L'évolution de Férosinge, les paroles de Alex, Maxwell et Emilio, tout cela avait changé beaucoup trop de choses. J'étais chamboulé, et j'avais besoin de prendre l'air. J'avais pris trois jours de congés, et étais parti en ermite dans la région humide, avec une tente et quelques vivres. Et j'y avais vécu depuis. L'humidité ambiante, la faune, la flore, tout me donnait du fil à retordre, et j'avais besoin de ça. J'avais besoin d'être seul avec moi, sans Rouge, sans d'autres gens, sans personne. Personne, sauf mes pokémons. Mais je devais bien un jour revenir à la civilisation : des gens comptaient sur moi. Hélas. N'aurait-il pas été plus simple de fuir d'ici, et de partir ? De rejoindre Boulon et de prêcher au-dehors d'Enola ?

« Colossinge ?» entendis-je derrière moi, et je me retournais.

J'étais en train de me laver dans une mare glaciale. Peu m'importait, même si la chair de poule grêlait ma peau. J'attachais rapidement mes cheveux, et hochais la tête devant mon ami simiesque. Je m'habillais alors qu'il rangeait nos affaires et une fois empaquetées, je m'assis devant notre feu mourant.

J'avais vécu ici quelques jours, mais je n'avais pas envie de partir. Je m'étais habitué à être seul, mais surtout, surtout à ne pas penser à Alex. Si je retournais à l'arène, le jardin me rappellerait nos ébats, notre combat, nos nuits ... Je ne voulais plus de cela, mais violemment et vicieusement, mon corps ne désirait que cela. Revoir Alex. Non. Je secouais la tête et fermais les derniers boutons de ma veste. Colossinge m'attendait déjà, et j'allais mettre mon sac sur mon épaule quand j'entendis du bruit.

« Aurions-nous un invité ?»fis-je doucement, me tournant vers le bruit en question.

Un pokémon étrange, qui lévitait au-dessus du sol et ressemblait à une liane avec une bouche de plante carnivore s'approcha de nous. Un vortente. Je haussais les épaules. Je n'avais pas envie de me battre pour une place. Je fis un signe à colossinge et, pendant qu'il partait, je me tournais vers le vortente et le saluais respectueusement. Je m'inclinais, et reculais d'un pas, puis de deux, en lui indiquant la place que j'avais occupée. Seuls vestiges de mon passage, l'herbe couchée et le cercle de pierres qui délimitait mon feu.

« Je te laisse notre place, si tu en veux. » dis-je, et je me détournais pour suivre Colossinge.

J'écartais les buissons, puis plongeais dans les marécages. Tourbe, boues, sables mouvants, arbres aux troncs creux, végétation sombre, dense, humide. Tout cela était presque malsain, mais le bruit écoeurant de succion de mes chaussures me faisait prendre pied dans la réalité. Je devais retourner à la société. Je rejoignis colossinge. Son évolution m'avait fait du bien : je devais me concentrer sur ce qui importait vraiment. Et mes histoires amoureuses n'étaient pas importantes. Alex ne l'était pas. Il ne devait pas, n'avait pas le droit de l'être.

Mes amis, mes pokémons, le fait que je sois champion allaient m'aider à m'ancrer. A reprendre pied. Mais pour le moment, malgré tout mes efforts, je ne pouvais me sortir Alex de la peau, du corps, du coeur. Je ne cessais de penser à lui, à les mots que nous avions eu. Il m'avait jeté de sa vie. Car nous étions ennemis. Il avait fait ce qu'il fallait. Il avait tranché notre lien, et c'était ce qu'il y avait de mieux à faire. Alors pourquoi me sentais-je aussi mal ? Pourquoi ne pouvais-je me réjouir de n'avoir pas à prendre la décision ? J'avais juste à la subir. Je grognais, et suivis le chemin. Chaque pas me semblait plus lourd, et pas seulement à cause de la boue qui se collait à mes semelles. Colossinge me jeta un regard, mais ne dit rien ; il savait ce qui alimentait mes pensées, et ne pouvait rien pour moi. Personne ne pouvait rien pour moi. Même moi, je ne pouvais rien.

