Trempé, je m’empresse d’entrer dans le petit café déjà relativement rempli. Je sens mes vêtements me coller au corps et mes cheveux me retomber sur le front. Je secoue ma tête, et jette un coup d’œil à la jeune femme, tout aussi mouillée que moi. Alors que nous éclatons de rire, je sens tous les regards se poser sur nous. Nous sommes bien les seuls à être mouillés ainsi. Pas étonnant, la pluie, ou plutôt la tempête, vient tout juste de commencer. Je me fiche un peu des regards qui se posent sur nous. Pour l’instant, nous sommes dans notre petit monde, à rire comme des imbéciles, ayant l’air de sortir de la douche.

Bientôt, une serveuse remarque notre présence et viens à notre rencontre afin de nous assigner une place. Elle nous propose de la suivre, avec politesse. Je me secoue un bon coup, comme un chien mouillé, avant de la suivre jusqu’à une table placée dans un coin, près d’une fenêtre. Comme un gentleman, je tire la chaise de Victoria afin de la laisser prendre place. Alors que j’ai la chaise entre mes doigts, je ressens une forte envie de la tirer de toutes mes forces, et ainsi faire tomber la jeune femme, les fesses au sol. Pourtant, je me retiens. Déjà, on me mitraillerait du regard, et puis je crois que la miss n’apprécierait pas. Je risquerais de me retrouver avec une belle trace de main rouge en plein visage. Dans tous les cas, je me contente de la laisser s’asseoir avant de prendre place à mon tour. En prenant place, je fais le tour de la pièce des yeux. L’endroit est chaleureux. Ce n’est pas grand, ce qui crée une ambiance amicale dans la place. De plus, chaque table est décorée d’une fleure ou d’une chandelle. Nous avons droit à la fleure…

Mes yeux se posent finalement sur ceux de la jeune femme. Je détourne aussitôt le regard, mal à l’aise. Je ne sais pas trop comment réagir dans cette situation. Je ne déjeune pas très souvent avec les femmes, disons. Je tente de m’occuper en regardant les grosses goûtes d’eau se fracasser contre la fenêtre, mais bientôt, cette distraction devient lourde. Je tente alors d’éviter le regard de Victoria en me plongeant dans mon menu. C’est beaucoup plus subtil, et puis au moins, je peux choisir mon repas. D’ailleurs, je commence à avoir assez faim. Je sens mon ventre grogner lorsque je vois les différentes possibilités qui s’offrent à moi. Croissant au beurre, pain doré, œuf et bacon… Toutes les assiettes semblent délicieuses. J’hésite longuement avant de porter mon choix sur la brioche aux pacanes. Je relève le regard, mais le replonge aussitôt dans mon menu, toujours aussi mal à l’aise. La découverte des plats m’avait presque fait oublier la présence de Victoria, mais ce dernier coup d’œil vient de me ramener à la réalité. Zut, c’est vrai, j’ai accepté sa proposition. Pourquoi, au juste? Je n’avais pas à le faire. On a bu, on a couché ensemble, et j’allais bien m’en sortir avec mon excuse d’entraînement allait faire l’affaire. Pourquoi il a fallu que je change d’idée? Pourquoi ais-je accepté…? Enfin, maintenant il est trop tard. Je dois m’arranger pour l’occuper jusqu’à ce que la serveuse veuille bien venir prendre notre commande.

-Doooonc…

Je m’arrête là. Je ne sais absolument pas quoi dire. Je ne sais pas comment entretenir une conversation si je ne suis pas devant un verre d’alcool. En plus, on a déjà couché ensemble, donc ce n’est pas comme si j’essayais de la séduire. Je ne sais pas entretenir une relation d’égal à égal avec une fille, sans but sexuel derrière. Devrais-je lui demander ce qu’elle fait dans la vie? Est-ce trop privé, comme information? Que dire… Queeeeeeeeee dire? Aucune idée. Je ne sais pas. Mais je dois trouver, ou alors je peux faire des grands signes de la main à la serveuse, pour qu’elle vienne prendre notre commande. C’est la meilleure solution.

-T’as choisi? T’es prête à commander?

Sur ces mots, je me met à agiter un bras en fixant la serveuse, afin qu’elle vienne à nous.

