« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 
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Weston Elric
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Weston Elric
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MessageSujet: Veuillez entrer votre message:...   Veuillez entrer votre message:... EmptyMer 29 Jan 2014 - 15:03

Salut maman

«Entrez votre message : …» La phrase clignote depuis maintenant de longues minutes sur cet écran blanc qui commence à me faire mal aux yeux. Et pourtant, je n’arrive pas à entrer mon message, car je ne sais pas ce qu’est mon message. Les mots ne viennent pas, les phrases ne se construisent pas. Pourtant, cela fait maintenant quelques jours que j’y pense, que je me prépare. Mais le résultat ne change pas. La page reste vierge. Pourquoi est-ce si difficile? Ça ne devrait pourtant pas être bien compliqué. Je ne sais même pas comment commencer. Est-ce que je dois mettre une salutation, si le message s’adresse à un proche? Dois-je être familier? Je n’en ai aucune idée, et ça ne m’aide pas. Enfin, il faut bien que je me lance. On verra ce que ça donnera après… Prenant une grande respiration, je laisse mes doigts survoler le clavier, à la recherche de la bonne lettre pour commencer. C’est parti…


Salut maman,

Maman, Anick, madame… Je ne sais plus comment t’appeler… Je ne sais pas si j’ai le droit d’être familier avec toi. Toi qui m’as élevé, toi qui m’as aimé. Toi que j’ai trompé, toi que j’ai déçu. Toi à qui je n’ai pas parlé depuis maintenant bientôt quatre ans. Quatre ans sans recevoir de tes nouvelles. Sans lire tes mots, sans entendre ta voix. Mais je ne t’en veux pas, tu sais. Non, je ne peux pas. Je sais que même si tu affirmes le contraire, tu m’en veux. Et c’est normal, tu sais. Je m’en veux aussi. Parfois je m’en veux au point de vouloir m’enlever la vie. Je m’en veux d’avoir brisé cette famille, qui n’a pourtant rien demandé. Je sais que ma place n’est plus à vos côtés, et pourtant, vous me manquez. Des fois, le matin, je me réveille, et votre absence autour de la table me pèse. Je m’ennui des blagues vulgaires de papa, je m’ennui de tes croissants sortant tout droit du four. Je m’ennui de votre présence. Mais ensuite je me souviens pourquoi vous êtes partis, et je m’en veux. Alors, à ces moments, je me dis que je ne mérite pas ces croissants, ou ces blagues vulgaires. Je ne peux toutefois m’empêcher de souhaiter que la vie vous porte bien. Je n’ai plus le droit de partager ces bonheurs avec vous, mais je peux tout de même vous les souhaiter.

Enfin, si je t’écris, maman, ce n’est pas pour me plaindre, ni pour attirer ta pitié. J’ai simplement besoin de parler à quelqu’un, tu sais. Et je me suis dit que tu étais la bonne personne. Parce que même si tu ne lis pas, même si tu efface mon message avant même de l’avoir ouvert, je me sentirai tout de même mieux. Je veux juste parler. Donner de mes nouvelles, voilà tout. Parce que oui, en quatre ans, il s’en passe des choses. En quatre ans, la vie m’a conduit à droite et à gauche. Elle m’a brisée, elle m’a choyée. Ce n’est pas toujours facile, sur Enola, mais parfois, ça en vaut la peine. La violence est encore bien trop présente ici. Je ne sais pas si tu lis les articles publiés par Azmitia. Dans tous les cas, vous avez bien fait de partir. Mais moi, je désir rester. Je désir attendre. Un jour, Enola retrouvera sa liberté, j’en suis convaincu. Mais pour l’instant, je ne peux que survivre, et espérer. Et puis, la vie ici n’est pas seulement que souffrance. Il y a aussi des petits bonheurs. Et parfois, il y en a des grands. Tu t’en fiches peut-être, mais j’ai rencontré quelqu’un, ici. Une femme. Si tu savais comme elle me fait du bien… C’est difficile à expliquer, mais je suis si bien, quand elle est là. Elle est douce, maman. Si douce, si chaude. Parfois, quand on se retrouve, j’oublie tous mes tracas. J’oublie le passé, j’oublie l’avenir. Comme je t’ai dit, c’est difficile à expliquer. Je ne sais pas si tu comprends, je m’exprime assez mal. Enfin, ce n’est pas important.

J’aimerais savoir comment vous allez… Comment va papa, comme tu vas, toi. Et comment va Noémie. Mais je ne peux pas te demander de ses nouvelles, pas vrai? Non, je n’ose même pas. Et les vôtres? Je n’espère plus en recevoir depuis longtemps, maintenant. Je ne sais même pas où vous êtes. Tout ce que je sais, c’est que vous n’êtes plus là. Mais tant que vous êtes heureux, ça me convient. Tous les trois. Tant que vous êtes loin d’ici. Loin de moi… Tu sais, parfois je me demande si je le saurais, si l’un de vous décédait. Serais-je invité à l’enterrement? Probablement pas, en fin de compte. Ce serait troublant pour vous. Troublant pour vos amis qui ne connaissent sûrement pas l’existence de ce fils honteux. Tu te souviens comme tu étais fière de moi, lorsque je ramenais un A à la maison, lorsque j’étais petit? Papa m’amenait au Bowling pour fêter ça. C’est drôle comme les choses changent, pas vrai? C’est drôle de dire qu’aujourd’hui, il ne m’adresse même plus la parole. Mais encore une fois, je ne vous en veux pas. Oh non, pas du tout. Je n’ai pas le droit, après tout. Je mérite d’être seul, ici. On dit souvent que le temps guérit les blessures, mais peut-il guérir ce genre de choses? Je l’ignore, et ce n’est pas ce que je cherche, en t’écrivant. Tout ce que je voulais, c’était te parler. Ou enfin, espérer te parler. Mais encore, je ne peux pas te forcer à lire, pas vrai? Enfin… Bon, je ne t’embêterai pas plus longtemps. Je voulais juste que tu saches que je vous aime. Je pense à vous. Souvent.


Wes


Je relis le message, encore et encore. La souris se promène, hésitant à appuyer sur le bouton «envoyer». J’efface, je rajoute. Je change des ponctuations. Puis je rechange. Au final, le texte est le même qu’au début, avant que je ne commence à le modifier. Mais encore, j’hésite. Un soupir. Aller, il est parfait comme ça. Ou du moins, il est acceptable. Il parle pour moi. Il dit ce que j’ai à dire. C’est bon. Aller. De nouveau, ma souris se déplace sur l’écran, lentement. Elle finit par se poser sur le bouton, et alors que je finis par cliquer, il ne faut que quelques fractions de secondes pour que l’ordinateur obéisse à la commande. «Le message a été effacé». Je relis le message, deux fois, trois fois, quatre fois. À la cinquième, je ferme l’écran. Bon, la journée commence. Aujourd’hui, je dois me rendre à l’arène. J’ai un entrainement. La vie continue.

(c)Golden
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