l'heure m'a prouvé que j'ai échoué dans cette tâche, malheureusement comme j'ai échoué dans tant d'autres avant. C'est une chance que le Shimomura n'ait pas été là pour voir ma médiocrité et mon délire, surtout. Je n'aurais sans doute pas aimé qu'il soit témoin de ça, comme je n'aurais pas aimé ce qu'il m'aurait dit à propos de cette jalousie infondée. Cela lui aurait peut-être rappelé des moments moins agréables, faut dire, et je me suis promis moi-même de ne plus jamais y repenser, gardant encore un goût amer de cette journée. Mais inconsciemment, je réitère mes erreurs, alors que je sais très bien quelles séquelles cette aventure d'il y a deux ans nous a laissé. Mais qu'est-ce qui m'est passé par la tête...

Je n'essaye même pas de bouger hors de cette cage d'escalier. Déjà las et frustré de mon comportement immature, je tente de faire sécher les larmes qui rendent mes yeux humides et rougissent mon teint, déformé par l'accablement. Je ne me permettrais plus d'aller voir l'éleveur, après ça, même si nous avions convenu un rendez-vous et que je ne supporterais pas de lui poser un lapin. Cependant, même le prévenir est pour moi une étape qui semble insurmontable. J'ai honte... Tellement honte de m'être fait humilié de la sorte. Honte de moi et de ce que j'ai pu dire, voire imaginer. Indirectement, j'ai manqué de respect à mon copain alors que c'était en vérité l'effet inverse que je voulais produire.
Pardonne-moi, Natsume...
L'autre agit gentiment. Je ne relève pas tout de suite mon regard vers lui, cependant. Je me sens tellement pathétique... Mais l'aîné est revenu vers moi. Il aurait pu partir, comme il me l'avait déclaré avec conviction, sans doute rendu à bout de nerfs par mes caprices et mes délires psychotiques. Et pourtant... Le voilà qui m'a suivi jusqu'ici, non pour des moqueries, mais s'enquérir de mon état après qu'il m'ait vu fondre en larmes. Je ne sais pas quoi dire. J'aurais cru qu'il aurait profiter de ce moment de faiblesse pour me poignarder par des mots et rire narquoisement de ma médiocrité, car j'aurais prouvé que j'étais celui en tort, et c'est un fait qu'une petite voix n'a pas arrêté de me murmurer, mais que je m'obstinais à ignorer pour me donner bonne conscience et être persuadé que j'avais raison de me méfier de lui alors que rien ne le porte coupable des fautes dont je l'accuse depuis tout à l'heure. Je n'ai aucune preuve, et Arceus ne m'en donnera pas, car celui dans le déni, c'est moi.

Comment aurait-il pu savoir pour Natsu, après tout. Peu de monde était vraisemblablement au courant. Seuls les proches avaient été informés de son état, et comprenaient par là la situation épineuse dans laquelle j'avais été obligé de me mettre. Ceux qui n'étaient pas dans le secret, comme Mell, par exemple, n'ont pas cherché à en savoir davantage, ce qui nous arrangeait bien. Nous avons été contraints de trouver une bonne excuse pour justifier son absence, mais nous n'avions de toute façon pas le choix. Il avait fallu espérer que cette mésaventure se termine bien vite, et si elle m'a paraît affreusement longue, elle n'a heureusement pas tenu plus de trois mois environ. Trois mois que le Shimomura a bien vite fait de rattraper, ce fichu bourreau de travail. Il a de la chance que je sois là, sinon il serait déjà mort de fatigue, à force de se tuer à la tâche de peur de ne pas réussir son année à cause des cours qui lui manquent. En un sens, je ne peux pas non plus dire que je le comprends, vu que je ne suis inscris nulle part à hormis à la compétition. Mais je crois que ça me ferait la même chose que si le temps pour remporter mes badges me filait entre les doigts sans que je ne puisse rien faire si ce n'est le regarder passer sous mon nez en regrettant après. Oui, j'aurais probablement fait comme Natsume, en fait : rusher les arènes jusqu'à m'épuiser complètement dans l'espoir d'avoir encore une chance de m'inscrire à la Ligue, car si j'aime la compétition au point de la recommencer trois fois sans jamais voir ma motivation se relâcher, je sens que cette année est la bonne, et je n'ai pas envie de décevoir une fois de plus mes compagnons en leur apportant une défaite finale qu'ils ne méritent pas. Non, en fait, je ne suis pas étonné que le Shimomura se soit donné corps et âme pour retrouver une moyenne qui lui semble correcte. Tout ce que je lui demandais, c'était de se ménager et de ne pas en faire trop.

Un ami est quelqu'un qui vous veut du bien. Je savais, au fond de moi, que Mell n'était qu'un ami, et ce depuis le début. C'était une évidence, il suffisait de les voir ensemble pour remarquer qu'ils avaient juste des intérêts communs, mais sans que ça aille plus loin. C'est drôle, d'ailleurs, c'est moi qui sors avec l'éleveur, mais je suis celui qui ne partage aucune passion avec lui. La cause de notre alchimie si forte ? Peut-être. C'est une façon pour moi de me rassurer. Je peux bien ne rien piger à tous ces trucs scientifiques, je sais que Natsume n'en a que faire et qu'il m'aimera toujours pour ce que je suis, et non pour ce que j'aime. Mais de là à ce que ça se... voie ? Oui... C'est une évidence telle que j'aurais dû m'en apercevoir moi-même. Je ne pensais pas que Mell l'avait observé lui aussi, mais en fait, ce n'est guère surprenant, car ce n'est ni plus ni moins que la vérité. Le japonais m'aime, alors quoi de plus normal que son affection soit constatée ? C'est d'une logique si simple, mais je n'ai même pas pensé à ça. Oui, je le vois bien, que Natsume est ton ami. Et que tu n'es qu'un ami de Natsume. C'est clair, si clair. Irréfutable. Indubitable. Et j'ai été assez sot pour m'inventer des histoires à dormir debout. Tout ça juste pour... me rassurer, probablement, alors que j'ai beau dire que l'amnésie n'a en fait jamais rien changé entre nous, il aurait suffit que son cœur balance à la suite d'une seule rencontre et ça en aurait été fini. Je devais être considéré comme un simple 'pote', à ce moment-là, et aussi proche ai-je été auprès de lui quand il ne se rappelait de rien, il n'avait aucun compte à me rendre, ni aucune tendresse quelconque à me donner, quand bien même je le désirais du plus profond de mon être.

