Un simple regard vers le plafond vitré suffit à m’indiquer l’heure. La lumière a commencé à faiblir, pour n’être qu’une simple lueur dans le ciel. Je n’avais pas vu le temps passer, et à présent, il est bien temps de rentrer. Toutefois, je sens que mes Pokémon pourraient bien continuer à s’entraîner quelques heures. Ils ne semblent même pas fatiguer. Comme à leur habitude, Rodley et Stella luttent l’un contre l’autre dans un combat féroce et acharné, alors que Naël et Rodriguez se servent l’un de l’autre d’adversaire. Les attaques revolent à droite et à gauche dans une énergie vive. Je ne me sens pas à l’aide à l’idée d’interrompre leur moment. Ça ne se fait pas plus qu’interrompre le coït entre deux adultes consentants. C’est une règle chez nous. Et j’aimerais bien la respecter aujourd’hui, sauf qu’en même temps, à mesure que la lumière disparait dans le ciel, mon ventre grogne de plus en plus. Je pousse un soupir en me penchant pour ramasser Maya, qui n’a pas cessé de fixer les adversaires qui se livrent des coups violents depuis le début de la journée. Elle n’a pas osé s’aventurer parmi les combattants, mais je sens tout de même qu’a plus profond d’elle, elle les envie. Amusé, je lui souris avant de poser une main sur sa tête. La pauvre n’a absolument pas ce qu’il faut pour se battre. Elle est toute petite, et ne possède pas grande force. À quelques reprises j’ai tenté de la faire combattre, mais pas grand-chose n’en est ressorti. Enfin, j’imagine que tous les Pokémon ne possèdent pas une grande force.

Sentant un nouveau grognement dans mon ventre, je décide qu’il est temps de mettre un terme à l’entraînement, même si aucun de mes Pokémon ne semble vraiment désirer s’arrêter. Ma Kraknoix toujours dans les bras, je m’avance sur le terrain, une main en l’air, pour attirer l’attention de mes champions, qui ne semblent même pas remarquer ma présence. Un raclement de gorge les ramène à l’ordre. Tous se retournent vers moi, haletants, couverts de sueur. Un sourire sur le visage, je les invite à me suivre vers la loge, où ils pourront boire et manger avant de se reposer. Leur réaction? Pas vraiment ce à quoi je m’attendais. À peine je termine de parler qu’ils se remettent tous à se battre. Je dois me reculer en vitesse avant de me prendre une attaque en plein visage! Nah mais ça va pas?! Totalement insulté, je m’avance de nouveau, cette fois d’un pas imposant. Une fois au milieu de l’arène, je pousse un cri rauque.

-J’ai dit que l’entraînement était terminé! On m’écoute quand je parle!

Cette fois, je me fais autoritaire. C’est qui le dresseur, ici? C’est moi! Quand-même, hein! Mon regard défi celui de mes Pokémon, qui se sont arrêtés encore une fois, sans toutefois se mettre en marche vers la loge. Ils n’ont pas envie de me suivre. Ils veulent continuer. Mais moi j’ai dit stop. Moi, j’ai faim. Et puis, ce n’est plus qu’une question de manger, à présent. Maintenant, c’est une question de fierté et d’autorité. Si je les laisse faire, comme je pourrais très bien faire, alors ils comprendront qu’ils peuvent ne pas m’écouter. Et ça, je ne peux pas le permettre. Même si je dois me prendre une attaque de plein fouet, je ne broncherai pas. De toute manière, je suis habitué. Il arrive parfois que ces bourriques n’en fassent qu’à leur tête. Quand ça arrive, je dois me montrer plus tenace qu’eux. Mais je ne leur en veux pas, lorsqu’ils me défient ainsi, bien au contraire. Je suis presque heureux, quand ça arrive. Ils me montrent qu’ils ont bien appris de moi. Qu’ils savent s’exprimer, qu’ils savent ce qu’ils veulent. Parfois ça fini mal, mais au moins, ils ne sont pas mous. Mon dieu, s’il fallait que je sois le dresseur d’une équipe de mollassons! Ça, jamais!

