A Piece of Peace

Éclosion d'Apollo

« Dis, pourquoi je peux pas t'appeler tonton ? »

Perplexe, Clive baissa négligemment le livre qu'il tenait, et jeta un coup d’œil confus vers la petite brune qui venait de grimper à ses côtés sur le canapé du salon. Comme à son ordinaire, il ne parvenait jamais vraiment à prévoir les actions et les paroles de la gamine, ce qui n'était pas sans lui rappeler son paternel d'ailleurs, alors Clive s'était habitué à la laisser faire. Ce n'était pas compliqué, et cela lui évitait des migraines qu'il n'aurait jamais pu solver. Alice s'installait tranquillement contre lui, sans même prendre le temps de lui demander son avis, un sourire jovial sur son visage.

« Hé bien, euh... Techniquement, tu pourrais, mais-
- Mais quoi ? T'es bien mon tonton, non ? »

Difficile d'arguer face à la logique claire d'une enfant qui n'avait pas l'air de saisir les raisons de l'hésitation du plus âgé. Pourtant, si c'était si simple, Clive aurait dû trouver une réponse sans trop avoir à chercher, mais ce ne fut pas le cas. Il n'avait pourtant pas le cœur de briser les rèves d'Alice, alors il se contenta d'une grimace gênée, espérant par là que la fillette abandonnerait ses questions. Comme d'habitude, il ne savait pas comment y répondre.

« C'est un peu plus compliqué que ça. »

Tentative de fuite aussi puérile que lâche, et il est au courant. Ce n'était pas en caressant l'oeuf qu'il avait dans les mains qu'il parviendrait à se défaire de son malaise toutefois, et si Alice était suffisamment polie pour ne pas en parler, cela ne voulait pas dire qu'elle ne l'avait pas remarqué. « Plus compliqué », et encore... Tout un tas de raisons aurait dû le pousser à rester éloigné de la gamine, ne serait-ce que pour son bien. Qu'elle s'attache à lui ne lui amènerait que de la tristesse au final, il en était sûr. Et peu importe à quel point la joueuse désire lui coller des baffes. Alice n'en démordit pas tout de suite, et sourit plus fortement encore.

« Ah, c'est parce que j'en ai déjà un ? Bah c'est pas grave, il sera pas jaloux, et toi on t'appelera tonton deux ! »

L'attention était presque touchante, si bien que Clive se permit un gloussement discret mais léger. Si son visage transpirait le malaise, il se forçait toutefois à répondre. La main posée fermement sur l'oeuf dans ses bras, il essaya de parler sans balbutier, ce qui en soit était déjà plutôt compliqué.

« Alice, c'est gentil mais je... Je ne crois pas que je le mérite. Je n'ai pas été très gentil depuis longtemps, tu sais. »

Euphémisme du siècle, vraiment, au vu des images qui passaient dans sa tête. Il n'allait pas tenter de se plaindre car il n'était certainement pas une pauvre petite chose innocente qu'il aurait fallu défendre, mais la culpabilité ne disparaitrait pas comme ça. Ce n'était pas comme si Faust pouvait comprendre, vu qu'il passait son temps à essayer de l'amnistier comme si être son jumeau lui donnait une excuse quelconque. Enfin, comme si ressasser les mêmes choses en permanence allait aider... Il poussa un soupir exaspéré, fatigué par ses propres frasques.

« C'est pas grave ! »

L'exclamation d'Alice lui avait paru sortie de nulle part. Il avait légèrement relevé le regard, curieux, avant de s'étonner du sourire rayonnant de la gamine. Elle grimpa sans plus attendre sur son ventre, de telle sorte que Clive tomba les coussins, un peu sonné. L'ancien officier plissa les yeux devant l'affection soudaine de sa nièce, peu habitué à ce genre de comportement. Ne sachant pas vraiment quoi faire, il resta silencieux, ce qui permit à la cadette de continuer à parler à un rythme relativement rapide pour une enfant de son âge.

« Si tu t'es excusé et que tu es vraiment désolé, bah ça ira ! Papa il m'a toujours dit que si on veut réparer nos bêtises, il faut essayer ! »

Les traits de Clive se froncèrent dans une expression perplexe. Du moins, au début. Car Alice avait à peine fini de parler qu'elle s'était jetée à son cou pour l'enserrer contre lui, prenant de court le métis qui  s'immobilisa instantanément. Durant une seconde, les réflexes de Clive lui avaient crié de s'éloigner immédiatemment de ce qui aurait pu être un potentiel risque, en dépit du fait que la petite n'aurait jamais fait de mal à une mouche. Les résultats de ses mois passés en captivité, toutefois, se faisaient encore sentir au moindre contact un peu trop brusque.
Lentement et avec beaucoup de lenteur, le brun osa passer un de ses bras autour de sa nièce avant de relever doucement le haut de son corps, auquel Alice continuait à s'accrocher comme une huître à son rocher. Visiblement, elle avait décidé qu'elle ne lâcherait plus sa prise, et Clive ne put s'empêcher de se sentir touché. Retenant un sourire maladroit, il caressa doucement la tête de la fillette.
Exactement comme toi, hein, Faust ?
Clive sourit plus honnêtement, surprenant par la même occasion Alice qui ne s'attendait pas à voir une pareille expression sur son visage, d'autant plus qu'elle lui rappelait de manière troublante celle de son propre géniteur.