Malgré tout ce que je lui ai dit, reproché et accusé à tort, le Straum ne m'a pas abandonné comme je l'aurais cru. Il aurait été peut-être plus simple que je ne le revois pas, même si ma culpabilité m'aurait rongé pendant tout mon rendez-vous avec Natsume et que mon ignominie se serait sentie à des kilomètres à la ronde. Je me trompais lourdement sur le compte de Mell, c'est un fait. C'est moi-même que j'essayais de convaincre et de rassurer, mais je ne pense pas qu'il y ait vraiment besoin d'affirmation là-dessus. En temps normal, il ne devrait pas en exister davantage. Le Shimomura m'a ouvert son cœur bien plus de fois que je ne l'aurais espéré, alors qu'il ne se dévoile qu'aux personnes qu'il estime vraiment digne de confiance et que son passé l'a empêché de se confier à de multiples reprises à cause des douleurs qu'il conservait encore. Montrer autant de jalousie... 'par peur', aimerais-je dire, mais quelle peur puis-je avoir encore, après tout ce que j'ai déjà entendu de la bouche de mon petit ami ? Non, j'ai été jaloux stupidement pour rien, et trop possessif, surtout. En faisant cela, j'ai bafoué la confidence de mon copain et je me suis ridiculisé devant son ami. Ami qui ne doit pas être très sain d'esprit, tiens, pour revenir vers moi alors que je l'ai traité d'une manière peu envieuse.
Pourtant sa main ne vient pas se rapprocher pour me donner une seconde claque que je mériterais, mais pour se tendre vers moi, de la plus simple mais amicale des façons possibles. Je relève enfin mon regard humide sur lui, ignorant quoi lui répondre. Mon nez coule ?.. Ah... il a raison. Je suis plus grotesque que ce que je pensais, tiens... Encore hésitant à cause de ce que je lui ai fait, ma main s'arrête de trembloter quand elle vient prendre la sienne, et que je me relève enfin, dégageant au passage les balais et autres ustensiles qui me tombaient dessus. Je ne dis rien, je n'y arrive pas. Je n'ai pas les mots encore pour parler, ne serait-ce que de ma conduite ou de ce que je viens de lui révéler. Une fois débout, je lâche aussitôt sa main, bien entendu, mais baisse les yeux, encore gêné. D'un rapide geste du poignet, je chasse les larmes qui défiguraient encore mon visage et renifle peu élégamment. Puis, j'acquiesce sa proposition de la tête, finalement résolu à l'accompagner à la cafétéria pour que nous soyons plus tranquille et que je puisse mieux respirer. Je suis de moins en moins à l'aise dans ces couloirs, et j'ai peur que nous nous fassions jeter à cause du tapage que nous faisons depuis tout à l'heure.

Je n'arrange rien à notre échange, car je ne prononce rien. Je n'ose pas. Je ne sais pas par quoi je pourrais commencer, à vrai dire. Alors je me tais. Si celui cheminant à mes côtés me parle, je n'écoute pas. Enfin, je dis 'si' car comme je ne prête attention qu'au son de nos pas sur le sol alors je ne sais pas s'il essaye de discuter ou non mais je garde le silence, restant dans le mutisme absolu. Enfin, les portes de la cafétéria s'ouvrent devant nous, et nous y pénétrons calmement. Il n'y a presque personne, et quoi de plus normal, à cette heure-ci de la journée, soit les étudiants sont partis, soit ils sont encore en cours, comme Natsume à l'heure actuelle à qui je ne cesse de penser en me frappant mentalement de m'être comporté si stupidement. Si l'idée était que nous nous installions à une table pour prendre un café, je me précipite d'abord vers les mouchoirs pour me débarrasser de la morve qui coulait, et c'est nerveusement que je me dégage les narines, pressé de ne plus être dans un état aussi lamentable. Pourtant, je tremble encore un peu, et jette d'un coup sec le mouchoir usagé dans la poubelle la plus proche, avant de chercher des lingettes désinfectante, toujours aussi convulsivement, et cela ne fait que s'aggraver de plus en plus. Mais il faut bien un jour ou l'autre que j'adresse de nouveau la parole à mon interlocuteur, et je finis par serrer vigoureusement une manche de ma chemise.

« T-T-Tu pouvais pas savoir p-pour Na-Natsu... »

Agité de petits soubresauts, mon regard cherchant un endroit où se fixer, je n'ai plus rien à voir avec l'ourson enragé de tout à l'heure. Mais le calme que je recherche en moi est déjà mieux que la colère que j'ai libéré. Faire sortir mes craintes et ma frustration, peut-être est-ce ça qu'il me fallait.

« Personne ne pouvait savoir, non... Personne... »

Mes mains frictionnent mes bras, comme si j'avais froid, alors qu'il règne dans la salle une température ambiante, agréable et non agressive. Un rire jaune m'échappe.

« Haha... Pourtant, vous, les scientifiques, vous savez tellement tout... Tellement plus de choses que les autres, n'est-ce pas ?! N'est-ce pas... »

Car ma jalousie, elle n'est pas seulement due à la proximité des deux biologistes. Ils possèdent une complicité que je ne pourrais jamais acquérir car je suis ignorant de toutes leurs connaissances. Mais cela ne devrait même pas me poser de problème. Je suis la personne la plus proche de Natsume, de qui pourrais-je être jaloux ? Au contraire, ce sont les autres, qui doivent m'envier. M'envier d'être si intime avec le Shimomura et de jouer dans sa vie une des places les plus importantes. Si ce sont les autres qui me jalousent, pourquoi est-ce que je ressens toujours cette terreur qui m'habite quand je pense à tout ce que j'ai fait, tout ce que je lui fais indirectement subir. Si seulement je pouvais retourner en arrière pour donner une leçon à mon moi du passé, croyez bien que je ne ferais pas dans la dentelle. Mais comment peut-on être aussi bête, par Arceus !
Non, je ne m'effondrerai pas une nouvelle fois, néanmoins mes jambes me semblent si frêles, comment est-ce possible ? J'attends le moment où elles vont me lâcher. J'attends. J'attends. Et peut-être qu'à ce moment-là, je me remettrai à pleurer. Pleurer. Pleurer. Non, si je pleure, il va encore élever la voix. Et la morve va encore couler. Et à force de me moucher, je vais me mettre à saigner. Ce carrelage ne mérite pas d'être tâché par du sang. Malgré les nombreux allers et venus des élèves, je pourrais presque voir mon reflet dedans, tant il a été nettoyé par le personnel. Carrelage brillant, si brillant... Comme ses yeux.

« J'aurais dû comprendre à ce moment-là ce qui vous liait. J'aurais dû comprendre que la passion que vous partagiez n'allait jamais mener à quelque chose qui aurait pu me terroriser, et que... que les étoiles dans ses yeux n'étaient dues qu'aux expériences que vous meniez, et non à des chimères infondées que je préférais croire. Mais en vérité, c'est ma différence qu'il aime. Enfin... Je crois... »

Ma voix est moins incertaine, moins douteuse. Je fixe toujours le sol, attristé d'avoir été aussi idiot, mais je ne pleure plus. Je ne tremble plus non plus. Je constate, seulement. Je soupire aussi. Il n'y a, après tout, rien de plus à dire.

Santa Barbara chez les Enolians

Sam est un con

Je remercie encore Arceus pour que nous soyons seuls, Mell et moi, ou à défaut, que la majorité des élèves soient en cours actuellement. J'aurais été capable de me ridiculiser en public, mais le contrecoup risquait d'être amer pour moi, et pas sûr que j'aurais pu de nouveau accéder librement à cette école si on m'avait pris en flagrant délit en train d'agresser un élève pour... une stupide histoire de jalousie dont Natsume aurait forcément entendu parler au bout d'un moment, ce que je préférerais éviter, malgré que je le mérite sûrement. J'exagère évidemment en portant le blâme sur l'étudiant. Ce n'est pas de sa faute si Natsume a disparu ce jour-là. Ce n'est pas de sa faute non plus s'il a perdu tous ses souvenirs, m'obligeant à dissimuler le lien qui nous liait. Au contraire, Mell était quand plus ignorant que lui. L'amnésie du Shimomura n'était connu que d'un petit cercle, en vérité. Nous tenions à préserver au maximum cette information pour mettre en alerte le moins de monde, en priant que nous réussissions à régler le souci avant que quelqu'un ne s'en aperçoive trop tôt. Sur le coup, je n'avais même pas pensé à Straum. Je ne sais toujours pas quelle est sa relation exacte avec Natsume ; si je peux le dire son ami ou non. Sait-il inquiété de son absence ? Ça ne m'avait fait même pas effleuré l'esprit...