Une main en l’air tel un bon élève, j’attire rapidement l’attention d’une serveuse qui semble avoir donné sa vie à se café. À la regarder, je lui donnerais bien… Quinze, vingt ans d’expérience. Alors qu’elle s’approche, son carnet à la main, je l’examine en profondeur. Celle-là doit être payée en chocolatine… Oh, je suis vilain. Ses jolies poignées d’amour doivent être intéressantes, vu d’un autre angle. Peut-être est-ce pratique de s’y accrocher lorsqu’on la monte. À ces pensées, un énorme sourire se dessine sur mon visage. Entre ça et les paroles de Victoria, j’ai vraiment envi d’éclater de rire. Mais ce n’est pas le moment. La serveuse se douterait de quelque chose. En générale, lorsque quelqu’un se met à rire au moment de votre arrivé, ce n’est jamais bon signe. Alors je respire. De grandes respirations profondes pour faire passer le tout.

La femme s’arrête devant nous, et sort la phrase qui tue. Je ressens comme un choc électrique me traverser le corps. Ah non, elle n’a pas osé tout de même! Pas ça! Pas la fameuse histoire du joli petit couple amoureux qui vient prendre un café en parlant de prénoms pour leurs futurs bébés! Rohlala mais dans quel siècle vivons-nous! Je jette un coup d’œil à Victoria pour la voir, complètement affolé, rouge comme une tomate. Aussitôt, la pauvre se met à vomir des paroles et des paroles et encore des paroles… Encore, j’ai envi de rire. Rire de la situation, rire de la réaction de Victoria, rire de cette femme qui n’a aucune idée de ce que nous avons fait tous les deux, alors qu’elle devait dormir avec son caniche et ses bigoudis. Si elle savait, elle n’aurait pas eu expression joviale sur le visage. Et elle ne nous aurait probablement pas appelé « les amoureux »…

La serveuse rondouillette s’éloigne, peu convaincu des explications de la jeune femme. Je me retourne vers Victoria. La pauvre. Malgré la climatisation abusive, elle est toute en sueur. Et pour que je remarque de la sueur chez une femme trempée par la pluie, il faut qu’il y en ait. Elle est tendue comme une corde à linge. Pourtant, il n’y a pas de quoi en faire un plat. Moi, je trouve la situation plus drôle qu’autres choses. Et puis au moins, à présent, la gêne a disparût entre nous. Je lui adresse un sourire, afin de la calmer. Ce qui ne semble d’ailleurs pas vraiment fonctionner. Si elle continue, elle risque de me faire une attaque.

-Tu penses qu’elle réagirait comment si je lui expliquais ce qu’on a fait la veille? Je sais pas si elle oserait réutiliser le terme « amoureux » si je lui décrivais en détails ma technique. Je pourrais l’inviter à tester, même.

Horreur. Juste horreur. Dégoutant. Même en blague, c’est tout simplement immonde. C’est bien beau de vouloir faire rire la miss, mais de là à proposer de coucher avec… la baleine bleue? J’ai une soudaine envie d’aller me doucher. Me purifier après avoir eu de telles pensées.

-Bon dieu mais je dis quoi moi! Victoria, on doit baiser de nouveau. C’est vraiment important. Je ne peux pas rester avec l’image de cette femme nue sur moi. Ou fais-moi penser à quelque chose, par Arceus! N’importe quoi! Du caca s’il le faut, mais pas ÇA!

Je suis complètement débile, je l’avoue. Un enfant de trois ans partagerait PEUT-ÊTRE mon sens de l’humour. Malgré ça, un sourire amusé se dessine sur mon visage. Tout ça est complètement ridicule. J’ai vingt-quatre balles, et pourtant, les blagues de caca me font toujours rire. C’est beau, être un homme. Peu importe votre âge mentale, vous serez toujours pardonner par votre genre. Et puis bon, il faut l’avouer, je n’ai pas encore retrouvé toute ma tête. Ça explique peut-être pourquoi je n’ai absolument aucun remord à rire de mes propres blagues. Je pose mes yeux sur la jeune femme, curieux de voir comment elle, elle réagira. Ce n'est pas tout le monde qui sait apprécier un sens de l'humour aussi classe que le mien, après tout.

Nouveau frisson d’horreur. Mais cette fois, je suis amusé. Cette femme? La plus chaude de la ville? Je ne peux m’empêcher de l’imaginer, dans son petit kit de cuir, maniant un fouet. Je l’imagine enchainer les conquêtes, les forçant à l’appeler « maman ». C’est horrible. Tout simplement horrible. Et Victoria n’arrange en rien ma situation en m’offrant ce petit regard vilain. Elle veut me faire vomir on dirait. Mais ses petites tentatives diaboliques ne m’affectent pas. Enfin, presque pas. Enfin, si. Mais je ne le montre pas. Je me contente de lui sourire, l’air mesquin. Je sens qu’elle veut jouer. Et si elle veut jouer, alors nous jouerons.

