Le lac Anula. J'avais traversé la jungle, équipée de ma cape couleur de sable et de ma tunique de sortie - pantalon et t-shirt de toile noire. J'avais l'air d'une exploratrice comme ça, ne manquait plus que le petit chapeau, vous savez, style Indiana Jones ? Je m'approchais de la gigantesque étendue d'eau ; ici, l'atmosphère semblait paisible, uniquement troublée par les bruits de la jungle environnante et des pokémons aquatiques et autres qui allaient et venaient. L'eau brillait au soleil pâle d'automne, et malgré l'air froid, je sentais bien qu'ici, c'était une zone protégée par les marais et la jungle aux alentours.

« Thor, approche. »

Mon cher félin avait évolué depuis peu. Il m'arrivait au niveau du nombril, et il était si grand, et si agile, si fort. Je ne cessais de l'admirer, des étoiles plein les yeux. Il vint frotter son museau large contre moi, et je caressais ses oreilles toutes douces.

« Il nous faut un pokémon eau. Pour affronter les arènes. D'accord ? Je compte sur toi pour que tu en dégottes un bien. Allons-y. »

Et je me mis à le suivre le long de la berge herbeuse. Thor avançait juste devant moi, preste et silencieux comme seul les félins peuvent le faire. Sa longue queue fouettait l'air derrière lui, et j'avais du mal à reconnaître en lui le pokémon fier et farouche du début, qui faisait tant de bêtises. Il avait grandi, en même temps que moi, sur cette île. Je resserrais ma cape autour de mes frêles épaules, et rabattis le capuchon, dévoilant mes cheveux roses. Sur l'eau se voyait mon reflet, troublé d'ondes blanches et pâles. Quels pokémons pouvaient bien se cacher dans cette eau ? Nombreux, foisonnant, aqueux, amphibiens ... J'étais curieuse de voir quels pokémons j'allais découvrir ici. Thor était là pour me protéger, et Gersimi m'attendait non loin de là, occupée à gober des insectes, sellée et harnachée. Elle était une monture agréable et solide, qui me permettait de me déplacer rapidement, mais sur les rives du lac, je voulais me déplacer par moi-même. Aux aguets, je tendis l'oreille, à la recherche d'un pokémon intéressant.

Alors que nous passions à côté d'un coude près du lac, où s'amoncelaient des branchages, une tête bleue émergea de l'eau devant nous et se plaça comme ça, sur le chemin. Dévoilant ses mâchoires en un sourire qui aurait pu être effrayant si ses yeux ne luisaient pas de malice, une kaiminus nous salua. Elle semblait nous inviter à jouer, et me plaçant entre elle et Thor, qui, méfiant, s'était assis, je m'accroupis et lui tendis les mains.

« Bonjour, toi. Je m'appelle Yuna. Tu m'as l'air bien guillerette. Est-ce que tu as envie d'une baie ? »

Je pris dans mon sac une baie rouge, et la tendis au pokémon aquatique. S'approchant de moi, elle la prit, la dévora, la jetant dans sa petite gueule rouge, puis s'élança en bondissant, joyeuse et apparemment contente d'avoir trouvé des amis. Je souris, et sortant de ma poche une petite balle en mousse que j'utilisais pour me détendre, et la lançais à la femelle. Thor, derrière, s'était allongé, nous laissant nous amuser. Décidant que je pouvais jouer avec Freyja, qu'elle l'avait bien mérité, je la fis sortir de sa pokéball. Nous nous mîmes donc à jouer, à nous renvoyer la balle. La Kaiminus ne sentait pas sa force, et elle finit par envoyer la balle sous mon sac. Freyja s'approcha, et allait la chercher, touchant les anses, quand je la retins soudain, me souvenant de quelque chose.

« Attention, Freyja. Il y a une pierre lune dans mon sac. » Quittant la kaiminus, je m'approchais de la nidorina et pris ladite pierre, sans la faire toucher la femelle. « Si tu la touches, tu évolueras. Je l'ai acheté quand tu étais encore Nidoran. Je savais qu'un jour, tu serais assez forte, pour évoluer en Nidoqueen. Que tu deviendrais forte et puissante, et déterminée. »

Je souris à la femelle, et, alors que je sentais mon coeur se gonfler de fierté, sa patte s'approcha et toucha la pierre lune. Dans un flamboiement de lumière, Freyja se mit à grandir. En quelques secondes, elle passa du stade de Nidorina à celui de Nidoqueen. Je vis sa peau se changer, sa morphologie changer. Et je sentais mes yeux se remplir de larmes, en songeant que c'était elle qui l'avait décidé.