Les clichés, c'est mal, tout le monde le sait. Malgré le fait que je sorte avec un asiatique nerd et que cela n'arrange rien aux stéréotypes qui l'entourent, je n'oserais jamais blaguer sur les origines de quelqu'un dans le seul but de l'insulter. J'ai déjà eu l'occasion de me moquer gentiment des racines de mon copain, mais comme je viens de l'insinuer, c'était jamais avec des arrières-pensées. Dire que les scientifiques savent tout et se proclament détenteurs du savoir universelle, c'est poussé, je ne dit pas le contraire. Pourtant... C'est en partie de ma frustration que m'est venue cette idée. L'idée que Mell sache bien trop de choses pour que mon petit cerveau de simple humain puisse être admis dans leur comité restreint. Outre le fait que je les observais sans vouloir non plus les déranger, je sentais bien que j'étais étranger à ce qu'ils racontaient entre eux, et plus je les sentais proches, plus j'avais l'impression (stupide) que mon manque de connaissances allait m'éloigner du Shimomura. Se sentir exclu, c'était inévitable, malheureusement, entre nos domaines respectifs. Les sciences et les combats n'ont rien à voir, même s'ils mêlent entre eux une définition propre à chacun de ce qu'on appelle aujourd'hui l'alchimie. Les trucs des faiblesses, des forces, des capacités, le potentiel des Pokémons en eux-mêmes... Il y a une grande part de nature là-dedans, mais également de la logique et de la science. Je ne me sers que des sciences basiques, certes, comme l'eau qui éteint le feu, mais c'est la preuve que n'importe qui peut se servir de la plus évidente des éruditions. Pour autant... Les études de Natsume sont, bien sûr, trop compliqués pour que j'y comprenne quoi que ce soit, et je serai sans doute à jamais très nul dans ce genre de domaine. Je ne cherche même pas à en apprendre davantage, car ce n'est pas, en soit, ce qui m'intéresse. Nature capricieuse oblige, je suis toutefois contraint, inconsciemment, à désirer comprendre ce qui est pourtant très loin de mon secteur de prédilection. Juste... Parce que quelqu'un d'autre s'en retrouve plus proche de mon copain et que je ne peux faire autrement que de jouer aux idiots et de m'humilier tout seul. Alors que c'est inutile. Je ne serai jamais comme les deux biologistes, et je le sais depuis le premier jour. Je suis très bien comme je suis.

Je me croyais plus mature que ça, à vrai dire. Mais je ne suis pas mieux qu'un enfant gâté, à vouloir garder Natsume pour moi tout seul. Dix-huit ans, bientôt dix-neuf, et je m'invente encore des scénarios farfelus dans ma tête. Je croyais avoir grandi. Au moins un peu. Ce n'est pas tellement le fait que je me sois trompé sur Mell, le problème. Enfin, si, je me suis trompé sur lui, mais en même temps en sachant quelque part que ce n'était pas vrai. Une partie de mon cerveau voulait se persuader d'avoir raison pour ne pas comprendre, en réalité, que je manquais encore cruellement de développement.
Ce que... je fais ?..
Je relève mon regard vers lui, surpris, mais en même temps les yeux fatigués. En voilà, un sujet sensible. Et pourtant, mine de rien, il est assez important. Car je sais, par là, qu'il me demande probablement quelles études je fais. Mais à part celles que je fais régulièrement sur moi-même (peut-être pas assez, d'ailleurs), aucune. Mell et Natsume sont inscrits dans cette université, donc prennent des cours, ont peut-être des boulots à côté, et finiront de toute façon par ressortir avec un diplôme sûr. Mais moi ?..

« Moi ?.. Je... Je suis compétiteur. »

Ma voix faiblit légèrement. Oui, les deux biologistes auront au moins leur licence. Mon cas est bien moins net et certain. Je suis compétiteur... pour l'instant. Mais je ne fais rien en dehors. Pas d'études, pas de cours, rien. Je sais que je ne pourrai pas éternellement faire la compétition. Rien qu'après celle de cette année, je serai obligé de choisir un métier, une orientation, une voie. Mais laquelle emprunter ? Je l'ignore. C'est un blanc complet qui m'obsède plus que ce ça ne devrait. Mon travail d'écrivain ne me permettra pas d'aller bien loin, je le crains. Avec les finales, je manque en plus de temps pour écrire mes livres.

« Puis... Puis j'écris des livres pour enfants, aussi. Un peu. Rien de bien glorieux, en somme. »

Je ne sais pas pourquoi je lui en parle, au fond. Cela ne lui apportera rien, de savoir ça. Mais je ne sais pas quoi dire. Un peu gêné, je décide que me prendre un chocolat chaud ne me fera pas de mal, et me rue vers la machine. Chocolat. J'ai besoin de chocolat. En appuyant de manière un peu précipité sur le bouton de commande, embarrassé par cette situation et ne sachant pas trop quoi penser finalement de Mell, hormis qu'il n'a pas l'air de mordre, et que c'est... un ami de Natsume.

« D-Dis, t'es... T'es comme Natsu ? T'aimes les plantes et les jolies fleurs ? Puis jouer avec les poudres, aussi ? »

Pas comme si c'était mon centre d'intérêt préféré, de savoir ce que l'autre aime. Mais j'imagine que c'est déjà ça de gagner, de le connaître un peu mieux et de savoir son style, notamment la raison pour laquelle il s'entend si bien avec le Shimomura. Je pense que je pourrais en apprendre certaines choses moi-même.

Santa Barbara chez les Enolians

Sam est un con

En essayant de contrôler ma nervosité, je saisis la tasse qui vient de tomber de la machine, et manque par la même occasion de me brûler les doigts. Je ne sais plus comment réagir, alors qu'il est se comporte aussi amicalement avec moi. J'aurais pu plus ou moins géré si ma jalousie avait eu une raison d'exister et s'il avait été exécrable dès le début avec moi. Mais ce que je prenais pour de la fausse gentillesse lorsqu'il est venu m'aborder tout à l'heure était en fait de la véritable amabilité. Sa bonté était naturelle, en fin de compte, mais je ne l'ai vu qu'à la fin. M'enfuir comme un lâche est une option de plus en plus tentante, maintenant que je me rends compte à quel point j'ai été stupide. Mais je ne veux pas non plus abandonner l'aîné. Je souhaite que mes intentions redeviennent claires et que nous puissions nous quitter sans nous retrouver plus tard avec la même tension. J'imagine, de toute évidence, puisqu'il s'agit d'un camarade de Natsume avec qui il aime faire des expériences, que je serai amené à le revoir plus tard, ou que je devrai me faire à l'idée que ses heures à la faculté, il les passe avec lui. Je n'ai jamais douter de la fidélité du Shimomura. Néanmoins, mon manque d'intelligence remarquable a tendance à me faire honte, et je panique dès que j'aperçois quelqu'un de relativement plus ingénieux que moi car je sais mon petit ami sapiophile et que j'ai peur qu'un jour il me trouve définitivement trop stupide pour rester avec moi. Je ne brille pas par l'esprit, mais si j'essaye de montrer que j'ai d'autres qualités notables, j'ai apparemment du mal à les mettre en valeur, vu comment j'ai traité le Straum, qui ne demandait qu'à converser de façon tranquille en attendant que celui que nous attendons tous deux veuille bien sortir.