-T’aimerais que je te dise oui, hein? En fait, c’est toi qui veux coucher avec moi. Je sais que t’as jamais eu autant de plaisir de ta vie…

Je lui rends son clin d’œil, joueur. Je sens que ce déjeuner vient de prendre une toute nouvelle tournure. Une tournure bien plus intéressante. Bien plus digne de notre duo de la veille. J’aime mieux. Beaucoup plus mon style. Bien plus qu’un petit déjeuner sentimental avec celle qui pourrait devenir la femme de ma vie, la mère de mes enfants… Toutes ces conneries, je n’en veux pas, et elle non plus, d’ailleurs. Ce n’est pas ce que nous cherchons. Moi, je veux juste m’amuser. Je veux passer du bon temps, et Victoria me permet de le faire. Elle me laisse jouer, faire des conneries. Elle y participe, en plus. Sa manière de mater les fesses de la serveuse alors qu’elle disparaît après avoir servit du café dans nos tasses respectives. Je jette à la jeune femme un regard coupable, jouant son jeu. À vrai dire, c’est vrai que cette femme a un joli petit derrière. Large, mais pas mal. J’y vois plusieurs possibilités. Il ne manque pas de pognes sur ces fesses, en tout cas. Je m’apprête à répondre aux conneries de Victoria lorsque je réalise que celle-ci ne me regarde plus. Ses yeux se sont posés sur le premier beau mec qui vient de franchir la porte. Un jeune homme brun à la peau bronzée par le soleil. Alors là!

-Ma pauvre, c’est tout ce que tu sais faire? Si tu veux me rendre jaloux tu devras faire mieux. Attends, laisses-moi te montrer.

Je lui adresse un nouveau clin d’œil, et avant qu,elle ne puisse ouvrir la bouche, je me lève et me dirige vers une table où une jeune femme plutôt jolie se trouve, seule, un café et un magasine en mains. Elle lit les nouvelles se stars. Des nouvelles sur les maîtres coordinateurs. Je peux voir une photo de Maxwell, mais je ne m’attarde pas au titre de l’article. J’ai autres choses en tête. Je contourne la jeune femme, et prends place devant elle. Il s’agit d’une belle demoiselle à la peau noire. Elle doit avoir dans le début de la vingtaine, pas plus. L’âge parfait. L’âge où elles se laissent séduire le plus facilement. Je lui adresse un sourire séducteur avant de sortir un stylo et de lui noter mon numéro de téléphone sur le bout de son napperon de papier. Je ne parle pas, je ne fais qu’écrire les chiffres, les uns après les autres, et lorsque j’ai terminé je lui glisse le napperon sous les yeux avant de lui adresser un clin d’œil et de repartir, triomphant, vers Victoria, toujours à notre table. Je reprends place à ses côtés et lui offre un sourire, fier comme un paon. De là, je jette un coup d’œil à la belle noire qui m’adresse un sourire timide.

-Alors, il est où ton beau brun? Il est pas venu t’offrir son numéro? Va falloir faire mieux que des petits regards séduisants pour m’impressionner, ma jolie.

Même si, oui, son regard séducteur est impressionnant. Enfin, ça, je ne lui dirai pas. Et puis, de toute manière, la serveuse arrive avec nos plats respectifs dans ses bras. Une brioche encore bien chaude pour moi, et une assiette d’œufs pour la jeune femme.

Je prends une première gorgée du café noir et brulant qui m’a été servi il y a de cela à peine quelques minutes, mais je menace de recracher son contenu lorsque j’entends les paroles que me sort Victoria. Quoi? Moi? Jaloux? Mais je ne suis pas jaloux! Je… je m’amuse, voilà tout! Le regard qu’elle a jeté à ce mec m’a un peu piqué, voilà tout! Et quand je dis « piqué », c’est plutôt provoqué… Et provoqué dans le sens que… Pourquoi je me justifie, moi! Je ne suis absolument pas jaloux. Je n’ai aucune raison d’être jaloux, de toute manière! On a couché ensemble, eh bien voilà, c’est terminé. On est pas ensemble, après tout. Elle ne me doit rien. Elle peut bien aller s’envoyer en l’air avec les cuisiniers si elle le veut, ça ne me regarde pas! Je suis pas jaloux, quoi! Non mais, jaloux… D’où elle sort ça?