Alors que je m'étais arrêté et que la boue m'arrivait à la moitié des chevilles, j'entendis un petit bruit. Une espèce d'écureuil, la fourrure blanche maculée de boue, m'encourageait à repartir, poussant sur mes mollets. Je haussais les sourcils, totalement incrédule, et avançais comme on me l'ordonnait. La pachirisu m'accompagna sur le trajet. Colossinge, devant, me trouva enfin. Il avait l'air totalement paniqué. Il posa son regard sur le pokémon sauvage, sans comprendre. L'écureuil glapit, et sauta sur mes épaules, me maculant de boue. Elle cliqueta des dents, visiblement inquiète pour la suite des choses.

« Elle m'a ... Encouragée à continuer. Je dois te remercier, petite. »

Je vins tapoter sa petite tête, et elle fit mine de me mordre, pour s'amuser, pour montrer qu'elle ne voulait pas qu'on l'appelle petite. Je souris, et on se remit à marcher, tous les trois. Finalement, je trouvais un sentier de terre et non plus de boue, et Colossinge sautilla en me montrant du doigt l'orée des marais. Nous allions bientôt arriver hors des marécages. Pachirisu sautilla sur une branche et nous observa, presque triste de nous quitter. Je n'avais aucune raison de faire ce que je faisais, hormis sa gentillesse qui m'avait touché.

« Petite, pour te remercier ... Est-ce que tu veux venir avec nous ? Est-ce que tu as envie de nous accompagner plus loin ? »

J'avais sorti une pokéball bleue et jaune, et la montrais au pokémon écureuil. Elle me jeta un petit regard, puis sans attendre que je le fasse, appuya sur le bouton avant de disparaître dans la pokéball. Je haussais les sourcils ; Perséphonne, dans son genre, savait ce qu'elle voulait, mais cette écureuil, elle, elle risquait d'avoir un tempérament encore plus tranché. J'aimais ça, en fait. Et j'appréciais qu'elle m'ait aidé. Sans elle, aurais-je bougé de la boue où je m'en fonçais, le poids de ma tristesse m'enfonçant petit à petit ?

La pachirisu accepta d'emblée de me rejoindre, et j'eus un petit sourire en reprenant la pokéball. Voilà une nouvelle amie pour la famille. J'avais un peu trop tendance à capturer n'importe qui, je le savais, mais je ne pouvais pas résister aux pokémons gentils. Et puis, cette petite, elle était serviable, après tout.

« Merci à toi. Je vais t'appeler ... Lucy.»

Je rangeais la pokéball à ma ceinture et repris ma route. J'y étais presque, mais alors que la civilisation était à portée de mains - ou de pieds, à dire plus vrai - je m'arrêtais. J'avais vécu trop de choses bizarres, et je n'étais pas sûr de vouloir continuer à aller sur ce chemin. Voulais-je retourner réellement à la civilisation ? Voulais-je retourner dans un monde qui osait remettre mon ex dans ma vie, sans me demander mon avis, puis me retirait l'homme que j'aimais. J'inspirais doucement, les yeux dans le vague. Je ne savais plus ce que je voulais. C'était ça le pire. Je marchais dans la brume, sans savoir si je posais mon pied sur la terre ferme ou dans le vide où j'allais tomber. Je soupirais, immobile. Je ne savais pas quoi faire. C'était devenu une habitude, ces derniers temps. Je devais me reprendre, et vite.

Je relevais mon regard, et croisais celui d'une petite tortue. Je haussais les sourcils, surpris : il s'agissait du starter tortipouss, et il était rare d'en voir dans la nature. Je l'observais, entre surprise et une certaine joie. Etait-ce une espèce de signe ? Montrant que j'avais suivi la bonne voie ? Il avait quelque chose de rusé, d'intelligent, qui me plût et j'eus un petit sourire.