Je scrute mon chocolat chaud d'un air un peu morne, mais relève les yeux, surpris d'entendre que moi et Natsume sommes faits l'un pour l'autre. Il dit ça avec un trait d'humour à peine visible pourtant, mais aussi ironique soit cette remarque, l'entendre me fait quand même légèrement plaisir. C'est stupide, mais ces mots, même quand ils ne sont pas dits pour me rassurer, ont le don de me rasséréner. C'est agréable à entendre, mine de rien. Natsume et moi, faits pour être ensembles... C'est d'un banal, mais ça continue de marcher. Même si je me doute de pourquoi il me dit ça. Il me le confirme inconsciemment, mais je le sais, au fond, et c'est malheureux, mais l'asiatique n'est pas mieux que moi parfois sur ce point. Et quand ça lui arrive, je me mets à jouer aux hypocrites pour me dire que je fais bien, que j'en ai le droit si c'est pour convaincre le japonais qu'il a tort, et qu'il vaut bien mieux que ce qu'il ose déclarer. Peut-être que c'est mon cas aussi. Si Natsu le dit et si je fais confiance à Natsu, peut-être...
Je n'ai pas particulièrement honte de moi à ce point là non plus. Il y a -presque heureusement- en ce bas monde des gens qui pourront toujours m'aider à relativiser indirectement, en se montrant plus bête que je ne le suis. Même des célébrités que j'estimerais en temps normal, comme des champions, par exemple. Pendant plusieurs années, j'ai adoré les maîtres d'arènes car ils valaient alors tous le coût que je me batte pour aller les voir. Aujourd'hui, même si je n'ai rien contre du sang neuf, on va dire que c'est différent. Je suis content d'écrire des histoires pour enfants quand je me rends compte de l'impact, aussi petit soit-il, que mes contes ont sur eux. Si jamais ça peut leur donner la sensation d'être moins seuls, si jamais ça peut leur permettre d'apprendre des choses, si jamais ça peut leur offrir de l'inspiration quand ils n'en ont plus... Je suis simplement heureux ainsi. Il y a, après tout, des gens pour qui c'est un réel métier, et avoir la capacité de faire sourire les autres est une chose vraiment merveilleuse. La compétition, c'est autre chose. Je le fais pour moi, alors je m'acharne, mais c'est également et surtout un moyen pour moi de me dire que je suis capable de certaines choses. Que je peux être doué dans un domaine qui me plaît, et qu'il y a encore quelque chose à sauver dans le nounours que je suis. Même si j'ai hâte de savoir si j'ai enfin gagné cette année ou si je vais devoir encore retenter ma chance l'an prochain.

Je l'écoute en buvant ma boisson pour essayer de me détendre, sans pour autant être débarrassé de ma culpabilité. J'imagine qu'elle disparaîtra progressivement au fur et à mesure que ma relation avec Mell ira mieux, mais je dois l'endurer pour l'instant, en sachant que ça sera aussi un peu awkward quand Natsume nous rejoindra finalement. Ce n'est pas par hasard s'il s'entend si bien avec le Shimomura. En l'écoutant parler, c'est évident qu'il est aussi passionné que l'asiatique. Il parle sans prétention, sans rancune, alors que je ne l'ai pas si bien traité il y a peu. Mais avec calme, il m'explique ce qui l'anime, ce qu'il aime, les questions qu'il se pose. Pas que je ne sois pas curieux moi-même, mais je ne prends pas si souvent la peine de me demander tant de choses. J'ai plutôt tendance à faire avec ce qui me vient plutôt que de réfléchir au pourquoi du comment. Cela ne m'empêche pas de respecter la vocation de l'autre, au contraire. Il est... presque touchant dans sa façon de s'exprimer. On voit qu'il tient vraiment à cœur ses recherches, et c'est très bien, s'il fait des études dans quelque chose qu'il aime. En voilà au moins un qui sait ce qu'il veut... Je l'envie, d'avoir trouvé une passion dont il pourra encore profiter dans plusieurs années, et peut-être me se vanter, s'il le désire, dans le cas où il ferait une découverte extraordinaire. Car être chercheur, j'imagine que c'est ça, aussi : avoir le plaisir de comprendre notre environnement et d'élucider des mystères jusqu'alors jamais résolus. Les Pokémons sont fascinants, mais je laisse à d'autres comme Mell le soin de les étudier ; nous, dresseurs, nous nous ne faisons qu'exploiter respectueusement les capacités des Pokémons. Même si certaines organisations pensent que les enfermer dans des Poké Balls fait de nous des irrévérencieux à leur égard. Je ne suis pas le meilleur dresseur qui existe, mais pas besoin d'être un génie pour se rendre compte du lien qui unit les humains aux Pokémons.

Je ne comprends juste pas comment il peut affirmer que... je suis loin de pas être glorieux ? Est-ce que... Est-ce qu'il vient de me faire un compliment ? Je crois que c'est ça, ouais. Mince, ça fait bizarre, d'un coup. C'est gentil. Un peu trop, peut-être. Pas que j'ai de nouveau des soupçons, pas du tout, mais j'ai encore du mal à croire qu'il puisse se montrer ainsi alors que j'ai pas été très sympa. Oui, je l'ai vraiment mal jugé. Ce n'est pas une nouveauté, mais je rirais presque, maintenant que je revois la scène, d'avoir été aussi idiot pour croire à de telles inepties. Pourtant, à plusieurs reprises et encore récemment après son amnésie, Natsume m'a prouvé que je n'avais pas à m'en faire. Il n'aimera personne d'autre jusqu'à ce que je ne lui convienne plus, mais en attendant, plus je fais d'efforts, et plus je finis par échouer ou me buter au miroir reflétant ma propre stupidité. Croire que Mell pourrait... Non. Le doute ne passe plus. J'en ai été assez convaincu, et de toute façon, s'il avait voulu me séparer de mon copain, je pense qu'il aurait été quand même plus subtil. Enfin, c'est ce que j'imagine, car Straum n'a pas l'air bête, au contraire. Si c'est un ami de Natsu, alors il a forcément quelque chose dans la tête.
Son air faussement hargneux me tire un léger sourire. Tiens, voilà un caractère que je connais. Ou du moins, que je sais interpréter. Le lapin est assez tsundere pour que je puisse comprendre ce genre de manières quand elles se présentent à moi. Et si je suis naïf, il n'est pas difficile, en prenant en compte tout ce qu'il a déjà dit, que l'aîné cherche probablement juste à cacher son... affection. Si tant est qu'il est réellement une légère affection pour ma personne, ou en tout cas, quelque chose qui s'en rapproche. Mais il n'a plus aucune raison de me faire de mal, je présume, et je crois comprendre qu'il veut faire la paix.