-Je veux pas te rendre jalouse, franchement. Toute manière, si je veux recommencer avec toi, j’ai pas à te rendre jalouse. Je sais très bien que tu vas ramper dans mon lit, si je te propose de recommencer. Et tu peux pas dire que c’est pas vrai… Tes cris de la veille me prouvent bien que j’ai raison.

Sur ce, je lui adresse un petit clin d’œil vengeur. J’imite à mi-voix les « ahhhh oui! » typiques des femmes qui passent par ma chambre. J’en mets peut-être un peu trop, mais je le fais exprès. Je veux retourner la situation en ma faveur. Mais surtout, je veux qu’elle oubli sa question… Son « pourquoi »… Parce qu’honnêtement, je ne veux pas répondre à cette question. En fait, je ne saurais pas quoi y répondre. En un sens, elle a raison. Je ne sais pas pourquoi j’ai ressenti la nécessité de me « venger ». Elle peut se donner à qui elle veut, et moi aussi, d’ailleurs. Mais pourquoi avoir été autant provoqué par ce geste qui, j’en suis sûr, n’était pas destiné à m’embêter. St vrai que ce jeune homme est plutôt beau gosse, et c’est vrai qu’il semble lui faire de l’œil. C’est parfait pour elle, non? Alors pourquoi est-ce que ce type m’énerve tant? Pourquoi j’ai envi d’aller me planter devant lui, et lui lancer un regard meurtrier? Victoria n’est pas à moi, après tout…

Je tente de chasser ces pensées en mordant dans la brioche, qui ma fois, est délicieuse. Elle est encore chaude, et le sucre glacé dégouline de tous côtés. Ils n’y ont pas été de main molle, en tout cas. Entre le goût un peu amer du café noir et le goût excessivement sucré de la brioche, c’est un mariage parfait. Parfait pour faire passer la question dans le vide. Ni vu ni connu. Je n’y répondrai pas, et je dois trouver de quoi pour qu’elle n’y pense plus. Et pas question de parler de ce « beau brun ». Je ne ferais que m’enfoncer encore plus. Elle verrait bien que je m’y intéresse. Mais je ne veux pas m’y intéresser! Je suis l’indifférence réincarner. Stop. On en parle plus. Je dois trouver un autre sujet… La température! Non, y a que les yeux qui parlent de la température. Bon dieu j’ai envi d’une cigarette, moi. Je dois faire baisser cette tension qui monte en moi. Je n’ai qu’une envie, et c’est d’aller me défoncer derrière mon arène la seconde où je mettrai les pieds hors de ce café. Je remarque qu’avec ces pensées, je me suis mis à accélérer mon rythme. Je dévore ma brioche et cale mon café à une vitesse phénoménale. Ok, du calme, Wes. Ne laisse pas paraître ta nervosité. Oubli ce brun.

-Tu le trouves vraiment de ton goût, ce type? Je sais pas, il m’a l’air un peu… Flasque.

Con. Con, con, con! Je ne pouvais tout simplement pas me retenir, hein!

Je me suis pas laissé dominer, qu’est-ce qu’elle raconte! J’ai voulu prendre les devants, ou plutôt l’arrière, mais elle ne m’a pas laissé! Qu’est ce que j’étais sensé faire? C’est elle qui s’est glissée sur moi, c’est elle qui ne m’a pas laissé le choix en me chevauchant ainsi! Moi, je n’ai rien demandé! Et puis, je n’allais tout de même pas la repousser! Je ne suis pas une brute moi! Je ne viole pas les femmes! Évidemment que je me suis laissé faire! C’est pas du tout un argument! Et elle parle de dominer, mais je m’excuse mais c’est pas moi qui me suis laissé goûter! J’ai bien envi de lui rappelé, mais je me retiens. C’est un peu vulgaire de raconter ses ébats devant un publique avide d’en savoir plus. Comme on dit, un vrai gentleman ne raconte jamais ses prouesses amoureuses… JE VEUX DIRE SEXUELLES! Oui, sexuelles, pas amoureuses! Oh seigneur, je m’emmêle, moi! Et ses imitations complètement bidon n’arrangent aucunement les choses! J’ai envi de m’évaporer, disparaître avant de faire une vraie gaffe. Avant d’avouer des choses. Mais bon dieu, mais je n’ai rien à avouer! Rien du tout! Niet!