« Oh, ma belle. Tu es magnifique ! » dis-je, la voix troublée, émue. Mon regard ne quittait pas ma Nidoqueen : Freyja était grande, à présent, et rayonnait de joie à l'idée d'avoir atteint son stade d'évolution le plus haut.

Ne souhaitant pas être en reste, la kaiminus s'approcha de nous, et soudain, mordilla le bras de Freyja. Surprise, elle bondit en arrière et gronda. Thor fit de même, par réflexe, et cligna des yeux stupidement devant la nidoqueen. Hé oui, maintenant, il ne pourrait plus se moquer d'elle sans se voir rabroué. Me tournant vers la kaiminus, je souris, l'air contente de moi.

« Kaiminus, est-ce que ça te dis de te battre un peu ? Je suis sûre que Freyja rêve de voir quelle est sa nouvelle force ! Allons-y ! » déclarais-je après avoir vu l'acceptation dans le regard du pokémon eau.

Je me redressais, alors que les deux pokémons se tenaient face à face. J'eus un frisson, en songeant à tout le chemin que nous avions fait. C'était incroyable. Je souris, et sentis ce battement de coeur, cette excitation devant le combat imminent. Oui, le combat, j'aimais ça, à présent.

J'observais le combat qui se déroulais devant moi. La bonne humeur de la kaiminus se sentait, alors qu'elle sautillait, impatiente elle aussi. Nidoqueen, elle, avait gagné en poids et semblait un peu maladroite, mais cela ne l'empêcha pas de faire un magnifique plaquage, comme je le lui avais demandé. La femelle roula en boule, et répliqua avec un pistolet à o.

« Courage Freyja ! Regarde toi, tu es magnifique ! Tu t'en sors très bien ! » criais-je, emportée par le combat.

J'étais terriblement excitée, d'autant plus que je m'étais décidée à tenter la capture. Car la kaiminus m'avait conquise. Joyeuse, d'un tempérament un peu fofolle et joueuse, son regard me donnait envie de la câliner. Freyja attaqua de nouveau, et j'eus la bonne surprise de voir que le pokémon sauvage était paralysé. Et le laser glace ne fit qu'accentuer le fossé qui venait de se creuser. La kaiminus était affaiblie, terriblement, et je m'approchais d'elle, doucement. Freyja reprenait son souffle, contente d'elle, le regard brillant.

« Ma jolie ... Je suis navrée d'avoir dû te blesser. Est-ce que tu m'en veux ? Est-ce que ça te dis de venir avec moi ? Je suis sûre que tu serais contente, au centre pokémon ... Regarde, je sors ma pokéball. Je l'ouvre comme ça, voilà. Et maintenant, c'est à toi de voir. » fis-je en souriant, alors que la kaiminus disparaissait dans un rayon rouge. Le regard que me lança la pokémon eau me donna un frisson.

Je laissais la pokéball bouger dans l'herbe, observant avec fascination la ball qui contenait la kaiminus. Allait-elle vouloir venir avec moi ? Je sentais chez elle un potentiel énorme, et je dois avouer que mon ventre brûlait de peur et d'angoisse. Je me souvenais du salamèche que j'avais dû mettre KO, dans le volcan, et j'étais loin de désirer la même chose pour la petite. J'avais apprécié nos jeux, et je ne voulais pas que ça se finisse là.

J'allais récupérer la pokéball qui venait de s'arrêter de bouger avec un petit pincement au coeur. Mais pas l'un de ces pincements désagréables, angoissés. Non, c'était comme si mon coeur s'était retrouvé entouré, câliné. Je la pris avec moi, et la tins au creux de mes mains, comme un cadeau précieux.

« Bienvenue à toi, Skadi, reine et épouse du dieu des mers. » murmurais-je, baptisant ainsi notre nouvelle amie. Quel nom aurait-elle porté mieux que Skadi ?