« Désolé de t'avoir agressé. Je n'ai jamais prétendu être intelligent. »

Et heureusement. J'aurais été le plus beau menteur sur Terre. Après les politiciens, naturellement. Mais me voilà bien gêné. Pas comme si je ne m'excusais pas souvent -ça m'arrive un peu trop fréquemment-, mais j'ai assez honte. Moi qui m'étais promis de ne plus ressentir pareille jalousie... Ou du moins, d'essayer de me calmer pour ne pas laisser la violence prendre le contrôle sur moi. Je remercie encore Arceus que le Shimomura n'ait pas assisté à tout ceci ; que personne, d'ailleurs, n'ait été témoin de cette scène pour le moins grotesque et surtout pathétique que j'ai orchestré. Un mince sourire en coin, plus rictus qu'autre chose, se dessine sur mon visage, et je bois mon gobelet avec beaucoup moins de conviction que d'ordinaire quand il s'agit de chocolat.

« C'est... intéressant, ce que tu me racontes. Vraiment. Mais je suis bien étranger à tout ça. »

Je suis sincère. Ouvert à tout, puisque ça concerne en plus l'un des domaines de mon petit ami, il est normal que je sois curieux, même si certaines choses m'échappent. Je n'y connais rien, en même temps. Je sais dresser des Pokémons, mais les étudier... C'est une autre histoire. Je suis quelque peu amusé néanmoins de savoir qu'il y a des personnes sur cette île qui soient autant fascinés par ce genre de détails. Sans être surpris, c'est plutôt agréable de savoir que notre univers est varié et que des spécialités différentes peuvent quand même amener à nous entendre. Mais après tout, les Pokémons rassemblent.

« Pourquoi tu es si gentil avec moi ? C'est parce que je suis le petit ami de Natsume ? »

Je n'ai rien contre le fait de me faire de nouveaux amis, si du moins je pouvais considérer Mell comme un 'ami'. Pour l'instant, je dirais plutôt qu'il s'agit d'une connaissance, mais d'une connaissance 'amicale', de ce que j'ai finalement compris. Moi qui n'hésitais pas à tendre la main à qui en avait besoin, je me rends compte, avec une certaine mélancolie, que je suis peut-être devenu moins tolérant avec le temps, ou juste plus méfiant. Avec le Régime qui nous étouffe, c'est peut-être un bien, mais je n'ai pas envie qu'on pense que je méprise tout le monde et qu'on croie que je suis hostile. J'ai l'impression que je paraissais juste plus gentil, avant. Peut-être était-ce seulement mon insouciance, au fond.

Santa Barbara chez les Enolians  

Sam est un con

Je suis trop impulsif, c'est un fait. Le calme de Natsume n'a pas encore déteint sur moi, faut croire. Pourtant j'en aurais bien besoin, dans ce genre de cas. Cela éviterait que je vexe les autres inutilement, et surtout que je m'agite pour un rien. J'ai eu de le chance jusque là qu'on puisse supporter mon caractère irréfléchi et bouillonnant, mais je me rends bien compte que ça pourrait m'apporter des ennuis, à force, et que je ne vais pas me faire que des amis si je continue à sauter sur les autres en les accusant de crimes qu'ils n'ont pas commis. À leur place, faut dire que je n'aimerais pas beaucoup ça, moi non plus. Je n'avais aucune preuve tangible, qui plus est. Mais je ne suis apparemment pas le seul à avoir fait une telle bourde auprès du Straum. Quoique je me demande ce dont on a bien pu le traiter, hormis de... 'voleur de copain', on va dire. Je l'ai mal jugé parce que je suis légèrement parano sur les bords, et malheureusement encore trop possessif, mais à première vue, même moi ne peux nier que Mell a pourtant la tête de quelqu'un qui ne veut de mal à personne, malgré ses lunettes et ses rouflaquettes qui pourraient peut-être à la limite lui donner un air... vicieux ? Je ne sais pas. M'enfin... Voilà, si je suis pas le seul qui l'ait pris pour quelqu'un qu'il n'est pas, peut-être qu'en vrai c'est pas totalement ma faut-.. aïeuh ! Pas la peine de taper, joueuse !
Mell est-il de nature gentille ? Peu importe, j'ai envie de dire, au fond. Je voulais juste connaître la raison de sa 'bonté' envers moi alors que je me suis assez mal conduit, mais peut-être que je lui faisais tellement pitié qu'il a décidé de revenir m'aider... Ou alors il s'est senti coupable quand je me suis à chouiner comme un débile. Plus intelligent que moi, il a sans doute compris qu'il était inutile de se disputer avec le copain d'un de ses amis s'il est amené à le revoir à l'avenir. J'aurais dû, en effet, prendre cette main amicale qui m'étais tendue, au lieu de me mettre sur une défensive qui m'a rendu agressif à cause de la jalousie et du fait que je me sentais très éloigné du monde entourant les deux nerds. Mais à part l'accepter, je ne peux rien y faire, car de toute façon je n'y comprends rien, et il est probable que je ne pige jamais trop tout ce qui touche à la science de manière générale. J'imagine que c'est aussi parce que nous sommes aussi différents que ma relation marche avec le Shimomura. Des différences que j'ai appris à tolérer auprès du lapin, alors pourquoi je ne pourrais pas également le faire pour son collègue ?..

Je reste toutefois agréablement surpris d'apprendre de sa part qu'il suffit que je sois relié aussi fortement à Natsume pour qu'il puisse s'intéresser à moi, alors que je suis sans doute tout le contraire de ce qui l'attire, au niveau de mon domaine. Me secouer les puces ?.. J'en aurai bien besoin, sans doute. Cela ne me ferait pas de mal, mais on peut déjà dire que la leçon que j'ai apprise aujourd'hui, je l'ai retenue. En revanche, ça aurait été pas mal que ça soit fait avant que je devienne le psychopathe de service auprès de lui. Je remercie sa tolérance pour avoir osé passer outre ce petit incident afin que nous puissions nous entendre plus clairement et que je fasse comprendre la cause de mes intentions stupides et infondées. Quoiqu'il devait s'apercevoir depuis le début que j'avais une crise excessive de jalousie et que je devais apprendre à la maîtriser au risque de me faire voir comme un dégénéré qui ne sait pas se modérer.
Mais comme l'indique l'autre en m'entraînant à l'extérieur de la cafétéria, je pense que marcher dans les couloirs ou à l'air frais ne pourra nous faire que du bien. Pas que la cafétéria soit un lieu vraiment austère, mais j'avoue avoir été curieux de l'agencement de l'université, et je meurs presque d'envie de tout visiter. J'adore les grands espaces, autant que les lieux immenses ; et cette université, de ce que j'ai cru entendre, est l'une des plus importantes d'Enola. Je me demande si je serai dans un tel endroit l'an prochain, moi aussi... De ce que je vois, ces bâtiments sont davantage tournés vers la sphère scientifique et technologique, alors je ne serai sûrement pas là si jamais je m'inscris quelque part après la compétition. Mais les académies ont quelque chose de fascinant, je trouve. Ou est-ce seulement le vocabulaire, qui me fait penser ça. Académie, campus... C'est un peu comme dans les films, mais sans les stéréotypes, bien entendu. Mais qui dit 'école', dit 'élèves', et qui dit 'élèves' dit peut-être de futurs 'dresseurs' que je pourrai affronter et avec qui je pourrais partager des stratégies pour que je puisse m'améliorer.