J’avale une gorgée de café, frustré d’avoir parlé du brun. Je veux me taper sur la tête avec un marteau. Me taper assez fort pour me rentrer dans le sol. Me faire rentrer dans le sol pour éviter de répondre à sa provocation. Elle parle de ses abdos, mais franchement… J’en ai, moi aussi, des abdos! De beaux abdos biens sculptés! Discrètement, je me gonfle le torse, faisant ressortir mes pectoraux, cette viande d’homme. Et j’en ai des chemises, chez moi! J’en ai une ou deux. Et puis, je n’ai pas besoin de chemises pour être séduisant. La preuve, j’ai dragué cette miss en tee-shirt, la veille! Et puis, pourquoi ça me touche tellement? Encore, je n’en ai aucune idée. Jamais je n’ai réagis ainsi avec mes conquêtes habituelles. D’ailleurs, certaines de ces filles ont même déjà des copains. J’ai même déjà couché avec une ou deux femmes mariées. Pourtant, je n’ai jamais ressenti la nécessité de me sentir au-dessus de ces autres hommes. Je ne devrais que coucher, puis passer à une autre. Et Victoria ne devrait pas être une exception. En ce moment, j’agis comme un idiot. J’agis sans contrôle, et je ne peux pas l’expliquer. Mais je dois me ressaisir.

-Je suis pas jaloux, et je me suis pas vengé. J’ai donné mon numéro à cette fille parce qu’elle est belle, voilà tout! J’ai envi de lui faire ce que je t’ai fais hier, c’est tout!

Ce n’est pas tout. Je ne suis absolument pas crédible. Je suis nerveux, et ça parait. Je joue nerveusement avec ma fourchette. Je n’arrête pas de dire n’importe quoi depuis un petit bout de temps. Je ne sais pas pourquoi. Ça doit être la cigarette. Oui, ça doit être ça. Je n’en ai pas eu depuis hier. Je ne peux pas m’en passer plus longtemps. C’est sûrement ça qui me fait parler ainsi. Je dois remédier à la situation. Il me faut une cigarette!

-Faut que je fume. T’aurais pas une cigarette?

Agité, je me retourne vers la table derrière moi, et demande aux occupants s’ils n’auraient pas ce que je cherche, mais personne ne semble fumer dans ce foutu café. Je respire fort. En manque de nicotine ou tout simplement déstabilisé par mon manque de compréhension de la situation. Oh seigneuuuuur… Pourquoi ai-je accepté ce petit-déjeuner, déjà?

Et voilà, cette matinée est officiellement gâchée. Nous sommes tous deux en silence, à nos places respectives. Plus aucune parole ne sort. Je ne peux qu’entendre les grincements de la fourchette de la jeune femme alors qu’elle termine son assiette en silence. Je baisse les yeux sur le dernier morceau de ma brioche. Le cœur. Cette partie que j’aime habituellement tellement manger. Le morceau le plus tendre… Aujourd’hui, ce bout de pâte ne m’inspire pas autant. Je l’envoi de droite à gauche, dans mon assiette, jouant une partie de foot imaginaire contre moi-même. En fait, n’importe quoi ferais l’affaire, tant que ça m’évite de croiser son regard…

Finalement, un bruit attire mon attention. Celui d’une assiette qu’on pousse sur la table. Victoria a terminé. Maintenant, elle va parler. Elle parle. Elle s’excuse, bien qu’elle n’en ait pas besoin. Elle ne devrait pas s’excuser. C’est à moi de m’excuser. M’excuser d’avoir éprouver cette jalousie. Je n’ai aucune raison d’être jaloux. Je suis le seul à blâmer pour mon malaise. Certes, elle n’a rien amélioré en insistant avec ses question, mais à la base, c’est moi qui étais dans le tord. Et cette fille, cette jolie noire, je n’ai aucune envie de coucher avec elle. D’accord elle est belle, mais voilà tout. Je ne couche pas avec toutes les belles filles qui croisent mon chemin. Même si elle fini par m’appeler, je ne répondrai probablement pas. C’était juste comme ça. Cette fille est bien trop réservée. Ça ne m’intéresse pas. Elle ne doit pas avoir les qualités requises pour passer la nuit avec moi. Enfin, je n’ai pas à argumenter. Cette fille ne m’intéresse pas, voilà tout.

