J’ai l’impression de flotter. Flotter dans les vapes. Les paroles de Victoria entrent dans une oreille, et ressortent de l’autre. J’entends les mots, mais je n’en comprends pas le sens. C’est comme si mon cerveau venait de fondre dans mon crane. Je n’arrive pas à le croire. Je lui ai avoué. Je lui ai dis. Comment est-ce possible… Je lui ai dis. Bon dieu de bon dieu de merde. Comment ais-je pu laisser sortir une telle chose? Je n’entends qu’à peine son propre secret, qui n’a pas énormément de valeur à mes yeux. Je ne peux me défaire de ce qu’elle vient de m’avouer. Elle sait. Ma vie est foutu. Elle sait, et elle va probablement aller le raconter à tout le monde. Je suis fini. J’ai tout gâché. Bordel mais pourquoi! Je n’aurais pas tout simplement pu me contenter de coucher? Pourquoi a-t-il fallu que j’ouvre ma grande gueule? C’est mon plus grand secret… Et maintenant, ça va devenir l’affaire de tout Enola.

Je la regarde s’éloigner vers la porte, impuissant. Mon corps est mou. Je n’ai pas la force de l’empêcher de mettre ses mains sur la poignée de la porte. Cette porte qui me sépare de l’humiliation totale. Cette porte qu’elle risque de franchir d’une seconde à l’autre. Je dois l’en empêcher, mais pourtant, je n’en ai pas la force. Cette révélation m’a complètement écrasé. Je n’arrive tout simplement pas à y croire. Non… Non… Non. Je dois l’empêcher. Je dois la retenir. Je dois l’arrêter. Elle ne doit pas quitter cette pièce. Elle ne le peut tout simplement pas. Il faut que je trouve une manière de l’empêcher de révéler mon secret comme je lui ai révélé, moi.

-Stop.

J’ai parlé sans m’en rendre compte. Peu importe, au moins, elle a stoppé sa trajectoire. Mais maintenant? Maintenant quoi? Qu’est-ce que je peux faire? Je n’ai rien pour la convaincre de ne rien dire. De l’argent? J’ai à peine de quoi me payer de quoi manger à mes fins de moi à cause des sommes que je dépense en substances. Je ne peux pas acheter son silence avec de l’argent, alors avec quoi? Mon regard nerveux se pose sur tout ce qui se trouve dans la pièce. Quelque chose, n’importe quoi. Qu’est-ce que je pourrais bien lui vendre contre sa parole? Il n’y a rien ici. Rien qui vaille la peine. Ma chambre me parait soudainement bien moche. Aucune décoration, de vieux meubles… Rien qui soit digne d’intérêt pour une jeune femme possédant l’information qui pourrait causer ma perte. Si elle parle, plus aucune femme ne voudra de moi. Plus aucun dresseur ne voudra m’affronter. Je perdrai le respect de tous. Je serai considéré comme un pervers, un dégoutant, un monstre. Je perdrai mon arène, mes Pokémon, mon appartement. Je me retrouverai à la rue, seul et affamé. Et je n’ai rien pour l’empêcher de dévoiler mon secret.

-Je n’ai pas grand-chose à t’offrir, mais prends ce que tu veux. Je ferai tout ce que tu veux, mais je t’en pris ne le dis à personne. Je serai ton esclave s’il le faut. Je m’en fous, mais tu ne dois jamais le dire. Jamais.

J’ai envi d’ajouter « Ou je te tue », mais disons que ça ne risque pas de jouer en ma faveur. Je dois gagner sa pitié. Je dois gagner son cœur. Je me lève en vitesse et me dirige vers elle. Je me jette à ses pieds, ne trouvant d’autres moyens de montrer ma sincérité. Je m’humilie, mais je n’ai d’autres choix. Voir que Weston Elric, The Phantom, le maître d’Anula doit se mettre à genoux pour préserver son humilité. Ironique, je dois avouer. Ironique, mais loin d’être drôle. Je ne peux même pas la menacer. Si son secret avait été aussi important que le mien, alors j’aurais pu la faire chanter, mais là… Et alors, elle s’est fait briser le cœur? Ça arrive tout le temps, des fille qui se font briser le cœur. J’ai dû en briser quelques uns moi-même. Mais un mec qui se tripote devant sa sœur, ça, ça ne court pas les rues. Je ne peux pas le banaliser, même si j’aimerais bien ça. Je n’ai d’autres choix que de l’implorer. À quatre pattes, avec un regard de chien battu.