Mais nous sommes bientôt arrêtés par un petit groupe avec des badges assez particuliers qui nous aborde, toutes sortes de papiers plein les mains que les membres nous présentent presque fièrement. Leur venue n'a pourtant pas l'air de beaucoup enchanter l'aîné.
Bédéquoi ?
Je ne retiens pas grand chose de leur charabia, mais le fait est que leur cause les excite assez, et je sursaute quand le dénommé Paul-Antoine (sans doute leur... 'chef') me présente une image d'un Rattata couvert de pois jaunes et aux joues très boursouflées. Naïf, j'écarquille les yeux d'horreur et sursaute, ne remarquant même pas qu'il s'agit d'un montage. Je ne sais pas ce qu'est la maladie de Saint Jolisjardins, mais ça a l'air très grave, dis donc. Si je suis inquiet et que leur récit arrive à me tirer de la peine, mon avis qui n'est cependant pas partagé par Mell. Le nerd est devenu aussi rouge que la sauce tomate sicilienne que me prépare Maman quand elle fait des pâtes. Une couleur que je ne pensais pas qu'il pourrait reprendre, mais ce n'est pas à cause de moi, pour une fois. Apparemment, ce que dit ce... Bureau des Etudiants le met vraiment en colère. Il commence même à crier, à les traiter de menteurs. Est-ce que... Est-ce que c'est vrai ? Cette maladie n'existe pas ? Ils ne font ça que pour gagner de l'argent facilement ?!
Ça y est, moi aussi je suis énervé ! De quel droit osent-ils!
J'y connais rien, aux maladies. Mais j'ai déjà pas fait confiance une fois à Mell, et je me suis rendu compte après que j'ai eu tort ; alors je ne vais pas recommencer. Je décide donc de croire en ce que dit le Straum plus que les affabulations de ces énergumènes que je ne connais même pas ! Je ne sais pas ce que c'est précisément, un BDE. Si le plus âgé s'en méfie, toutefois, alors ça ne peut pas présager quelque chose de bon. Et pour cause, en réponse à ces mensonges provocateurs destinés à nous faire cracher des sous, mon camarade du jour me propose de nous battre pour leur apprendre entre autre qu'on ne se moque pas impunément de nous ainsi, et surtout qu'on ne profite pas de la crédulité des autres pour leur soutirer du cash. Si j'appréhende peu d'en arriver à de tels extrémités aussi rapidement vis-à-vis d'une bande dont je ne sais rien, je ne peux que me reposer entièrement sur les dires de Mell, et sors à mon tour une Poké Ball.

« B-B-Bureau des r-racketteurs, ouais ! Vous allez voir ce dont on est c-capable ! »

Là-dessus, je fais sortir Volt l'Elecsprint, pour donner un coup de main à Mell et son Smogo. Je lance à mon Pokémon d'attaquer, sans ajouter plus de précision. Pas le temps de donner de quelconques directives, pour une fois ; ce n'est pas tellement la peine de se la jouer tacticien ici. Mon chien électrique se contente de concentrer de l'électricité dans sa fourrure pour la libérer ensuite sur les membres du BDE qui ont tenté de nous embobiner. Mais la décharge libérée est si grande qu'elle ne touche pas seulement les étudiants : le courant ne tarde pas à s'éteindre également et les plombs finissent par sauter au-dessus de nos têtes.

« M-Mais dis, tu promets, hein, que la maladie de... de... Enfin qu'elle existe pas ? »

Tourné vers mon camarade, je ne peux empêcher une petite inquiétude se frayer dans mon esprit, moi qui ne connais pas grand chose du monde de la médecine, laissant mon petit ami s'en charger habituellement. Pas que je remette en question les dires de l'aîné, mais comme je ne sais rien de l'organisation des facultés... En tout cas, j'ai déjà un petit aperçu de ce que peuvent être les universités, et j'ignore si je dois être rassuré ou au contraire commencer à me méfier. Est-ce parce que les étudiants en sciences sont connus pour faire un peu le bordel n'importe où ils passent ? Je ne fais pas de généralités, hein, mon copain n'est pas du tout comme ça, après tout (et finalement Mell non plus) ; mais j'espère seulement qu'il n'y a pas un BDE dans toutes les universités (ou un équivalent) et que s'il y en a un, il n'est pas pire que celui qui nous agresse actuellement. Car si je croyais être débarrassé de ces futurs politiciens voleurs d'argent, l'un d'eux envoie un un Dracolosse pour contre-attaquer. Mais le poids de celui-ci à l'intérieur du couloir fait légèrement trembler le sol, et sans doute que j'aurai eu moins peur si je ne craignais pas que le sol, à force d'être secoué ainsi, ne finisse par craquer.

Santa Barbara chez les Enolians  

Sam est un con

En dépit de mon comportement passé avec l'individu à mes côtés, je ne peux que croire à ce qu'il raconte. Si nous ne sommes pas les meilleurs amis du monde et que nous avons des intérêts très différents, il a l'air de savoir ce qu'il dit et puisqu'il s'agit d'un scientifique, je l'imagine plus caler dans tout ce qui concerne les maladies que les baratineurs qui ont voulu nous soutirer de l'argent. Je ne sais pas si ma sensibilité et ma naïveté m'auraient perdus à ce niveau, mais il faut dire que je ne comprends pas grand chose à l'organisation des facultés en général. Il serait peut-être temps que je m'inscrive sur ce fichu site d'inscriptions en ligne, tiens... Enfin, si seulement les étudiants ne sont pas tous comme ces énergumènes du DEB ou BED ou je-ne-sais-quoi. La coupure de courant ne nous empêche pas de voir, puisqu'il fait encore jour, toutefois la venue de quelques nuages coupent temporairement la lumière de temps à autre et c'est peu rassurant de voir seulement la forme mouvante du Dracolosse qui se met à grogner. Et je suis même surpris qu'aucun professeur ou surveillant ne soit encore venu à cause de tout le boucan que nous faisons ; y'a personne à cette heure-ci, ou tout le monde dort ? Ou alors comme on me l'a déjà dit de nombreuses fois, peut-être que les responsables de l'organisation des bahuts universitaires sont vraiment tous plus ou moins des fainéants ? Pas que cela m'étonne grandement, en un sens, pour une raison ou pour une autre, je n'ai pas été grandement surpris en l'apprenant et j'imaginais moi-même difficilement autre chose. Faut dire qu'ils doivent vraiment s'ennuyer, s'ils restent toute la journée devant leurs ordinateurs et autres papiers. Moi, ce n'est pas l'envie de fuir ce genre de responsabilités qui me manquerait, même si bon, je me doute qu'ils ne doivent pas avoir le choix non plus. Mais j'aime bien trop partir en exploration et jouer avec mes Pokémons au grand air pour rester cloîtrer des heures dans une salle à rester assis derrière un bureau. Je me demande bien comment Natsu fait, des fois. Surtout que lui, il fait des trucs vraiment, mais alors vraiment barbants. Et que ça a l'air de l'amuser, en plus. Ou de l'énerver, aussi, des fois. Je ne comprends pas comment on peut tirer autant de joie et de colère sur la même chose pendant toute une journée entière. Quoique... C'est probablement ce que je fais un peu moi-même, quand je m'entraîne toute la journée. Il m'arrive de sauter de joie quand je réussis à trouver une stratégie mais aussi d'être frustrer quand je ne trouve finalement rien. Mais bon, personne me dira que les Finales ne sont pas stressantes, hein. J'ai peur sans vraiment avoir peur. C'est peut-être ça, en fait, je ne réalise pas encore, tout simplement. Je devrais arrêter de culpabiliser sur le fait que je ne ramène pas beaucoup de sous à la maison quand je vois le monde entier travailler, mais je me répète sans cesse à moi-même que gagner cette année me rapporterait gros. Cela ne m'empêchera pas de continuer à chercher du boulot ou même de commencer des études, au contraire ; à ma sortir de la compet', je go me trouver un métier ! Mais bon, plus facile à dire qu'à faire, vous me direz. J'aurais sans doute adorer être champion, tiens... Mais toutes les places sont prises. J'avais encore un petit espoir il y a peu mais même celle d'Amanil a eu quelqu'un pour la garder. Je suis encore bien trop indécis pour trouver ce que je veux faire plus tard, il faut dire. Heureusement que j'ai des Pokémons plutôt balèzes et qu'il y a aura toujours des dresseurs à racketter affronter sur Enola. Tiens, je me demande si Mell fait des combats. Je devrais peut-être lui en proposer un, à l'occasion. Après tout, puisque j'aime les duels, ça pourrait être une manière comme une autre de faire plus ample connaissance, puisque je connais des dresseurs qui fonctionnent ainsi.

