Santa Barbara chez les Enolians  

Sam est un con

J'ai jamais dit que j'avais des idées intelligentes, vous savez. Mais faut vraiment avoir l'habitude d'être réfléchi pour penser avec sa tête dans les moments urgents. Là, en voyant cette flamme, c'est logiquement que j'ai pris le premier flacon que j'ai trouvé pour tenter d'éteindre le début de feu qui aurait pu se déclencher. Sur le coup, je ne me suis pas dit que 'ah oui c'est vrai il peut y avoir des solutions un peu beaucoup inflammable dans une salle de TP. Pour les étudiants en sciences, c'est connu qu'il faut manipuler chaque précipité avec précaution et je savais -à cause de Natsume qui n'avait pas arrêté de rabâcher à ce propos- que chaque séance de physique-alchimie-chépakoi ne devait en aucun cas se faire sans tout l'attirail complet nécessaire, c'est-à-dire blouse, lunettes et gants. Et cheveux attachés. Pour ceux qui ont besoin. Dans le cas du Shimomura je sais pas trop si sa touffe impressionnante compte comme des cheveux longs. Sans doute pas. Je l'ai jamais vu avec des couettes pour tout dire. Sauf quand c'est Alice qui lui faisait, bien sûr. Et que je l'aidais. Un peu. En parlant de lui, j'ai fini par l'apercevoir brièvement dans la salle. Faut dire que je le connaîtrais entre mille assez facilement. Je ne comptais pas le déranger en plein cours, loin de là, mais je suis passé maître dans l'art des imprévus, après tout, surtout pour les déclencher.
Même Straum essaye de m'arrêter mais c'est trop tard : j'ai déjà jeté sur les flammes ce que je tenais en mains, mais le liquide étrange eut bien sûr l'effet inverse de mon objectif (ça aurait été trop facile sinon). Au lieu de l'éteindre, le feu se met à crépiter plus fortement, rendant la situation encore plus délicate. Encore un peu, et je ne vais pas tarder à déclencher malencontreusement l'alarme incendie. Quoique au moins le cours de l'éleveur finirait plus vite... Mais ça serait pas très sympa de laisser volontairement brûler l'établissement parce que je peux être incroyablement impatient parfois.

Heureusement, Mellorine est plus réactif que moi et arrive à mettre fin au désastre avant qu'il ne se propage, éteignant le massacre à l'aide d'eau et d'un tissu qu'il prit en express pour étouffer le reste. Je soupire de soulagement, rassuré d'avoir évité d'attirer plus de problèmes sur nous, mais mon compagnon d'infortune ne se fait pas prier pour me secouer dans tous les sens afin de péter les tympans sous une tonne de réprimandes. Rooh ça vaaaa c'était pas grand chose, et puis on a échapper à la catastrophe. Mais peut-être que ce Rouflaquette boy est sensible à la moindre petite bourde ?.. Ou alors il avait peur que je fasse exploser l'école. Ce qui était une probabilité, quand on connaissait mon don pour les conneries en tous genres. Et là je crois que Mell aurait été le seul à me sermonner ; je me serais pris toute l'administration à dos et il est clair que Natsume aurait pas été très très content non plus, que je perturbe son cours. Mais moi ça m'allait bien, de venir le chercher et de découvrir un peu plus l'endroit où il étudie. Même si certaines personnes comme ces drôles de bonhommes de BTE ou DBE sont le genre que je peux pas supporter, s'ils s'amusent à se faire de l'argent sur le dos de naïfs étudiants en débitant des salades.
Le binoclard termine de s'énerver en me lâchant pour se diriger vers la fenêtre d'où il déverse, semble-t-il, le reste de sa frustration. Il a peut-être besoin d'un Doliprane ?.. En revenant vers moi, il est plus calme, je me méfie de ses crises que je découvre assez fréquentes. Ou alors je lui suis juste extrêmement relou. Je sais bien que je ne dois pas courir dans les salles, surtout en plein cours, mais comment aurais-je pu savoir qu'il y avait une leçon précisément-là ? Je suis entré au hasard, moi ! Puis c'est pas ma faute s'ils gardent des trucs dangereux, après tout. Si je ne fais pas confiance aux trucs chimiques, c'est qu'une petit mélange peut mener à des contrecoups surprises assez déplaisants. C'est compliqué pour un rien, leurs machins, aussi. Tu m'étonnes que j'y ai toujours pigé que dalle.
D'un sourire gêné, j'esquisse un mouvement de tête désolé envers les étudiants que j'ai dérangé puis vers le professeur, qui n'a pas l'air ravi de notre petite interruption ; ce qui n'est pas anormal, mais on peut pas dire non plus que j'ai fait un tapage énorm-... Bon peut-être que j'étais un peu trop bruyant m'enfin pas la peine de me regarder avec cet air-là ! Sans nous enfoncer davantage et sentant que notre exclusion de la salle est grandement souhaitée (hormis par les fouteurs de merde qui profitent de la moindre perturbation pour glander et faire perdre des minutes de cours supplémentaires), je laisse Mell m'entraîner à l'extérieur en fermant bien la porte derrière nous. Une fois dehors, cependant, je ne peux m'empêcher de pouffer.