Je me retournais, après avoir accroché la pokéball à ma ceinture, et remis en place les pans de ma cape. Freyja se tenait debout, m'observant avec douceur. Je m'approchais d'elle et lui caressais la tête. Elle n'avait pas seulement changé physiquement. Elle avait mûri, grandi, et cela se voyait à ses yeux déterminés. Je pense que, dans le fond, elle avait juste pris la décision de ne plus être une petite chose effrayée. Pouvait-on à force de volonté devenir forte ? Elle en était l'emblème même. Puissante et farouche, aussi décidée que possible. Je devinais que sous ce nouveau vernis se cachait encore son caractère timide, ancré à jamais dans son coeur, mais son évolution me donnait du courage. Le courage qui semblait me manquer si cruellement ces derniers temps.

« Ma toute belle, mon amie de toujours ... Te souviens-tu de ce jour-là, où je t'ai trouvé, frigorifiée, cachée sous un buisson du jardin ? Tu tremblais de peur, mais quand tu m'as vu, tu as jailli pour te cacher dans mes jambes. Et à présent, ce sont les autres qui doivent te craindre, et non pas l'inverse. Tu en as fait, un sacré chemin, ma belle ... » fis-je d'un ton ému, doux et protecteur. Mais je me faisais des illusions : c'était mes amis à présent qui me protégeaient, et non plus l'inverse. Ils avaient pleinement confiance en moi, et je le leur rendais, au centuple, en amour et en joie. Ils m'apportaient ce qui me manquait : le courage, mais aussi la détermination, l'envie de me lever chaque matin.

Nidoqueen et Luxray sur les talons, je me remis en route sur les berges herbeuses. A présent, je pouvais laisser Skati se reposer. Elle l'avait bien mérité. Nidoqueen observait tout d'un regard neuf, comme si son changement physique lui avait offert une nouvelle vision des choses. Luxray, à côté d'elle, ne cessait de la scruter, et je voyais dans ses prunelles oranges une admiration certaine. J'avais hâte de voir la réaction de Loki : eux deux, qui s'étaient fait doux tortionnaires de la pauvre petite, ne pourraient plus à présent l'embêter sans se voir repoussés. Je les imaginais bien prendre cela pour un jeu ; tant qu'ils ne se blessaient pas, je les laisserais faire.

« A présent que vous êtes grands ... Peut-être devrais-je rejoindre la résistance. » J'avais lâché cette phrase comme une bombe, et je mis quelques secondes avant de réaliser ce que j'avais dis. Je voulais réellement rejoindre le groupuscule résistant, mais en avais-je la force ? Leur serais-je utile ? D'un autre côté, la pression que le régime exerçait sur mes travaux et mon centre me devenait pénible. Faisant volte-face, cheveux et cape au vent, je fronçais les sourcils, moi aussi déterminée. Je sifflais Gersimi, puis sortis un à un mes pokémons ; ce que j'avais à dire était très important. « Je vais me battre. Me battre pour ce qui est juste, pour ce que je veux défendre. Cette île est aux mains de tyrans sans scrupule, et jusqu'à présent, je ne me sentais pas de taille à affronter les représailles. J'avais peur que, si j'apportais une quelconque aide aux résistants, je ne devienne la cible d'horreurs. Mais n'est-ce pas cela, la vraie résistance ? Faire face, quoi que l'on fasse, et protéger ce que l'on aime, ceux que l'on aime, peu importe ce qui nous arrivera par la suite ? Mais ... Pour faire cela, j'ai besoin de vous. Non pas comme instruments, mais comme mes piliers. »

Chacun me regardait avec un regard luisant, et je ne savais dépêtrer les émotions que j'y lisais. Je souris, soudain, et hochais la tête ; tous me rendirent ce coup de tête, et Var vint se blottir contre moi, douce et chaude.

« Sans vous, je ne suis rien. Ou plutôt, je ne voudrais rien devenir. C'est grâce à vous, à votre amour, à votre courage, à votre force, que je suis ce que je suis. Vous m'aidez, juste avec votre présence, ou parfois bien plus encore. Deux fois, Thor m'a sauvée du régime, aidé une fois par Hati. Si vous n'aviez pas été là pour me défendre, j'aurais été battue, et peut-être ... enlevée. Ne sous-estimez jamais votre potentiel, car vous m'êtes précieux, et vous êtes capables d'écraser ceux que vous voulez. Êtes-vous prêts à m'épauler, si j'entre dans la résistance ? Je n'oblige personne. C'est un choix, et si je vois que vous ne le désirez pas ... Je prendrais cette décision seule. Je n'ai plus le droit de me cacher derrière vous ; je vous aime, d'un amour infini, mais je rentrerais dans la résistance. »