Mais je crois que pour le match, on repassera plus tard. Pas seulement à cause de la situation actuelle qui nous oblige à nous concentrer sur nos opposants, mais en voyant Straum et son Smogo se cacher derrière moi comme des enfants apeurés, je cligne des yeux, perplexe. C'est bien la première fois que ça m'arrive, de servir de 'rempart' derrière lequel on peut se dissimuler pour signifier une crainte. C'est comme si Mell me considérait comme quelqu'un de fort, ce qui serait étonnant, vu que je n'ai clairement pas marqué de tels points auprès de lui. Ce n'est pas une plaisanterie, pourtant, il semble vraiment être effrayé par le dragon qui vient d'apparaître, alors que je ne lui fais que glisser un coup d'œil et que je réfléchis à qui envoyer pour le mettre KO. Mon but n'est pas de mettre l'école à feu et à sang, néanmoins je n'ai pas pour habitude de fuir devant un ennemi si je peux aisément le mettre à terre, et je crois avoir en ma possession quelques monstres capables de battre cette grosse créatures oranges en deux temps trois mouvements. J'espère seulement que nous arriverons à nous tirer d'affaire avant que le couloir dans lequel nous nous trouvons s'effondre, parce que j'ai pas trop envie de mourir écrasé aujourd'hui et en plus par deux tonnes de parpaing. De plus, l'empressement de Mell m'empêche de me concentrer, or je ne peux pas envoyer n'importe qui contre un Pokémon Dragon. Toutefois, je ne peux qu'être flatté par la considération qu'il me porte simplement parce que je suis dresseur. Héhé... Vrai que je pourrais leur 'péter la gueule' facilement, si je le voulais. Mais mon but n'est pas de blesser directement des étudiants qui n'ont pas l'air d'ennemis véritablement -je garde ça pour les soldats du Régime et pour ceux qui me cherchent vraiment- alors je veux éviter de sortir mes compagnons pour des humains, d'autant plus qu'ils ne sont pas tant fanas que ça d'utiliser leurs pouvoirs sur des Bipèdes qu'ils savent dépourvus de capacités élémentaires au contraire des Pokémons. Tout ce que je me dis, actuellement, c'est qu'un combat ne sera peut-être effectivement pas possible contre Mell, tout compte fait, car j'ignore en effet comment il réagirait s'il constatait mon niveau, ou plutôt qu'il voyait de ses propres yeux que je ne suis pas un dresseur à prendre à la légère, ou plutôt que mes alliés sont plus puissants qu'ils peuvent le paraître, puisque tout le mérite leur revient.

Néanmoins, je n'ai le temps d'y d'appeler un de mes Pokémons, ni de faire un geste quelconque envers nos agresseurs, puisque la Smogo du binoclard, sans doute dans un excès de frayeur, relâche le gaz si particulier des créatures de son espèces, c'est-à-dire un brouillard bien sombre, épais, et aussi agréable à respirer qu'un pot d'échappement de voiture. Si je tousse en sentant par mégarde le gaz et que j'ai l'impression que ma gorge me brûle, il s'agit d'une diversion pour le moins efficace, malgré tout, puisqu'elle nous permet de nous enfuir sans autre forme de procès, et je ne proteste même pas lorsque Mell m'emporte à sa suite par la poignet, juste après avoir rappelé Volt à sa Poké Ball. Dans la brume noire, il saurait mieux se repérer que moi, étant donné qu'il connaît bien mieux cette université et que je ne ferais que me retrouver dans le placard à balais si jamais on me laissait être guide. Si j'avais pu réussir à atteindre la salle de Natsume, c'est uniquement parce qu'il m'avait bien envoyé toutes les indications nécessaires et en plus dans un langage que je pouvais comprendre. Pas le Shimomura dise des trucs compliqués tout le temps mais voilà, vous savez, avec Mell, là, bah ils parlent souvent de bidules que je comprends jamais, mais on va pas repartir là-dessus, on en a déjà parlé. La seule chose dont je pourrais vous informer de nouveau c'est que je crois que je n'essayerai plus de capter quoi que ce soit à ce qu'ils racontent. J'ai suffisamment confiance en mon petit ami pour savoir qu'il ne dirait de toute façon jamais du mal de moi. Enfin, pas qu'il en ait pas déjà dit, hein, mais plus maintenant, quoi. Et puis bon, qu'est-ce que je vais chercher, moi, aussi, j'aurais dû savoir dès le début qu'ils parleraient pas d'autre chose ensemble que de machins nerdiques, et que s'ils rient tous les deux c'est parce qu'ils se racontent des blagues de scientifiques que je pourrais pas piger, et pas parce qu'ils se moqueraient de moi, n'est-ce pas ?..
Que suis-je bête, de croire que Natsume voudrait voir Mell de cette façon... Je suis bien plus mignon que lui ! Et c'est mon Natsu à moi qui a dit que j'étais adorable, je l'ai pas inventé !
Si nous sommes à présent hors de danger, ou en tout cas concernant ces élèves pour le moins étranges et collants, c'est avec une grande maladresse -presque autant que celle de mon copain- que Mellorine titube et finit par chuter, m'entraînant avec lui dans une descente, où nous atterrissons dans des escaliers sur lesquels nous roulons. Je n'arrive pas à sentir toutes les douleurs qui me parviennent à cause de mon cerveau qui a du mal à enregistrer tout ce que je vois, car on se tortille dans tous les sens et que j'ai du mal à voir les images qui défilent. Le fait que j'ai quand même mal, car c'est peu agréable de débouler dans des escaliers, v'voyez. À notre arrêt final, j'ai mal partout. Mais bon, au moins on s'en est finalement sortis, j'ai envie de dire. Ma tête tourne et pourtant je la relève comme je peux pour tenter d'y voir plus clair. Encore sonné, je ne réponds pas tout de suite à la question de l'autre, ou alors par de vagues hochements de tête et des 'hnhn' sans doute peu convaincants. Alors que j'essaye de reprendre un peu mes esprits après nos rotations à 360°, je me rends compte que j'ai fini par me retrouver juste au-dessus de lui et que nos visages ne sont qu'à quelques centimètres risibles l'un de l'autre. J'écarquille automatiquement les yeux, soudain bien réveillé, puis m'éloigne brusquement avant de me relever tout à fait et de me dépoussiérer, puis finis par tendre ma main au rouflaquette boy, encore un peu gauche quant à la façon dont je dois me comporter avec lui.