La dernière phrase de la jeune femme m’interpelle. Elle a raison, nous sommes des solitaires. Nous faisons notre petit bout de chemin, ramassant les conquêtes sur la route, sans jamais s’y attacher. Alors pourquoi se prendre les pieds ainsi? Pourquoi on s’embête? Pourquoi toutes ces embrouilles? Aucune raison, en fin de compte. Nous n’aurions jamais dû nous prendre la tête comme ça. C’est pourtant si simple. Pourquoi? Pourquoi ça n’a pas été comme ça aurait dû? J’ai envi de me gifler. Tout aurait dû être simple. Je la laisse terminer avant de relever la tête. Un silence s’installe entre nous. Je veux parler, mais je ne veux pas le faire dans le vide. Je veux qu’elle me regarde, qu’elle plante son regard dans le mien. Je veux voir un sourire réapparaître sur ses petites lèvres. J’approche une main, et l’élève jusqu’à son menton, que je prends entre mes doigts. Avec une douceur qui m’est peu habituelle, je la force à relever la tête, créant à nouveau un contact entre nous. Une fois son regard dans le mien, je retire ma main et la ramène à moi.

-Tu sais, Victoria… Toutes ces histoires de jalousie et ces conneries, il ne devrait pas y en avoir. On s’est amusé, hier. On a passé une bonne soirée… Alors pourquoi s’embêter avec plus? Ça te dirais pas qu’on ne soit que des amis avec un petit plus? Tu couches avec qui tu veux, et je couche avec qui je veux, mais quand on a tous les deux envie mais qu’on a personne, on peut se retrouver, et faire nos petites choses. Pas d’attachement, ça on est d’accord. Juste… des friends with benefits. Aucune promesse, juste du sexe.

Je suis sincère. Victoria a été ma conquête la plus intéressante, et dieu sait que j’en ai eu. Je serais idiot de la laisser s’envoler et ne plus jamais la revoir. Je crois que c’est ça. Tiens, c’est sûrement ça. Je ne voulais pas qu’elle reparte avec ce beau brun, parce que je ne voulais pas la laisser repartir sans jamais la revoir, sans jamais la revoir dans mon lit. Jamais revivre une telle nuit. Revivre les expériences banales avec les idiotes du coin. Victoria, elle, a du style au lit. Elle sait ce qu’elle veut. Elle sait ce qu’elle fait. Et moi, j’aime ça. Maintenant que j’ai trouvé cette perle sexuelle, je ne veux pas m’en défaire…

-Alors, qu’est-ce que t’en dis?

J’attends. J’attends la réponse de la jeune femme, qui n’ose pas se détourner de mon regard. Je peux voir de l’hésitation dans ses yeux. Elle ne sait pas. Je la laisse réfléchir sans la presser. Je ne peux pas la presser, en fait. Elle a droit de refuser, alors je la laisse peser le pour et le contre, dans sa petite tête. Les secondes s’écoules, et bientôt, je vois un sourire timide éclairer ses lèvres. Ce sourire s’élargie, et fini par éclairer son visage. Mais contrairement à ce que je pensais, la jeune femme ne me répond pas tout de suite. D’abord, elle fait signe à la serveuse, qui s’empresse de nous amener la facture, tout sourire. Alors que je vois Victoria sortir son argent, je m’empresse de l’arrêter.

-Nah mais tu vas pas payer quand-même! C’est bon je gère.

Sur ces paroles, je sors mon porte-monnaie, une jolie pièce de faux cuire acheté à Amanil. Je l’ouvre fièrement, et m’apprête à sortir un beau montant pour la serveuse, qui m’offre un regard rayonnant. Toutefois, alors que je m’apprête à sortir les billets, je réalise qu’il est vide. Zut… C’est vrai, j’ai utilisé mes derniers Opals pour me payer de quoi fumer… Honteux, je rabaisse mon porte-monnaie, et offre un petit sourire gêné à Victoria. Je ne vais quand-même pas lui avouer que je suis fauché… Je fais quoi, maintenant? La honte… Je ne peux m’empêcher de libérer un soupir qui en dit long. Je vais devoir m’inventer une excuse… Ou au moins une raison valable de laisser la jeune femme payer pour moi.

-Tu sais, dans le fonds, c’est tellement vieux jeu de laisser le gars payer! On devrais complètement révolutionner cette tradition… Et puis j’ai payer hier, de toute manière.