Un léger silence s'installa, puis Var couina à mon oreille, et enfin, tous semblèrent se ruer vers moi, pour me donner des coups de têtes affectueux, pour se frotter à moi, pour me câliner, me caresser la tête. Je fermais les paupières, les larmes aux yeux ; tous, tous comme ils étaient, acceptaient ma décision, et avaient pris la leur : ils me suivraient, de leur plein gré. Pour me protéger, ou parce qu'ils avaient vu que j'avais juste ? Peu m'importait, en fait. Ils me suivraient. Ils me suivaient déjà depuis si longtemps pour certains d'entre eux. Je le serrais tous, dans mes petits bras. Et que je me mette à pleurer ne changeait pas la donne : j'allais entrer dans la résistance, coûte que coûte.

J'étais sérieuse, heureuse, inquiète aussi, en un sens. Mais j'avais enfin décidé. Etait-ce l'évolution de Freyja qui m'avait inspiré ce courage ? En tout cas, j'étais contente. Je me remis en selle sur le dos de Gersimi, et nous fîmes demi-tour, en direction de la jungle, d'où nous avions surgi tout à l'heure. Soudain, devant nous surgit un pokémon d'eau, bleu avec des antennes qui me faisaient penser à du corail, et qui chantonnait doucement. J'eus un petit rire, et l'observais, jusqu'à ce qu'il passe devant nous et semble enfin nous remarquer.

« Bonjour petit. Est-ce que tu veux jouer un peu avec nous ? Un petit combat, ça te dirait ? Très bien. Qui veut se dégourdir un peu les pattes ? » demandais-je, et Thor, jusque là plutôt calme, s'élança, comme pour rugir : PREUMS. Mon sourire se fit plus large ; il était vrai qu'il adorait combattre depuis tout petit. « Très bien. Allons-y. Thor, lance Morsure ! Mettons le au tapis ! »

L'Axoloto nous jeta un coup d'oeil surpris, puis regarda les éclairs se mettre à sortir du pelage de mon cher fauve bleue et noir, et sa gueule s'ouvrir, prête à l'emploi. J'étais franchement fière de lui ; sa dernière évolution était magnifique. Il n'était plus un lionceau mais un roi, un lion dans toute sa forme. Sa crinière auréolait son visage et son museau, ce n'était plus une simple houppette. Je l'observais s'élancer vers notre adversaire, songeant qu'il n'avait aucun chance, ce petit Axoloto.

Il était évident pour moi, à présent que je m'y connaissais un peu avec les combats et qui savais le potentiel de mon pokémon, que l'axoloto n'avait aucune chance. Néanmoins, le pokémon sauvage ne se laissa pas faire, et tenta tant bien que mal de répondre aux attaques de mon cher Thor. Hélas, malgré son désavantage face au type sol, les Boue-bombes ne firent que l'égratigner ; magnifique félin, il avança d'un bond, et mordit une dernière fois notre adversaire.

« Quel panache, mon beau. Tu as été très talentueux. Bien, rentrons, il commence à faire frais. »

Je resserrais ma cape autour de mes frêles épaules, remontais sur mon oiseau et d'un léger coup de talon, demandais à Gersimi d'avancer. Nous repassâmes sous les frondaisons humides et vertes de la jungle, et durant tout le trajet, mes paroles ne me quittaient pas. Telle une belle parleuse, je m'étais haranguée moi même au courage. Et j'y avais réussi ; j'avais réussi, pour moi et mes pokémons. Je souris délicatement, alors que Gersimi évitait d'un bond chaloupée une flaque de boue verdâtre.

J'allais rentrer, et soigner mes pokémons. Faire connaissance avec notre nouvelle amie, aussi. Elle avait bien besoin de soins, mais surtout d'amitié. J'en avais à revendre, de toute façon. Je caressais d'une main pâle et délicate l'endroit où les cous des deux têtes de la doduo se rejoignaient, et gratouillais les plumes brunes et douces. Ce n'était plus vraiment un duvet ; elle grandissait, elle aussi, et il n'est pas loin le temps où une troisième tête se joindra aux deux présentes, dans son évolution. Je me sentais comme une maman qui voit grandir ses enfants ; j'étais fière et un peu effrayée en même temps. Pourtant, quoi qu'il advienne, je les aimerais toujours, et j'étais contente qu'ils grandissent.