« Hé bien, petit, il semblerait que tu sois une espèce de signe du destin. Un signe que j'attendais - peut-être que je veux que tu sois ce signe. Un petit combat, ça te tente ? »

Je pris une pokéball à ma ceinture, et l'envoyais devant moi, délivrant ma chère Lulu. La lucario s'étira, et observa notre adversaire du long de son museau pointu, avant de grogner, déjà prête pour le combat. J'admirais son corps fin, musclé, rapide, et je retins un élan de fierté.

« Allez Lulu, on y va ! Lance Forte-paume, puis Vibroscur ! »

La lucario gronda son assentiment, et s'élança à l'assaut de la tortue de type plante. J'étais certain qu'il ferait un adversaire convenable, au vu de l'intelligence qui perçait dans son regard, mais mieux valait s'en assurer, non ?

Lucario se montrait revêche, une vraie teigne, et elle menait la vie dure à la pauvre tortue herbeuse. Quand je fus satisfait de la voir bien affaiblie, je rappelais Lucario près de moi. La renarde combattante s'approcha, le museau long, grondante vers notre adversaire. Je la tempérais d'une main sur son épaule ; la voir aussi humanoïde me surprenait toujours. Coulant son regard dans le mien, elle m'observa, et sa combattivité se perdit dans la loyauté que je voyais dans ses prunelles.

« J'ai besoin de changer. Je veux mettre toutes les chances de mon côté. »

Car ce pokémon était non seulement rare mais également une bonne source pour mon équipe. Laissant Lucario se retirer du combat et se mettre près de moi, j'envoyais Lanturn à la place. Thésée sembla se réveiller d'un somme clignant de ses yeux un peu stupidement. Il restait toujours aussi timide qu'avant. Mais je n'allais pas le laisser se reposer sur ses lauriers.

« Lanturn, lance Cage-éclair, et paralyse moi ce tortipouss ! »

Une fois paralysé, ce pokémon serait à moi, je me le promettais. L'étincelle dans son regard me jurait qu'il serait un pokémon solide et courageux. Un membre de ma famille. Un ami sur qui compter. Puis, je pris une pokéball à ma ceinture, et la lançais. J'étais déterminé à le capturer, ce petit tortipouss.

Lanturn était rapide, et attaqua en premier. Je regardais donc la tortue se retrouver paralysée par l'attaque, mais loin de se laisser faire, le tortipouss vint utiliser une morsure sur le lanturn. Thésée grimaça, puis se déplaça jusqu'à une petite mare pendant que je lançais la pokéball. Roulant, rouli roula, elle se stoppa enfin et j'allais récupérer mon pokémon. Un tortipouss, hein ? J'allais la récupérer, et repris Lanturn dans sa pokéball également.

« Bon hé bien, je crois qu'il est temps. »

Derrière les fourrés devant moi, je voyais une clairière, qui mènerait à un chemin lui-même menant à Anula. J'inspirais doucement, et décochais un regard peu sûr de moi à Colossinge. Mon ami de toujours vint me frapper les côtes doucement, plus pour me montrer qu'il était là qu'autre chose.

« J'ai peur. Là, au dehors, il y a tout ce que je crains. Emilio et Max, Alex, ... Je ne sais pas ce que je veux faire. Je ne veux pas perdre Alex, mais ... Je suis perdu, Mon', perdu. »

Je ne pleurais pas. Je l'avais bien assez fait. Je soupirais, et pris mon courage à deux mains. Je devais vivre pour moi ; j'avançais d'un pas, puis d'un deuxième. Lentement, mais sûrement. Je devais rejoindre la société. Pour mon maître. Grands dieux, qu'aurait-il dit en me voyant ? Je devais me reprendre. Je devais retourner à mes combats de champion, et me concentrer sur la résistance. Je ne devais pas m'intéresser aux amourettes. Peut-être n'étais-je pas fait pour être amoureux, voilà tout. J'inspirais encore, et ma marche coupée devint régulière.

J'avais décidé de vivre. J'avais décidé de combattre. De me battre jusqu'au bout. Et j'avais mes amis pour m'aider.

[merci pour la modoooo <3]