Félicitation, Wes. De toutes les histoires plausibles, il fallait que tu sortes ces conneries de révolution… J’ai envi de fondre sur ma chaise. Et le regard désapprobateur de la serveuse n’aide pas. Elle est probablement du genre à penser que les hommes doivent tout payer, en compagnie d’une demoiselle. Mais bon, comme Victoria ne semble pas trop insulté de sortir ses Opals, j’oubli bien vite la situation. De plus, la proposition qu’elle me fait m’étonne au point de complètement passer à autres choses. Je reste surpris d’entendre sa demande. Pourquoi diable veut-elle visiter mon arène? À aucune moment la jeune femme n’avait mentionner faire partie de la compétition, alors franchement… Pourtant, je n’ai aucune raison de dire non. De toute manière, je dois m’y rendre pour l’entraînement du jour avec mes Pokémon. Je hausse les épaules avant de lui répondre.

-Euh… Ouais, pourquoi pas… Je t’y amène, si t’en as envie…

En me levant, je réfléchis à sa demande spéciale. Peut-être dois-je faire le lien entre deux choses? Réfléchis, Wes… La miss vient d’accepter ta demande, et maintenant elle propose de se rendre à l’arène… Oh mon dieu… Se pourrait-il... Se pourrait-il qu’elle fantasme sur le fait de faire des cochonneries dans une arène? Un sourire illumine mon visage à ces pensées. C’est sûrement ça! Pourquoi d’autre voudrait-elle se rendre à mon arène? Ça doit l’exciter de s’imaginer nue sur moi, sur un terrain de combat. Tout excité à cette révélation, j’invite Victoria à me suivre à l’extérieur. Je la conduis jusqu’au stationnement de mon bloc, où se trouve mon seul et unique moyen de transport. Pas question de se rendre à l’arène à pieds. D’accord, la pluie vient de cesser, mais les nuages sont toujours présents, et je n’ai pas la moindre envie du monde de marcher sous le déluge. L’arène n’est pas bien loin, mais tout de même…

-Beth va nous amener, ça ira plus vite.

Beth, l’amour de ma vie. Lorsque je dis que je ne veux pas de relation stable, c’est sans la compter, elle. Beth, la seule et l’unique. Une Kawasaki noire comme la nuit. Une pièce des plus séduisantes… Je me rappellerai toujours le jour où je l’ai aperçue, dans la vitrine du garage… J’aurais pu jurer qu’elle m’appelait. Je n’ai mangé que des pâtes pendant des semaines pour pouvoir me la payer. Mais je ne regrette en rien. Cette moto, c’est ma vie. Elle passe avant tout. C’est ma fierté. Mon bébé. Je m’en approche, et caresse la carrosserie de la moto d’une main fébrile. J’ai beau la posséder depuis maintenant bientôt un an, je ne peux m’y habituer. À chaque fois que je la monte, je suis parcouru d’un frisson. En un geste habile, je passe une jambe par-dessus pour la chevaucher, comme je chevaucherais une femme. J’envoi un sourire rayonnant à la jeune femme avant de l’inviter d’un geste de la tête à me rejoindre.

-Je te présente Beth, l’amour de ma vie. Tu peux y monter, t’en fais pas, j’irai doucement.

Je pose un pied sur la pédale, et fais ronronner doucement la bécane, de manière à inviter la jeune femme, qui se décide à embarquer. Une fois Victoria bien accrochée à ma taille, je fais démarrer mon bébé. Bien que j’aie promis d’y aller doucement, je m’avance dans les rues à une vitesse complètement interdite par les panneaux de limites. Je zigzague à travers les voitures, menaçant de nous tuer à chaque tournant. Mais j’ai l’habitude. Je sais manier ma douce moitié. Jamais je ne voudrais l’abimer, voyons. J’y tiens, à ma moto, tout de même! En quelques minutes à peine, nous sommes arrivés à destinations. Je ralentis doucement, et fini par m’arrêter directement devant l’arène. Une fois le contact coupé, je me tourne vers la jeune femme.

-Terminus, tout le monde descend! C’était pas trop mal?

Je pose un pied à terre, et laisse Victoria descendre avant de la rejoindre, laissant à contrecœur Beth derrière. Je laisse la jeune femme passer devant, et nous nous insérons dans l’arène.