-Tout ce que tu voudras. Tout contre ton silence…

Je baisse la tête, prêt à me faire cracher au visage. Pourtant, rien ne se passe. La jeune femme ne rit pas, et ne pose même aucune demande farfelue. Moi qui m’attendais à devoir verser un montant d’argent, aussi minime soit-il, à chaque moi à cette fille, je me retrouve presque déçu de sa réaction. Au lieu de m’écraser encore plus, elle se penche à mes côtés. Son geste me surprend, et je lèvre la tête, croisant son regard. Un regard bon, doux. Un regard qui m’attire, qui m’apaise.  Elle pose une main douce sur ma joue, et m’offre un sourire attendrissant. Plus que ça, elle m’aide à me relever, comme si nous étions égal à égal. Pourtant, nous ne le sommes pas. Elle est au-dessus de moi, avec ses informations compromettantes.

Je me relève avec son aide, et me laisse entourer de sa chaleur corporelle. Ses bras forment un cercle protecteur autour de moi. J’ai envi de lui rendre son étreinte, mais je n’en ai pas la force. Je ne comprends tout simplement pas vraiment ce qui se passe. J’étais à genoux quelques secondes auparavant, et maintenant je me retrouve dans ses bras, comme un être fragile qu’il faut préserver. Qu’il faut protéger. Je me laisse faire, impuissant. Je la laisse me parler, me rassurer comme on rassure un enfant qui vient de s’écorcer le genou. Ses paroles coulent en moi, me procurant un instant de paix, de chaleur. Au moment où elle se détache, un froid m’envahi. Comme si je me retrouvais à présent nu dans l’Antarctique. Ce froid, elle vient l’apaiser assez rapidement en posant ses lèvres sur les miennes. À cet instant, tout mes tracas s’envolent. Je suis bien. Je veux lui rendre se baisé. Je pose mes mains derrière sa tête, et l’embrasse avec toute ma force. Une sensation qui m’est familière. Quelque chose que j’ai ressenti, la veille. Cette sensation, je ne l’oublierai jamais, probablement. C’en est une que je ne ressens pas avec les autres nanas.

Je la laisse se retirer, à regret. Je me sens mieux. Beaucoup mieux. Je peux la laisser partir, maintenant que je me sens mieux. Maintenant que je sais que mon secret est à l’abri. Je lui promets de garder son secret en retour avant d’aller ramasser quelques vêtements propres et de les enfiler en vitesse. Je me retourne vers elle alors qu’elle me propose d’aller manger un morceau. J’hésite quelques secondes avant de lui répondre.

-J’aurais bien aimé, mais j’ai un entraînement ce matin à l’arène.

À vrai dire, mon entraînement pourrait bien attendre. Je n’ai de toute manière pas d’horaire à respecter. Mais aller manger avec une femme avec qui je viens de coucher… Ce n’est pas quelque chose que j’ai l’habitude de faire. Je ne désire pas non plus m’attacher. Ce qui se passe dans cette chambre c’est une chose, mais ensuite, garder un contact, c’en est une autre. Je n’ai que très rarement continué d’adresser la parole aux filles que je ramène ici. Et pour celles qui ont gardé un contact avec moi, ça n’a jamais fonctionner. La preuve, je ne suis ami avec aucune fille, aujourd’hui. Mes yeux se posent sur son visage, sur ses lèvres. J’aurais bien aimé les revoir, ces lèvres. Revivre cette sensation envoutante quand elle les poses sur mon corps. Je veux revivre des soirées comme celle de hier. Je veux recommencer ce genre de choses. Je pousse un petit soupire. À quoi bon me le cacher, j’ai vraiment envi de garder contact. Pas pour une relation stable, ça non, jamais. Mais pour recommencer, de temps en temps. M’amuser. Et puis, je dois bien m’assurer qu’elle ne dévoile pas mon secret, après tout. Je fais mine de regarder l’heure avant de me retourner vers elle.

-Bon, j’imagine que j’ai bien le temps pour un petit déjeuner. Il parait que leurs croissants sont extra, ça me donnera une occasion de vérifier si c’est vrai.

Jamais je n’ai fait ça. Mais bon, ce n’est pas un déjeuner qui va me tuer, après tout.