« Euh... Rien de cassé ?.. »

Non, décidément, quand je suis nul dans ce genre de chose, je suis nul dans ce genre de chose. Bizarre, d'ailleurs, puisque je suis d'habitude très sociable et que donc ce type de problème ne me fait rien, puisque j'arrive à passer outre, mais la façon dont je me suis jeté sur lui et notre discussion, quand j'y pense, doivent paraître vraiment awkward. C'est dur de faire ami-ami avec un scientifique, aussi. Quoi, comment ça je suis de mauvaise foi ? M-Mais Natsume c'est... C'est pas pareil, d'abord ! C'est euh c'est lui qui m'a fait du charme en premier ! Il avait qu'à pas être adorable et gentil ! Oui, c'est parfaitement de sa faute. Exactement. D'ailleurs, en parlant de lui (non, je ne fais pas que ça, c'est faux), il faut absolument que nous arrivons à trouver une horloge, ou au moins que nous rejoignons le bâtiment où il a cours, sinon nous n'arriverons jamais à temps. Avec ces imprévus qui se sont enchaînés, je n'ai pas du tout vu le temps passer.

« Si-Sinon, je crois que faut rejoindre Natsu, là. Il va peut-être s'inquiéter, s'il nous voit pas devant la salle. Bon, euhm... J'crois que c'est par là. »

En fait pas du tout, je dois avouer que je marche au pif, mais bon, en même temps je suis intérieurement pressé de revoir mon petit ami. Même si... Eh bien je me suis bien moins embêté que ce que je pensais, tiens. Notre dernière petit mésaventure était même plutôt amusante, quand je revois la scène ; et Mell est bien moins bête que ce qu'il n'y paraît, en fait. D'ailleurs, c'est probablement à lui que je devrais demander la direction à prendre. Mais dès que je vois une porte en bas de la cage d'escalier, je me dis que tous les chemins mènent à Rome, après tout, et je me dirige vers elle, en faisant signe au Straum de me suivre. Si ça se trouve, nous aurons encore du temps, même. Un sourire niais et débile se pose sur mes lèvres malgré tout en pensant au lapin qui doit être encore en train de travailler. Je soupire intérieurement.

« Comme je t'envie, tout de même... J'aimerais bien savoir comment il est, en classe. J'suis sûr qu'il est archi cool ! »

Des étoiles plein les yeux accompagnent ma phrase, et je me surprends à l'imaginer tout à fait. Son expression concentrée sur ses leçons de biologie, ses cheveux en bataille qui laissent retomber quelques mèches sur ses jolies yeux couleur noisette, rivés sur le tableau, et sans doute parés de ses lunettes qui me font craquer à chaque fois, et son...
Merde... Je bave pour de vrai. P'tain, la honte ! J'espère qu'il m'a pas vu... Je devrais vraiment arrêter de me foutre de la gueule de Tristan, un de ces jours (lol nope, c'est beaucoup trop marrant (et accessoirement je suis encore beaucoup trop hypocrite pour ça). Aheum, enfin bref. Ma subjectivité me perdra, vous m'direz. Et ce sera probablement le cas. Mais que voulez-vous... On ne se refait pas. Surtout depuis cette histoire d'amnésie et toutes les péripéties qui nous ont amenés à nous remettre ensemble pour de bon. Je n'ai pas pour habitude de me vanter pour de vrai, mais je l'ai quand même mérité, mon copain ! Pourtant, même si je le vois quotidiennement, le simple fait de ne pas le voir en cours me rend de nouveau jaloux, mais bien plus légèrement cette fois-ci, rassurez-vous. Je n'ai plus envie de sauter sur le binoclard pour lui refaire le portrait, héhé !.. Héhé... Bordel, c'que j'suis con, quand même. Faut vraiment beaucoup de patience pour me supporter, c'est bien vrai. En fait ça doit être pour ça aussi, qu'on forme une belle paire avec Natsu. Il n'y a bien que quelqu'un de calme comme lui pour faire face à mes conneries. En un sens, je peux comprendre alors une fois de plus ce qui rapproche tant mon petit ami et BéchaMell.

La porte que nous avons emprunté nous a mené vers une sorte de salle de cours, avec des tables où sont disposées toutes sortes de solutions. Il est possible que de telles fioles soient disposées pour les travaux pratiques dont mon japonais favori (en même temps chez les garçons c'est le seul asiatique que je connais, puisque Faust et Clive sont des œufs *quota de blague raciste atteint*) m'a parlé quelques fois. Mais des travaux pratiques, il en fait déjà assez chez frangin, et d'ailleurs Mell est bien au courant, puisqu'il y est parfois invité à faire des expériences loufoques avec le lapin. J'aurais pu donc traverser cette même salle tranquillement et continuer mon petit bonhomme de chemin jusqu'à l'autre côté de la pièce où se trouvait une autre porte, mais au moment où mes yeux se relèvent en direction de l'horloge accrochée au mur, je me mets tout à coup à paniquer.

« Qu-Quoi ?! Déjà si tard ?! V-Vite, faut s'dépêcher ! »

Je savais que le temps avait passé, mais à ce point... Par Arceus, j'aurais dû faire plus attention, quel idiot ! Je cours alors comme un dératé à travers la salle, mais en me précipitant pour rejoindre l'autre côté, je ne fais pas trop gaffe et dérape sur le sol qui vient d'être nettoyé, tombant une nouvelle fois par terre. Le seul problème dans ma chute, c'est que j'ai essayé en même temps de me raccrocher à quelque chose, mais tout ce que j'ai pu obtenir ce fut des erlenmayos (c'est comme ça qu'on dit ?) dans lesquels y'avait d'étranges substances. Mon manque d'habilité ne me permit néanmoins pas de prendre même correctement les flacons, et c'est ainsi que je renversa ces mêmes flacons sur le carrelage, répandant ainsi par la même occasion leurs contenus... qui prirent instantanément feu. Je sursaute, ne m'étant pas attendu à une réaction aussi vive.

« Ah... AAAAAH ! Au feu ! Au feuuuu ! »

Oui, très logique de dire ça puisqu'il suffit d'avoir des yeux pour s'en rendre compte, mais même si la flamme n'est pas bien grande pour l'instant, un vent de panique me parcoure. Mais au lieu d'avoir l'intelligence (en même temps avec moi fallait pas s'attendre à autre chose) de prendre l’extincteur à portée de main ou même d'allumer un des robinets, je m'empare d'une autre fiole avec un liquide transparent dedans (que je prends pour de l'eau) et le jette sur le feu que j'ai précipité.