Une fois devant l’arène, je reste planté devant quelques secondes, à l’admirer. Parfois, j’ai de la difficulté à croire que c’est moi, le champion. Moi, Wes, le mauvais garçon, le drogué, l’alcoolique, le coureur de jupons. Mais c’est bien moi qui l’ai repris sous mon aile. Je l’ai prise en charge, et je l’ai fait rénover à mes goûts. Ces grandes fenêtres, ces écrans, cette porte de fer… Tout ça, c’est du Wes pur et dur. Cet endroit, c’est le mien. Et j’ai bien l’intention de le faire savoir à cette jeune femme toute excitée. Elle ne pourra plus se contenir, lorsque j’en aurai terminé avec elle. Déjà que le tour de moto semble l’avoir complètement déstabilisé…

Je m’apprête à mettre les pieds au sol, mais je suis stoppé net par Victoria, qui m’interpelle. Je me retourne machinalement vers elle, et reste surpris lorsqu’elle colle ses lèvres sur les miennes. Bon dieu, Beth, je crois que tu lui fais plus d’effets que moi. Ses bras autour de mon cou, la jeune femme me dévore les lèvres avec énergie. J’étire mon cou pour prolonger l’expérience encore quelques secondes alors qu’elle commence à s’éloigner, mais me retrouve obliger d’arrêter lorsque je menace de perdre l’équilibre. Parcouru de frissons, je prends une grande respiration avant de finalement descendre de la moto. Maintenant, mes doutes sont confirmés. Si Victoria m’a proposé de la faire visiter l’arène, ce n’est visiblement pas pour rien. Elle a quelque chose derrière la tête, et ses agissements en disent long. Je crois bien savoir de quoi il s’agit…

Je m’avance près de l’arène, et ouvre les portes en grand, pour laisser la jeune femme admirer son architecture. Mon palace! Aujourd’hui, il est vide, puis que je n’ai aucun match de programmer pour la journée. Tant mieux, on pourra s’adonner à nos activités sans gêne. Nous entrons d’abord dans le hall d’entrée, mais je ne m’y attarde pas. Je sais que Victoria n’est pas venue ici pour admirer les sièges ou le comptoir d’accueil. Non, je sais qu’elle a envi de voir une chose en particulier… Et pour une fois je ne parle pas de mon membre! Quoi que je suis certain que ça aussi, elle a envie de le voir… Enfin, une chose à la fois! Avec un grand sourire amusé sur le visage, je l’invite à me suivre vers le comptoir, derrière lequel se trouve la grande porte menant à mon domaine. Je passe par-dessus le comptoir, comme j’aime bien le faire lorsque personne ne peut m’en empêcher. Je sors alors mon trousseau de clés, et débarre l’unique chose qui nous sépare du terrain. Ici, je me sens roi. C’est bien le seul endroit où je suis maître. Je n’ai pas de comptes à rendre à personne, ici. Au contraire, ici, tout le monde travaille pour moi. Je décide quand seront mes matches, je décide qui j’affronte et qui je n’affronte pas, et je décide ce qui figure sur mon terrain. Je pose mes mains sur les poignées de métal, et ouvre fièrement la porte, pour laisser entrer la jeune femme.

-Et voilà! Mon terrain de mon arène. Mon univers. C’est ici que les gamins viennent affronter le maître des insectes! T’as déjà assister à un match Pokémon? Regarde, viens voir!

J’ai l’air d’un gamin. Ça me fait toujours cet effet, sur le terrain. Je me déplace en sautillant, invitant la jeune femme à se placer à ma place, de mon bord du terrain lorsque je combats. C’est étrange, de la voir de ce bord. Je vais me placer de l’autre côté, et lui adresse un sourire enfantin, amusé. Ça fait un sacré bout de temps que je ne me suis pas tenu à la place du compétiteur. Parfois, ça me manque, mais en général, ce sentiment s’envole lorsque je suis demandé en combat, en tant que champion. Ce titre me plait, et j’ai envi de le partager avec Victoria. Je n’ai jamais permis à personne de se tenir à cette place, mais avec elle, on dirait que c’est différent. Elle, j’ai envi de lui faire part de mon rôle dans cet endroit. J’ai envi de lui faire visiter ce lieu que je côtoie tous les jours.

Avec toujours autant d’énergie, je lui fais faire le tour, lui montant tous les moindres détails avec une passion qui m’est peu familière. Je lui fais visiter les douches, où j’ai l’habitude d’aller après un entraînement particulièrement demandant. Je veux tout lui montrer, y compris mon badge et mes Pokémon. J’en oubli même les envies qui m’avaient fait rêver sur le chemin en venant ici. J’en oubli mes désirs primaires.

-Dis, t’as envi de voir mon équipe? Si t’avais des Pokémon, on pourrait faire un petit match amical.