« En tous cas, je suis persuadé que ton papa doit être très fier de toi. »

La plus jeune ne répondit pas sur le moment, se contentant de rire gaiement. Si l'officier comptait bouger, il n'en eut néanmoins pas le temps, puisqu'il finit par remarquer quelques mouvements réguliers de la part de l'oeuf qui était resté sur le canapé. Immédiatemment, Clive se rapprocha de la source de son inquiétude. Il adressa quelques paroles brèves à Alice entre temps.

« E-euh, hé bien... Si tu veux, tu peux m'aider à m'occuper de cet œuf, il ne va pas tarder à éclore, du c-cou-p euh ! »

Les mains déjà posées sur l'oeuf qui ne cessait définitivement pas de s'agiter, le jeune homme fut forcé de se rendre compte qu'il n'arriverait pas à l'empêcher de bouger. Même Alice avait cessé ses sautillements pour concentrer sa curiosité sur l'objet mouvant. Pour dire vrai, il ne s'attendait pas vraiment à le voir éclore maintenant, vu qu'il l'avait obtenu il y a peu de temps, mais il fallait croire que la créature qui s'y trouvait était pressée de sortir.
Le premier coup porté sur la carapace ne fit rien. Ce fut le second qui créea la toute première fissure : quelques morceaux furent ejectés par la même occasion, trop petits toutefois pour que le pokémon puisse sortir sa tête d'un seul coup. Avec douceur, le hérisson immobilisa l'oeuf dans une de ses mains, ce qui permit à la créature qui se trouvait dedans de porter des coups plus forts et plus brutaux que les précédents, de telle sorte que même le compétiteur se retrouva surpris par la force qu'il dû contenir.

Lorsqu'il approcha légèrement sa tête pour voir ce qui se passait, il aurait peut-être dû se rappeler d'un des conseils que lui avait donné Natsume à l'occasion au sujet des œufs. Il se serait alors rappelé que rester tout près d'eux lors de l'éclosion était une assez mauvaise idée. Trop tard toutefois. L'Evoli avait sorti brusquement la première moitié de son corps, de telle sorte qu'il donna sans le vouloir un violent coup de tête à son dresseur, au vu de la vivacité de sa sortie. Clive recula brusquement en arrière avant de s'étaler en arrière, une main posée sur son nez pour essayer d'oublier la douleur sourde qui le parcourait. Alice écarquilla les yeux, mais ce fut davantage sous le coup de l'émerveillement que de l'inquiétude : gaieté sélective, visiblement

« Ouah ! L'est fort, quand même ! »

Ca, il ne pourrait pas le nier, non... Il se releva péniblement, en tanguant alors que le nouveau-né s'agitait dans les restes de son œuf pour se libérer, visiblement totalement inconscient de ce qu'il avait causé au hérisson. Alice posa de grands yeux admiratifs sur le pokémon.

« C'est quoi ? On dirait un gros chat !
- Un Évoli, Alice. C'est une... Quelqu'un que j'aime bien qui me l'a donné. »

Il allait se suffire de cette formulation. La fillette n'avait pas besoin d'en savoir plus, et lui-même ne préférait pas y penser outre mesure. Sa nièce le regarda pendant quelques secondes sans rien dire, comme si elle doutait de son histoire, avant de reprendre le même air joyeux qu'auparavant.

« Ah. Faudra en prendre soin, alors, tonton ! »

Clive hocha timidement de la tête alors qu'il passait ses mains sur le nouveau-né pour le débarasser des morceaux de coquille qui restaient sur son pelage. Alors que l'Evoli essayait ses petites dents sur ses doigts en les mordillant comme pour se rassurer, l'ancien officier le prit dans ses bras, l'air attendri. Il se tourna ensuite vers Alice, qu'il laissa caresser la tête du jeune pokémon, dont les mèches avant semblaient légèrement produbérants. Clive s'essaya à un sourire qui se voulait enthousiaste (et qui honnêtement était assez awkward).

« … Tu veux m'aider à  lui donner son premier bain ? J'aurais bien besoin de deux mains supplémentaires.
- Hm-hm ! Dépêche-toi, on devrait même avoir des jouets si on cherche ! Pis si on fouille dans l'armoire à Natsu, y'a plein de sels et de trucs qui sentent bons ! Faudra juste pas lui dire, hein, promis tonton ?
- Promis, promis. »

Au moins, il pouvait essayer de s'y habituer, petit à petit.