Je sens leur regard sur moi. Ils sont comme des bêtes affamés qui viennent d’apercevoir leur première proie depuis des jours. Un faux mouvement, et ils pourraient bien tous me sauter dessus. Je n’ai pas peur, bien évidemment. Jamais ils ne me feraient du mal. Mais ils seraient bien capables de me ligoter et me laisser pourrir ici jusqu’à demain. Toutefois, pas question que je laisse ça se produire. Fermement, je m’approche d’eux, leur lançant des regards menaçants de temps en temps. Maya est toujours dans mes bras, et observe la scène, craintive. Elle est prête à sauter, si jamais l’un de ses coéquipiers décidait de se lancer. Mais de nouveau, mes Pokémon se tournent l’un vers l’autre pour continuer leurs besognes. Je reste là, las. Moi qui m’étais cru imposant… Ils n’ont rien fait! Comme si je n’étais pas là! Je baisse les yeux vers la Kraknoix, pour réaliser que son regard s’est transformé. L’expression apeurée sur son visage s’est dissipée pour laisser place à quelque chose de plus ferme, plus déterminé, plus mauvais. C’est la première fois que je la vois ainsi. Surpris, je la laisse descendre lorsqu’elle se met à grouiller dans mes bras. Visiblement, elle veut descendre, mais pourquoi? Alors que je la pose à terre, elle s’avance sans tarder vers l’équipe de Pokémon insectes qui se battent toujours les uns avec les autres. Sous mon regard interrogateur, elle s’avance vers le milieu de l’arène, où elle se positionne avant de se mettre à hurler avec force. Son cri strident attire immédiatement l’attention de mes champions, qui doivent se couvrir les oreilles tant le cri est puissant. Je dois moi-même plaquer mes mains contre mes oreilles pour ne pas me crever les tympans. Lorsque la Kraknoix juge avoir suffisamment attiré l’attention de ses camarades, elle se met à briller d’une lumière vive. Nous sommes tous intrigués et ne pouvons défaire notre regard de son corps qui s’illumine de plus en plus. Soudainement, les membres de son corps se mettent à s’allonger. Cette fois, il n’y a plus de doute. Elle évolue. Elle se transforme.

Sous le regard ébahi de tous, la lumière émanant du corps de Maya s’estompe, pour laisser paraitre un Pokémon transformé. Il s’agit d’une magnifique Vibraninf. Elle est beaucoup plus grande, plus imposante. Puis puissante aussi. Mes Pokémon l’observent avec de grands yeux, sans oser bouger. Cette fois, pas question de l’ignorer et de continuer à se battre. Non, cette fois, ils obéissent. Sans rien dire, ils se dirigent vers la loge, sans jamais quitter Maya du regard. Alors qu’ils s’éloignent, je m’avance vers la Vribaninf pour me pencher à ses côtés, et ainsi mieux l’observer. Elle n’a plus rien de la petite Kraknoix qu’elle était quelques instants plus tôt. Des ailes lui ont poussés, sa couleur a changé… Elle n’a plus rien de semblable, physiquement, mais je n’ai aucune difficulté à croire qu’il s’agit de la même petite Maya. Son regard, lui, n’a pas changé. Il comporte toujours la même bonté, la même quiétude. Je ne peux retenir un sourire en l’observant. Ma petite Maya. Elle si petite, si fragile. Elle n’était peut-être pas si faible, après tout. Elle n’attendait que le bon moment pour le montrer, j’imagine. Enfin, elle a réussi à s’imposer, à être autoritaire, alors que moi-même n’y arrivais pas. Je ne sais pas si je devrais être bien fier de me faire surpasser par une petite femelle toute mimi, mais je suis bien fier d’elle, en tout cas. J’aurais la chance de m’imposer la prochaine fois, au pire. Mais bon, juste au cas où, j’amènerai Maya avec moi… Juste au cas!