« Pwouaha ! T'as vu leurs tronches ? C'était à mourir de r-... »

Rire. Mais en constatant que mon nouvel 'ami' ne semble pas plaisanter du tout, je m'arrête progressivement, finissant par toussoter, ayant espéré avec une réaction un peu plus décontractée. Apparemment, il faudrait d'abord que le jeune homme se détende. Il doit encore être contrarié par ce que j'ai fait à l'instant. Barf, c'est qu'une bête histoire, après tout. Tout le monde l'oubliera bien vite. Tout ce que j'espère, c'est que ça n'apportera pas d'ennuis à l'asiatique si je traîne avec lui. Une personne étrangère à la faculté qui n'y connaît rien (qui plus est une star nationale à en deveni-AÏEUH ! Arrête de briser mes rêves, joueuse!), on lui pardonnera, non ?.. Bon, aujourd'hui j'ai un peu fait office d'agresseur, mais euh c'est passé, maintenant, haha...

« Je sais, j'aurais pas dû réagir comme... euh... En-Enfin tu vois. Mais cette journée était... euhm... plus amusante que ce que je pensais, mine de rien. Aheum. Tu veux un Tic-Tac ?.. »

Sans être complètement mal à l'aise, je cherche à m'excuser pour mon attitude un poil démesurée, sans vraiment le faire (parce que j'suis un lâche). Alors sans en détournant un peu le regard, je lui tends mollement la petite boîte de bonbons mentholée que je gardais sur moi (hééé mine de rien j'ai pas envie de puer de la bouche quand je fais des bisous à mon keupin) au cas où. Mais la fin du cours de Natsume arrive enfin pour changer de sujet et j'attends cette fois-ci patiemment qu'il sorte de la classe. Je croise brièvement le regard de l'enseignant au moment de passer légèrement ma tête dans l'ouverture de la porte, mais les yeux assassins qu'il me lance ont bien vite fait de me remettre à ma place et je me tiens droit comme un 'i' en sifflotant, l'air de rien, et ne me jette même pas dans les bras du lapin quand il apparaît, me doutant que je n'étais pas trop trop placé pour m'autoriser ce genre de choses après ce que je venais de faire. Malgré tout, Natsume aura beau dire ce qu'il voudra, je suis pas si mécontent de cette journée, comme je l'ai dit plus tôt à mon camarade aux lunettes carrées. Je n'ai peut-être pas été très sympathique avec lui, mais il a su quand même me supporter gentiment, à sa manière. Non, Mell n'est pas si méchant ou mesquin que ça, après tout ; peut-être même qu'un jour nous pourrions vraiment bien nous entendre, malgré nos différences. En tout cas, je sais définitivement qu'il ne va pas essayer de sauter sur mon petit ami. Ce qu'ils feront sauter, c'est surtout la baraque la prochaine fois qu'ils seront ensemble pour leurs petites expériences scientifiques au labo, par contre. Et c'est quand même drôlement amusant, de voir la tête de Faust et des autres à chaque explosion soudaine. Et qui sait, un jour je pourrais peut-être rigoler avec eux ?